Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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<strong>1956</strong> : QUE COMMÉMORE-T-ON ? PROBLÉMATIQUES ET ENJEUX HISTORIOGRAPHIQUES<br />
Roger MARTELLI<br />
Quelques mots, donc, sur ce processus décisionnel. Puisque des Journées<br />
d’étude fournissent l’occasion de faire le bilan de nos connaissances, je partirai<br />
de ce que nous savons désormais en ce qui concerne le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> <strong>français</strong>.<br />
Et, plus précisément, des éléments nouveaux de connaissance par rapport<br />
à ce que nous savions jusqu’à présent. Car l’ouverture des archives a permis<br />
d’éclairer de manière fort intéressante ce processus de décision <strong>et</strong>, en particulier,<br />
d’en préciser la chronologie. Nous savions que le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> <strong>français</strong>,<br />
ou plus exactement son noyau dirigeant, avec notamment Maurice Thorez,<br />
figure charismatique dont l’autorité est totale à l’intérieur de son parti, s’est<br />
rangé en <strong>1956</strong> dans le camp du refus à la démarche entreprise par Nikita<br />
Khrouchtchev au 20 e congrès du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> de l’Union soviétique<br />
(PCUS). En <strong>1956</strong>, ce camp du refus est majoritaire dans le mouvement <strong>communiste</strong><br />
international ; je proposerai quelques éléments d’interprétation à ce suj<strong>et</strong>.<br />
Nous savions également, <strong>et</strong> l’archive n’a fait que le confirmer, que la délégation<br />
du PCF au 20 e congrès du PCUS a compté parmi le p<strong>et</strong>it nombre d’élus <strong>et</strong> de<br />
responsables qui ont eu le privilège de prendre connaissance, à Moscou même,<br />
du fameux rapport secr<strong>et</strong> à peu près au moment où Khrouchtchev le prononçait<br />
à huis-clos, le 25 février. La totalité de la délégation <strong>français</strong>e 1 , puisque Maurice<br />
Thorez a fait traduire le document par Georges Cogniot, qui en a donné ensuite<br />
lecture. Il n’en va pas de même dans le cas du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> italien (PCI),<br />
par exemple, seul autre parti <strong>communiste</strong> occidental à avoir connaissance du<br />
rapport. Palmiro Togliatti a reçu le rapport <strong>et</strong>, connaissant le russe, il a pu le lire,<br />
mais n’en a pas dit pas un mot à ses camarades présents à Moscou. Tout ceci, je<br />
le répète, était largement connu.<br />
Ce que nous percevons mieux aujourd’hui, c’est le déroulement de la<br />
suite, c’est-à-dire la chronologie de la réception du 20 e congrès, notamment en<br />
France. Je rappelle brièvement que la délégation du PCF rentre en France au<br />
début mars <strong>et</strong> que, le 9 mars, Jacques Duclos fait acclamer le nom de Staline<br />
devant les militants <strong>communiste</strong>s réunis à Paris, salle Wagram. <strong>Le</strong> 13 mars, le<br />
bureau politique se réunit. Nous n’en avions pas de trace jusqu’alors, mais grâce<br />
au travail accompli par Mathilde Régnaud-Nassar qui présentera demain une<br />
communication sur les notes <strong>et</strong> les carn<strong>et</strong>s de Maurice Thorez, nous connaissons<br />
désormais les notes personnelles du dirigeant <strong>communiste</strong> sur c<strong>et</strong>te séance du<br />
bureau politique. Lors de la réunion, Thorez évoque le 20 e congrès de façon<br />
quasi subliminale. Il rend compte de ce qui a été dit au suj<strong>et</strong> de Staline, mais il<br />
reste mu<strong>et</strong> sur le rapport secr<strong>et</strong>. Il adopte donc la position à laquelle se range au<br />
même moment Togliatti en Italie, c'est-à-dire le silence : le 13 mars, on ne parle<br />
pas du rapport secr<strong>et</strong>. <strong>Le</strong>s difficultés commencent lorsque, le 16, le New York<br />
Times publie, sous la plume de son correspondant à Moscou, Harrison Salisbury,<br />
une information sur la discussion en cours parmi les <strong>communiste</strong>s<br />
1 La délégation était composée de Maurice Thorez, Jacques Duclos, Georges Cogniot <strong>et</strong> Pierre Doize.<br />
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