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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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L’ANNÉE <strong>1956</strong> : UNE BORNE DE PÉRIODISATION OPÉRATIONNELLE POUR LA RECHERCHE ?<br />

Michel DREYFUS<br />

L’année <strong>1956</strong> est intéressante : à l’exception du Pacte germano-soviétique<br />

qui crée une situation exceptionnelle, le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> est pour la première<br />

fois de son histoire sur la défensive par rapport à ce qui se fait en Union<br />

soviétique. Il se trouve en eff<strong>et</strong> sur la défensive, dans la mesure où il ne veut<br />

pas adm<strong>et</strong>tre le rapport « attribué » à Khrouchtchev. Un tel cas de figure n’est<br />

jamais arrivé auparavant. Pour le montrer, je prendrai deux exemples de décisions<br />

politiques fort discutables, qui pourtant n’ont pas été discutées par le<br />

<strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> <strong>français</strong> <strong>et</strong> ne l’ont pas mis en difficulté. La première, c’est<br />

ce qui s’est passé en Allemagne de 1930 à 1933 : la politique totalement suicidaire<br />

de l’Internationale <strong>communiste</strong> a très largement contribué à la désunion<br />

ouvrière <strong>et</strong> à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, événement majeur de l’histoire<br />

européenne <strong>et</strong> mondiale. Il n’y a pas eu alors le moindre débat au sein de l’Internationale<br />

<strong>communiste</strong>, ni dans ses sections, en France ou ailleurs. Il s’agissait<br />

pourtant, on le mesure aujourd’hui, d’une orientation absolument catastrophique,<br />

gravissime mais il n’y a eu aucune critique à son suj<strong>et</strong>. <strong>Le</strong> second<br />

exemple est constitué par les procès de Moscou de 1936 à 1938. Qui les défend<br />

aujourd’hui ? Plus personne. Lorsqu’ils se déroulent, ils suscitent, certes, la<br />

protestation d’André Gide ainsi que de quelques trotskystes, socialistes de gauche,<br />

<strong>et</strong>c, mais au sein de l’univers <strong>communiste</strong>, il ne se passe pratiquement<br />

rien. Aussi quand, en <strong>1956</strong>, un événement politique survenu en Union soviétique<br />

m<strong>et</strong>, pour la première fois de son existence, le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> <strong>français</strong><br />

en difficulté, celui-ci a du mal à l’adm<strong>et</strong>tre. Cela constitue pour lui un phénomène<br />

tout à fait nouveau.<br />

Je m’autorise une seconde remarque. Je pense que nous sommes tous<br />

d’accord pour considérer que c’est du côté des intellectuels que commence<br />

la contestation. Sans entrer dans les détails, je crois que nous le serons également<br />

pour dire qu’ailleurs, que ce soit dans l’appareil municipal, au sein du<br />

parti profond ou dans son appareil, ainsi que dans les organisations syndicales<br />

— en premier lieu la CGT — les conséquences de <strong>1956</strong> restent limitées.<br />

Ceux qui abordent les questions de fond <strong>et</strong> qui interpellent le parti sont essentiellement<br />

des intellectuels. Ce sont eux qui s’expriment le plus <strong>et</strong> ils sont<br />

aussi les plus visibles parce qu’ils écrivent, ils laissent des traces. On peut<br />

dire sans grand risque de se tromper, que <strong>1956</strong> introduit une sorte de divorce<br />

ou de lézarde — je vous laisse le choix du terme — qui entame l’audience<br />

dont bénéficiait le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> chez les intellectuels, dans le monde<br />

artistique <strong>et</strong> culturel, <strong>et</strong>c. Nous serons tous d’accord sur ce point. Cela dit,<br />

<strong>1956</strong> constitue évidemment un événement dans l’histoire du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong>,<br />

mais quelle est son importance réelle sur le parti ? La réponse n’est pas<br />

simple car il faut relativiser les problèmes. Une des grandes difficultés que<br />

rencontre l’historien est de distinguer ce qui est important de ce qui l’est<br />

moins : il existe des hiérarchies implicites mais ce qui est le plus visible n’est<br />

pas nécessairement ce qui compte le plus. En revanche, il ne fait aucun doute<br />

que <strong>1956</strong> annonce les difficultés que rencontrera par la suite le PCF avec ses<br />

intellectuels.<br />

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