Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />
maison ; il sont contraints de l’avoir car ceux qui n’ont pas l’esprit maison <strong>et</strong> qui<br />
ne s’y sentent pas bien, n’ont qu’à partir. Mais au bout d’un moment, la vie de<br />
l’entreprise ne se renouvelle plus, perd de la dynamique <strong>et</strong> un moment survient<br />
où l’usage - complexe - de la prise de parole peut perm<strong>et</strong>tre la survie de l’entreprise.<br />
Ce schéma est utilisé en sciences politiques en raison de l’intérêt qu’il est<br />
susceptible de présenter pour l’étude de certaines situations précises. Je vais<br />
l’appliquer ici au <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> dans c<strong>et</strong>te année <strong>1956</strong>, en en passant successivement<br />
en revue chacun des piliers.<br />
La loyauté : c’est ce qui va dominer, cela a déjà été rappelé par plusieurs<br />
d’entre-nous. Jacques Duclos, Maurice Thorez définissent les axes de c<strong>et</strong>te<br />
loyauté, offrant la possibilité de recevoir l’événement 20 e congrès du PCUS, de<br />
fournir une réponse aux événements de Hongrie, tout en continuant à mener la<br />
lutte anti-coloniale. Sur le fond, le bureau politique, le comité central, les municipalités,<br />
les députés pour l’essentiel, <strong>et</strong>c. restent bien dans le cadre de c<strong>et</strong>te<br />
loyauté.<br />
L’exit : il touche essentiellement un milieu précis, celui des intellectuels<br />
<strong>et</strong> du monde artistique. Ce n’est pas négligeable, car le lien avec ce milieu était<br />
un des points forts du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> à la Libération. La perte est incontestablement<br />
considérable, mais on voit bien qu’elle ne peut pas influer sur l’intérieur,<br />
sur ce qui constitue l’appareil du parti. L’exit joue également sur d’autres<br />
marges : les coloniaux, <strong>et</strong> pas par hasard, mais comme un eff<strong>et</strong> du vote des pouvoirs<br />
spéciaux. J’écoutais tout à l’heure les témoignages relatifs à c<strong>et</strong>te question.<br />
Je comprends tout à fait que des témoins puissent évoquer des questions en rapport<br />
avec la situation politique <strong>français</strong>e. Mais, je prendrai deux exemples simples,<br />
non pas pour contredire leurs propos, mais afin de montrer comment les<br />
choses peuvent jouer, comment les pouvoirs spéciaux sont entendus par les<br />
militants <strong>communiste</strong>s algériens sur le territoire <strong>français</strong>. A l’occasion d’un<br />
exposé sur la situation de Boulogne-Billancourt en 1968, j’ai entendu l’ancien<br />
dirigeant <strong>communiste</strong> Claude Poperen affirmer que « c’est à partir des pouvoirs<br />
spéciaux que nous avons perdu notre influence sur les militants algériens à<br />
Boulogne-Billancourt ». Ce qui, en tant que responsable politique dans c<strong>et</strong>te<br />
entreprise, lui a rendu les choses difficiles jusqu’en 1968 inclus. Auparavant, il<br />
pouvait avoir le contact <strong>et</strong> influer directement à l’intérieur de ce milieu. Ensuite,<br />
il lui a fallu composer avec lui comme tel, négocier, dialoguer <strong>et</strong> trouver des<br />
accords avec un milieu qui regardait le PCF de l’extérieur. Un autre exemple,<br />
peut-être anecdotique, mais comme on en trouverait sans doute beaucoup d’autres.<br />
Edouard Delépine, responsable des étudiants coloniaux à Paris, était antillais<br />
<strong>et</strong> fréquentait le restaurant du quartier latin, réservé aux étudiants maghrébins<br />
: tunisiens, algériens, <strong>et</strong>c. Après le vote des pouvoirs spéciaux, il n’a plus<br />
pu accéder à ce restaurant qui lui était désormais interdit, ce qui a constitué une<br />
souffrance car c’est précisément là qu’il était possible de nouer des liens.<br />
La prise de parole : je crois que c’est au regard de ce critère que le moment<br />
est particulièrement important. Michel Dreyfus l’a évoqué, c<strong>et</strong>te prise de parole<br />
s’effectue à travers des voix du courant oppositionnel qui s’organise en fractions,<br />
ou par l’entremise de voix plus institutionnelles. Elle peut prendre des formes<br />
diverses, mais elle devient indispensable, parce que le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> est, de