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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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L’ANNÉE <strong>1956</strong> : UNE BORNE DE PÉRIODISATION OPÉRATIONNELLE POUR LA RECHERCHE ?<br />

Ces vagues de départs — exclusions ou démissions — illustrent le trouble<br />

profond ressenti par de nombreux intellectuels tout au long de <strong>1956</strong> puis<br />

dans les années qui suivent. Pourtant ce tableau serait incompl<strong>et</strong> si n’étaient<br />

brièvement évoqués les remous suscités au sein du PCF par la question de<br />

l’avortement <strong>et</strong> de la contraception 255 . Bien plus réduits que ceux qui viennent<br />

d’être décrits, ces remous montrent, à leur façon, l’incapacité du PCF à comprendre<br />

certaines mutations fondamentales de la société <strong>français</strong>e. Sur la question<br />

de la contraception, le PCF se fige sur une posture défensive analogue à<br />

celle qu’il exprime sur les grandes questions immédiatement politiques de l’appréciation<br />

du stalinisme, du 20 e congrès ainsi que de la Pologne <strong>et</strong> de la Hongrie.<br />

<strong>Le</strong> PC apparaît ainsi complètement à rebours des évolutions en cours sur<br />

ces questions fort différentes.<br />

<strong>Le</strong> 8 mars <strong>1956</strong> se constitue une nouvelle association, La Maternité heureuse<br />

dont le but est de lutter contre l’interdiction légale qui frappe alors toute<br />

information relative à la contraception. La mise sur pied de La Maternité heureuse<br />

est un signe discr<strong>et</strong>, alors peu apparent, de l’évolution des mentalités sur<br />

une question qui concerne directement des centaines de milliers de femmes. La<br />

Maternité heureuse veut m<strong>et</strong>tre fin aux multiples drames provoqués par les centaines<br />

de milliers d’accouchements annuels qui ont lieu alors dans tout le pays.<br />

Or, dès ses débuts, les objectifs de La Maternité heureuse sont condamnés par<br />

le PCF, par la bouche de Jeann<strong>et</strong>te Vermeersch : la femme du secrétaire général<br />

vante le droit à la maternité des femmes <strong>et</strong> tout le bonheur qu’elles ont à être<br />

mamans, <strong>et</strong> rien d’autre. <strong>Le</strong> 7 mars <strong>1956</strong>, Marie-Claude Vaillant-Couturier<br />

condamne la propagande « néo-malthusienne <strong>et</strong> p<strong>et</strong>ite-bourgeoise », tout en<br />

niant le fait qu’il « y ait trop d’enfants en France. Voilà pourquoi, plutôt que le<br />

droit de ne pas avoir d’enfants, nous réclamons le droit à maternité, dans la<br />

joie, sans douleur, sans crainte ». <strong>Le</strong> PCF ne comprend absolument pas la signification<br />

de ce nouveau terrain de lutte dans lequel s’engagent, de façon pionnière,<br />

un certain nombre de femmes : beaucoup sont d’abord issues des milieux<br />

protestants <strong>et</strong> francs-maçons.<br />

Ce débat ne reste pas sans conséquences, y compris au sein du PCF. En<br />

1955, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, directeur du journal Libération a<br />

chargé le journaliste <strong>communiste</strong> Jacques Derogy d’enquêter sur la question de<br />

ce que l’on appelle alors le birth control. Durant l’été 1955, Jacques Derogy<br />

visite des centres en Angl<strong>et</strong>erre <strong>et</strong> en Suisse, puis publie à l’automne 1955,<br />

dans Libération, une dizaine d’articles sous un titre quelque peu provoquant :<br />

« <strong>Le</strong>s femmes sont-elles coupables » ? Sa démarche provoque de nombreuses<br />

réactions <strong>et</strong> suscite l’ouverture d’une tribune des lecteurs. Mais en mai <strong>1956</strong>,<br />

Maurice Thorez condamne l’orientation défendue par Jacques Derogy qui<br />

quitte peu après le parti. Ce blocage sur les positions les plus traditionnelles qui<br />

soient ne rehausse pas le prestige du PCF, en particulier dans les milieux intel-<br />

255 Sur ce qui suit, cf. Sylvie Chaperon, <strong>Le</strong>s années Beauvoir, (1945-1970), Paris, Fayard, 2000,<br />

430 p., notamment, pp. 238-252.<br />

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