Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
L’ANNÉE <strong>1956</strong> VÉCUE PAR DES MILITANTS COMMUNISTES<br />
tes, d’envisager la réalisation d’un proj<strong>et</strong>, on ne donne pas les clés comme ça à<br />
quelqu’un. J’estime qu’en la circonstance, le PCF a cédé avant même d’avoir<br />
essayé de combattre.<br />
Jean CORDILLOT<br />
On ne peut pas dire que le gouvernement de Guy Moll<strong>et</strong> n’avait pas de<br />
proj<strong>et</strong>. Des dispositifs très précis figuraient dans le proj<strong>et</strong> de loi sur les pouvoirs<br />
spéciaux. Et Guy Moll<strong>et</strong> disait « oui, il y a des mesures militaires qui sont prévues,<br />
mais je veux les utiliser pour contraindre les partisans de la force en Algérie,<br />
pour contraindre les gros possédants ». Personnellement, je n’y croyais pas.<br />
Je ne croyais pas à sa volonté politique. Mais on ne peut pas dire qu’il n’y avait<br />
pas de proj<strong>et</strong>. Si je reste convaincu qu’il ne fallait pas voter les pouvoirs spéciaux,<br />
je suis néanmoins persuadé que si nous ne les avions pas votés, une campagne<br />
anti<strong>communiste</strong> effrénée aurait été déclenchée. Il est vrai qu’aux élections<br />
partielles de l’Yonne, le 1 er juill<strong>et</strong>, le PCF a perdu 5 000 voix. Je pense que<br />
le vote des pouvoirs spéciaux y a été pour quelque chose, entre autres facteurs.<br />
Mais si nous avions voté autrement, nous aurions vraisemblablement perdu<br />
aussi des voix, pour des raisons inverses. <strong>Le</strong> problème, c’est que nous n’avons<br />
pas analysé pourquoi nous avions perdu des voix.<br />
Nathalie ETHUIN<br />
La discussion qui a lieu prouve à quel point il est difficile, cinquante ans<br />
après, de parler de l’année <strong>1956</strong>. Je souhaitais réagir à l’intervention d’Henri<br />
Martin. Je pense qu’il a dû être difficile pour vous, Monsieur Martin, d’entendre<br />
durant ces deux journées, les interprétations de jeunes chercheurs qui n’ont<br />
jamais vécu c<strong>et</strong>te expérience, qui n’ont pas eu à vivre ces contradictions, ces<br />
périodes de violence que vous venez de rappeler. Mais il ne me semble pas qu’il<br />
y ait eu, de la part de qui que ce soit, la volonté de donner des leçons. Nous<br />
n’étions pas là pour vous dire : « vous auriez dû, ou vous n’auriez pas dû, voter<br />
les pouvoirs spéciaux, <strong>et</strong>c. », mais pour objectiver ce qui s’est passé. Disant<br />
cela, je mesure à quel point il peut être inconfortable, cinquante ans après, de<br />
voir des jeunes chercheurs objectiver ce que vous avez fait <strong>et</strong> vécu. Personnellement,<br />
je tiens à préciser que je n’ai jamais voulu donner de leçon à quiconque.<br />
Lorsque j’ai rappelé que Jacques Duclos avait fait applaudir Staline à la salle<br />
Wagram, je n’ai jamais dit, <strong>et</strong> personne ne l’a dit, ni hier, ni aujourd’hui, qu’il<br />
avait fait applaudir les crimes de Staline, mais qu’il avait fait applaudir ce qu’il<br />
avait appelé « les mérites » de Staline, en le contextualisant.<br />
Ce point me perm<strong>et</strong> de revenir sur ce que je disais dans ma communication<br />
en évoquant « la posture d’historien trouble mémoire ». J’ai emprunté c<strong>et</strong>te<br />
expression à Pierre Laborie, qui qualifiait ainsi les historiens qui ont travaillé sur<br />
la Résistance. Il écrivait à ce suj<strong>et</strong> que « l’historien est <strong>et</strong> doit être un trouble<br />
mémoire, attentif à rappeler que des lignes de partage existent, que tous les<br />
écarts ne sont pas réductibles. Ecart entre la conviction de l’expérience vécue<br />
217