Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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L’ANNÉE <strong>1956</strong> VÉCUE PAR DES MILITANTS COMMUNISTES<br />
la politique marocaine <strong>et</strong> tunisienne ; dans ces conditions, nous décidions de nous<br />
abstenir volontairement, ce que l’Humanité traduisit par : « le groupe <strong>communiste</strong><br />
refuse la confiance ». En réalité, c'est seulement quelques mois plus tard<br />
que, la question de confiance étant une fois encore posée, nous avons voté contre.<br />
L'opinion publique n'évoluait pas dans le sens que nous souhaitions. Nous<br />
avons pu le vérifier à l'occasion d’une élection législative partielle qui eut lieu<br />
dans l'Yonne en juill<strong>et</strong>, à la suite de l'invalidation du député poujadiste <strong>et</strong> de la<br />
démission de celui qui avait été nommé pour lui succéder. <strong>Le</strong> <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong><br />
perdait 4 695 voix tandis que le <strong>Parti</strong> socialiste progressait légèrement en voix<br />
<strong>et</strong> en pourcentage. Il y avait à ce recul plusieurs raisons. L’envoi du contingent<br />
en Algérie ne s'était pas traduit par une levée de boucliers. L'aspiration à la fin<br />
de la guerre restait forte mais l'idée progressait que ce résultat serait obtenu par<br />
une victoire sur les « rebelles » plutôt que par une négociation : au fond, la thèse<br />
de « l'Algérie, trois départements <strong>français</strong> » n'avait pas fini de faire des ravages.<br />
Et notre vote du 12 mars avait contribué à désorienter notre électorat, je le pense<br />
sincèrement. D'ailleurs, il nous fut reproché à plusieurs reprises au cours de la<br />
campagne, bien différente de celle qui avait précédé le 2 janvier. L’espoir n’était<br />
plus là (ce qui se traduisait aussi par des abstentions beaucoup plus nombreuses)<br />
<strong>et</strong> le nouveau Front populaire n’était plus à l’ordre du jour.<br />
Enfin, les révélations du 20 e congrès du PCUS sur le rôle de Staline, les<br />
tergiversations, le mot est faible, à propos du « rapport attribué à Khrouchtchev<br />
», les révoltes réprimées de Poznan ébranlaient de toute évidence la<br />
confiance de pas mal de nos électeurs, comme le soulignait l’Yonne républicaine<br />
dans ses commentaires au lendemain du scrutin. <strong>Le</strong> rédacteur parlementaire<br />
du journal notait que « c<strong>et</strong>te élection était considérée à Paris comme un<br />
test de première importance ». Nous n'avons certainement pas accordé à c<strong>et</strong>te<br />
remarque toute l'attention qu'elle méritait <strong>et</strong> ne nous sommes pas livrés à une<br />
analyse suffisamment rigoureuse des résultats. Notre recul de près de 5 000 voix<br />
fut occulté à nos yeux par une perte de pourcentage limitée de 0,3 % jugée<br />
négligeable, alors qu'à y regarder de plus près, ce faible écart en pourcentage<br />
était dû à une forte abstention <strong>et</strong> à un nombre de bull<strong>et</strong>ins blancs <strong>et</strong> nuls exceptionnellement<br />
élevé. Enfin, nous sous-estimions la portée de la progression<br />
importante enregistrée par le candidat poujadiste qui n'était pas sans rapport<br />
avec l'évolution de l'opinion au regard de la guerre d'Algérie. Mais l’heure<br />
n’était pas à un regard résolument critique, à la remise en cause ni de l’appréciation<br />
sur le 20 e Congrès, ni de notre vote du 12 mars. Au congrès du Havre,<br />
nous aurions pu analyser l’élection partielle de l’Yonne <strong>et</strong> en tirer de premiers<br />
enseignements. Nous ne l'avons pas fait.<br />
Tardivement, le parti a révisé son appréciation sur le vote du 12 mars par<br />
la voix d’Etienne Fajon <strong>et</strong>, je crois, de Roland <strong>Le</strong>roy. Tardivement, trop à mon<br />
gré <strong>et</strong> pas de façon totalement satisfaisante. Personnellement, ce vote ne cesse<br />
de me tarauder aujourd’hui encore, même si j’adm<strong>et</strong>s que la situation était<br />
exceptionnellement complexe, même surtout - <strong>et</strong> j’y insiste - si le parti dans son<br />
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