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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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L’ANNÉE <strong>1956</strong> VÉCUE PAR DES MILITANTS COMMUNISTES<br />

<strong>Le</strong>s résultats du 2 janvier, on les connaît : en dépit des apparentements,<br />

une forte progression du nombre de députés <strong>communiste</strong>s (153), qui formaient<br />

désormais le groupe le plus nombreux à l'Assemblée ; un succès aussi pour le<br />

<strong>Parti</strong> socialiste <strong>et</strong> pour les radicaux qui s’étaient déclarés favorables à la paix <strong>et</strong><br />

qui constituaient ensemble le Front républicain. <strong>Le</strong> président de la République<br />

ayant fait appel à Guy Moll<strong>et</strong> pour diriger le gouvernement, nous décidâmes de<br />

lui accorder l'investiture. Je n'ai pas souvenir que des réticences se soient exprimées<br />

à ce suj<strong>et</strong> au sein du groupe. Mais quelques semaines plus tard, Guy Moll<strong>et</strong><br />

déposait un proj<strong>et</strong> de loi accordant au gouvernement des pouvoirs spéciaux<br />

qu'il justifiait par la situation en Algérie, laquelle disait-il, appelait le recours à<br />

des mesures <strong>et</strong> à des procédures exceptionnelles, <strong>et</strong> il posait la question de<br />

confiance.<br />

Je garde le souvenir très vif de la réunion commune du groupe parlementaire<br />

<strong>et</strong> du comité central qui se tînt à l'Assemblée, salle Colbert, avant le vote<br />

fixé au 12 mars. Je n'étais pas partisan d'accorder les pouvoirs spéciaux. Certes,<br />

Guy Moll<strong>et</strong> affirmait vouloir les utiliser pour ramener la paix <strong>et</strong>, s'il le fallait,<br />

user de contrainte à l’égard de ceux qui s’y opposeraient. Mais la façon dont il<br />

avait capitulé devant les ultras, le 6 février, à Alger, me laissait plus que dubitatif<br />

; en outre, il était fait mention très explicitement, dans le proj<strong>et</strong> de loi, de<br />

mesures de caractère militaire qui m'inspiraient les plus sérieuses inquiétudes.<br />

J'avais souvent eu l'occasion d'apprécier la clarté, la chaleur <strong>et</strong> la force de<br />

persuasion des interventions de Maurice Thorez ; mais, ce jour-là, il ne m’apparut<br />

pas convaincant. Il ne fit que répéter à maintes reprises, probablement sentait-il<br />

les réticences du groupe, le même argument : « il ne faut pas risquer de<br />

sacrifier le tout à la partie ». <strong>Le</strong> « tout » c'était l'union à gauche ouvrant la voie<br />

à un nouveau Front populaire <strong>et</strong>, on le comprend, je n'y étais pas insensible ;<br />

mais la « partie » c'était l'Algérie, la paix ou la guerre <strong>et</strong> ça pesait lourd. L'hypothèse<br />

a été émise dans la discussion de ce matin qu’il pouvait y avoir dans le<br />

« tout » une perspective de détente <strong>et</strong> la politique adoptée au regard du Maroc<br />

<strong>et</strong> de la Tunisie : en tout cas, il n’y fut fait aucune allusion ce jour-là ; c'est seulement<br />

au mois de juin, comme je le préciserai ultérieurement, que c<strong>et</strong> argument<br />

a été utilisé.<br />

La première intervention fut le fait de Pierre Courtade, hostile à un vote<br />

favorable, qui exprima son point de vue avec une certaine violence <strong>et</strong> qui fut<br />

vertement repris par Jeann<strong>et</strong>te Vermeersch. Je formulai timidement les objections<br />

qui étaient les miennes ; un autre député - lequel ? je ne le sais plus - se dit<br />

également contre. Beaucoup étaient tentés par l’abstention mais personne ne<br />

s’en fit l’écho. Tous les autres intervenants, ils furent assez peu nombreux d'ailleurs,<br />

approuvèrent les raisons invoquées en faveur d'un vote positif. En fait, je<br />

pense aujourd'hui qu'il n'était question que d'avaliser une décision déjà prise au<br />

bureau politique. Je veux quand même ajouter que nous étions l'obj<strong>et</strong> de certaines<br />

pressions : ainsi, plusieurs d'entre nous avaient été abordés dans les couloirs<br />

par le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, Georges Guille, député<br />

socialiste de l'Aube, qui nous avait amicalement conseillés, ce sont ses propres<br />

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