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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />

Danielle TARTAKOVSKY<br />

La parole est maintenant à Jean Cordillot, qui était député de l'Yonne <strong>et</strong><br />

qui nous parle de <strong>1956</strong> vu d’un autre terrain.<br />

Jean CORDILLOT<br />

Secrétaire de la fédération <strong>communiste</strong> <strong>et</strong> député de l’Yonne, j'ai vécu<br />

<strong>l'année</strong> <strong>1956</strong> de manière très intense. Il n’est pas possible de traiter de tous les<br />

événements auxquels j’ai été directement mêlé dans le temps qui m’est imparti :<br />

je choisis donc de n’aborder que les questions liées à la guerre d'Algérie.<br />

J'ai été élu député le 2 janvier <strong>1956</strong> après une campagne brève mais<br />

intense, sur laquelle je crois devoir revenir un instant pour la bonne compréhension<br />

des choses. La campagne que j'ai animée mobilisa des foules importantes<br />

au cours d'une bonne centaine de réunions publiques. Elle fut axée autour de<br />

deux thèmes majeurs : la paix en Algérie <strong>et</strong> la perspective d'un nouveau Front<br />

populaire. Ces deux thèmes rencontraient des échos profonds.<br />

Pour ce qui concerne l'Algérie, l'aspiration à la paix était réelle. A la fin de<br />

1955 déjà, des manifestations contre la guerre, assez nombreuses, s'étaient<br />

déroulées dans le pays, pas toujours - mais souvent - à l'initiative du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong>.<br />

Même si la revendication de l'indépendance algérienne n'était pas clairement<br />

formulée, nous demandions impérativement la reconnaissance du bienfondé<br />

de la revendication à la liberté du peuple algérien <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>rait d'Algérie<br />

des troupes <strong>et</strong> des forces de police qui y avaient été acheminées. Et puis, <strong>et</strong> il<br />

faut s'en souvenir, au cours de la campagne, Guy Moll<strong>et</strong> lui-même avait fustigé<br />

« une guerre imbécile <strong>et</strong> sans issue », ce sont ses propres termes.<br />

Quant au thème du nouveau Front populaire, il éveillait aussi des résonances<br />

extrêmement sensibles : le souvenir de 1936 demeurait très présent <strong>et</strong><br />

l'amélioration des rapports entre socialistes <strong>et</strong> <strong>communiste</strong>s, n<strong>et</strong>tement perceptible,<br />

suscitait de vrais espoirs. A ce propos, je livre deux souvenirs personnels<br />

qui me semblent aller bien au-delà de l'anecdote. L'instituteur <strong>et</strong> maire<br />

socialiste de Charmoy, localité proche de Migennes, qui s'était signalé quelques<br />

années auparavant par son anticommunisme militant <strong>et</strong> même virulent -<br />

j'en avais fait moi-même les frais au cours d'une campagne pour les élections<br />

cantonales - prit la parole au cours de ma réunion publique. Contrairement à<br />

mon attente il fit l'éloge, je le cite « du jeune candidat <strong>communiste</strong> militant<br />

dévoué, républicain sincère, laïc éprouvé » <strong>et</strong> du candidat socialiste « autodidacte<br />

de grande intelligence », souhaitant l'élection de l'un <strong>et</strong> de l'autre, ce qui<br />

fut le cas d'ailleurs puisque c'était une élection à la proportionnelle, il est vrai<br />

assortie des apparentements. A Sergines, gros bourg du Sénonais, où une centaine<br />

de personnes participaient à ma réunion, je vis un homme d’une quarantaine<br />

d’années essuyer ses larmes alors que j'évoquais le Front populaire. Il<br />

prit la parole <strong>et</strong>, la voix hachée par l'émotion, il dit ce que c<strong>et</strong>te période lui<br />

avait apportée à lui, jeune paysan, <strong>et</strong>, comme je prenais congé, il vint me serrer<br />

la main <strong>et</strong>, me tutoyant spontanément, me dit « si tu es élu n'oublie pas :<br />

le nouveau Front populaire ».

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