Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />
Pour ce qui concerne les textes des années 1970, notamment celui que j’ai<br />
écrit sur <strong>1956</strong> dans Etapes <strong>et</strong> Problèmes, il s’agit d’un obj<strong>et</strong> hybride, à la fois<br />
historique <strong>et</strong> politique. Il procède en eff<strong>et</strong> d'une double volonté : le désir de revisiter<br />
l'histoire du communisme, <strong>et</strong> à c<strong>et</strong>te époque, mes modèles sur la manière<br />
de penser <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>ravailler sur l'histoire du parti étaient plutôt du côté de l'historiographie<br />
<strong>communiste</strong> italienne ; <strong>et</strong> puis un objectif politique, qui était de participer<br />
à l'effort de réformation du communisme de l'intérieur avec c<strong>et</strong>te conviction<br />
que cela nécessitait de comprendre pourquoi cela n'avait pas bougé<br />
auparavant. C’est, entre autres, pour cela que je me suis intéressé à <strong>1956</strong>,<br />
comme <strong>l'année</strong> de l'entrée du PCF dans une sorte de tentation de l'immobilisme.<br />
A un moment où la société bouge, un blocage s'opère par le prisme de la question<br />
de Staline <strong>et</strong> du 20 e congrès, cela m'intéressait de tâcher de comprendre<br />
pourquoi.<br />
Je terminerai en disant que, pour désigner ce blocage, j'avais eu l'idée<br />
d'user d'une métaphore - <strong>et</strong> j'insiste bien sur le terme de métaphore - la notion<br />
de « r<strong>et</strong>ard ». J’ai été un peu surpris de constater que, quelque temps après, ce<br />
qui n'était qu'une simple <strong>et</strong> p<strong>et</strong>ite métaphore se trouvait érigé en véritable<br />
concept. Un concept qui a même été théorisé par certains philosophes <strong>communiste</strong>s<br />
comme une catégorie philosophique qui prenait quasiment un statut de<br />
catégorie fondamentale du marxisme. J'avoue que j'ai été un peu gêné de ce glissement<br />
d’un mot destiné à illustrer une idée à un concept, une catégorie capable<br />
d'expliquer à elle seule. Il me semblait qu'en procédant ainsi, on quittait les<br />
rivages de l'histoire. Et quand on quitte trop les rivages de l'histoire, on fait souvent<br />
de la mauvaise politique. Je pense que j'avais raison d'être inqui<strong>et</strong> sur les<br />
usages de ladite catégorie.<br />
Nathalie ETHUIN<br />
Je suis tout à fait d’accord avec ce que Roger Martelli vient de dire sur<br />
l'hybridation entre les registres savant <strong>et</strong> militant, dont le livre Etapes <strong>et</strong> problèmes<br />
fournit effectivement un exemple. Je voudrais préciser un point parce que<br />
tout à l'heure, je suis passée beaucoup trop rapidement sur la valorisation des travaux<br />
des historiens <strong>communiste</strong>s ou des historiens <strong>et</strong> <strong>communiste</strong>s <strong>français</strong> dans<br />
les années 1970. <strong>Le</strong>s choses n’ont pas toujours été si simples. Tout au long de la<br />
décennie 1970, il y a eu des débats au sein de la direction du PCF pour savoir ce<br />
qu'il fallait enseigner dans les écoles du parti. <strong>Le</strong> souci s’exprime d’avoir un «<br />
enseignement équilibré » de l'histoire. <strong>Le</strong>s interventions d’Etienne Fajon, qui<br />
était responsable à l'éducation, disent en permanence « attention, n'allons pas<br />
trop loin, faisons un enseignement équilibré de l'histoire ». Par exemple, une<br />
note de Fajon du 29 avril 1975 contient c<strong>et</strong>te formule : « En ce qui concerne l'enseignement<br />
de l'histoire à l'école centrale, les discussions nécessaires sont en<br />
cours avec les camarades de l'Institut » puis, plus loin, informe que Ellenstein<br />
ne fera plus le cours sur l'URSS en 1975 : « On utilisera les quatre volumes mais<br />
Ellenstein ne fait plus les cours » avec la précision entre parenthèses « il a pris<br />
la chose avec mauvaise humeur ». Je l’ai rappelé dans ma communication, en