Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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LE PCF FACE À <strong>1956</strong> : RUPTURE OU CONTINUITÉ ?<br />
Nous n’avons pas d’éléments continus sur les ventes <strong>et</strong> leur évolution pendant<br />
la guerre froide. Mais le fait que la production se tasse, voire baisse,<br />
démontre que c’est une période qui ne se traduit pas par une envolée des titres<br />
<strong>et</strong> des tirages. En revanche, l’état de santé de la distribution <strong>et</strong> de la diffusion est<br />
mieux connu. La situation économique du CDLP se dégrade depuis la Libération<br />
181 . Qui plus est, les éditeurs reprochent à c<strong>et</strong>te société de ne pas soutenir une<br />
partie de la production (les romans soviétiques par exemple).<br />
Quant à la diffusion auprès des librairies, la situation n’est guère plus florissante.<br />
Est-ce dû à la mauvaise adaptation de la production éditoriale aux<br />
attentes du public ? Ou est-ce dû à un anti-communisme latent des libraires <strong>français</strong><br />
? <strong>Le</strong> <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> hésite lui-même entre la dénonciation d’une censure<br />
non avouée (on parle de « complot du silence » ou de « mur du silence ») <strong>et</strong> la<br />
recherche du soutien de ces mêmes libraires 182 . Dans ce dernier cas, le PCF n’hésite<br />
pas à jouer un rôle de lobbying en prom<strong>et</strong>tant tantôt un gain de clientèle tantôt<br />
un boycott. Mais les menaces comme les sollicitations « aimables » n’ont<br />
sans doute pas été entendues. La réalité de ce sentiment de rej<strong>et</strong> est aussi constatée<br />
par le faible écho de ces publications dans la presse non <strong>communiste</strong>.<br />
De fait, le PCF a les plus grandes difficultés à dépasser le milieu militant,<br />
alors que, paradoxalement, c’est la période pendant laquelle ses maisons d’édition<br />
se rapprochent le plus du modèle éditorial « bourgeois », par son organisation,<br />
son approche du lectorat <strong>et</strong> son catalogue. La transformation du catalogue<br />
de ces maisons d’édition en un catalogue qui s’approche des pratiques éditoriales<br />
courantes (des livres au lieu de brochures, des romans <strong>et</strong> des essais au lieu<br />
de discours <strong>et</strong> d’actes de congrès) implique que le PCF s’adresse au même<br />
public, au même lectorat qu’Hach<strong>et</strong>te ou Gallimard. <strong>Le</strong> public a, semble-t-il,<br />
insuffisamment répondu à c<strong>et</strong>te offre éditoriale. De surcroît, c<strong>et</strong> alignement sur<br />
les pratiques courantes est d’autant plus dommageable que les éditeurs « bourgeois<br />
» innovent sans cesse dans les produits éditoriaux populaires (les Readers’<br />
Digest en 1945, le Livre de poche en 1953) <strong>et</strong> dans l’organisation de la diffusion<br />
(les clubs de livres en 1947 183 , l’extension de la vente des livres au supermarché<br />
au milieu des années cinquante) 184 . Autre signe de ce décalage avec<br />
181 Dossier « CDLP », Archives de la préfecture de police, Ga C12 ; interventions au comité central,<br />
5-7 décembre 1952, Gennevilliers, Archives départementales de Seine Saint-Denis, Bobigny.<br />
182 L’événement le plus spectaculaire de la publication de l’enquête des Nouvelles Littéraires : les<br />
plus forts tirages de l’édition <strong>français</strong>e depuis dix ans, 7 avril 1955 pp. 1 <strong>et</strong> 4. Pas un seul titre<br />
édité par le PCF n’y figure. 1er : G. Guareschi, <strong>Le</strong> P<strong>et</strong>it Monde de Don Camillo (Seuil, 1,2 millions<br />
d’exemplaires vendus), 2e : V. Kravchenko, J’ai Choisi la Liberté, (Self, 527 000 exemplaires),<br />
3e : A. Koestler, <strong>Le</strong> Zéro <strong>et</strong> l’infini, (Calmann <strong>Le</strong>vy, 450 000 exemplaires).<br />
183 <strong>Le</strong> PCF tentera d’y faire face en créant, via le CDLP, le Club du livre progressiste en 1950 (<strong>Le</strong>s<br />
Amis du Livre progressiste, 1952 - 1957).<br />
184 Cottour Thierry, Un géant au format de poche, l’arrivée du Reader’s Digest en France (1946-<br />
1954). DEA d’histoire, sous la direction de Pierre Milza, Paris : IEP, 1992, 176 p. <strong>et</strong> 253 p. ;<br />
Pagnier Aurélie, <strong>Le</strong> Livre de poche : histoire des premières années d’une collection (1953 -1961).<br />
DEA d’histoire, sous la direction de Jean-François Sirinelli. Paris : Institut d’études politiques,<br />
2000, 288 p. ; Cerisier Alban, <strong>Le</strong>s Clubs de livres dans l’édition <strong>français</strong>e (1946-1970). Bibliothèque<br />
de l’Ecole des Chartes, juill<strong>et</strong>-décembre 1997, T. 155, p. 691-714.<br />
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