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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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<strong>Le</strong> débat sur le birth control : une simple diversion ?<br />

Sandra Fayolle<br />

L’ANNÉE <strong>1956</strong> ET SON CONTEXTE<br />

Plusieurs événements précipitent l’apparition sur la scène publique du<br />

débat sur le contrôle des naissances en <strong>1956</strong>. <strong>Le</strong> premier est un fait divers. <strong>Le</strong> 7<br />

juill<strong>et</strong> 1955, la cour d’assises de Seine-<strong>et</strong>-Oise condamne les époux Bac à deux<br />

ans de réclusion pour avoir laissé mourir leur p<strong>et</strong>ite fille âgée de huit mois en<br />

février 1953 110 . <strong>Le</strong> couple avait eu quatre enfants en quatre ans <strong>et</strong> la jeune mère,<br />

épuisée par ces naissances rapprochées <strong>et</strong> à nouveau enceinte en 1953, n’avait<br />

pas accordé les soins nécessaires à sa dernière fille. Au cours du procès, la gynécologue<br />

Marie Andrée Lagroua Weill-Hallé intervient en faveur de la défense.<br />

Ce drame illustre, selon elle, les conséquences ravageuses de naissances multiples<br />

<strong>et</strong> rapprochées sur la vie d’une famille. A c<strong>et</strong>te occasion, elle condamne les<br />

articles 3 <strong>et</strong> 4 de la loi du 31 juill<strong>et</strong> 1920 interdisant la propagande anticonceptionnelle<br />

<strong>et</strong> se sert de ce procès comme d’une tribune afin de défendre la notion<br />

de « maternité volontaire ». M me Lagroua Weil-Hallé avait déjà tenté à deux<br />

reprises d’alerter ses collègues médecins <strong>et</strong> les pouvoirs publics sur ce problème<br />

dans un article publié dans La Semaine Médicale en 1953 puis en mars 1955<br />

lors de sa communication devant l’Académie des sciences morales <strong>et</strong> politiques.<br />

Quelques mois plus tard, entre le 13 <strong>et</strong> le 26 octobre 1955, le journaliste<br />

<strong>communiste</strong> Jacques Derogy publie, dans le quotidien Libération, une série<br />

d’articles intitulée « <strong>Le</strong>s femmes sont-elles coupables ? » dans laquelle il aborde<br />

la question des avortements clandestins. C<strong>et</strong>te enquête a ensuite été publiée dans<br />

un ouvrage : Des enfants malgré nous, publié aux Editions de Minuit en janvier<br />

<strong>1956</strong> <strong>et</strong> préfacé par Mme Lagroua Weill-Hallé.<br />

Dans le débat qui s’enclenche alors, le PCF se distingue clairement du<br />

reste de la gauche <strong>français</strong>e plutôt favorable à une légalisation des moyens anticonceptionnels<br />

111 . <strong>Le</strong>s dirigeants <strong>communiste</strong>s se sont en eff<strong>et</strong> opposés de façon<br />

virulente aux partisans du contrôle des naissances. Une hypothèse est très fréquemment<br />

mobilisée pour expliquer la position adoptée sur c<strong>et</strong>te question par<br />

le PCF : ses dirigeants auraient trouvé à travers ce débat un moyen de détourner<br />

leurs militants des discussions concomitantes sur le rapport Khrouchtchev<br />

présenté lors du 20 e congrès du PCUS. Si c<strong>et</strong>te hypothèse apporte un éclairage<br />

essentiel pour comprendre les raisons <strong>et</strong> la manière dont le parti a investi la<br />

question du contrôle des naissances, elle ne perm<strong>et</strong> pas de comprendre les fondements<br />

de la position adoptée. En outre, si les répercussions de ce positionnement<br />

parmi les militants <strong>communiste</strong>s sont difficilement saisissables, plusieurs<br />

éléments démontrent que c<strong>et</strong>te question a suscité des discussions, voire de vives<br />

110 <strong>Le</strong> couple avait été condamné une première fois à sept ans de réclusion par la cour d’assises de<br />

la Seine mais le jugement avait été cassé pour vice de forme. « Claude <strong>et</strong> Gin<strong>et</strong>te Bac dont l’enfant<br />

était mort faute de soins sont condamnés à deux ans de prison », <strong>Le</strong> Monde, 8 juill<strong>et</strong> 1955.<br />

111 Janine Mossuz Lavau, <strong>Le</strong>s lois de l’amour. <strong>Le</strong>s politiques de la sexualité en France (1950-2002),<br />

Paris, Editions Payot-Rivages, 2002, pp. 30 <strong>et</strong> suivantes.<br />

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