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Peer Gynt - Odéon Théâtre de l'Europe

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ANALYSES : “LA BATAILLE DE PEER GYNT” (SUITE)<br />

engagé -à la fois professionnellement et politiquement- d'une énorme capacité <strong>de</strong> travail et d'un goût <strong>de</strong><br />

l'innovation doublé d'un très grand perfectionnisme. Refugié en Suè<strong>de</strong> pendant le <strong>de</strong>rnier conflit, il avait<br />

été un <strong>de</strong>s plus ar<strong>de</strong>nts zélateurs <strong>de</strong> la cause <strong>de</strong> la Norvège occupée. Entre autres, parcourant le pays<br />

<strong>de</strong> long en large, il avait joué <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> dans le plus pur esprit du romantisme national, exaltant le héros<br />

qui, aux yeux <strong>de</strong> tous, était le symbole même <strong>de</strong> la norvégianité.<br />

Dès cette époque il était cependant conscient que, si elle servait la cause du patriotisme norvégien, cette<br />

interprétation <strong>de</strong> <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> n'était pas conforme à l'esprit <strong>de</strong> l'oeuvre. Et, à la fin <strong>de</strong> 1945, une fois les<br />

hostilités terminées, il envisagea <strong>de</strong> monter la pièce dans un esprit plus conforme à l'esprit <strong>de</strong> l'auteur.<br />

Le 22 décembre, il écrit ainsi à Sandro Malmquist :<br />

Donc, un <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> sans musique ou avec le moins <strong>de</strong> musique possible, en quel cas il serait préférable<br />

d'avoir une musique entièrement nouvelle (par exemple, La Danse d'Anitra est absolument impossible<br />

dans sa forme actuelle). Certes, La Mort d’Ase et La Halle du Vieux du Dovre sont remarquables... Mais<br />

je ne suis pas sûr qu'un compositeur mo<strong>de</strong>rne ne puisse faire quelque chose d'entièrement nouveau et<br />

d'encore plus puissant que la composition <strong>de</strong> Grieg. Dans l'ensemble, sa musique est beaucoup trop<br />

lyrique. Et -peut-être en partie pour cette raison- on joue <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> <strong>de</strong> manière beaucoup trop lyrique.<br />

Il ne faudrait pas oublier que <strong>Peer</strong> est une virulente satire <strong>de</strong> ce qu'Ibsen aimait le moins chez les<br />

Norvégiens : leur amour <strong>de</strong> la rêverie, leur propension à préférer les contes aux réalités, à repousser<br />

les décisions, à fabuler et se vanter. Certes, on voit bien que, secrètement, l'auteur se laisse peu à peu<br />

séduire par le héros. Pour autant, il ne faudrait pas que la représentation occulte tout ce qu'il y a dans<br />

l'oeuvre <strong>de</strong> satire cinglante. Et puis, il faut qu'on renonce, qu'on renonce enfin à ménager entre leurs<br />

différentes parties <strong>de</strong>s pauses remplies d'une musique plus ou moins distrayante qui, chaque fois<br />

qu'une <strong>de</strong> ces parties commence, empêche le spectateur <strong>de</strong> se mettre tout <strong>de</strong> suite dans l'ambiance.<br />

Et donc : le premier acte (jusqu'à La Mort d'Ase) se déroule dans un paysage <strong>de</strong> montagne qui constitue<br />

un décor fixe. C'est là que le héros erre d'une scène à l'autre, et seule une vacillante petite lumière<br />

d'aventure marque la séparation entre les différentes parties.<br />

Deuxième acte : L'Afrique -donc le désert- une simple oasis, le sphinx et, à l'arrière, l'asile d'aliénés, le<br />

tout relié par une musique <strong>de</strong> tam-tam qui évoque la halle du Vieux du Dovre. Anitra, qui n'a plus rien<br />

d'une agile beauté, est maintenant une putain nègre difforme -la femme en vert sous une nouvelle apparence-<br />

qui effectue sa danse du ventre au son d'une sauvage musique nègre ; elle est lai<strong>de</strong> et sensuelle,<br />

effrayante et attirante. A l'instar <strong>de</strong> la femme en vert, elle est la femelle en rut à l'état pur. L'asile<br />

d'aliénés doit apparaître, en pire, comme une nouvelle version rêvée <strong>de</strong> la halle du Vieux du Dovre, une<br />

débauche <strong>de</strong> terreur avec <strong>de</strong>s gens fous qui se tranchent la gorge, un rappel <strong>de</strong> la scène du premier acte<br />

où le garçon se coupait le doigt. Le directeur : i<strong>de</strong>ntique au Vieux du Dovre, la même vision déformée, le<br />

même noir sur blanc, mais en pire et plus sinistre encore. Le rêve et la réalité étroitement imbriqués.<br />

Dernier acte. <strong>Peer</strong> revient à la maison. Lan<strong>de</strong> et forêt désertes. Son interminable périple nocturne au<br />

cours duquel l'assaillent ses anciennes pensées, le Vieux du Dovre, le forgeron Aslak, la mariée et puis,<br />

au beau milieu du conte, non pas saint Pierre comme dans La Mort d'ifse mais le diable en personne,<br />

non pas Notre-Seigneur mais le Fon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> boutons.<br />

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