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Peer Gynt - Odéon Théâtre de l'Europe

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ANALYSES : “LES PELURES DU SOI” (SUITE)<br />

psychanalyse l'avènement du sujet : Wo Es war, soll Ich wer<strong>de</strong>n, (Là où c'était je dois advenir), je dirais<br />

que le mouvement <strong>de</strong> <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> <strong>de</strong>puis les neiges <strong>de</strong> la Norvège jusqu'à cette scène <strong>de</strong> l'oignon sans<br />

noyau pourrait s'intituler : Wo Eis war soll Ich wer<strong>de</strong>n (Là où glace était je dois advenir). Mais ce noyau<br />

<strong>de</strong> notre être, comme dit encore Freud, n'existe pas, et Ici ne gît personne est bien l'épitaphe <strong>de</strong> toute<br />

subjectivité. Il s'agit ensuite <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r du sort <strong>de</strong> ce déchet. Qu'en fera-t-on ? Les scènes 7 à 10 y répon<strong>de</strong>nt<br />

longuement. Nous nous en tiendrons à l'essentiel.<br />

A la scène 7, rencontre du fon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> boutons. Il refond tous ceux qui n'ont pas été eux-mêmes. Méprise<br />

<strong>de</strong> <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> qui le prend d'abord pour le diable, se défend d'avoir péché, puis, comprenant son erreur,<br />

préfère l'enfer à la refonte et prétend avoir été soi-même. Le fon<strong>de</strong>ur le lui dénie.<br />

A la scène 8, rencontre du Roi <strong>de</strong>s Trolls décavé. Reprise <strong>de</strong> l'opposition Suffis-toi, Sois toi-même. Le Roi<br />

croit que <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> a observé la maxime troll. <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> se défend d'avoir jamais conclu en ce sens :<br />

C'est le <strong>de</strong>rnier vers qui compte. Le Roi lui reproche alors son hypocrisie : il a vécu en troll, mais en<br />

faisant croire qu'il était soi-même. On <strong>de</strong>meure incertain sur ce que <strong>Peer</strong> fut vraiment.<br />

A la scène 9, interrogation <strong>de</strong> <strong>Peer</strong> sur l’être soi-même. Réponse du fon<strong>de</strong>ur : C’est soi-même se tuer,<br />

qui a l'apparence d'une énigme. Le sens est ici : c'est se tuer en tant que moi, pour accomplir sa pré<strong>de</strong>stination,<br />

ce que le Maître veut. Incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Peer</strong> au sujet <strong>de</strong> cette prétendue vocation d'un chacun. Il<br />

pourrait alors dire comme Rousseau : Personne ne sait ce que notre nature nous permet d'être. Le<br />

meurtre <strong>de</strong> soi, c'est la fuite en avant du soi, son courage et sa marche. <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong>, tant qu'à faire, préfère<br />

avoir été un pécheur. On revient donc au point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> la scène 7, à la version religieuse, chrétienne,<br />

et non plus existentialiste, mo<strong>de</strong>rne.<br />

A la scène 10, secon<strong>de</strong> méprise <strong>de</strong> <strong>Peer</strong>, qui croit que le personnage maigre est un prêtre. Il comprend<br />

que c'est le diable. Nouveau souhait d'avoir été un grand pécheur, et <strong>de</strong> mériter l'enfer, lieu où l'on reste<br />

au moins soi-même. Le maigre lui démontre que ses péchés n'en sont pas. Théorie <strong>de</strong> la photographie :<br />

on intéresse le diable si l'on est positif ou négatif, non pas si l'on est gris, fa<strong>de</strong>, tiè<strong>de</strong>, moyen. Nouvelle<br />

subtilité dans la conclusion : le diable cherche un <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> qui jure avoir été soi-même, mais il juge que<br />

l'homme qu'il a <strong>de</strong>vant lui s'est effacé, n'est ni noir ni blanc, mais gris. <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> éloigne donc celui qui<br />

ne le reconnaît pas.<br />

Force est <strong>de</strong> conclure que <strong>Peer</strong> n'a pas été soi, ce qu'il conclut. Mais justement, et là est tout le nerf <strong>de</strong><br />

cette dialectique : il n'a pas pour autant été un troll, il n'a été personne. Tel est le sens du monologue<br />

final. Comme l'homme perdu dans le mon<strong>de</strong> d'aujourd'hui, il n'a été rien, il a été absent <strong>de</strong> lui-même :<br />

Le maître n’était jamais chez lui. Mais n’est-ce pas la seule façon d'être soi-même, si être soi, c'est<br />

justement n'être assigné à aucune propriété, à aucune détermination ? A vrai dire nous n'en savons rien.<br />

Tout se joue dans le revirement absolu par lequel <strong>Peer</strong>, renonçant à faire un nouveau détour, monte tout<br />

droit vers la cabane. Serait-il sauvé par l’amour, comme Faust ? Nous ne saurons pas s’il a été ou non<br />

soi-même ou un troll, mais seulement qu'il était tout blanc dans l'amour d'une femme (génitif subjectif<br />

ou objectif ?). La question en effet ne porte plus sur le fait d'avoir été soi, mais sur le lieu <strong>de</strong> ce soi. Et ce<br />

soi a toujours été hors <strong>de</strong> lui. Tout errant qu'il fût, il est resté dans la gran<strong>de</strong> Autre. C’est en même temps<br />

la rencontre d'une vieille femme qui se trouve enfin mère (Je la suis, je la suis ! ) et <strong>de</strong> ce vieillard qui se<br />

trouve enfin un père (Celui-là qui pardonne...).<br />

Un soupçon cependant termine la pièce, car le fon<strong>de</strong>ur, fui, n'a pas encore conclu. Tout peut-être <strong>de</strong><br />

nouveau remis en question, à moins qu'on ne consente au tout <strong>de</strong>rnier mot <strong>de</strong> la pièce, qui rejoint le<br />

thème <strong>de</strong> l’affabulation : que l’enfant rêve qu’il ne cesse <strong>de</strong> rêver dans le rêve où s’abolit toute différence.<br />

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