la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT

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Bilan Je me pose beaucoup de questions concernant cette séance. Avec le recul je réalise que je n’ai pas réellement fait de la musicothérapie, que cette séance était terriblement centrée sur le verbal, que j’ai pratiquement parlé tout le temps alors qu’ordinairement, je chante toutes mes paroles. Cela m’interroge d’autant plus que la communication par la parole est particulièrement limitée pour Mme C et que mes objectifs étaient sensés être de privilégier et de favoriser les autres moyens d’expression, comme la danse. Je réalise que je me suis probablement trop impliquée personnellement dans cette séance où j’ai probablement eu davantage envie de parler avec Mme C que de mener une réelle séance de musicothérapie. De plus, Mme C a parlé de quelqu’un qui est parti, puis elle m’a demandé « Il vous manque ? », et il se trouve que ces propos concordent particulièrement avec une situation personnelle très difficile dans laquelle je me trouve depuis seulement deux semaines. Même si je sais que c’est probablement d’elle qu’elle me parle, je suis interloquée par la manière dont ces propos concordent à ma situation, est-il possible que sans même que je l’évoque, elle l’ait ressentie ? J’ai conscience qu’il faut que je prenne un peu de recul pour retrouver la bonne distance à avoir avec Mme C. Concernant la séance, j’ai le sentiment tout de même que Mme C exprime de plus en plus de choses au fil des semaines. J’ignore si c’est le signe qu’une réelle relation thérapeutique s’est établie, si c’est l’effet de la musique ou si c’est, et c’est loin d’être à exclure, le fait que j’ai envie d’interpréter de plus en plus de choses. Il est probable que tous ces facteurs soient liés. Les séances semblent en tout cas amener Mme C à davantage verbaliser, une chose qui, d’après les infirmières, est pourtant de plus en plus difficile, elles déclarent qu’à présent la communication est presque impossible avec Mme C. Une nouvelle fois, je ne peux que remarquer que le comportement de Mme C est aussi un moyen de s’exprimer pour elle. J’ai constaté que c’est toujours après une question un peu intrusive de ma part que Mme C soit va à l’autre bout de la pièce, soit sort de la salle, comme pour exprimer que j’ai touché un point sensible, une zone dans laquelle elle ne veut pas entrer. Le fait de retourner la chaise pour me tourner le dos, par exemple, est un refus clair de me laisser continuer sur un sujet quelle ne souhaite pas aborder. Mon but pour les dernière séances est d’arriver à pousser Mme C à exprimer ces choses au travers de la musique pour reprendre la place qui est la mienne, celle de musicothérapeute, mais j’ignore pour l’instant comment arriver à un tel résultat en faisant davantage que d’appliquer les techniques que j’utilise actuellement. 59

Séance 11 Mardi 19 mai, 14h30 : durée inconnue. Objectifs : A nouveau, 2 séances de musicothérapie n’ont pas pu avoir lieu avec Mme C, la première parce que j’étais très malade, la seconde à cause d’une réunion exceptionnelle du personnel qui s’est étendue sur deux jours, m’empêchant d’occuper ma salle. Je retrouve Mme C avec toujours cette appréhension que le contact soit difficile après deux semaines sans séances. Comme finalement, la petite musique de nuit de Mozart n’a pas été introduite lors de la séance précédente, je me propose de rediffuser la marche pour la cérémonie des turcs pour débuter, puis d’introduire la petite musique de nuit. Je voudrais davantage permettre à Mme C d’exprimer ses émotions au travers de l’improvisation et j’ai envie de tenter une consigne plus précise visant à demander à Mme C d’exprimer un sentiment en particulier à travers son improvisation. Il me semble que ce serait plus facile avec un instrument qui offrirait davantage de possibilités et de sonorités, mais j’ai l’intuition qu’introduire un instrument à ce stade de la prise en soin risquerait de perturber Mme C plus qu’autre chose et que mieux vaut continuer sur le système que nous avons instauré. Lorsque j’arrive sur le cantou, il n’y a aucun soignant visible, tout est très calme, Mme C est assise sur un fauteuil. A mon approche, elle se lève en marmonnant des paroles incompréhensibles, se dirige vers moi et pose sa main sur mon bras en un geste que je pense chaleureux. M’a-t-elle reconnue ? Puis elle se dirige vers le coin cuisine. Tandis que je m’approche d’elle, elle se met à battre la mesure sur une table. Se souvient-elle de pourquoi je suis là ? Je la salue et je lui demande si elle veut venir en séance de musicothérapie. Elle me rejoint, me prend le bras et m’entraîne dans le couloir. En chemin, je croise un aide soignant et je lui signale que j’emmène Mme C en séance. Au moment où nous franchissons la porte du cantou, Mme C me lâche brusquement le bras et s’accroche à l’aide-soignant, refusant de venir avec moi. L’aide soignant finit par nous accompagner jusqu’à la salle de musicothérapie, Mme C refusant de se séparer de lui. Une fois à l’intérieur et la porte refermée, Mme C va s’asseoir tout au fond de la pièce. Je m’approche d’elle et je lui demande comment elle va. Elle ne me répond pas et se lève. Je m’apprête à chanter la chanson de début de séance mais elle se dirige vers la porte menant à la pièce attenante à la salle de musicothérapie et sort. Je la rejoins et je lui demande si elle souhaite déjà partir. Je lui rappelle qu’elle est là pour la séance de musicothérapie qui dure environ une petite demi-heure. Elle me pousse avec force et me dit : « Laissez-moi, vous ne m’intéressez pas, je ne veux plus vous voir. » Je lui demande si c’est la musicothérapie qui ne l’intéresse pas, elle me répond non. Je lui dis alors que nous allons rentrer et j’ouvre la porte qui donne sur le hall. Mais elle se dégage et va à l’autre bout de la pièce, où il y a encore une autre porte. Je la retiens par le bras en lui disant qu’elle n’a pas le droit d’aller là-bas. Elle me répète plusieurs fois : « Tu m’énerves, tu m’énerves ! » Mais au lieu de sortir dans le hall elle retourne dans la salle de musicothérapie et va s’assoir tout au fond. Je lui rappelle ce que nous faisons ici et je lui dis que je vais chanter la chanson de début de séance. Elle me répond : « Chantez si vous voulez. » Je sens de l’exaspération dans sa voix. 60

Bi<strong>la</strong>n<br />

Je me pose beaucoup de questions concernant cette séance. Avec le recul je réalise que<br />

je n’ai pas réellement fait de <strong>la</strong> musicothérapie, que cette séance était terriblement<br />

centrée sur le verbal, que j’ai pratiquement parlé tout le temps alors qu’ordinairement, je<br />

chante toutes mes paroles. Ce<strong>la</strong> m’interroge d’autant plus que <strong>la</strong> communication par <strong>la</strong><br />

parole est particulièrement limitée pour Mme C et que mes objectifs étaient sensés être<br />

de privilégier et de favoriser les autres moyens d’expression, comme <strong>la</strong> danse. Je réalise<br />

que je me suis probablement trop impliquée <strong>personne</strong>llement dans cette séance où j’ai<br />

probablement eu davantage envie de parler <strong>avec</strong> Mme C que de mener <strong>une</strong> réelle séance<br />

de musicothérapie.<br />

De plus, Mme C a parlé de quelqu’un qui est parti, puis elle m’a demandé « Il vous<br />

manque ? », et il se trouve que ces propos concordent particulièrement <strong>avec</strong> <strong>une</strong><br />

situation <strong>personne</strong>lle très difficile dans <strong>la</strong>quelle je me trouve depuis seulement deux<br />

semaines. Même si je sais que c’est probablement d’elle qu’elle me parle, je suis<br />

interloquée par <strong>la</strong> manière dont ces propos concordent à ma situation, est-il possible que<br />

sans même que je l’évoque, elle l’ait ressentie ?<br />

J’ai conscience qu’il faut que je prenne un peu de recul pour retrouver <strong>la</strong> bonne<br />

distance à avoir <strong>avec</strong> Mme C.<br />

Concernant <strong>la</strong> séance, j’ai le sentiment tout de même que Mme C exprime de plus en<br />

plus de choses au fil des semaines. J’ignore si c’est le signe qu’<strong>une</strong> réelle re<strong>la</strong>tion<br />

thérapeutique s’est établie, si c’est l’effet de <strong>la</strong> musique ou si c’est, et c’est loin d’être à<br />

exclure, le fait que j’ai envie d’interpréter de plus en plus de choses. Il est probable que<br />

tous ces facteurs soient liés.<br />

Les séances semblent en tout cas amener Mme C à davantage verbaliser, <strong>une</strong> chose qui,<br />

d’après les infirmières, est pourtant de plus en plus difficile, elles déc<strong>la</strong>rent qu’à présent<br />

<strong>la</strong> communication est presque impossible <strong>avec</strong> Mme C.<br />

Une nouvelle fois, je ne peux que remarquer que le comportement de Mme C est aussi<br />

un moyen de s’exprimer pour elle. J’ai constaté que c’est toujours après <strong>une</strong> question un<br />

peu intrusive de ma part que Mme C soit va à l’autre bout de <strong>la</strong> pièce, soit sort de <strong>la</strong><br />

salle, comme pour exprimer que j’ai touché un point sensible, <strong>une</strong> zone dans <strong>la</strong>quelle<br />

elle ne veut pas entrer. Le fait de retourner <strong>la</strong> chaise pour me tourner le dos, par<br />

exemple, est un refus c<strong>la</strong>ir de me <strong>la</strong>isser continuer sur un sujet quelle ne souhaite pas<br />

aborder.<br />

Mon but pour les dernière séances est d’arriver à pousser Mme C à exprimer ces choses<br />

au travers de <strong>la</strong> musique pour reprendre <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qui est <strong>la</strong> mienne, celle de<br />

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