la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT

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03.07.2013 Views

Comme elle a exprimé le souhait de partir, je diffuse alors la musique de la fin en chantant les paroles par-dessus. Elle se met aussitôt à frapper des mains et je lui propose un nouveau rythme en alternant le frappé dans les mains et le frappé du pied par terre. Elle reprend mon geste de frapper avec le pied et cela semble lui plaire car elle le garde. Au bout d’un moment elle se lève mais ce n’est pas pour partir : elle se met à esquisser des sortes de pas de danse, se balançant d’un pied sur l’autre, tapant du pied, avançant ou reculant l’un de ses pieds. J’essaie de l’imiter du mieux que je peux et nous dansons ainsi ensemble un moment, mais, à cet instant, quelqu’un du personnel soignant entre dans la salle sans frapper pour faire visiter une famille. Il ressort aussitôt mais Mme C a visiblement été perturbée par cette intrusion, elle s’est réfugiée au fond de la pièce et ne veut plus revenir. Je m’approche d’elle et je lui dis alors que la séance est terminée et que je vais la raccompagner au cantou. C’est alors qu’elle me dit clairement : « Je ne veux pas y aller. » Je lui demande pourquoi, elle marmonne quelque chose d’incompréhensible, se lève et va s’asseoir un peu plus loin. Je lui demande si elle ne veut pas m’en parler, elle me répond non. Puis elle se lève et se met à marcher vers la porte en tirant derrière elle la chaise sur laquelle elle était assise. Je lui explique qu’elle ne peut pas emporter la chaise hors de la salle, qu’il y en aura d’autres pour elle, et aussitôt elle pose la chaise et s’assoit dessus. Je demande : « Vous ne voulez pas y aller ? » Elle répond à nouveau que non. Je me risque à demander pourquoi et elle me répond : « Parce que c’était bien. » Je demande si c’est la musicothérapie qui était bien et elle répond : « Oui, c’était bien ici. » C’est finalement elle qui se lève d’elle-même après cet échange, et je la raccompagne au cantou. Bilan J’ai le sentiment qu’il s’est passé beaucoup de choses durant cette séance et que je n’en ai peut-être pas suffisamment profité, j’ai l’impression de n’avoir pas vu un grand nombre de choses. Il m’apparaît tout d’abord que l’intégration de Mme C au nouveau cantou s’est plutôt bien passée, au regard de son humeur et de sa motivation. Elle semble avoir trouvé quelques repères, peut-être aussi le fait de pouvoir sortir sur la terrasse (le cantou Vivaldi n’a pas de terrasse et n’offre aucune possibilité de sortir) lui fait du bien. J’ai néanmoins le sentiment que quelque chose la contrarie et ce sentiment sera renforcé par des choses qui ressortiront lors de la séance suivante. J’ignore si Mme C m’a reconnue quand je suis arrivée sur le cantou, mais le fait qu’elle vienne m’embrasser témoigne tout du moins du fait qu’elle m’a perçue comme un élément positif pour elle. En effet, Mme C a un caractère très tranché et, même si on ne comprend pas toujours ses motivations, elle se montre très démonstrative, autant envers ce qu’elle perçoit comme bon pour elle qu’envers ce qu’elle perçoit comme hostile. 55

Bilan (suite) Je peux émettre l’hypothèse que la relation thérapeutique qui s’est maintenant clairement établie entre nous est importante pour elle et que ces bises était un moyen de l’exprimer. En ce qui concerne la séance, je remarque que Mme C trouve de plus en plus de moyens de s’exprimer. Je réalise notamment que ses déplacement, loin d’être toujours simplement dus au fait qu’elle ne parvient pas à maintenir son attention, sont aussi souvent des moyens d’exprimer des choses, en particulier, le refus de parler, le non, qu’elle exprime en s’éloignant. L’apparition de la danse est également un signe que la musique lui permet d’explorer de nouveaux moyens de communiquer. Je pense qu’il peut être bien de tenter de l’encourager à s’exprimer dans cette voie. Je suis profondément frustrée par l’interruption qui a empêché Mme C de continuer de danser. Je réalise que je n’ai mis aucun mot sur cet incident et que c’est probablement une erreur. J’ai fait comme si de rien n’était alors que cette interruption a visiblement contrarié Mme C. Enfin, je constate que Mme C s’exprime de plus en plus même à travers la parole, ce qui va à l’encontre de ce que semblent dire la plupart des membres de l’équipe soignante qui m’ont dit à mon retour de vacances que Mme C était de plus en plus difficile à comprendre. C’est aujourd’hui la première fois qu’elle exprime verbalement le fait d’avoir éprouvé du plaisir à être en séance. Le fait de traîner la chaise derrière elle pourrait être interprété comme un moyen de signifier qu’elle aimerait rester encore, ou peut-être un désir d’emporter quelque chose de la séance de musicothérapie dans son environnement quotidien. Je réalise que j’ai écourté la séance parce que Mme C se dirigeait vers la porte et qu’elle a répondu oui quand je lui ai demandé si elle souhaitait partir mais que ce oui ne signifiait pas nécessairement un réel oui à ma question, et je me demande si je n’aurais pas dû prolonger quelque peu la séance. Quelques jours plus tard, je me renseigne davantage sur le changement de chambre de Mme C. J’apprends alors, contrairement à ce que j’avais imaginé tout d’abord, que son intégration au cantou Mozart s’est très mal passée. Elle s’est trouvée confrontée à une perte totale de repères, elle était complètement perdue et très angoissée. Elle s’est retrouvée sans aucun lien avec qui que ce soit et elle s’est mise à ne plus reconnaître personne, même les résidents et les soignants de son ancien cantou. Il me faut alors revoir mes interprétations de certaines de ses réactions. Le fait qu’elle m’ait fait la bise et ait montré tant d’empressement à venir en musicothérapie ne témoignait probablement pas d’une humeur meilleure que d’habitude comme je l’avais d’abord supposé, mais au contraire de la reconnaissance d’un élément fixe, connu dans cet univers sans repère dans lequel elle se trouvait totalement perdue et démunie. Cela explique également davantage le désir d’emporter avec elle une chaise, ce qui symbolise un élément de la salle de musicothérapie, ce lieu où elle se sent écoutée et objet d’attention, un lieu qui contrairement à tout le reste, n’a pas changé. 56

Comme elle a exprimé le souhait de partir, je diffuse alors <strong>la</strong> musique de <strong>la</strong> fin en<br />

chantant les paroles par-dessus. Elle se met aussitôt à frapper des mains et je lui propose<br />

un nouveau rythme en alternant le frappé dans les mains et le frappé du pied par terre.<br />

Elle reprend mon geste de frapper <strong>avec</strong> le pied et ce<strong>la</strong> semble lui p<strong>la</strong>ire car elle le garde.<br />

Au bout d’un moment elle se lève mais ce n’est pas pour partir : elle se met à esquisser<br />

des sortes de pas de danse, se ba<strong>la</strong>nçant d’un pied sur l’autre, tapant du pied, avançant<br />

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ainsi ensemble un moment, mais, à cet instant, quelqu’un du <strong>personne</strong>l soignant entre<br />

dans <strong>la</strong> salle sans frapper pour faire visiter <strong>une</strong> famille. Il ressort aussitôt mais Mme C a<br />

visiblement été perturbée par cette intrusion, elle s’est réfugiée au fond de <strong>la</strong> pièce et ne<br />

veut plus revenir. Je m’approche d’elle et je lui dis alors que <strong>la</strong> séance est terminée et<br />

que je vais <strong>la</strong> raccompagner au cantou. C’est alors qu’elle me dit c<strong>la</strong>irement : « Je ne<br />

veux pas y aller. »<br />

Je lui demande pourquoi, elle marmonne quelque chose d’incompréhensible, se lève et<br />

va s’asseoir un peu plus loin. Je lui demande si elle ne veut pas m’en parler, elle me<br />

répond non. Puis elle se lève et se met à marcher vers <strong>la</strong> porte en tirant derrière elle <strong>la</strong><br />

chaise sur <strong>la</strong>quelle elle était assise. Je lui explique qu’elle ne peut pas emporter <strong>la</strong> chaise<br />

hors de <strong>la</strong> salle, qu’il y en aura d’autres pour elle, et aussitôt elle pose <strong>la</strong> chaise et<br />

s’assoit dessus. Je demande : « Vous ne voulez pas y aller ? »<br />

Elle répond à nouveau que non. Je me risque à demander pourquoi et elle me répond :<br />

« Parce que c’était bien. » Je demande si c’est <strong>la</strong> musicothérapie qui était bien et elle<br />

répond : « Oui, c’était bien ici. »<br />

C’est finalement elle qui se lève d’elle-même après cet échange, et je <strong>la</strong> raccompagne au<br />

cantou.<br />

Bi<strong>la</strong>n<br />

J’ai le sentiment qu’il s’est passé beaucoup de choses durant cette séance et que je n’en<br />

ai peut-être pas suffisamment profité, j’ai l’impression de n’avoir pas vu un grand<br />

nombre de choses.<br />

Il m’apparaît tout d’abord que l’intégration de Mme C au nouveau cantou s’est plutôt<br />

bien passée, au regard de son humeur et de sa motivation. Elle semble avoir trouvé<br />

quelques repères, peut-être aussi le fait de pouvoir sortir sur <strong>la</strong> terrasse (le cantou<br />

Vivaldi n’a pas de terrasse et n’offre auc<strong>une</strong> possibilité de sortir) lui fait du bien. J’ai<br />

néanmoins le sentiment que quelque chose <strong>la</strong> contrarie et ce sentiment sera renforcé par<br />

des choses qui ressortiront lors de <strong>la</strong> séance suivante.<br />

J’ignore si Mme C m’a reconnue quand je suis arrivée sur le cantou, mais le fait qu’elle<br />

vienne m’embrasser témoigne tout du moins du fait qu’elle m’a perçue comme un<br />

élément positif pour elle. En effet, Mme C a un caractère très tranché et, même si on ne<br />

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