la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT

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03.07.2013 Views

C’est seulement lorsque je cesse de jouer qu’elle se met à applaudir. Je laisse un long moment de silence, puis je reprends mon jeu sur le piano, avec un thème à deux temps très enlevé et rapide. Cette fois, elle se met aussitôt à frapper des mains en rythme mais cela ne dure qu’une poignée de secondes. Pour attirer à nouveau son attention, je me mets à chanter son nom sur la musique que je suis en train de jouer. Mais je sens que son attention s’est complètement décrochée cette fois et je finis par me lever et par me rapprocher d’elle, tout en continuant de chanter son nom. J’essaie de poursuivre mon chant, de reprendre des rythmiques que nous avons utilisé dans le début de la séance en frappant dans mes mains, mais je n’ai plus du tout l’attention de Mme C. Je propose alors une seconde musique pour que nous improvisions dessus. Je diffuse l’extrait de Gjallarhorn (Voir CD en annexe piste 8), mais Mme C est totalement déconcentrée et je n’arrive plus à ramener son attention sur la musique. Cette fois, elle se lève, elle fouille sur une table, récupère des papiers et se met à jouer avec, à en faire un rouleau, à le déchirer, à cacher le rouleau derrière elle, à le ressortir…Je lui rappelle qu’elle ne doit pas abîmer ce qui se trouve dans cette salle et je lui demande de reposer le papier. Elle le pose effectivement, mais elle le reprend aussitôt. Pendant ce temps, la musique s’est terminée. Je reprends à la voix des éléments mélodiques de la symphonie du nouveau monde et de Gjallarhorn pour lui rappeler les règles que j’énonce en début de séance et lui demander de reposer le papier. Ce manège dure longtemps, je décide finalement de mettre un terme à la séance. Je le lui annonce puis je vais diffuser la « musique de la fin » en espérant qu’elle rappellera le cadre à Mme C. J’ignore si c’est à cause de la musique, mais Mme C se dirige effectivement vers la porte pour sortir. Je vais lui dire que la musique n’est pas terminée, que la séance sera terminée à la fin de la musique, elle retourne donc s’assoir tout au fond de la pièce. Lorsque la musique se termine, je la rejoins et je lui annonce que cette fois la séance est finie. Je lui demande si elle a envie de me dire comment elle l’a vécue, elle marmonne quelque chose que j’ai énormément de mal à comprendre. De manière générale, au cours de cette séance, j’ai trouvé qu’elle était verbalement beaucoup moins compréhensible que d’habitude. Elle semble bougonne, contrariée. Je lui demande si quelque chose la contrarie, elle me répond « oui ». Je lui dis qu’elle peut en parler si elle le souhaite, j’essaie de lui poser des questions, de laisser des silences pour l’écouter, mais elle ne dit rien de plus. Finalement, elle se lève, je l’escorte jusqu’à la porte et nous sortons. Arrivées à l’ascenseur, alors qu’elle a marché volontiers jusque-là, elle refuse de monter, faisant barrage de son bras pour m’empêcher de la conduire à l’intérieur de la cabine. J’essaie de lui expliquer qu’elle doit rentrer au cantou, de trouver des mots différents pour lui dire où nous allons mais les mots ne suffisent plus, je suis obligée de l’entraîner à l’intérieur de l’ascenseur. Je lui demande si quelque chose l’angoisse, je lui demande pourquoi elle ne veut pas rentrer mais je n’obtiens aucune réponse. Une fois à l’étage, elle sort vivement de l’ascenseur et file dans le couloir du côté opposé au cantou Vivaldi. Je la rattrape et je commence à essayer de la ramener du côté du cantou, lui expliquant qu’elle doit à présent rentrer, qu’elle ressortira plus tard mais qu’il est temps qu’elle rentre, mais cette fois, elle devient violente. 51

Elle me pousse furieusement, je suis d’ailleurs étonnée de sa force. Je n’osais pas employer ma propre force, essayant de parler, mais je m’y vois contrainte, je suis obligée de lutter contre elle et de l’entraîner contre son gré jusqu’au cantou où j’ai toutes les peines du monde à la faire entrer. Durant tout ce temps, elle est très en colère, me dit de lui ficher la paix, m’insulte… Bilan Dès le début de la séance, Mme C est contrariée, perturbée, comme le montre le fait qu’elle va s’assoir à l’autre bout de la salle de musicothérapie alors que lors des deux séances précédentes, elle est directement allée s’assoir à sa place habituelle. Pourtant, la communication s’établit bien entre elle et moi, elle parvient à exprimer des choses au travers de la musique, elle se montre même particulièrement productive et fait appel à son imagination. Mais elle semble aujourd’hui ne pas arriver ou ne pas vouloir focaliser son attention sur la musique et ce qui se passe durant la séance. J’avais comme projet d’introduire dans chaque séance une nouvelle musique qui deviendrait la musique d’introduction de la séance suivante pour faire davantage de lien, c’était mon but en diffusant la musique de Gjallarhorn, mais avec ce qu’il s’est passé durant cette séance je ne sais pas si je dois conserver ce projet. Néanmoins, je pense qu’il est intéressant pour conserver une cohésion entre les séances. Mme C a clairement exprimé une contrariété au cours de cette séance, même si je ne suis pas parvenue à en savoir plus, et je me demande si cette contrariété ne vient pas de quelque chose qui se serait passé au sein du cantou, au vu de la scène qui s’est produite sur le chemin du retour où Mme C a exprimé qu’elle n’avait absolument pas envie de rentrer. Comme la fois où un aide soignant a obligé Mme C à descendre pour ma séance, je me rends compte que j’ai très mal vécu cette scène de lutte avec Mme C. J’ai eu le sentiment d’être particulièrement maladroite, je me sens coupable d’avoir été obligée de recourir à la force et de n’avoir rien pu faire par d’autres moyens. J’ai beaucoup de difficultés avec ce concept d’enfermement, avec cette privation de liberté, même si je sais que c’est pour le bien des résidents et je sens que cet épisode m’a secouée. Je me rends également compte que lorsque j’ai décidé de diffuser la musique de fin de séance, il n’y a pas eu de progression logique vers cette fin. Je l’ai décidée arbitrairement parce que je me sentais impuissante face à la situation et j’ai le sentiment que la séance à un peu échappé à mon contrôle. De manière générale, Mme C ressentait une certaine contrariété, peut-être même une peur ou une colère, comme le révèle son refus de rentrer dans le cantou. Cette séance lui a peut-être permis de l’exprimer davantage qu’elle ne peut le faire dans son milieu habituel mais il me semble que la musicothérapie devrait davantage pouvoir lui permettre d’évacuer d’une manière ou d’une autre ses ressentis, c’est ce que je souhaiterais travailler lors des prochaines séances. 52

Elle me pousse furieusement, je suis d’ailleurs étonnée de sa force. Je n’osais pas<br />

employer ma propre force, essayant de parler, mais je m’y vois contrainte, je suis<br />

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toutes les peines du monde à <strong>la</strong> faire entrer. Durant tout ce temps, elle est très en colère,<br />

me dit de lui ficher <strong>la</strong> paix, m’insulte…<br />

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Dès le début de <strong>la</strong> séance, Mme C est contrariée, perturbée, comme le montre le fait<br />

qu’elle va s’assoir à l’autre bout de <strong>la</strong> salle de musicothérapie alors que lors des deux<br />

séances précédentes, elle est directement allée s’assoir à sa p<strong>la</strong>ce habituelle.<br />

Pourtant, <strong>la</strong> communication s’établit bien entre elle et moi, elle parvient à exprimer des<br />

choses au travers de <strong>la</strong> musique, elle se montre même particulièrement productive et fait<br />

appel à son imagination. Mais elle semble aujourd’hui ne pas arriver ou ne pas vouloir<br />

focaliser son attention sur <strong>la</strong> musique et ce qui se passe durant <strong>la</strong> séance.<br />

J’avais comme projet d’introduire dans chaque séance <strong>une</strong> nouvelle musique qui<br />

deviendrait <strong>la</strong> musique d’introduction de <strong>la</strong> séance suivante pour faire davantage de lien,<br />

c’était mon but en diffusant <strong>la</strong> musique de Gjal<strong>la</strong>rhorn, mais <strong>avec</strong> ce qu’il s’est passé<br />

durant cette séance je ne sais pas si je dois conserver ce projet. Néanmoins, je pense<br />

qu’il est intéressant pour conserver <strong>une</strong> cohésion entre les séances.<br />

Mme C a c<strong>la</strong>irement exprimé <strong>une</strong> contrariété au cours de cette séance, même si je ne<br />

suis pas parvenue à en savoir plus, et je me demande si cette contrariété ne vient pas de<br />

quelque chose qui se serait passé au sein du cantou, au vu de <strong>la</strong> scène qui s’est produite<br />

sur le chemin du retour où Mme C a exprimé qu’elle n’avait absolument pas envie de<br />

rentrer.<br />

Comme <strong>la</strong> fois où un aide soignant a obligé Mme C à descendre pour ma séance, je me<br />

rends compte que j’ai très mal vécu cette scène de lutte <strong>avec</strong> Mme C. J’ai eu le<br />

sentiment d’être particulièrement ma<strong>la</strong>droite, je me sens coupable d’avoir été obligée de<br />

recourir à <strong>la</strong> force et de n’avoir rien pu faire par d’autres moyens. J’ai beaucoup de<br />

difficultés <strong>avec</strong> ce concept d’enfermement, <strong>avec</strong> cette privation de liberté, même si je<br />

sais que c’est pour le bien des résidents et je sens que cet épisode m’a secouée.<br />

Je me rends également compte que lorsque j’ai décidé de diffuser <strong>la</strong> musique de fin de<br />

séance, il n’y a pas eu de progression logique vers cette fin. Je l’ai décidée<br />

arbitrairement parce que je me sentais impuissante face à <strong>la</strong> situation et j’ai le sentiment<br />

que <strong>la</strong> séance à un peu échappé à mon contrôle.<br />

De manière générale, Mme C ressentait <strong>une</strong> certaine contrariété, peut-être même <strong>une</strong><br />

peur ou <strong>une</strong> colère, comme le révèle son refus de rentrer dans le cantou. Cette séance lui<br />

a peut-être permis de l’exprimer davantage qu’elle ne peut le faire dans son milieu<br />

habituel mais il me semble que <strong>la</strong> musicothérapie devrait davantage pouvoir lui<br />

permettre d’évacuer d’<strong>une</strong> manière ou d’<strong>une</strong> autre ses ressentis, c’est ce que je<br />

souhaiterais travailler lors des prochaines séances.<br />

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