la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT

la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT

musicotherapie38.fr
from musicotherapie38.fr More from this publisher
03.07.2013 Views

Bilan J’appréhendais beaucoup cette séance, malgré un temps que je me suis imposée avant la séance pour me détendre et mettre mes idées à plat, je craignais que le fragile début de relation établi entre Mme C et moi ait été mis à mal par ces quatre semaines sans séance. Mon inquiétude n’a fait que se renforcer quand la première chose que j’ai entendue en entrant dans le cantou a été la voix d’une aide soignante rappelant Mme C à l’ordre, puis quand cette même aide soignante m’a confié que c’était difficile avec Mme C aujourd’hui. Je me suis donc sentie immédiatement soulagée quand j’ai vu la tournure qu’a prise la séance. Je réalise en relisant mes notes que dès la deuxième séance, j’envisageais de chanter tout ce que je dis en séance mais il a fallu attendre la séance six pour que je le fasse vraiment. Cette constatation m’a un peu bouleversée et m’a fait me demander si je n’avais pas gaspillé de nombreuses séances où il aurait pu se passer plus de choses et je me sens envahie d’un certain sentiment de culpabilité. Je crois qu’en réalité je me sentais très mal à l’aise avec ma voix, j’avais peur du jugement de Mme C. J’avais le sentiment que le fait de chanter me décrédibiliserait à ses yeux. Je crois que c’est la peur d’un nouvel échec dans mes séances qui m’a poussée à chanter malgré la difficulté que j’éprouvais à le faire. Mais dès que j’ai eu chanté quelques phrases, j’ai pu constater que j’accrochais beaucoup plus l’attention de Mme C et j’ai réalisé que je me sentais beaucoup plus détendue en chantant mes consignes et par conséquent beaucoup plus à l’écoute. Il est probable que Mme C l’ai ressenti et par conséquent se soit elle aussi sentie plus à l’aise, mieux écoutée. Je pense également que le chant touche beaucoup plus Mme C, focalise davantage son attention et la pousse davantage à s’exprimer. J’envisage pour les semaines suivantes de continuer à utiliser le chant, pour mes consignes et en règle générale pour communiquer avec Mme C. Je pense garder la musique que j’ai utilisée pour marquer la fin des séances : c’est en effet une musique à la mélodie simple que Mme C connaît bien à présent et qui sera comme une balise, une limite renforçant le cadre. Je pense également réutiliser la symphonie du nouveau monde pour ouvrir la séance prochaine, car cet extrait a été source de beaucoup d’improvisations et pourra permettre de rappeler ce qui a été fait la fois précédente. J’ai conscience que l’utilisation de la marche nuptiale était un peu risquée. A vrai dire je ne l’avais absolument pas prévue lors de ma préparation de la séance mais j’ai senti que l’utilisation des musiques facilitait le jeu de Mme C. C’est l’une des premières musiques du CD que j’étais en train d’utiliser et je me suis dit que la mélodie pouvait être connue de Mme C ce qui pouvait être intéressant. Sur le moment je n’ai absolument pas pensé à la connotation affective immense que pouvait avoir ce morceau, mais apparemment il n’a pas provoqué de réactions particulières chez Mme C, bien que ce soit une chose dont il est très difficile de s’assurer, si ce n’est le plaisir de chanter un morceau apparemment connu. 43

Mardi 3 mars, 14h30. Lorsque j’arrive au cantou Vivaldi, Mme C déambule dans le couloir. Je la retrouve et je la salue, puis je lui explique que je viens pour la musicothérapie. Je lui demande si elle veut venir, elle me dit oui et je lui prends le bras pour l’accompagner. Tandis que nous marchons, elle se met à chantonner un air que je ne connais pas. Nous arrivons à la porte du cantou. A ce moment-là j’ai lâché le bras de Mme C pour taper le code de la porte. Lorsque je me retourne vers elle, elle s’est éloignée dans l’autre sens. Je l’appelle mais elle part à toute vitesse à l’autre bout du cantou. Je vais la chercher, lui rappelle qu’elle m’a dit quelques instants plus tôt qu’elle voulait venir en séance mais quand je lui demande si elle veut toujours venir, elle me répond non. Je lui demande pourquoi mais elle marmonne des choses incompréhensibles. J’insiste plusieurs fois, lui prenant le bras pour l’encourager, mais elle se détourne chaque fois et s’éloigne. Ne souhaitant pas non plus la forcer je finis par repartir. Je me rends compte que même si cela fait longtemps à présent que je suis dans l’établissement, je ne sais toujours pas bien comment me situer par rapport au refus des résidents. Certains membres du personnel ont tendance à emmener de force les résidents aux activités quoi qu’ils en disent, mais c’est une chose qui me paraît excessive, surtout lorsqu’il s’agit de séances de musicothérapie où il me paraît important que la personne soit impliquée dans le projet, même si elle est très atteinte par la maladie et donc peu à même de prendre des décisions. D’autres soignants ont au contraire tendance à considérer qu’un non est un non, mais j’ai appris à force de côtoyer les personnes âgées démentes qu’un non peut parfois cacher un oui et être simplement une réponse automatique. Je trouve néanmoins qu’il est très difficile de trouver le juste milieu et de savoir quand il faut insister et pousser la personne et quand il faut s’arrêter. Pour cette fois, je me suis permise d’insister car Mme C semblait de prime abord motivée pour venir en séance. Le fait qu’elle se soit mise à fredonner un air tout en marchant à mes côtés peut signifier qu’elle a vraiment compris de quoi il s’agissait et je considère ce chant spontané comme un témoin encourageant que la musicothérapie et la relation par la musique avec moi ont pour Mme C une importance suffisante pour qu’elle soit parvenue à faire du lien entre la musique et ma présence. Pourtant, elle semblait réellement ne pas souhaiter venir. Etait-ce simplement qu’elle ne se sentait pas motivée ce jour-là ? Peut-on y voir une conséquence du fait que beaucoup de choses ont changé lors de la séance précédente où Mme C s’est énormément impliquée, et ce refus révèlerait-il une peur des choses qui pourraient ressortir dans les séances suivantes ? 44

Mardi 3 mars, 14h30.<br />

Lorsque j’arrive au cantou Vivaldi, Mme C déambule dans le couloir. Je <strong>la</strong> retrouve et je<br />

<strong>la</strong> salue, puis je lui explique que je viens pour <strong>la</strong> musicothérapie. Je lui demande si elle<br />

veut venir, elle me dit oui et je lui prends le bras pour l’accompagner. Tandis que nous<br />

marchons, elle se met à chantonner un air que je ne connais pas. Nous arrivons à <strong>la</strong> porte<br />

du cantou. A ce moment-là j’ai lâché le bras de Mme C pour taper le code de <strong>la</strong> porte.<br />

Lorsque je me retourne vers elle, elle s’est éloignée dans l’autre sens. Je l’appelle mais<br />

elle part à toute vitesse à l’autre bout du cantou. Je vais <strong>la</strong> chercher, lui rappelle qu’elle<br />

m’a dit quelques instants plus tôt qu’elle vou<strong>la</strong>it venir en séance mais quand je lui<br />

demande si elle veut toujours venir, elle me répond non. Je lui demande pourquoi mais<br />

elle marmonne des choses incompréhensibles. J’insiste plusieurs fois, lui prenant le bras<br />

pour l’encourager, mais elle se détourne chaque fois et s’éloigne. Ne souhaitant pas non<br />

plus <strong>la</strong> forcer je finis par repartir.<br />

Je me rends compte que même si ce<strong>la</strong> fait longtemps à présent que je suis dans<br />

l’établissement, je ne sais toujours pas bien comment me situer par rapport au refus des<br />

résidents.<br />

Certains membres du <strong>personne</strong>l ont tendance à emmener de force les résidents aux<br />

activités quoi qu’ils en disent, mais c’est <strong>une</strong> chose qui me paraît excessive, surtout<br />

lorsqu’il s’agit de séances de musicothérapie où il me paraît important que <strong>la</strong> <strong>personne</strong><br />

soit impliquée dans le projet, même si elle est très <strong>atteinte</strong> par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et donc peu à<br />

même de prendre des décisions.<br />

D’autres soignants ont au contraire tendance à considérer qu’un non est un non, mais j’ai<br />

appris à force de côtoyer les <strong>personne</strong>s âgées démentes qu’un non peut parfois cacher un<br />

oui et être simplement <strong>une</strong> réponse automatique.<br />

Je trouve néanmoins qu’il est très difficile de trouver le juste milieu et de savoir quand il<br />

faut insister et pousser <strong>la</strong> <strong>personne</strong> et quand il faut s’arrêter.<br />

Pour cette fois, je me suis permise d’insister car Mme C semb<strong>la</strong>it de prime abord motivée<br />

pour venir en séance. Le fait qu’elle se soit mise à fredonner un air tout en marchant à<br />

mes côtés peut signifier qu’elle a vraiment compris de quoi il s’agissait et je considère ce<br />

chant spontané comme un témoin encourageant que <strong>la</strong> musicothérapie et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion par <strong>la</strong><br />

musique <strong>avec</strong> moi ont pour Mme C <strong>une</strong> importance suffisante pour qu’elle soit parvenue<br />

à faire du lien entre <strong>la</strong> musique et ma présence. Pourtant, elle semb<strong>la</strong>it réellement ne pas<br />

souhaiter venir. Etait-ce simplement qu’elle ne se sentait pas motivée ce jour-là ? Peut-on<br />

y voir <strong>une</strong> conséquence du fait que beaucoup de choses ont changé lors de <strong>la</strong> séance<br />

précédente où Mme C s’est énormément impliquée, et ce refus révèlerait-il <strong>une</strong> peur des<br />

choses qui pourraient ressortir dans les séances suivantes ?<br />

44

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!