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- En quoi consiste la prospérité d'un pays ?(S). C'est à moins d'un an de la flambée révolutionnaire de 1789 que Roederer publie cet opuscule à la fois théorique et pratique, puisque se voulant aussi dirigé contre quelques abus du régime. Pour notre Messin, la prospérité d'un pays, c'est d'abord une population nombreuse et heureuse. Une telle affirmation a, on l'aura deviné, des conséquences quantitatives et qualitatives. La population d'un Etat doit toujours être adaptée aux ressources disponibles. Ainsi, lorsqu'un Etat peut nourrir davantage de monde, il faut promouvoir l'augmentation de la population. Favoriser le développement de l'agriculture et le défrichement, c'est mettre le pays en mesure d'assumer la hausse de la population. L'expansion agricole est favorisée par celle des manufactures qui attireront une main d'œuvre nombreuse, donc plus de bouches à nourrir, donc plus de terres à défricher. Ainsi, pour Roederer, l'économie répond à des mécanismes régulateurs qui fonctionnent d'eux-mêmes et qu'il appelle, comme Smith, la « nature des choses ». La prospérité est aussi atteinte par un développement des échanges. Partant, les nations doivent développer des politiques de libre-échange. Mais si tout doit être mis en œuvre pour que la population soit nombreuse, il faut aussi qu'elle soit heureuse, au sens « économique » que prête Roederer à cet adjectif. Etre heureux, cela veut dire d'abord être nourri, dans la société de 1788 qui n'est pas à l'abri des disettes. Il faut développer l'agriculture et sa production à un point tel que les subsistances ne soient jamais mises en péril. Pour ce faire, les propriétaires fonciers doivent pouvoir investir pour défricher. Roederer constate que la société dans laquelle il vit ne peut structurellement remplir cette fonction, pour deux raisons essentielles. La première est l'inégale répartition des terres : «L'inégalité des propriétés a mis en possession d'un seul homme des terres qui en nourriraient des milliers ». La seconde raison est que les propriétaires des terres ne vivent plus, ni sur leur domaine, ni de leurs produits agricoles. Ces propriétaires, le plus souvent installés à Paris, font « graviter l'argent des extrêmités vers le centre » et en privent leurs régions où on ne peut investir pour développer la production. Ne faudrait-il pas dès lors imaginer un nouveau partage de la propriété qui serait davantage fondé sur le travail car « c'est la peine de l'homme qui fait son titre aux bienfaits de la terre »? N'en déduisons nullement que Roederer soit un révolutionnaire « partageux ». Son style en est même fort éloigné. Modéré en tout, c'est l'excès qu'il critique. Trop de richesses foncières concentrées entre les mains d'un seul ou d'une famille ne sont pas 8)
propices au développement. Mais plutôt que de partager autoritairement, ce sont des mécanismes régulateurs qu'il faut développer. Après quoi, le libéralisme économique fera jouer les siens. II. Les travaux pratiques : le comité des contributions de l'assemblée nationale En octobre 1789, Pierre-Louis Roederer est élu à l'Assemblée Nationale(9). Il arrive à Paris au début de novembre et rejoint le « comité des Douze », chargé de préparer le travail de l'Assemblée en matière fiscale. Il y siège aux côtés de Talleyrand, Dupont de Nemours, La Rochefoucauld, etc., et déploie une grande activité. Sans aucune modestie, il écrira plus tard : «J'embrassai d'une vue nette les besoins de l'Etat, et les mesurai avec précision; je reconnus avec discernement les véritables sources du revenu public, et saisis avec sagacité les moyens les plus sûrs et les plus déliés de distribuer le poids de la contribution de la manière la plus égale qui fut possible »(10). Même si les fleurs que s'accorde Roederer peuvent apparaître excessives -eu égard au fait que ses « théories » sont très largement inspirées de celles de Smith-, il faut néanmoins reconnaître que son travail fut tenace et important. Il n'est qu'à relire les rapports et discours qu'il rédigea au nom de son comité, voire pour l'Assemblée entière : - Rapport concernant le revenu public de la vente exclusive du tabac, septembre 1790(11); - Rapport sur la proposition d'imposer les rentes dûes par le trésor public, décembre 1790(12); - Rapport concernant les lois constitutionnelles des finances, décembre 1790(13); - Rapport sur le droit de timbre, juillet 1791 (14); - Discours sur la prohibition de la culture du tabac, février 1791 (15); - Rapport sur les patentes, février 1791 (16); - Rapport sur les articles généraux relatifs à l'organisation du corps des finances, avril 1791 (17); 9) Sur les péripéties de l'élection de Roederer, voir R. PAQUET, Bibliographie analytique de l'histoire de Metz pendant la Révolution (1 789-1800), Paris, 1926, t. 1. 10) Œuvres, t. III, p. 281. 11) Œuvres, t. VI, p. 447-490. 12) Ibid., p. 493-498. 13) Ibid., p. 498-508. 14) Ibid., p. 508-513. 15) Ibid., p. 514-524. 16) Ibid., p. 524-530. 17) Ibid., p. 530-537. 317
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