les œuvres et convictions d'économie politique de pierre-louis ...

Comme Smith, Roederer croit en des mécanismes, « la nature
des choses », qui font aller l'économie d'elle-même. Comme le
maître écossais, il attache une importance essentielle au capital et
au renouvellement du profit par l'expansion vers d'autres activités
lorsque les fruits apportés par une branche se tarissent. Comme
Smith encore, il milite pour la facilitation des importations et hésite
sur les bénéfices qu'on peut tirer des exportations. Comme l'auteur
de De la richesse des nations, enfin, il arrête ses regards sur
l'importance du budget de l'Etat et son action sur le développement
de la richesse nationale. En ce sens, Pierre-Louis Roederer
est bien un vulgarisateur des idées nouvelles qui ont agité les
milieux de la pensée économique de son temps. Tout au long de sa
vie, il ne dévie pas d'un souffle de ses convictions.
Roederer est au coeur du débat qui agite les intellectuels et les
politiques de son époque. Faut-il être pour ou contre les physiocrates(24),
appelés aussi « économistes » ? Il est proche d'eux lorsqu'il
concède que le propriétaire foncier est le personnage central
de l'économie nationale. Mais il va plus loin, il est plus moderne,
lorsqu'il opine que ce rôle est dépassé par les réalités de l'époque.
La société n'est pas figée à sa situation antérieure au contrat social.
La réalité économique a vu se créer d'autres sources de richesses
que la terre, et la valeur centrale de l'économie s'est déplacée de la
propriété foncière vers l'homme et le travail qu'il fournit. Voilà
bien la pensée de Smith qui contredit, mais aussi complète à certains
égards les théories physiocratiques.
Bien sûr, lorsqu'on quitte le terrain étroit de l'éèonomie politique,
Roederer est comme tous les autres Constituants. Les théories
libérales et censitaires des physiocrates l'influencent. Là, le terroir
reprend ses droits pour imposer une vue mécanique des
rapports sociaux et restrictive du droit de suffrage. Mais notre propos
était seulement économique, rappelons-le. Sur ce point, notre
Messin apporte plusieurs choses. Comme écrivain, il parvient à
faire pénétrer dans sa province les idées économiques et fiscales
nouvelles dont la France a besoin et qui forceront le passage en
1789. Comme conseiller au Parlement, il fait entendre sa voix dans
le grand débat sur le reculement des barrières douanières, point
essentiel des querelles économiques de la Lorraine et des Trois
Evêchés du XVIIIe siècle. Comme Constituant, il est de ceux qui,
en amendant les idées fiscales des « économistes », fait le lit des
24) Sur les physiocrates et leur influence sur les doctrines de la Constituante, voir P.
ROSONV ALLON, >, Dictionnaire critique de la Révolution française, volume
« idées », sous la direction de F. Furet et M. Ozouf, Paris, 1992, p. 359-371.
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