auteurs latins - Notes du mont Royal

moissons, aussitôt les arbres se couvrent de verts
feuillages 9 et ils grandissent et se courbent sous
leurs fruits. C'est là ce qui nourrit les animaui
et les hommes ; c'est là ce qui fait éclore dans
nos villes une jeunesse florissante f ce qui fait
chanter nos bois, peuplés d'oiseaux naissants.
Yoilà pourquoi des troupeaux gras et fatigués du
poids de leurs membres reposent dans les riants
pâturages, et que des iots de lait pur s'échappent
de leurs mamelles goniées, tandis que leurs
petits encore faibles, et dont ce lait enivre les
jeunes têtes, bondissent en jouant sur l'herbe
tendre.
Ainsi doncftout ce qui semble détruit ne Test
pas; car la nature refait un corps avec les débris
d'un autre, et la mort seule lui vient en aide
pour donner la vie.
Je t'ai prouvé, Memmlus, que les êtres ne
peuvent sortir du néant, et qu'ils n'y peuvent retomber
} maïs » de peur que tu n'aies pas foi dans
mes paroles, parce que les éléments de la matière
sont invisibles» je te citerai des corps dont
tu seras forcé de reconnaître l'existence, quoiqu'ils
échappent à la vue,
D'abord,c'est le vent furieux qui bat les iots
de la mer, engloutit de vastes navires, et disperse
les nuages ; ou qui, parcourant les campagnes en
tourbillon rapide, couvre la terre d'arbres immenses,
abat les forêts d'un soufie, tourmente
Haud igitur redit ad nîhflum res ulla, mû omnes
Plscldîo redeuot in corpore materiai. 150
Postremo, pereunt imbres, ubi eos pater Mlier
In gremium roaiiîg Terrai prœcipitatit :
Al nitidaa surgunl fruges , rameique fireseunt
Arboribus; crescuntipsae» fetuque grarantur.
Hinc alitur porro nostriim genus, atque ferarum : 255
Hinc laetas «rbeis puerls florere videmus,
Frtiidlferâsque notis a?ibus cancre undique sylvas :
Hinc fessœ pecudes pingues per pabula laeta
Corpora deponunt; ei eandens iaeteus humeur
Uberibus maiiat distentis : bine no?a proies %m
Artubus infirmis teneras lascif a per herbas
iudit» lacté niera meiiteis perce Isa no?ellas.
Haud igitiir penitus pereunt quœquomqoe fidentur;
Quando alid ex alio reficit Natura » nec ullam
Eeim gfgni patiturf iiisl morte adjula aliéna. 265
Nunc âge 9 res quoniam docui non posse creari
De nihilo, neque item genilas ad nil revocari;
Ne qua ferle tamen cœpies diffidere diète» »
Quod nequeuiit oculis rerum primordia eerni ;
Accipe prseterea , quae corpora la te necesse est 270
Coniteare esse m rébus, liée posse ?ideri.
Priacipio, venli vis verberat incita pontuniy
Ingeoleisque mit naveis, et nubik diflfert;
Interdtfm» rapido percurrens turbine, eampos
Arboribus magnis siérait, monteisque supremos 2?5
S}Nfragis veiat flabris ; Ma perfurit acri
Oum fremittt » sapvitque minaet murmure pont us.
LUCRÈCE.
la cime des monts, et irrite les ondes frémissantes
qui se soulèvent avec un bruit menaçant. Il est
clair que les vents sont des corps invisibles, eux
qui balayent à la fols la terre, les eaux, les nues»
et qui les font tourbillonner dans f espace.
C'est un iuide qui inonde et ravage la nature
f ainsi qu'un ieuve dont les eaux paisible!
s'emportent tout à coup et débordent» quand
elles sont accrues par ces larges torrents de pluie
qui tombent des montagnes, entraînant avec eux
les ruines des bois, et des arbres entiers. Les
ponts les plus solides ne peuvent soutenir le
choc impétueux de Fonde» tant le leuvef gonié
de ces pluies orageuses, heurte violemment les
digues : il les met en pièces avec un horrible
fracas ; il roule dans son lit des rochers énormes,
et abat tout ce qui lui fait obstacle. C'est
ainsi que doivent se précipiter les vents, qui
chassent devant eux et brisent sous mille chocs
tout ce que leur souffle vient battre comme des
iots déchaînés, et qui parfois saisissent comme
en un gouffre et emportent les corps dans leurs
tourbillons rapides. le le répète donc, les vents
sont des corps invisibles, puisque, dans leurs
effets et dans leurs habitudes, on les trouve
semblables aux grands ieuvesqui sont des corps
apparents,
Enfin, ne sentons-nous pas les odeurs éma*
nées des corps f quoique nous ne les voyions pas
Sunt igitur tentai nitnirum corpara caeca,
Qua mare, quae terras, qua denique nubilt cœli
Yerriiet y ac subito vexantia turbine raptant. 280
Nec ratione fluunt alia , stragemque propagait ,
Ac quom mollis aquœ ferler iiilura repente
FJumlne abundaetl ; qnem fargis imbribos auget
MoiUbus ex altis magnus decursus aquai f
Fraginina eonjlciens sylrariirri, arbuslaque Iota : 285*
Née valide! possunt pontes venientis aqqai
Vim subitam tolerare; ita, magno turbidus imbri,
Molibus incurrit validis cum vlribus amnis ;
Dat sonltu magno stragem ; voltitque sub undis
Grandia saia; rait9 qua qnidquam luctlbus obstat. 29e
Sic Igitur debent venti quoque fl§mîoa ferri :
Qu«, veluli validum quom flumen prociibuere
Quamlibet in prtem9 trudunt res aotey ruuntque
Impetibus crebris ; laterdum forlice torto
€orripiunty rapideique rotanti turbine portant. 235
Quare etiam atque etiam sunt venlei corfiora ca»ca ;
Qtiandoquidem f fac|is et moribusy aemula magneis
âœnibos inveniunlur, aperto corporequei sunt.
Tum porro varlos rernm sentimus odores;
Nec tamen ad nareis ?enïenteïs cernimus unqiiam ; 30Q
Mec calidos aestus ttiimur9 nec frigora qiiimus
Usurpare oculis; nec voces cernere suemtis :
Quae taroen omnia corporea coistare necesse est
Natura, quoniam semas impellere possunt :
Tangere enim aut tangi 9 niai corpus 9 nuUa ptest res. 30|
Benique luctiûrago suspens» in litore Yestei