auteurs latins - Notes du mont Royal

142 LUCRÈCE.
se prît aient de leurs yeux : tant était vive cette
peur de mourir Imprimée dans leur âmel Quelques
malheureux enin se prirent à oublier toutes
choses 9 au point de ne plus se reconnaître euxmêmes.
Quoique la terre fût jonchée de cadavres entas*
ses sur cadavres et manquant de sépulture, la race
des oiseaux et les bêtes sauvages s'en écartaient
d'une fuite rapide f pur éviter d'infectes odeurs :
ou bien elles goûtaient à peine ces restes, que
déjà elles languissaient aux approches de la
mort.
Et même, en ces tristes jours, on ne voyait
guère d'oiseaux apparaître, ni d'animaux nuisibles
sortir des forêts : la plupart, frappés de la
maladie, expiraient languissamraent. Les chiens -
surtout, les chiens fidèles, étendus dans toutes
les rues, y vomissaient avec effort leur âme, sous
les assauts du mal qui arrachait la vie de leurs
membres.
On menait à la hftte d'innombrables funérailles
que nul n'accompagnait Bien ne fournissait un
remède général et sûr ; car ce qui avait permis à
l'un d f Oul9 car l'avide contagion du mal ne ctssiti
point un seul instant de gagner les mis après lit
autres, comme des troupeaux chargés de laine
ou des boeufs mugissants* Yoilà surtout ce qui
entassait funérailles sur funérailles. En effet, tous
ceux qui fuyaient la couche des malades 9 trop
attachés à la vie, trop effrayés de la mort, étaient
bientôt punis par une mort aussi triste que honteuse!
délaissés eux-mêmes, manquant de secoiir%
et à leur tour victimes de l'abandon, Geux au con*
traire qui assistaient les autres, succombaient et à
la contagion, et â la fatigue que les obligeaient de
subir une noble pudeurt et la prière caressante,
la voix plaintive des mourants. Aussi étaient-ct
les meilleurs des hommes qui essuyaient ce beau
trépas.
Luttant d'efforts pour ensevelir sans relâche
tout un peuple des siens, on revenait enin brisé
par les larmes et le deuil Alors la plupart tombaient
au lit sous le poids du chagrin; et il était
impossible de trouver un homme que ni la maladie
f ni la mort, ni le deuil, n'eût frappé à cette
cruelle époque.
aspirer encore le souffle vivifiant des airs, Le pitre, le bouvier, et le guide robuste de la
d'apercevoir encore la voûte des deux, perdait charrue, sentaient aussi de mortelles langueurs,
l'autre et amenait sa mine.
au fond des chaumières se pressaient des corps
Mais de toutes ces calamités voici la plus af­ étendus, victimes du léau et de la misère. Ici
freuse, la plus lamentable : à peine saisi du fléau* tu aurais vu des parents jetés sans vie sur les
on se voyait déjà condamné à mourir; et, dans restes sans vie de leurs enfants ; là des Ils
le triste abattement d'une âme défaillante, on expirant sur le cadavre de leur père et de leur
gisait immobile, n'envisageant plus que la mort, mèrel
et l'on expirait sur la place.
Cette désolation fut en grande partie répan-
Vivebant, ferro privafei parte vlrili ;
Et manibos sine nonnullei pedibusqne maaebant
IQ vite tamen; cl perdebant Itimina partira :
Usque aie© morlis metus hels incusseral tcer !
Alque etiam quosdam cepere oblifia rerom
Ciiiiciariiiîi, neqoe sepossent cognoscere utipsef.
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Miiitaque Itumi quom inhumata jacerent corpora supra
Corpribus , tamen alituum genus atque feraruni 1215
Aiit procul absiliebat, ut acrem exiret odorem ;
Aut, ubi gustarat, languebat morte propinqiia.
Mec tamen omnino temere ollis solihus ulla
Comparebat avis, née noxia secla ferarum
Exibant sylvis ; languebanl pieraque morbo,
Et moriebaitur : cum primis fida canum fis
Slrata ?iis animam ponebat in omnibus œgr© :
Extorquebat enim vitam fis morfcida membre»
Ineomitata rapi certabantfunera fasta.
Nec ratio remedii communia certa dabatur :
Nani , quod ait dederat f italeis aeris auras
Volfere in orelicere,etcœli templa lueri,
Hœ alieSs erat exitio t letumque parabat
Hiud in bis rébus miserandum et magnopre nnnm
1220
«225
JSrumnabile erat, quod, ubi se qnisqne fidebat 1230
Implicitam mort», morli damnatua nt essetf
Deiciens animo, mœsto cum corde jaeebat,
Fmiera respectant» animam et mittebat ibidem.
Quippe etenim nullo cessabaettempore aplsci
Ex allis alios a?idi contagia morbi > 1Î3S
Lanigères tamquam pecûdes 9 et bucera seda :
Idque iel in primis eumulabat fancre fuiras.
ffâiïî f queiquomque sues fngitabant fisere ad ttfros,
Vital nimium eupidos mortisque timentels
Pcenibat paulio post turpi morte malaqne y
1MO
Désertes f ©pis experteis, Ineurit macUns.
Quel fuerant aiilein praesto 9 coafagïbas ibant
âtque kbore» pudor quem tum cogebat obire»
Blandaque lassorum fox», miïla toce qtierelœ :
Optumus hoc leli genns ergo quisqiie subibat. 12IS
Inqae aîiis alium y populum sepelire suoruii
Certantes, lacrumis lassei luctuqne redibanL
Inde, bonam partem, in lectum mcerore dabanter :
Nec polerat quîsquam reperirî, quem neque morbnsf
Nec mors f née Inclus tentaret tempore tali. 1**
Praterea jam pastor et armeotaritift omnis,
Et robustes item curvinmderator aratrl,
Languebat; penitusque casa contrusa jacebant
Corpora, pauprtate et morbo dedila morû.
Eianîmls pueris super eianlmala parentum Wâ
Corpora fionnuiîqiiâiîî posses retroqae tiieie
Matribus et patribus natos iupir edere f item.
Hec minumim partent ex igrig mœros ii in iitai
Conflnxil; laopois quem cootulit agp€oliriiiii