auteurs latins - Notes du mont Royal

124 LUCRÈCE.
nuage déjà fort et mûr. Ainsi percé, le nuage
laisse tomber aussitôt ce tourbillon de feu à
qui la langue de nos pères donne le nom de Fm»
ère. Le même fait a lieu dans toutes les parties
de la nue où le vent porte sa colère.
Il arrive parfois aussi que son essence vivef
quoique dardée sans flamme, prenne feu néanmoins,
quand elle franchit un long espace pour
venir à nous. Car elle perd dans sa course quelques
atomes volumineux f moins propres à fendre
l'air; et de l'air même elle détache, elle emporte
des germes imperceptibles, qui engendrent
le feu sous un vol rapide. De même, ou peu
s'en faut, in long trajet rend la balle de plomb
brûlante, prce qu f au sein de l'air elle jette mille
de ses froids atomes, pour y recueillir mille
atomes de feu.
Souvent encore la force même du choc embrase
la nue que bat un vent glacé, un vent parti
sans lamine. Oui, parce que la violence de ses
coups fait jaillir tous ies éléments de la vapeur
chaude de ses propres flancs, aussi bien que des
matières qui reçoivent le choc. Ainsi, du caillou
heurté par le fer, volent les étincelles; et le fer,
avec sa froide essence, n'empêche pas que les
germes de ce brûlant éclats'amassent souslecoup.
Voilà comme doivent s'embraser de la foudre
tous les corps d'une nature complaisante et propre
à la flamme. Au reste, il est difficile que le
vent soit une matière tout à fait glacée, lui qui
tombe si violemment de si haut ; crois plutôt que,
si la course ne lui a pas fait prendre feu, il nous
arrive du moins tiède et mêlé de chaleur.
Vorlei, quem patrio vœitamus nomme fulmen.
Hoc lit idem in parlais alias, qtioquomque tulll vis.
Fit quoque f ut interdum ?eoli vis , missa sine ipi » 300
fgnlscat tamea in spatio loogoque meatu f
I)nIïI venit; amitteos in cursu corpora quœdam
Grandia , quae nequeunt pariter penetrare per auras :
Atque alla ei ipso corradens aère portât
Par?ola y quae faciunt ignem , comraiita » volando : 30S
Mon alia longe ralione t ac plumbea ssepe
Fer?ida fit glans in cursu, quom 9 multf rigoris
Corpora dimittens, ignem coDcepit in auris.
Fit quoque 9 ut ipsios plagae vis excitât ignem y
Frigida quom veoti pepullt vis 9 missa sine igni ; 310
Mimirum quia, quom fehementi perculit ictu9
Confluere ei ipso possunt elementa vaporis ;
Et siraai ex ollay quae tum res excipit 1 clora :
Ut, lapidem ferro quom cœdimus, evolat ignis ;
Nec » quod frigida vis ferri est, hoc secius olia 315
Semina concurrent calidi fulgoris ad ictum.
Sic ïgitur quoque res accendi fulmine débet,
Opportune fuit si forte et idonea iammis.
Nec temere oranino plane vis frigida f enti
Esse potest, ex quo tanta fi missa supeme est; 320
Qain prias f in cursu si non accenditur igni|,
At tepefccta tamen ?eniat, commixta calore. )
Le vif essor de la fondre, ses coup violents, et
la chute rapide qui te l'apporte, viennent de ce que
sa rage f d'abord emprisonnée dans la nie f s'y
amoncelle, et tente de vastes efforts pour s'échapper.
Puis, quand le nuage ne peut contenir ses
emprtements qui débordent, le trait part :
aussi vole-t-il merveilleusement vite, prompt
comme les matières lancées par de robustes machines.
Ajoute que la foudre se compose de germes
1ns et lisses : avec une telle nature, il est difficile
que rien lui fasse obstacle ; car elle fuit et
se coule par les moindres vides des moindres
issues. Elle trouve donc pu de résistances qui
arrêtent ou embarrassent ses pas, et voilà ce qui
accélère son élan, son vol rapide.
Ensuite, la Nature veut que tous les corps
pesants aspirent à descendre. Mais une fois que
le choc se joint au poids, leur vitesse redouble,
leur impétuosité augmente. C'est donc plus impétueusement
et plus vite que la foudre dissipe
tous les obstacles qui s'offrent à ses coups, et
qu Y elle poursuit sa route.
Enfin, quiconque fournit un long essor doit
acquérir une vitesse toujours accrue par la marche,
toujours enrichie de forces nouvelles qui
ajoutent à la vigueur du choc. Car alors toute
la masse des germes, obligée de tendre vers unbut
unique, réunit pour une même course ses
mille tourbillons épars.
Peut-être même, dans son vol, la foudre tiret-elle
de l'air quelques atomes dont les coups
allument encore sa brûlante rapidité.
Habilitas autero It fulminis, et gravis ictus,
Ac céleri ferme pergunt tlbi fulmina lapsu»
Nubibus Ipsa quod omnino prius incita se vis 32S
Colligit, et magnum conamen garnit eundi.
Inde9 ubi non potuit nubes capere impetis anctum f
Exprimitiir vis; atque îdeo volât impete wiîro,
Ut ?alidis quae de formentis missa ferantor.
Adde» quod e parvis et lœvibus est démentis ; 330
Mec facile est tali naturœ obsistere qtildqnam :
Inter enim fugit ac pénétrât per rara viarum.
Mon igitur m ni lis offeasibos in remorando
Haesitat : banc ob rem céleri voSat Impete labens.
Dcinde» quod omnino Nalera pondéra deorsum 335
Omnia niluotur : quom plaga sit addita vero,
Mobilitas duplicatur» et imptus iile gravescit :
Ut vehementios et citius:, qnaequomque moraitur,
Obvia discu liât plagîs» itinerque sequatnr.
Denique» quod longo venit impete , sumere débet 340
Mobilllatem, etiam atque etiam quae crescit eundo »
Et validas auget vireis, et roborat ictum.
Mam factt, ut, quaesint illius semina quomque9
E regione locum quasi in unum cuncta ferantur,
Omnia conjiciens in eum vol ventia cursnm. Mb
Forsitan ex ipso veniens trâliat aère quœdam
Corpora, qu» plagis incendunt mobilitatem.