auteurs latins - Notes du mont Royal

120 LUCRECE.
D'abord, le tonnerre ébranle la voûte azurée
du ciel, quand les nuages qui volent à 1a cime
du monde sont entrechoqués* par le combat des
vents. Car le retentissement ne part jamais des
régions sereines ; mais les endroits où les nues
lottent en bataillons plus épis frémissent ha-
'bituellement sous de plus vastes murmures.
En outre, les nuages ne peuvent être ni des
masses aussi denses que les pierres et le bois, ni
des essences aussi fines que le brouillard et la
fumée légère. Sinon ils devraient, comme la
pierre, tomber sous l'accablement de leur poids
inerte ; ou, comme la fumée, dépourvus de consistance,
ils ne pourraient emprisonner la froide
neige et les averses de la grêle.
Us jettent aussi, dans les plaines immenses du
ciel, un son preil au craquement de ces voiles
tendues dans nos larges amphithéâtres, et balancées
entre les mâts et les poutres. Quelque
fois la nue s'emporte, déchirée par un souffle
impétueux, et imite l'aigre cri du papier : sorte
de bruit qu'on reconnaît encore dans les éclats
de la foudre, de même que celui d'une étoffe suspendue
ou d'un feuillet qui s'envole, et que les
'coups du vent font tourbillonner et gémir dans
les airs*
Car 11 arrive parfois que les nuages, ne pouvant
su heurter de front, se côtoient plutôt, et,
dans leur essor contraire, se rasent les lancs
tout du long. De là vient qu'un son sec froisse
l'oreille, et se prolonge interminable, jusqu'au
moment où les nues se dégagent d'une région
trop étroite.
Principio f tonitru qoaiuittir caerula codi ,
Propterea, quia concurrent y sublime volantes,
Mimm nulles f contra pugnantibu* ventis.
Mec it enim sonitus cuelî de parte serena;
¥erumf ubiquomqwe magis densosunt agmioe nubes, 100
Tarn magis hinc magno fremilus it murmure sœpe.
Prœterea f neque tam condense corpore aubes
Essequeunt, quam suit lapides ad ligna ; neque autem
Tam tenues 9 quam sent nebulœ fumeique volantes.
Mam cadere aut'brito deberent pondère pressas , I0&
Ut lapides; autt ul fumut, constare nequirent,
Née cohibere niteis gelidas et grandiiils imbreis.
Dant etiam SDiilum paluli super œquora mundi f
Carbasus ut quondam, magnels intenla theatreis,
Dat crepitum , malos inter jactata trabeisqtie. 110
f ti tendu ni perscissa furii petulantibus auris 9
£1 fragileis soutins cbarlaram commeditatiir;
Id quoque enim genus in tonitru cognoscere possis :
Aat abi snspensam ïestem cliartasve volanieis
¥erberlbus f entei voreant , planguntque par auras. 115
Fil quoque enim interdutii, non tam conçurrare nubes
Fronibus adtorsis possint» quam de latere ire»
Dûrono motu radentes corpora tractim ;
Aridus unde aureis ierget sonus ile y diuque
lucitur, exierunt donec regkmibi» arctia. i 20
• 11 est un autre motif pour fie la Nature tressaille,
bondissant au formidable eboc du tonnerre;
pour que, soudain rompue, la vaste barrière
des abîmes de ce monde semble voler en
éclats- Que de fois un vent impétueux f amoioelant
ses orages f s'engouffre tout à coup dans les
nuesf y demeure captif! et là, ses tourbillons
bouleversent tout de plus en plus f et creusent le
milieu en épaississant les bords. Puis f enfin f la
masse ébranlée cède à sa violence, à ses assauts
furieux f et un horrible craquement annonce sa
fuite retentissante. Qui s'en étonne! La moindre
vessie, gonflé© d'air, jette comme lui un si»
bruyant par une explosion soudaine.
On explique autrement encore le brait du
vent qui souffle à travers les nuages. Car on voit
souvent marcher des nuages hérissés de mille
branches, de mille aspérités. Ils retentissent
alors comme, dans les épaisses forêts que traverse
l'haleine du Caurus, sifflent les feuilles et résonnent
les rameaux.
Quelquefois même l'emportement d'un souffle
irrésistible perce le nuage, et le crève en l'assaillant
de front. Ce que peuvent les vents làhaut
, l'expérience nous l'enseigne ici-bas sur la
terre, oè ils sont plus modérés, et où cependant
ils emportent les arbres les plus hauts, et les dévorent
jusqu'au fond de leurs racines.
Il y a aussi des flots dans les nuages ; et en se
brisant ils poussent un long murmure, comme
les fleuves profonds ou la vaste mer, déchirée
par le bouillonnement de ses vagues.
Le même fait a lieu lorsque le brûlant essor
Hoc etlam pacto, tonitru coneussa fldentur
ûmnîa saepe gra?i tremere » et ditolsa repente
Maxuma dissilubsecapaeismœnia mundi;
Quom subito validi ?enti collecta preeella
Bfubibus intorsit sese, cooclusaque ibidem 9 12S
Turbine ?orsante magis m mugis undique nnbem 9
Cogit, IIil fiât splsso c&fi eorpore cirent»,
Post y ubi commovit vis ejus 9 et irnpetus acer,
Tum perterricrepo sortit» dat missa fragorem.
Em ininim, quom plena anim» ?esienta parva IM
Sœpe ita dat pariter sonHuni 9 displosa repente.
Est etiam ratio, quom rentei nubila perflant,
Ul sonitus faclant ; etenim ramosa videmus
Nubila saepe modis multis atque aspera ferri.
Seilicet ut crebram syîwaœ quota flamina Cauri 135
Perflant, dant sonitnm frondes, rameique fragorem.
Fit quoque f ut interdum validi vis incita venti
Perscindat nnbeui, perfringens impete recto.
Nain , quid possit M Halos, manifesta docet res
Hic y ubi lenior est » m terra , quom famen alta 140
Arbnsta evol? ens radicibus haurit ab imis.
Sunt etiam luctus per nubila, quei quasi murmur
Dant in frangundo graviter; quod item lit in altis
Fiuntinibus magnoque mari , quom frangitur sstn.
Fit quoque, ubi t niibe innubem fis iacidit ardent 14S