auteurs latins - Notes du mont Royal

DE LA NàtUEE DES CHOSES, L1V. V. 10?
sont-ils incapables de naître enchaînés : loin de
là, tous se développent à leur manière ; tous conservent
les traits distincts, empreints du sceau
ineffaçable de la Nature.
La race humaine, alors éparse dans les campagnes
, était beaucoup plus dure, comme elle
devait l'être, enfantée par les dures entrailles de
la terre. La charpente des os était plus vaste,
plus solide; des nerfs plus robustes attachaient
les muscles : l'homme n'était sensible ni aux
surprises du froid ou de la chaleur, ni à la nouveauté
des aliments, ni à aucun fléau du corps.
Durant mille révolutions du soleil autour des
deux, il traînait partout sa vie à la manière des
bêtes errantes. 11 n'y avait pint encore de bras
vigoureux qui maniât le soc recourbé, pint
d'homme qui sût travailler le sol avec le fer,
enfouir dans la terre de jeunes arbrisseaux, ou
élaguer sous la faucille ie feuillage vieilli des
grands arbres. Ce que leur donnait le soleil ou
la pluie, ce que la terre répandait elle-même f
suffisait, humble don, pur apaiser le cri de
leur estomac. Le plus souvent, ils entretenaient
leur corps sous les chênes aux glands fertiles,
ces arbousiers que tu vois, durant nos hivers,
mûrir avec une teinte de pourpre, la terre les
engendrait alors innombrables, et plus grands
que les nôtres : enfin, dans sa fleur de jeunesse,
le monde produisit encore mille choses, nourriture
grossière, mais abondante pur les tristes
humains.
Les fleuves et les sources les invitaient à étancher
leur soif; comme, aujourd'hui, les torrents
do la vieillesse; la même Ténus ne les embrase
ps : leurs habitudes diffèrent f et des mets semblables
ne flattent point leurs organes f puisque
les troupeaux à longue barbe s'engraissent de la
ciguë, où l'homme ne trouve qu'un poison énergique.
Et puisque, de tout temps, les flammes brilent
et consument le corps fapve des lions, aussi bien
que tontes les espèces formées ici-bas de sang et
ie viscères, comment aurait-il pu y avoir un
être9 triple corps à lui seul, lion par en haut,
dragon par en bas, et au milieu ce que nous appe*
Ions chimère, dont la gueule vomît du fond des
entrailles une flamme dévorante ?
Ainsi quiconque, ne s'appuyant que sur ce
vain mot de nouveauté, avance que la jeunesse
de la terre et la fraîche origine du ciel ouvraient
les portes de la vie à de semblables animaux, est
libre, par le même système, de nous conter mille
fables. Qu'il affirme qu'en ce temps-là des fleuves
d f or baignaient partout les campagnes, que
tous les arbres pour fleurs avaient des pries ;
ou bien que l'homme naissait avec un tel essor
dans les membres qu'il puvait franchir la vaste
mer de ses vastes enjambements, et de ses mains
faire tourbillonner autour de sa tête le globe entier
des cieuil Non, l'abondance des germes conte
nus dans le sol, au moment où la terre lit jaillir,
les premiers animaux, n'est pas un signe qu'il ait
pu se produire des êtres, mélangés, assemblages
de membres divers. Car aujourd'hui même que les
herbes de toute sorte, les fruits, les arbres pussent
si abondamment de la terre féconde, encore t
Corpribas 9 aecpe prficiunt «taie senecta ;
Nec simili Venere ardeseuot f nec moribus unis 895
Conveniunt; neqoe sunt etdem jocuada per arliis :
Qoîppe wliem Mcat pinguescerc saepe cicuta
Barbîgeras pcudes, homini quœ est aère venenum.
Fkmma quidem vero quom corpra fulva leonnra
Tarn soieat lorrere atque urere » quam genus omne 900
Visceris in terris quodquomqsie et sanguinis eistet :
Qui fieri ptiiit, triplici mm corpre et uea»
Prima leo, postrema draco f média ipsa cliiaiaera f
Qm foras acrera tiare! de corpre Hammam ?
Qoare , etiam tellure nova cœloque recenti, 905
Talîa qui iogil pttùsse animait gigni9
fixas in hoc on® Dôfilalis Domine iuaoi ;
Mnlla licet , simili ratione 9 effutiat ère.
âurm tnm dicat pr terras flumina volgo
Flmisse» et gemmis florcre arbusta suesse : iio
lut kominein iaato membroruiii esse impete nalum f
Trias maria alla pdum ntxus ut pandere posset,
Et raaiiîbus totum clrcimi se vortere cœJnm.
lam9 quoi multa fuere in terris semioa reram9
Tempore quo primum tellus anlmalia fudit ; 915
Mil lames est signl , miilas potuisse creari
Ipler se peeudes, compactaque membra animantum :
Propterea quia 9 quie de terris nanc quoque abondant!
Herbarum gênera ae frages arbustaque laeta 9
Non tamen infer se possunt compléta creari :
Sed 9 si quœque saa ri lu procedit 9 et orones ?
Fœdere naturœ eerto, discrimina servant.
Et geotis humanum muito fuit illud in arris
Burinst ni decuit» tellus quod dtiracréasse!;
Et majoribus et solidis roagîs ossibus intus
Fundattira ; validis aptum per viscera ner?is :
Née facile ex œstu, nec frigore quod eapretur ;
Nec noYitate cibî f née labi corpris ulla.
Mnltaque pr cœlum solis ?olventia lustra
920
§25
Volgiv ago vitam tractabaot more ferarlm. 930
Nec robustus erat curvi moderator aratri
Quiftquam 9 nec scibat ferro molirier aria,'
Nec no?a defodere in terram vlrgulta, nequi altis
Arboribus veteres decidere falrîbu' ramos.
Quod ml atque inibres darleraaî, quoi terra crearat 935
Sponte sua f salis id placabat pectora donum.
Glandiferas inter curabant corpra quercus
Pleruraque ; et, quœ nunc hiberao tempre cerni*
Ârbala puniceo fîeri matura colore f
Plurima tum tellus » etiam majora » ferebat : MO
Multaque prœterea novitas tum ilorida mundi
Fabula dira tulit 9 miseras mortalibus ampla.
ât sedare sitini luviei fontesqle ?ocabant ;