auteurs latins - Notes du mont Royal

§6
LUC1ÉCE.
n'ont-Ils pas chanté d'autres exploits? Pourquoi
tant de hauts faits ont-ils tant de fols péri? Et
pourquoi les monuments éternels de la renommée
n f en ont-ils pas gardé la leur?
Quant à moi, je pense que l'univers est dans
sa jeunesse, la Nature dans sa fraîcheur, et que
leurs commencements ne datent pas de bien
loin. Aussi voit-on quelques arts se polir encore
de nos jours f et de nos jours encore suivre leur
développement : c'est d'aujourd'hui que mille
progrès enrichissent la navigation ; c'est d'hier
que les musiciens ont inventé leurs douces harmonies.
Enfin, le système de la nature, ce plan
du monde, est une découverte récente; et on ne
m f D'ailleurs, pour que les êtres soient éternellement
durables, il leur faut une matière solide
qui brave les coups, et ne laisse pénétrer aucun
germe de dissolution entre le tissu étroit des par*
ties, comme les atomes dont nous avons indiqué
plus haut la nature. Ils peuvent avoir aussi la
même durée que les âges quand ils échappent
aux atteintes, comme le vide qui demeure toujours
impalpable, qui ne reçoit pas la moindre
blessure du choc ; et quand ils ne sont environnés
par aucun espace libre dans lequel un corp
puisse se dilater et se répandre, comme le tout
universel, le tout impérissable, qui hors de soi
ne trouve ni étendue pour la fuite, ni atomes
a trouvé qu'en cet âge, moi qui, le premier dont la rencontre, dont les assauts terribles vien­
entre tous, ai su l'introduire dans la langue de nent le pulvériser. Or, nous avons vu que le
nos pères.
monde n'est pas une substance de nature solide,
Si par hasard tu crois que les mêmes choses puisque le vide se mêle à tout assemblage. 11 est
existaient jadis, mais que les générations humai­ encore moins un vide pur. 11 ne manque pas de
nes ont succombé aux vapeurs brûlantes, que corps ennemis : du tout Immense jaillissent mille
les villes se sont abîmées dans une grande tem­ tourbillons orageux qui peuvent entraîner la
pête du monde, que sous des pluies continuelles chute de notre univers, ou lui apporter mille dé­
les leuves dévorants ont inondé le sol, englouti sastres. Enfin, il a toujours des espaces, des
les hautes murailles, tu n'en seras que mieux gouffres Inépuisables, pour y semer les débris de
vaincu, et obligé d'admettre que la terre et le ciel ses remprts, pour y essuyer des attaques mortel­
marchent aussi à leur perte. Car au moment où ces les. Donc, les portes de la mort ne sont pas fermé»
fléaux, cespérilsépouvantables tourmentaient les au ciel, ni au soleil, ni à la terre, ni aux eaux pri>-
êtres, si une cause de mort plus terrible se fût abat* fondes;non: ces gouffres b'éants les attendent,
tue sur eux,ils eussent précipité au loin, dans un ouverts dans toute leur immensité.
Immense désastre, leurs ruines immenses. Les -Tu es donc obligé aussi de reconnaître que
hommes même, pourquoi se jugent-ils mortels, ces mêmes corps ont pris naissance. Car des
sinon parce que des maladies les gagnent 9 eux substances mortelles eussent été incapables de
qui ressemblent aux êtres déjà chassés de la vie braver éternellement, jusqu'à nos jours, l'irré­
par la Nature?
sistible force d'un temps Immense.
Hon alias allei quoque res ceduere poète?
Quo tôt facto firum totlens eecidere ; neque usquim 9
JStemeis fama monimenteis insite f dorent ? 330
Venim9utopiiior9 hibet novitalem somma receasque
Natura «lundi est; neque priiem exordia cepli
Quare etitm quadam Donc artes expUuatar ,
lune etiam aupscunt : nimc addita natipeis sunt
Mnlta ; modo organkei mdieos peperere sonores : 335
Deniqoet natura hacrarum raioque reprta est
laper ; et hmc, primus cum primisipse repertus
lime ego sum9 in patrias qui possim vortere vocea.
Quod si forte fuisse antefaac eademomnia créais»
Sêd periisse hominum torreoti secla • apore , 340
Aut cecidf sse urbeis wagoo f examine mundi 9
Antex imbribusasslduis exisse rapaeeis
Per terras amieis, m oppida cooperuisse ;
faute quique magie victus fateare oecesse est,
Exitium quoqne terrarum eeetlcpe futurum. 345
Nam f quoin res taillis morbls tantisque periclis
Tentarentur, Ibi si tristior ineubuisset
Causa y darent Me cladem mapasqoe rainas. t
Mec ration© alla morlales esse fidemur
Inter nos , nisi quod morbls «greseîmus ïidem , 350
âtque ollei, quos a ïita Nalura rernoyIL
Praterea, qmeqoomqne manent aeterna, necesstint est f
Aut, quia sont solido cum corpore, respuere ictus,
Mec penetrare pti sibi quidquam, quod queat ardas
Dissociare intus partais ; ut materiai 3SS
€orpora suDtf quoram naturam ostendimus ante :
Aut ideo durera œtatem posse per omnem,
Plapram quia suit expertîa, aient inane est
Quod manet iotactum , neque tb ictu fungitur hilum :
Aut etiam , quia nolla loci ait copia circom y
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Quo quasi res possint discedere dissoluique;
Sicut summaram suinma est ateroa, neque eitra
Qui locus est t quo dissiliant : neqlie corpora sunt, qoae
Possint incideref et faUda dissolvere plaga.
At neque, uti docui 9 solido cum corpore mundi 36S
Hitura est 9 quoniam admixtum est in rebus inane ;
Mec tamen est M înane; neque autem corpora désuni,
Ex ininito qua possint forte coorta
Cornière banc rerum violente turbine sominam,
Aut aliam quaravis cladem importare pericli : 37i
Hec porro natara loci, spatiumque profond! f
Déficit 9 exspergî qtio possint moenia muidi;
Aut alia qua?is possunt fi puisa périra.
Haud igiter leti praclusa est janua cœlo,
Nec soU terraque, neque altés aquori» uudeii 37â