auteurs latins - Notes du mont Royal

§6 LUCRÈCE.
les enchaîne, ni leurs mains arracher une par­ continuellement la pourpre, fatiguée de boire les
celle de ces molles beautés f où elles errent irrésolues.
sueurs amoureuses ; les richesses bien acquises de
nos pères ne sont plus que rubans et parures, ou
Enfin, quand les membres enlacés cueillent la se convertissent en robes brodées par Scio et
douce fleur des jeunes amours, que les corps tres­ Àlinde. Les festins étincelant de riches étoffes,
saillent aux approches des jouissances, et que la de mets exquis, les jeux, les débauches, les
déesse va ensemencer le champ maternel, ces odeurs, les couronnes, les guirlandesf on les
étreintes sont encore plus avides : ils confondent prodigue; mais ai vain. Un goût amer empoi­
leur haleine, leurs bouches humides, que presse sonne la source même du plaisir, et les fleurs ca­
la dent fougueuse. Vnins efforts I ils ne peuvent chent des épines : soit que les remords aiguil­
entamer ces charmes, ou engloutir et répandre lonnent ces existences oisives, et ruinées par les
leur corps dans le corps adoré. Car on voit que voluptés impures; soit que des mots équivoques,
leurs âmes brûlent et essayent de le faire : tant lancés par une femme, percent nos âmes épri­
ils aiment les nœuds étroits de Vénus, sitôt que ses, et y demeurent, y couvent en traits de feu ;
leurs membres amollis fondent aux ardeurs du ou que ses regards nous semblent trop mobiles,
plaisir! Enfin, les sucs irritants jaillissent des trop occupés des autres, et nous révèlent une
nerfs où ils sont-amoncelés ; la fougue se calme, pridie dans un sourire.
mais pur un instant : bientôt les emportements Encore ces maux accompagnent-ils un amour
renaissent, et la même fureur agite les hommes, heureux et sans partage. Que sera donc un amour
qui essayent de toucher au but où ils aspirent. sans espoir ni aliment! Ouvre les yeux, et tu
Hélas 1 ils ne trou vent aucun moyen qui dompte aprcevras des tourments innombrables. Aussi
le fléau f et une blessure cachée les ronge dans vaut-il mieux y pourvoir de la façon enseignée
ces incertitudes.
plus haut, et entrer en garde contre tout appât.
Ajoute que la fatigue dévore les nerfs, etamène Car éviter les pièges est chose plus facile que
le dépérissement ; ajoute que nous passons la vie de se dérober aux lacs, une fois pris, et de rom­
sous le fouet des autres. Cependant les fortunes pre les nœuds puissants de Vénus.
s'écroulent, on engage ses biens; le devoir lan­ Et pourtant, quoique saisi et enlacé, on peut
guit, et la réputation frappée chancelle. Car on échapper au fléau, si on ne se met pas en tra­
brille de parfums, et du riant éclat des chaussuvers soi-même, si on ne ferme point les yeux sur
res de Sicyone ; de grandes émeraudes aux ver­ les vices de cœur ou les imperfections physiques
tes lumières sont emprisonnées dans l'or; on use de celle qui enflamme nos désirs. Car la plupart
In lîiedloque sltit torrent! Rumine potans ;
. Sic in amore Vernis slmulacris ledit amantei*;
Nec satiare queunt gpeetando corpora coram,
lec manlbtts qtiidquam tenereis abradere membres
Possunt » errantes incerteî corpore toto. fl 00
Deolque quom f membris collatis, flore frutratur
iEtatis, jam quom pracsagit gandia corpus y
Atque in m est Venusf ut nauliebria consent ar?aï
Afligtitit avide corpus, jungunlque salivas
€>ris, et inspirant, pressantes deatibus ora, II 05
Nequidquam; quoniam niliil Inde abradere possunt»
Nec peoetrare et abire in corpus corpore tolo ;
Nam facere interdiim velle, et certare videntor,
Usqtie adeo cupide in ¥eneris compagibus hœretit*,
Membre voluptatis dum vi labefacta liquescunl. 1110
Tandem, ubi se erupit nervis conjecta ctipido t
Parva fil ardoris violent! pausa parumper ;
Inde redît rabies eadem, et furor ille revisit,
~ Quom sîbi 9 quod copiant ipsei f conûngere quaerunt;
Mec reperire9malum id possunt quaemacliiiia vincat : t i 15
Usque adeo incertei tabescunt volnere caeco.
Adde, quod absumunt nervos, pereuntque îabore :
âddef quod alterius sub ntitu degilur aetas.
Labitur interea res, et vadimonia fiunt ;
Langueut officia, atque argrotat fama vacillai» ; 1120
Unguentaet pulcra in pcdibus Sicyonia rident
Bciiicet; et grandes viridi cum luce smaragctei
Auro includuntnrf teriturqtie tliafassioa veslis
Assidue, et Venerl» sudorem exercila |>otal :
El faene parla patrum fi a ni anademala 9 mitrae ; îîlb
Interdiim inpallam, atque Alidensia, CIliaque tortunt.
Exlmia veste et victu convivia, ludei 9
Pœula crebra, ungiienta, eoronae » serta paranter ;
Nequidqtiam ; quoniam raecîio de fonte leporum
Surgit amari aliquid , quod in ipls florlbos angat : 1130
Aut quom conscios ipse aiimus se forte remordet»
Desidiose agwe œtatem, lustrisque perire ;
Antqiiod inambiguo verbtim jaculala reliquit;
Quod eupido aflixum eordi, vivescit, ut ignis :
Aut nimium jactareoctiios » aliumte tueri 1135
Quod putat, in voltuqtie videt vestigia risus.
Atque in amore maie liœe proprio summeque secundo
Inveeiuntur : in advorso vero atque inopi sunt,
Prendere quae possis f oculomm lumlne aperto,
Innumerabilia : ut melius ?igilare sit, aute 1 14G
Quadocui ratione, cavereque» ne îlliciarls.
Nam vitare, plaps in Amorti ne jaeiamiir,
Non ita difficile est» qtiam captum retibus îpsis
Elire, et valïdos Venerisperriimpere nodos.
Et tamen implicitnsquoque possis, inqoe pediliis, 1145
Effogere infestiim, nîsi tute tibi obvins obsfes,
Et pr&lermittas animi vitiaomnia primnm,
Ùl quae corpori* stuit ejus f quam perpetis f ac ris.
Nam faciutit domines ptcrun>qiie, cupidine caecei »