auteurs latins - Notes du mont Royal

§0 LUCfiÈCE.
les tourments de la peur, Ja fatigue des inquiétudes
; et une faite passée les ronge. Ajoute ce délire
qui est propre aux âmes 9 et leur oubli des
choses. Ajoute ces léthargies f dont les sombres
vagues nous engloutissent
Qu'est-ee donc que la mort? a-t-elle rien qui
touche les hommes, quand ils savent leur âme
de nature périssable ? Jadis, avant de naître f nous
ne sentions aucune blessure de voir les Carthaginois
inonder et battre nos murailles, alors que
tous les êtres, au retentissement des armes qui
bouleversaient le monde, frissonnèrent épouvantés
sous la haute voûte des deux, et furent incertains
du peuple chez qui allait tomber le sou*
verain empire des hommes sur la terre et sur
Tonde! La même paii aceompgne le néant,
après le divorce du corps et de l'Ame 9 qui forment
le tout harmonieux de la vie. Non, il ne saurait
y avoir pour nous, qui aurons cessé d*étre, ni
événement, ni impression v sensible : non, la terre
dût-elle se mêler à la mer, et la mer au ciel 1
Admettons que les esprits, les âmes demeurent
sensibles, bien que leur essence vive soit arrachée
du corps : que nous en revient-il, à nous
qui ne faisons une masse vivante que par rajustement
et l'alliance du corps et de l'Ame? Le
temps peut ramasser nos atomes que la mort
éparpille, rétablir leur assemblage, leur ordre
primitif, et nous rendre la douce lumière de la
vie, sans que ce bienfait nous atteigne : la chaîne
de nos souvenirs une fois rompue, nous ne ressentons
ni Intérêt pour notre vieil être, ni inquié­
Prieteritlsque maie admîssis peccata remontent,
Adde ftirorem animi propriuni, atque obllvia rerum; 840
Adde, quod in migras lethargi mergitur undas.
If U igitur mors est y ad nos neque prtinet liilum »
Quandoquidem naîtra animi mortalis habetur.
Et velut anteacto ml tempore sensimus aegrl,
âd coniigundum venlentibus undlquePœnis; §45
ûmnia quom9 bellî trepldo concussa tiimultu f
Horrlda eontrerauere sub aliis «theris auris ;
Il dubioque fueref utrorum ad régna cadundum
Omnibus bimaneis esset terraque marique :
Sic* ubi non erimus, quom corporis atque animai §50
Discidium fueril 9 quibus e sumus uniter aptei;
Scilicet tiaud nobis quidquam , qiiei non erfmus tura 9
Aeeidere omninopolerit, sensumque mofere :
Non, si terra mari miscebitur, et mare ccelo.
Et si jam nostro sentit de corpore t postqtia m 855
Distracta est animi natura aniroaeque potestas ;
Nil tamen est ad nos t quel comtu conjugioque
Corporis atque animée eonsisiirous uniter aptei.
Née, si materiam nostram collegerit œtas
Post obitom, rnrsumque redegerit y ut sita nunc est , 860
Atque iterum nobis fuerinl data lumina irite ;
Pertineat quidquam tamen ad nos id quoque factura,
luterrupta semé! quom sit repetentia nostrels;
Et nunc aii ad nos de nobis attinet, an te
tude pour ceux que les Ages tireront encore dt
nos ruines. Car lorsque tu envisages le temp
immense qui comble les abîmes du passé f et ensuite
les agitations si variées de la matière, tu
dois te igurer sans peine que les germes ont tu
mille fois les mêmes arrangements que de nos
jours : et pourtant la mémoire ne put rattacha 1
le II de ces existences, qui sont entrecoupées de
mille courses aventureuses et étrangères an mouvement
vital.
Un homme réservé à un sort amer et misérable
doit conserver la vie, pour que le malheur
ait prise sur elle. Si donc il y échappe pr la mort,
et si cet homme, sujet aux infortunes, ne peut
redevenir un assemblage tel que nous le sommes,
à cause de son existence passée, tu vois que la
mort nous affranchit de toute crainte. Le pal
atteint-il ceux qui ne sont pas? Ëst-on autrement
que si on ne fût jamais né, quand on échange sa
vie mourante pur une mort immortelle?
Aussi, lorsque tu entends un homme se plaindre
de ce que son propre corps, une fois éteint,
soit abandonné aux vers, englouti pr la flamme 9
dévoré pr les bêtes, sache-le bien, ces plaintes
sont un faux écho de son Ame, que des Inquiétudes
secrètes aiguillonnent. II a beau se défendre
de croire que la mort épargne les sens. Oui, je
doute que son cœur tienne la promesse de ses lèvres,
et se retranche, se déracine tout entier de
la vie, sans y oublier encore quelques restes de
lui-même. Car quiconque se représente le jour où
les oiseaux et les bêtes le déchireront, au sein de
Quei fuimus : nec jam de ollis nos alficitangor, Sis
Quos de malerk nostranota proferet œtas.
Nam quom respicks immensi temporis onme
Prseteritum spatium; tu m motus materiai
Multimodei quam sint; facile hoc accredere possis,
Semina sœpe in eodem 9 ut nunc 8iinty même posta : §79
Mec memori tamen id qnimus reprehendere mente;
Inter enim jecta est f itai pausa 9 vageque
Beerraruni passim motus ab sensibus omncs.
Débet enim y misère est quoi forte segrecpe futurum »
Ipse quoque esse in eo tum tempore, quoi maie possit 875
Accidere : id quoniam mors eximit, esseque prohibât
Olium f quoi possint incommoda conciliari »
Hœc eadem, quibtis e nunc nos sumus f ante fuis»;
Scire licet nobis nihîi esse in ftiorte timendum :
Nec mlserum fieri, qui non est, posse; neque hllum §gi
Differre, t nullo fuerit jam tempore natus ;
Mortatem vilain mors quom immortalis adeiniL
Proinde, ubi se tideas hominem indignarier Ipsum,
Post morteni fore f ut aut putescat corpore posto»
Aut Ëammls interfiat 9 malis?e ferarum ; gg^
Scire licet f non smcerum sonere, atque snbesse
Caecum aliquem cordi stimulom ; quam?is nage! ipse
Credere sequemquam sibi sensum in morte futurum.
Non t ut opinor9 enim dat 9 quod promitUt et unde f
Nec radicitus e f ita se tollit et efcit 1 $m