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auteurs latins - Notes du mont Royal

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<strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong> <strong>Royal</strong><br />

www.notes<strong>du</strong><strong>mont</strong>royal.com<br />

Ceci est une œuvre tombée<br />

dans le domaine public, et<br />

hébergée sur « <strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong><br />

<strong>Royal</strong> » dans le cadre d’un exposé<br />

gratuit sur la littérature.<br />

Source des images<br />

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COLLECTION<br />

DES<br />

AUTEURS LATINS<br />

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS<br />

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION<br />

DE M. NISARD<br />

DE L'âCâDEttiE FRANÇAISE<br />

INSPECTEUR GËWÉRAL DE L'ENSEIGIWMEIIT SUPÉRIEUR


(RECAP)<br />

0 n<br />

t.c^s


LUCRECE<br />

VIRGILE<br />

VALÉR1US FLACCUS<br />

CEUVRES COMPLÈTES


PAH18. — TYfOtMMIIK tu FIKtflN M§ÛT fHÈE!^ fiLS Ef C«, KU1 JAC0Bt hê


LUCRÈCE<br />

VIRGILE<br />

VALERIUS FLACCUS<br />

OKUVRES COMPLÈTES<br />

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS<br />

PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION<br />

DE M. N1SARD<br />

m: L'ACADéMIE FRANçAISE<br />

INSPECTEUR GéNéRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPéRIEUR<br />

/ ^" X<br />

X*<br />

PARIS<br />

CHEZ FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET C", LIBRAIRES<br />

IMPRIMEURS DE L'iNSTITUT DE FRANCE<br />

RUE JACOB, 56<br />

M, DCCC LXIV


AVERTISSEMENT<br />

DES ÉDITEURS.<br />

Ce volume, qui renferme les plus beaux modèles de la poésie épique<br />

diez les lomains, réunit, dans l'ordre chronologique, trois <strong>auteurs</strong> qui<br />

personnifient trois époques bien distinctes de l'histoire de cette poésie,<br />

Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus. Lucrèce en représente les vigoureux<br />

commencements et la jeunesse déjà virile, Virgile la perfection, Valérius<br />

Flaccus la décadence.<br />

Si on contestait le choix qui a été fait de ce dernier comme type d'une<br />

époque dans laquelle ont vécu Lncain et Stace, nous répondrions qu'à<br />

quelques beautés près, de plus ou de moins, l'affaiblissement de Fesprit<br />

poétique et Faltération profonde de la langue donnent à ces trois poètes un<br />

caractère uniforme, et que pour la leçon à tirer <strong>du</strong> rapprochement qu'on<br />

^ en peut ftiire avec les grands modèles, peu importe lequel des trois on<br />

,^ " mette à la suite de Lucrèce et de Virgile. On sait d'ailleurs Festime que<br />

^ faisait Quintilien <strong>du</strong> talent de Valérius Flaccus. 11 regarde sa mort prématurée<br />

comme une grande perte pour les lettres romaines.<br />

•a De grands efforts ont été faits pour que les tra<strong>du</strong>ctions de ces trois<br />

<strong>auteurs</strong> repro<strong>du</strong>isissent les principaux traits <strong>du</strong> génie particulier de chacun.<br />

^ Faire sentir ce qu'il j a de hardi et de naïf dans le génie de Lucrèce ; mon-<br />

^ trer f dans la tra<strong>du</strong>ction de Virgile, que dans Fimpossibliité d'égaler ses<br />

r perfections » on les a <strong>du</strong> moins senties, marquer légèrement, et sans forcer<br />

la langue française, de quelle façon la langue latine et le fonds même de<br />

la poésie se sont altérés dans Valérius Flaccus, tel est Fesprit dans lequel<br />

a été tra<strong>du</strong>it ce volume, Fun de ceux qui demandaient le plu3 de talent et<br />

qui ont coûté le plus de travail.<br />

Les textes sont ceux de la collection Lemaire. Celui de Lucrèce» en particulier<br />

, est repro<strong>du</strong>it de Fédition si correcte et si savante qu'en a donnée<br />

; "^ le neveu de Fauteur de cette collection, M. Auguste Lemaire, .Fun des plus<br />

habiles professeurs de l'Université.


Suifant Eusèbe, Lucrèce naquit la seconde année<br />

de la fi* olympiade 1 ; époque où la Grèce<br />

commençait à répandre ses lumières dans FItalie ;<br />

où Cicéronf Atlicus, Catulle et J. César apparurent<br />

presque ensemble; où le génie ambitieux qui allait<br />

asservir Rome grandissait auprès <strong>du</strong> génie littéraire<br />

qui* devait la consoler de sa liberté per<strong>du</strong>e. Lucrèce<br />

appartenait à cette antique famille dont le nom avait<br />

déjà été immortalisé par l'héroïsme d'une femme ».<br />

Les annales <strong>du</strong> temps citent avec honneur quelques<br />

ititres membres de cette famille. « Q. Lucrétius VespilJo,<br />

ditûcéron, est un habile jurisconsulte; mais<br />

Q. Lucrétius Ofella brille surtout dans les harangues<br />

3 . » César enCn parle <strong>du</strong> sénateur Vespillo.<br />

Lucrèce seul, obéissant à une maiîine fondamentale<br />

de son école , demeura, comme Mécène,<br />

simple chevalier. 11 n'ajouta aui titres de sa famille<br />

que le surnom de Carus, que justiie son attachement<br />

pour Memmius 4; noble amitié comme toutes<br />

celles qui se formèrent entre les grands et les<br />

poètes de Eome, à la gloire des uns et des autres f<br />

et dont Horace et ¥irgile offrirent plus tard de si<br />

touchants exemples. On suppose que Lucrèce accompagna<br />

Memmius en Bithynie , avec Catulle et le<br />

grammairien Nicétas ; mais on ignore s'il put faire<br />

le voyage d'Athènes, alors le complément nécessaire<br />

d f une é<strong>du</strong>cation libérale. On croit pourtant<br />

qu'il étudia dans le berceau de la philosophie qu'il<br />

a chantée, sous Zénonf qui fut, après Épicure, la lumière<br />

et l'honneur de l'école.<br />

Suivant une version qui paraît au moins téméraire,<br />

un philtre que lui donna une maîtresse jalouse<br />

, altérant cette grande et vigoureuse intelligence,<br />

l'aurait précipité, jeune encore, dans une fo-<br />

NOTICE<br />

SUR LUCRÈCE.<br />

1 L'an de Rome 657, il avant J. C.<br />

1 Lucrèce, femme de Collatin, était tille de Sp. Lucrétius<br />

Triciplttnus, qui gouverna f comme interroi, jusqu'à la<br />

nomination des-consuls.<br />

1 Bmim9 § 178. )<br />

• C Memmius Gémellas, à qui Lucrèce dédia son poème »<br />

était de cette noble et antique famille que Virgile fait re<strong>mont</strong>er<br />

Jusqu'aux compagnons d f Énée ;<br />

Mme tùtim Mmsikem , §erm§s a quo nomme MemmL<br />

(in., liv. ?.)<br />

n fut nommé tribun <strong>du</strong> peuple, gouverneur de Bithynie;<br />

pais il aspira vainement au consulat , et accusé de brigue, il<br />

mourut en eill à Fatras f bourg de FAchale. Orateur habile,<br />

poite élégant, il aimait et protégeait les arts. Clcéron lui<br />

accorde une profonde connaissance des lettres grecques,<br />

tin esprit tinf <strong>du</strong> charme dans la parole, et ne lui reproche<br />

que son indolence, qui diminua, par le défaut d'exercice, les<br />

pfédemes qualités de la nature. — « C. Memmius» Lucii II-<br />

Kus, perfides litteris9 sed grœcls : fastidiosûs sane latinaram;<br />

argutus orator, verbisque <strong>du</strong>lcis; sed fugieos non<br />

modo diceodi f verum etlam cogitandf laborem, tantum siM<br />

de facoltate detraxlt, quantum imminuit In<strong>du</strong>strie. » (Oc,<br />

4* Omt.)<br />

Me mêlée d'intervalles lucides , <strong>du</strong>rant lesquels i<br />

aurait fait son poème. Ainsi quelques instants de<br />

calme, quelques éclairs de raison auraient suffi<br />

pour concevoir avec tant de force et exécuter avec<br />

tant de précision le plus difficile des sujets de poésie ;<br />

ainsi un homme, partagé entre ces singulières intermittences<br />

de fièvre et de génie, aurait pu développer<br />

des théories si ar<strong>du</strong>es avec tant d'ordre, de<br />

proportion et d'enchaînement. Peut-être la manière<br />

dont mourut Lucrèce a-t-elle autorisé cette conjecture.<br />

11 est trop Yrai qu'à 44 ans, à cet âge où<br />

l'esprit de l'homme a acquis toute sa vigueur, ci<br />

grand poète se donna la mort. Les uns prétendent<br />

que ce fut dans un accès de délire, triste in pour<br />

un sage ! les autres soutiennent que le chagrin de<br />

?oir Memmius tombé en disgrâce le jeta dans cette<br />

extrémité ; mais un tel chagrin semble fort eitraordinairechez<br />

un philosophe si détaché des honneurs.<br />

Il est plus vraisemblable que, fatigué <strong>du</strong> spectacle<br />

des maux qui accablaient sa patrie, il voulut se reposer<br />

dans la mort, qui était, à ses yeux, un éternel<br />

et paisible sommeil.<br />

On a observé que Lucrèce succomba le jour où<br />

Virgile prenait la robe. Quelques-uns, outrant cette<br />

coïncidence, veulent que le poète des Géorgiqurn<br />

soit né au moment où expirait le chantre de la<br />

Nature ; et cette opinion <strong>du</strong>t répandre dans Fécole de<br />

Pythagore la poétique idée que Virgile était l'Ame de<br />

Lucrèce, appelée à pro<strong>du</strong>ire sous un autre corps<br />

d'autres chefs-d'œuvre.<br />

Eusèbe, qui nous <strong>mont</strong>re Lucrèce atteint de folie,<br />

ajoute que son ouvrage fut revu et publié par Cicéron<br />

; ce qui est encore moins vraisemblable. Comment<br />

croire en effet qu'un poète qui s'est ren<strong>du</strong> à<br />

lui-même un si noble témoignage ait douté de ses<br />

fol-ces au point de se soumettre à la censure même<br />

d'un homme supérieur?<br />

Au reste, Cicéron lui-même, qu'on ne peut guère<br />

accuser de réserve dans ses confidences à la postérité,<br />

n'eût pas manqué de se faire honneur de cette<br />

marque de déférence ren<strong>du</strong>e à son goût, dans le passage<br />

de ses Lettres où, parlant <strong>du</strong> poème de Lucrèce,<br />

il y reconnaît d'éblouissantes lumières et beaucoup<br />

d'art 1 .<br />

On sait quel enthousiasme Virgile, dans ses Géorgiques<br />

f <strong>mont</strong>re pour cet heureux sage qui a dépouillé<br />

la nature de ses voiles, et la mort de ses terreurs :<br />

Félix qui pùtuii rerum cognoscere camm,<br />

Âîgue metmomnmei inexorabilefatum.<br />

Subjœitpedibus9 Mtrepiiumqme Acherontismari!<br />

* (Georg. n.)<br />

1 Lucretiipoëmata, lit scribls» itasunt mollis ingeniitamtnibusllluslrata,<br />

multe tameoetartis. l(Cl€.f#f». ad. Quint.)


If NOTICE SUE £UCfiÈCE.<br />

O?ide li loue dans des vers spirituels :<br />

Carminm sublimis ium suni perltura EuereM»<br />

BxUto terras mm daUt unm dim.<br />

Stace vante aussi la sublime fureur <strong>du</strong> poète :<br />

Cedet musm rndisfermis Ennê,<br />

Et doctt furor ar<strong>du</strong>us Lmreii*<br />

Peut-être même ce vers est-il l'unique raison de la<br />

folie attribuée à Lucre» ; des interprètes téméraires<br />

ayant pris pour l'emportement d*un véritable délire<br />

cette fougue d'inspiration, cette impétuosité de génie<br />

que le mot furor exprime.<br />

Lucrèce n'a guère moins été admiré par les modernes.<br />

Molière surtout aimait ce poète, qui mêle souvent,<br />

comme lui, les raEleries les plus Inès à la morale<br />

la plus haute.<br />

11 essaya, dit-on, de le tra<strong>du</strong>ire ; mais il ne reste<br />

de son travail qu'une vive et piquante imitation,<br />

intro<strong>du</strong>ite dans le Misanthrope l . Yoltaire, cet esprit<br />

1 Voici les deux morceaux rapprochés. Le morceau laUn a<br />

tiré un prix particulier de l'idée qu'a eue Lucrèce d'y encadrer<br />

les expressions grecques ridiculement afiectées par les Jeunes<br />

voluptueux de son époque.<br />

La pâle est aux jasmins en blancheur comparable;<br />

La noire à faire peur, une brune adorable;<br />

La maigre a de la (aille et de la liberté;<br />

La grasse est, dans son port, pleine de mijesté;'<br />

La malpropre sur soi, de peu d'attraits chargée,<br />

Est mise sous le nom de beauté négligée ;<br />

La géante parait une déesse aux yeux ;<br />

La naine, un abrégé des merveilles des deux;<br />

L'orgueilleuse a le cœur digne d'une couronne,<br />

La fourbe a de l'esprit, la sotte est toute bonne ;<br />

La trop grande parleuse est d'agréable humeurf<br />

Et la muette garde une honnête pudeur.<br />

C'est ainsi qu'un amant dont l'ardeur est extrôrae-<br />

Mme Jusqu'aux défauts des personnes qu'il aime,<br />

acte nf se. §»<br />

\<br />

si juste, et cet admirateur si vrai de tous ta grands<br />

esprits, a des transports pour Lucrèce ; et, dans une<br />

lettre de Memmius à ûeéron, il s'écrie f a?ec sa vivacité<br />

habituelle de laigage : « Il y a là un admirable<br />

troisième chaut, que je tra<strong>du</strong>irai»-ou je ne<br />

pourrai. » Malheureusement il n f a pu, ou n'a pas<br />

voulu.<br />

Parmi les tra<strong>du</strong>ctions en prose, d'ailleurs peu<br />

nombreuses, qui ont été faites de ce poème4 la<br />

plus remarquable (nous pourrions dire la seule remarquable)<br />

est celle de Lagrange. Mais ce travail,<br />

qui atteste une connaissance profonde des deux langues,<br />

a surtout pour objet de faire comprendre le fond<br />

de la doctrine épicurienne; et, pour nous <strong>mont</strong>rer le<br />

philosophe, quelquefois elle fait disparaître le poète.<br />

Peut-être est-ce rendre un hommage plus complet à<br />

Lucrèce, que d'employer toutes les ressources de la<br />

tra<strong>du</strong>ction à faire ressortir le poète : car c'est bien<br />

moins pour le fond que pour l'attrait des grandes<br />

beautés poétiques qui y sont répan<strong>du</strong>es, que le poème<br />

de la Nature des choses aura toujours des lecteurs.<br />

C'est ce qu f on a tâché de faire dans cette tra<strong>du</strong>ction.<br />

Nigra (uXt'xpooç est; taimuida acfetlda, 4xo9|&oç;<br />

Caesïa» flflAXâStov* nervosa et lignea» âopnâç;<br />

Parvola, pumllio, XopCtàiv p.iaf tota merum sal ;<br />

Magna atque tonnants, naté-Klr^iç, pienaefue honoris ;<br />

Balba, loqui non quit?TpavXiÇet; muta, puiens est;<br />

At Ëagrans, odiosa » loquacula f Am^nMim it ;<br />

*JaXvov ipwfAévfov tum it » quom vivere non quit<br />

Pra macie ; 0a8w)} vero est jam mortua tussl ;<br />

At gemîna et maramosa, Ceres est ipsa ab Iaocho;<br />

Simula, IIATJV^ -ac Eaxûpa est ; Kabiosa 9 çiXqpo*<br />

Liv. iv, ?. use.


LUCRECE.<br />

DE LA NATURE DES CHOSES.<br />

LIVRE PREMIER<br />

Mère des Romains, charme des dieux et des<br />

hommes» bienfaisante Vénus, c'est toi qui, fécondant<br />

ce monde placé sous les astres errants<br />

in ciel, peuples la mer chargée de navires, et la<br />

terre revêtue de moissons; c'est par toi que<br />

tous les êtres sont conçus, et ouvrent leurs yeux<br />

naissants à la lumière. Quand tu parais, ô déesse,<br />

le vent tombe, les nuages se dissipent; la terre<br />

déploie sous tes pas ses riches tapis de leurs;<br />

la surface des ondes te sourit, et les deux apaisés<br />

versent un torrent de lumière resplendissante.<br />

Dès que les jours nous offrent le doux aspect<br />

<strong>du</strong> printemps, dès que le zéphyr captif recouvre<br />

son haleine féconde, le chant des oiseaux que tes<br />

feux agitent annonce d'abord ta présence, puis,<br />

les troupeaux eniammés bondissent dans les<br />

gras pâturages et traversent les ieuves rapides :<br />

tant les êtres vivants, épris de tes charmes et<br />

saisis de ton attrait, aiment à te suivre partout<br />

où tu les entraînes 1 Enin, dans les mers, sur<br />

les <strong>mont</strong>agnes, au fond des torrents, et clans les<br />

demeures touffues des oiseaux, et dans les vertes<br />

campagnes! ta douce flamme pénètre tous les<br />

T. LUCRET1I CARI<br />

DE RERUM NATURA.<br />

LIBER I.<br />

Mmmèmm genetrîi 9 hominnm di?omqoe voluptas,<br />

Aima Tenus! CCBII sabler labentia signa<br />

Qoae mare navigerum » qim terras Irugiferenteis<br />

Concélébras; per te quoniam geotis orooe animantum<br />

Concipitar» viaitque eiortum lamina mïm :<br />

Te, dea, te ftigiunt ventei 9 te nuMla eœli,<br />

AdveotunMpe tuum : ttM mmem dœdala telles<br />

Sabmittit Hures ; tibi rident œquora ponti »<br />

Plactlumque nitet diffuse lamine cœlum.<br />

Pam simili ac spedes patefacta est teria diel t<br />

Et reserata viget genitabilis aura Fawonï ;<br />

Amm primom volueres te, diva, toumqne<br />

SignMcant inUnm, percnlsae corda tua vl<br />

Inde fer» pectides persiiîtaol pabula laeta9<br />

Et rapides tranant amncÉ : ita» capta lepore,<br />

fUïecebrisque tuis , omiiîi natara animantum]<br />

fe sequitur cupide f quo ^namque Mticerc pergîs.<br />

m<br />

15<br />

cœurs, et fait que toutes les races brûlent de se<br />

perpétuer.<br />

Ainsi donc, puisque toi seule gouvernes la<br />

nature» puisque sans toi rien ne jaillit au séjour<br />

de la lumière, rien n'est beau ni aimable, sois<br />

la compagne de mes veilles, et me dicte ce poëme<br />

que je tente sur la Nature, pour instruire notre<br />

cher Memmîus. Tu as voulu que, paré de mille<br />

dons, il brillât toujours en toutes choses : aussi,<br />

déesse, faut-il couronner mes vers de grâces<br />

immortelles.<br />

Fais cependant que les fureurs de la guerre<br />

s'assoupissent, et laissent en repos la terre et<br />

fonde. Toi seule peux rendre les mortels aux<br />

doux loisirs de la paix, puisque Mars gouverne<br />

les batailles, et que souvent, las de son farouche<br />

ministère, il se rejette dans tes bras» et là,<br />

vaincu par la blessure d'un éternel amour» il te<br />

contemple, la tête renversée sur ton sein; son regard,<br />

attaché sur ton visage, se repait avidement<br />

de tes charmes, et son âme demeure suspen<strong>du</strong>e<br />

à tes lèvres. Alors, ô déesse, quand il<br />

repose sur tes membres sacrés, et que, pnchée<br />

sur lui, tu l'enveloppes de tes caresses, laisse<br />

tomber à son oreille quelques douces paroles,<br />

Denique par maria, ac <strong>mont</strong>ais, fliiviosqne rapaœis,<br />

Fruidiferasque domos avium» camposque virenteis,<br />

Omnibus incuijens Manderai per pectora amorem,<br />

Efïicis t ut cupide génération secla propagent.<br />

Quœ quoniam rerum naturam sola gubernas»<br />

Née sine te quïdquam dias in Inminis oras<br />

Exoritur» neque fit tettim neqwe amabile quidquam ;<br />

Te sotiam studeo scribundeis ferëbus esse,<br />

Quos ego de RBBUM MATURA pangere conor<br />

Memmiadœnostro; quenî tu» dea» tempore in omni<br />

Omnibus ornatam volaisti excellera rébus :<br />

Quo magis sternum dadictais» diva» leporem.<br />

ElBce, ut interea fera mœnera militiai,<br />

Per maria ac terras omneis, sopîta quiescant.<br />

Ham tu sola potes tranquilla pace juvare<br />

Mortaleis; quoniam belli fera mœnera Mavors<br />

Armipotens régit, in gremium qui saep tuum se<br />

Rejidt, aeterno devictus volnere amoris :<br />

âtque ita» suspiciens teretî cer?ice reposta,<br />

Pastit amoreatidos, intiians in te» dea» visas |<br />

Eqne tuo pendet resnpini spïriias ore# ~<br />

Hune tu, df?a. tuo recubantem corpore sanrto<br />

Circumfusa super» suaYeis ex me loquelas<br />

i<br />

20<br />

15<br />

30<br />

36<br />

4,1


LUCBÈCE.<br />

et demande-lui pour les Humains une paix tran­ mortel osa enfin lever les yeui, osa enfin lui ré*<br />

quille. Car le malheureux état de la ptrte nous sïster en face, lien ne l'arrête, ni la renommée<br />

ôte le calme que demande ce travail ; et, dans des dieux, ni la fou<strong>du</strong>e, ni les menaces <strong>du</strong> ciel<br />

ces tristes affaires, l'illustre sang des Memmius qui gronde : loin d'ébranler son courage, les ob­<br />

se doit au salut de l'État.<br />

stacles l'irritent » et il n'en est que plus ardent à<br />

Ouvre pourtant les oreilles, cher Memmins 1 rompre les barrières étroites de la nature. Aussi<br />

laisse làtes soucis, et abandonne-toi à la vérité. en vient-il à bout pr son infatigable génie : it<br />

Ces dons, ces œuvres élaborées pour toi d'une 4'élance loin des bornes enflammées <strong>du</strong> monde,<br />

main fidèle, ne les rejette point avec mépris avant 11 parcourt l'infini sur les ailes de la pnsée 9 fl<br />

de les connaître. Car je vais discuter les grandes triomphe f et revient nous apprendre ce qui put<br />

lois qui gouvernent les cieuxf les immortels, et ou ne peut pas naître, et d'où vient que la puis­<br />

te faire voir les principes dont la nature forme, sance des corps est bornée et qu'il y a pour tous<br />

nourrit, accroît toutes choses, et où elle les un terme infranchissable. La superstition fut<br />

ré<strong>du</strong>it toutes quand elles succombent» Pour ren­ donc abattue et foulée aui pieds à son tour9 et<br />

dre compte de ces éléments, nous avons coutume sa défaite nous égala aux dieux.<br />

de les appeler matière f corps générateurs f se­ Mais tu Yas croire peut-être que je t'enseigne<br />

mence des êtres ; et même nous employons le des doctrines impies, et qui sont un achemine-<br />

lttot de corps premiers, parce que tout vient de ces ment au crime ; tandis que c'est la superstition f<br />

•substances primitives.<br />

au contraire, qui jadis enfanta souvent des ac­<br />

Car il ne faut rien imputer aux dieux qul9 tions criminelles et sacrilèges^ Pourquoi l'élite<br />

par la force de leur nature, jouissent dans une des chefs de la Grèce, la leur des guerriersf<br />

paix profonde de leur immortalité, loin de nos souillèrenMls en Âulide Faute! de Biane <strong>du</strong> sang<br />

affaires, loin de tout rapport avec les hommes. d'iphigénie? Quand le bandeau fatal f envelop­<br />

Àusçi, exempts de douleur, exempts de péril, pant la belle chevelure de la jeune fille, flotta<br />

forts de leur» propres ressources et n'ayant au­ le long de ses joues en deux: parties égales ; quand<br />

cun besoin de nous, la vertu ne les gagne point elle vit son père debout et triste devant l'autel r<br />

et la colère ne peut les toucher.<br />

et près de lui les ministres <strong>du</strong> sacrifice qui ca­<br />

Jadis, quand on voyait les hommes traîner chaient encore leur fer, et le peuple qui pleurait<br />

une vie rampante sous le faix honteux de la su­ en la voyant; muette d'effroi, elle fléchit le geperstition,<br />

et que la tête <strong>du</strong> monstre, leur apnou f et se laissa allerà terre. Que lui servait alom,<br />

paraissant à la cime des nues, les accablait de l'infortunée, d'être la première qui eût donné le<br />

son regard épouvantable f un Grecf un simple nom de père au roi des Grecs ? Elle fut enlevée pr<br />

Fanle, pte» pltci<strong>du</strong>n Hmmneis» tatou, pacem,<br />

am oequt no§ aprt hoc patriai tempore iniqoo<br />

Pos&umus aequo mimo; nec Menaçât dira propago<br />

Talibut m rebut commani déesse «lolL<br />

Quod suprest , vicias aurais miM , Memmius, et te »<br />

Semotum a caris 9 idhibe fera» ait ratkmem : 4i<br />

Ile met dont, tibi studio disposU Édeli ,<br />

fntellecti pins quam siat, contenta relinqaas.<br />

Nam tibi de sumn» cœi ratione détraque<br />

Bisserere incipiam 9 et rerwm primordîa pandam ; M)<br />

Uûde oraneis «attira creet res, aucM, alatque ;<br />

Qtioque eadem nimun natnra peremta resoif at ;<br />

Qum nos maieriem et gediiimiim corjwrei rebut<br />

led<strong>du</strong>nda in ratione iocare9 et semmm rertim<br />

Appellare suemos, et bmc eadem usurpre 65<br />

Corpùrm primm_9 quod ex illls sunt omnia priais.<br />

[Omnis enim pr se ditom natura* necessc est,<br />

Immortaii ©f o somma cam pace fruatur,<br />

Semote ab nostris rébus, sejuDctaque longs;<br />

Nam priiata dolore ornai, privata pridis, m<br />

Ipsa suis pllens oplbus y niliil indip nostri,<br />

lac beiie promeritis eapitur, iiec Ungitur ira.}<br />

Humaua ante oculos fade quom vite jaeeret<br />

In terris, oppressa pa?i sub ieligmie»<br />

Qu« caput a cœli regkiiiibtts ostendebat» §s<br />

Iforribili supr aspertn mortalibtti instant»;<br />

Primum Grains homiy mortaleis tollere contre<br />

Est ocolos ausiis» primnsque obsistere contra :<br />

Quem neque bma deom, née fulmina, MC minitanti<br />

Murmure compressa eœlum ; sed m magïs aurem 7 #<br />

Irritât firtotem animi, confringere ut arcU<br />

Natura primas portaram claustra cupiret.<br />

Ergo ?ivida vis animi per?icit, et extra<br />

Processit longe lammantia mœnia mtmdi ;<br />

Âtque omne immeàsum perigra?il mente animoqni : 7^<br />

Uade refert ficibis iktorf quid posât oriri,<br />

Quli nequeat; fini la potestas denii|iie quoique<br />

Quanam sit ratii»et atqne alte terminus hœraai*<br />

Quare ReUgio, pedibus subjecta y vicissim<br />

0bteritirt nos eiœqsal victork cœlo» m<br />

lllttcl in bis rébus vereor, ne forte rearis<br />

Impia te rationis inireelementaf •iamqne<br />

Indogredi sceleris; qnod cuntra salins olla<br />

Religio pperit scelerosa atque impia facta.<br />

Alliée quo pacto Trîfîai ?irginis aram $k<br />

IpManassaeo turparont sanguine fede<br />

Doetores Danannt deleetei 9 prima ?irornm :<br />

Quoi simili infala y irirgmos drcumdata comtut't<br />

El utraque pri malarnm parte profusa est;<br />

Ki mœstum simol ante aras tdstare prentem m<br />

Sensit, et liane propter ferrom cal&re ministros,<br />

Aspecluipe suo li£riiiiiai efbuidert eifâ»;


DE LA NATU1E DES CHOSES, LIV. L<br />

des hommes qui Tentprtèrent toute tremblante<br />

à l'antel f non pour lui former un cortège solennel<br />

après un brillant hymen, mais afin qu'elle<br />

tombât chaste victime sous des mains impures, à<br />

Tige des amours f et fût immolée pleurante pr<br />

son propre père, qui achetait ainsi l'heureux départ<br />

de sa lotte : tant la superstition a pu inspirer<br />

de barbarie aux hommes !<br />

Toi-même, cher Memmius» ébranlé par ces<br />

effrayants récits de tous les apôtres <strong>du</strong> fanatisme,<br />

tu vas sans doute t'éloigner de moi* Pourtant<br />

ce sont là de vains songes ; et combien n'en<br />

pourrais-je pas forger à mon tour qui bouleverseraient<br />

ton plan dévie, et empoisonneraient ton<br />

bonheur par la crainte 1 Et ce ne serait pas sans<br />

raison ; car pour que les hommes eussent quelque<br />

moyen de résister à la superstition et aux<br />

menaces des fanatiques, il faudraifqu'ils entrevisseat<br />

le terme de leurs misères : et la résistance<br />

n 9 est ni sensée, ni possible f puisqu'ils craignent<br />

après la mort des peines éternelles. C'est qu f ils<br />

ignorent ce que c*cst que l'âme; si elle naît avec<br />

le corps, ou s'y insinue quand il vient de naître<br />

; si elle meurt avec lui, enveloppée dans sa<br />

ruine, ou si elle va voir les sombres bords et les<br />

vastes marais de l'Oreus ; ou enfin si une loi<br />

divine la transmet à un autre corps, ainsi que le<br />

chante votre grand Ennius, le premier qu'une<br />

couronne <strong>du</strong> feuillage éternel, apportée <strong>du</strong> riant<br />

Hélicon f immortalisa chez les races italiennes.<br />

Toutefois il explique dans des vers impérissa-<br />

Mnta metu 9 terrant 9 geoihtis submissa9-petebtt :<br />

Mm miser* prodesse in tall terapore qiiibat,<br />

Quod patrio princeps donarat Domine regem : 95<br />

Kam saMata viram minibus, tremabondaque ad aras<br />

Oa<strong>du</strong>cta est; non ut » solemni more sacrérum<br />

Perfecto, possct claro coniitari h jmenaeo :<br />

Sed casla inceste f nubendi tempore la ipso»<br />

Hontia eoncideret mactato mœsta parentïs f<br />

100<br />

Exilas ot classi felix faastosque daretur.<br />

Tantum fteligio potuit suadere nialorum !<br />

Tutemet a nobis jam qtiovis tempore 9 vatum<br />

Terrîloquis TîCIUS dictis» desciscere quœres.<br />

Quîppe etenim quara nrolta tibl jam Ingère positif» 105<br />

Somma, qmm vite ratiooes vortere possint,<br />

Porfanasque tuas omnës turbare timoré.<br />

Et merito : nam y si certain Ënem esse vidèrent<br />

JEramnarim homines 9 aliqua ratione valerent<br />

leliponlbus atqoe minis obsistere vatum ; 110<br />

ffoiic ratio mtila est restandi , tailla facultés;<br />

jEteraas quoniam pcenas in morte timen<strong>du</strong>m.<br />

Ignoratar enira, quae sit natura animai ;<br />

Nata sit f an contra nascentibus laslaaeiur ;<br />

Et simili ialereal nobiscum y morte diremta, 1 li<br />

an tenebras Orci visai, vastasque lacanas ;<br />

An pendes aiias dî?initus insintiet se 9<br />

Emiias il noster cédait» qui primiis amœno<br />

Detolit ei Helieone perenni fronde coronam,<br />

Mes qu'il y a un enfer, où ne pénètrent ni dm<br />

corps ni des âmes, mais seulement des ombres<br />

à forme humaine, et d'une pâleur étrange; et il<br />

raconte que le fantôme d f Homère, brillant d f une<br />

éternelle jeunesse f lui apparut en ces lieux, se<br />

mit à verser des larmes amères t et lui déroula<br />

ensuite toute la nature.<br />

Ainsi donc,sion gagne à se rendre compte des<br />

affaires célestes, des causes qui engendrent le<br />

mouvement <strong>du</strong> soleil et de la lune, des influences<br />

qui opèrent tout ici-bas, à plus forte raison<br />

faut-il examiner avec les lumières de la raison<br />

en quoi consistent l'esprit et l'âme des hommes,<br />

et comment les objets qui les frappent, alors<br />

qu'ils veillent, les épouvantent encore» quand<br />

ils sont ensevelis dans le sommeil ou tourmentés<br />

par une maladie; de telle sorte qu'il leur<br />

semble voir et entendre ces morts dont la terre<br />

recouvre les ossements.<br />

Je sais que dans un poëme latin il est difl*<br />

elle de mettre bien en lumière les découvertes<br />

obscures des Grecs, et que j'aurai souvent des<br />

termes à créer, tant la langue est pauvre et la<br />

matière nouvelle. Mais ton mérite, cher Memmius<br />

, et le plaisir que j'attends d'une si douce<br />

amitié, m'excitent et m'en<strong>du</strong>rcissent au travail p<br />

et font que je veille dans le calme des nuits,<br />

cherchant des tours heureux et des 'Images poétiques<br />

qui puissent répandre la clarté dans ton<br />

âme, et te découvrir le fond des choses.<br />

Or, pour dissiper les terreurs et la nuit des<br />

Par genteis Italas bominum quas dira cloeret : nu<br />

Etsi prœterea tamen esse Acherusit templa<br />

Ennius «ternis expiait irersUms edens,<br />

Quo neque permanent mîmae f neque corporm nottrt;<br />

Sed quœdam siraulicra, muais palleetia miris :<br />

Unde sibi eiort&œ semper iorentîs Homerî 125<br />

Commémorât spedem beramas efftmdere saisis<br />

Ccepisse, et reram naturam expandere dictis.<br />

Qnapropter, beie quom superii de rébus liabettda<br />

Nobis est ratio, solis loiiBqiie meatus<br />

Qua iant ratione t et qui fi quaeque gerantur l;io<br />

In terris; tune corn primis ratione sagad,<br />

Unde anima nique animi eonstet nature, viden<strong>du</strong>m :<br />

Et qnaa res, nobis Tigilaolibos obvia» mentete<br />

Terriicetmorbiiaffecteis, aonmoque sepoHeis;<br />

Ceraere uti videamiir ©os f audireqne eoram 9<br />

I .is<br />

Morte obita quoram teilns anplaetitiir otsa.<br />

Mm me animi failli» Gmmmrn obscirâreprta<br />

Difieite ilnstrare Latinis verslbus esse;<br />

Muita novis verbis praeserim qoom sit apndim 9<br />

Propter egestatem iingn» et rerum novltateoi : 140<br />

Sed tua me virtus tamen f et sperata volnptas<br />

Suavis amicitiœ quemvis efTerre laborem<br />

Suadet9 etin<strong>du</strong>cit nocteîs vigilare serenasy<br />

Quœrentem 9 dictis quibus 9 et qno carminé demnm<br />

Clara tu» possim prœpaodere lamina menti 9<br />

Res qtiibus occultas penitus contisere possis.<br />

i.<br />

tii


âmes, c'est trop pu des rayons <strong>du</strong> soleil ou des<br />

traits éblouissants <strong>du</strong> jour ; il faut la raison, et<br />

in examen lumineux de la nature. Yoici donc<br />

le premier axiome qui nous servira de base :<br />

lien ne sort <strong>du</strong> néant, fût-ce même sous une<br />

main divine. Ce qui rend les hommes esclaves<br />

de la pur, c f est que, témoins de mille faits accomplis<br />

dans le ciel et sur la terre, mais incapables<br />

à 9 m apercevoir les causes, ils les Imputent à une<br />

puissance divine. Aussi, dès que nous aurons<br />

vu que rien ne se fait de rien, déjà nous distinguerons<br />

mieux le but de nos poursuites 9 et la<br />

source d v où jaillissent tous les êtres, et la manière<br />

dont ils se forment, sans que les dieux y<br />

aident.<br />

Si le néant les eût enfantés, tous les corps<br />

seraient à même de pro<strong>du</strong>ire toutes les espèces f<br />

et aucun n v aurait besoin de germe. Les hommes<br />

naîtraient de fonde 9 les oiseaux et les poissons<br />

de la terre; les troupeaux s f élanceraient<strong>du</strong> ciel ;<br />

et les bêtes féroces, enfants <strong>du</strong> hasard, habiteraient<br />

sans choix les lieux cultivés ou les déserts.<br />

Les mêmes fruits ne naîtraient pas toujours sur<br />

les mêmes arbres, mais ils varieraient sans<br />

cesse : tous les arbres porteraient tous les fruits,<br />

Car si les corps étaient privés de germes, se<br />

pourrait-il qu 9 ils eussent constamment une<br />

même source! Mais, au contraire , comme tous<br />

les êtres se forment d'un élément invariable,<br />

chacun d'eux ne vient au monde que là où se<br />

trouve sa substance propre, son principe-générateur;<br />

et ainsi tout ne peut pas naître de tout,<br />

Hune igitur terrorem animi teiebrasque necesse est<br />

Non radie! solis, neque lacicia tda ilel<br />

Diseutiant, seil HUura species, litioqne :<br />

Qnojus printipium bine nobis exordk sumet » ISO<br />

Noltam rem e nihilo gigni il?initus unquatn.<br />

Quippe iteformido mortaleii continet omiieis ,<br />

Quod multa in terris fieri colloque tuentur»<br />

Quorum operum causas nulla ration© videre<br />

Possunt} se ieri difino numiot renlur. \ô5<br />

Quas ofa rest ubi fiderimus nil psse creari<br />

De nihilo, tum y qmd sequimilf, jam reetius iode<br />

rerspiderous ; et unde queat res quaeque creari ,<br />

Et quo cfmecffie modo fiant opéra sine divom.<br />

Hamf si de nihilo fierait, ex omniKii 9 rébus 160<br />

0nme genus nasci posset; nil semine egeret.<br />

1 mare primons boulines, i terra posset oriri<br />

Squaraigerum genus , et voloeres ; erumpere CCFIO<br />

Armento, atque alte pecuies : genos omne ferarum<br />

Iiicerto prtu eiilta ac ieserla tenerent : 165<br />

Nec fruetus Idem arboribus eonstare solerent»<br />

Sed mutareotur; ferre omnes omnia potseit.<br />

Quippe, ubi non essent genitalia corpra quoique,<br />

Qui posset mater rébus consistera certa ?<br />

àt nime 9 toninibas quia certis quaeque ereanlur, i 70<br />

lait caasclliir, atque oras in luminis exit,<br />

LUCIÈCE.<br />

puisque chaque corps a la vertu de créer un<br />

être distinct.<br />

D'ailleurs, pourquoi la rose s'ouvre-t-elle au<br />

printemps, pourquoi le blé mûrit-il aux feux de<br />

Fêté, et la vigne sous la rosée de l'automne, sinon<br />

parce que les germes s*amassent à temps<br />

fixe, et que tout se développe dans la bonne saison,<br />

et alors que la terre féconde ne craint pus<br />

d'exposer au jour ses pro<strong>du</strong>ctions encore tendres?<br />

Si ces pro<strong>du</strong>ctions étaient tirées <strong>du</strong> néant , elles<br />

naîtraient tout à coup, à des époques incertaines<br />

et dans les saisons ennemies, puisqu'il n 9 y<br />

aurait pas de germes dont le terop contraire pût<br />

empêcher les féconds assemblages.<br />

B'autre part, si le néant engendrait les êtres»<br />

une fâs leurs éléments réunis, il ne leur faudrait<br />

p§ un long espace de temps pur croître : les<br />

enfants deviendraient aussitôt des hommes, et<br />

l'arbuste ne sortirait de terre que pur s'élancer<br />

au ciel. Et purtant rien de tout cela n'arrive ; les<br />

êtres grandissent insensiblement (ce qui doit être,<br />

puisqu'ils ont un germe déterminé), et en grandissant<br />

ils ne changent ps d'espèce; ce qui<br />

prouve que toos les corps s'accroissent et s'alimentent<br />

de leur substance première.<br />

J'ajoute que, sans les pluies qui l'arrosent à<br />

pint fixe, la terre n'enfanterait pas ses pro<strong>du</strong>ctions<br />

bienfaisantes, et que les animaux, privés<br />

de nourriture, ne pourraient multiplier leur espèce<br />

ni soutenir leur vie : de sorte qu'il vaut<br />

mieux admettre l'existence de plusieurs éléments<br />

qui se combinent pour former plusieurs êtres,<br />

Mulerles ubi lues! quojusque et corpora prima :<br />

Atque liac re nequeunt ex omnibus omnia gigni ,<br />

Quocl certis îQ rébus inest sécréta faeultes.<br />

Praeterea, quur ? ère rosam, frumenta ealore, 17»<br />

Viteis auctomno fuedi sudante ?idemus ;<br />

Si nou , certa suo quia tempore semina reram<br />

Qiom confluxeruot, patefit quodquomque creatur,<br />

Dum tempestâtes adsont, et vivida tellus<br />

Tuto res teneras effert in luminis oras? 180<br />

Quod si de nihilo fièrent» subito exorerentur<br />

Incerto spatio 9 atque alienis partîtes anni ;<br />

Quippe ubi nulla forent primordia, quœ génital<br />

Concilio possent arceri tempore inîquo.<br />

Bfec porro augendis rébus spalio foret usus 1« j<br />

Seminîs ad coitum, e nihilo si crescere ponsent :<br />

Nam fièrent jofenes subito ex infantibu' parvis,<br />

E terraque, exorte repente, arbuste salirent :<br />

Quorum nU fieri raanifestum esty omnia quando<br />

Paullatim crescunt, ut par est, semine certo; IUO<br />

Crescentesque genus servant : ut noscere psssis<br />

Quidque sua de materia grandescere, alique.<br />

Hue accedit, uti sine certis imbribus anni<br />

Lœtificos nequeat fétus submittere tellus ;<br />

Nec prro, secrète cïbo f natura animantum If i<br />

Propagart genus pssit, Tiumque toeri :


comme nous voyons les lettres pro<strong>du</strong>ire tous les<br />

mots, que celle d'un être dépourvu de germe.<br />

D'où vient aussi que la nature n*a pu bâtir de<br />

ces géants qui traversent les mers à pied, qui déracinent<br />

de vastes <strong>mont</strong>agnes, et dont la vie<br />

triomphe de mille générations, si ce n'est parce<br />

que chaque être a une part déterminée de substance,<br />

qui est la mesure de son accroissement?<br />

11 faut donc avouer que rien ne peut se faire de<br />

rien f puisque tous les corps ont besoin de semences<br />

pour être mis au jourfet jetés dans le souple<br />

berceau des airs. Enfin un lieu cultivé a plus<br />

de vertu que les terrains incultes, et les fruits<br />

s'améliorent sous des mains actives : la terre renferme<br />

donc des principes ; et c'est en remuant<br />

avec la charrue les glèbes fécondes, en bouleversant<br />

la surface <strong>du</strong> sol, que nous les excitons<br />

à se pro<strong>du</strong>ire* Car, autrement, toutes choses deviendraient<br />

meilleures d'elles-mêmes, et sans le<br />

travail des hommes.<br />

Ajoutons que la nature brise les corps,et les<br />

ré<strong>du</strong>it à leurs simples germes, au lieu de les anéantir.<br />

En effet, si les corps n'avaient rien d f impérissable,<br />

tout ce que nous cesserions de voir cesserait<br />

d f être, et il n'y aurait besoin d'aucun effort<br />

pour entraîner la dissolution des parties et<br />

rompre l'assemblage. Mais comme tous les êtres,<br />

au contraire, sont formés d'éléments éternels,<br />

la nature ne cousent à leur ruine.que quand une<br />

force vient les heurter et les rompre sous le choc,<br />

ou pénètre leurs vides,et les dissout.<br />

Ut poilus mulleîs communia corpora rébus<br />

Moite putes esse, ut rerbeis ek 01 en la fidemiis,<br />

Qiam sine prlncipïis ullam rem eisistere posse.<br />

Deiiicpa quur Iiomines tantos natura parare 200<br />

Non potuit, pedibus quel pontum per vada possent<br />

Transite f et magnos manibus difellere <strong>mont</strong>ais,<br />

Multaque yivendo vltalia vincere secla;<br />

Si Ban y materies quia rébus reddila ceria est<br />

€lgnuadelsf e qua constat quid possii oriri? 205<br />

NI igïtiir fierl de nilo passe faten<strong>du</strong>m est;<br />

Sernine quand® ©pus est rébus f quo qaaecfue créais<br />

àerls in laneras possent proferner auras,<br />

Postremoy qaanlim ineiiiieis praeslare videmus<br />

CalU loca, et maoibus meltores reddere fétus, 210<br />

Esse vMelicet in terris prirnordia rerum ;<br />

Que nos 9 fecindas vortentes vomere glèbes,<br />

Terraiqiie solum subigeites, cimus ad orlus.<br />

Qttod si nalla forent, instra sine quaeque labore<br />

Sponte 6ua multo fierl meliora videres. 215<br />

Hue aecedit, «il quidque in sua corpora rursimi<br />

Bissai fat natura , aeque ad nihilum interimat res.<br />

Nam, si quid mnrfaîe e candis partibus esself<br />

Et oculis res quaeque repente ereplâ periret :<br />

lalla ?i foret usus ealna f quœ partibus ejus 220<br />

Discidium parère, et nexas exsoî?ere passât<br />

Qwd MIDC, «tari© qua constant semine qtiicqiief<br />

DE Là NATU1E DES CHOSES, LIV. I.<br />

D'ailleurs, si les corps que le temps et la vieillesse<br />

font disparaître périssent tout entiers, et<br />

que leur substance soit anéantie, comment Vénus<br />

peut-elle renouveler toutes les espèces qui s'épuisent?<br />

comment la terre peut-elle les nourrir,<br />

et les accroître quand elles sont repro<strong>du</strong>ites? Avec<br />

quoi les sources inépuisables alimentent-elles les<br />

mers et les ieuves au cours lointain ? et de quoi<br />

se repaît le feu des astres? Car si tout était pé»<br />

rissable, tant de siècles écoulés jusqu'à nous devraient<br />

avoir toutdévoré ; mais puîsquefdans Pimmense-<strong>du</strong>rée<br />

des Ages,il y a toujours eu de quoi<br />

réparer les pertes de la nature, il faut que la<br />

matière soit immortelle, et que rien ne tombe<br />

dans le néant.<br />

Enln, la même cause détruirait tous les corps,<br />

si des éléments indestructibles n'enchaînaient<br />

plus ou moins étroitement leurs partîes,et n'en<br />

maintenaient l'assemblage. Le toucher même<br />

suffirait pour les frapper de mort, et le moindre<br />

choc romprait cet amas de substance périssable.<br />

Mais comme les éléments s'entrelacent de mille<br />

façons diverses, et que la matièfe ne périt ^pas t<br />

il en résulte que les êtres subsistent jusqu'à ce<br />

qu'ils soient brisés par une secousse plus forte<br />

que l'enchaînement de leurs parties. Les corps<br />

ne s'anéantissent donc pas,quand ils sont dissous<br />

f mais Ils retournent et s'incorporent à la<br />

substance universelle.<br />

Ces pluies même que l'air répand à grands<br />

lots dans le sein de la terre qu'il féconde, semblent<br />

per<strong>du</strong>es; mais aussitôt s'élèvent de riches<br />

Douce fis obiit, qoœ res diverberet icta,<br />

Aut inîtjs pénétrât per inania, dissolualque,<br />

Nullius exitium patitur Matura videri. x . %%%<br />

Prœterea, quaequomque vetustate amovet jetas,<br />

Si pantins perimit» eansnnaens materiem ornnem,<br />

UncJa animale genus generatim in lamina vit*<br />

Redncit Yenos;; et re<strong>du</strong>ctum dœdala tellus<br />

Unde alit9 atque auget, generatim pabnla prœiicns? %'M<br />

Unde mare ingenoei fontes, enternaque longe<br />

Flumina soppeditant? unde aslher sidéra pascit?<br />

Oiïînla eninî débet f mortali corpore c|oœ sunt,<br />

Inânita œtas consunise ante acta, diesque.<br />

Quoi si ta m spatio atque ante acta œtatt Aiere, 23J<br />

E quibus kme reniai consistit summa refeeta 9<br />

Immortali sont natura predita cerie :<br />

Haud igitur possunt ad niluni quœqoe revortl.<br />

Denique res omneis eadem fis causaque faîga<br />

€onficerety nfsf materies œterna teneret 24 0<br />

loter se neio minas aul magis in<strong>du</strong>pedita;<br />

Taclus enim lelî sais esset causa profecto ;<br />

Qirippe» ubi nulla forent œtenio carpare f quorum<br />

Conteitum vis deberet dissolvere quaeque.<br />

At nunc, iuter se quia nexos principioram M§<br />

Bissimiles constant, œternaque materies est y<br />

lncoltimi rémanent res corpore, dom satis aerk.<br />

Yîs ©beat pro tartan quojasque reperla.


moissons, aussitôt les arbres se couvrent de verts<br />

feuillages 9 et ils grandissent et se courbent sous<br />

leurs fruits. C'est là ce qui nourrit les animaui<br />

et les hommes ; c'est là ce qui fait éclore dans<br />

nos villes une jeunesse florissante f ce qui fait<br />

chanter nos bois, peuplés d'oiseaux naissants.<br />

Yoilà pourquoi des troupeaux gras et fatigués <strong>du</strong><br />

poids de leurs membres reposent dans les riants<br />

pâturages, et que des iots de lait pur s'échappent<br />

de leurs mamelles goniées, tandis que leurs<br />

petits encore faibles, et dont ce lait enivre les<br />

jeunes têtes, bondissent en jouant sur l'herbe<br />

tendre.<br />

Ainsi doncftout ce qui semble détruit ne Test<br />

pas; car la nature refait un corps avec les débris<br />

d'un autre, et la mort seule lui vient en aide<br />

pour donner la vie.<br />

Je t'ai prouvé, Memmlus, que les êtres ne<br />

peuvent sortir <strong>du</strong> néant, et qu'ils n'y peuvent retomber<br />

} maïs » de peur que tu n'aies pas foi dans<br />

mes paroles, parce que les éléments de la matière<br />

sont invisibles» je te citerai des corps dont<br />

tu seras forcé de reconnaître l'existence, quoiqu'ils<br />

échappent à la vue,<br />

D'abord,c'est le vent furieux qui bat les iots<br />

de la mer, engloutit de vastes navires, et disperse<br />

les nuages ; ou qui, parcourant les campagnes en<br />

tourbillon rapide, couvre la terre d'arbres immenses,<br />

abat les forêts d'un soufie, tourmente<br />

Haud igitur redit ad nîhflum res ulla, mû omnes<br />

Plscldîo redeuot in corpore materiai. 150<br />

Postremo, pereunt imbres, ubi eos pater Mlier<br />

In gremium roaiiîg Terrai prœcipitatit :<br />

Al nitidaa surgunl fruges , rameique fireseunt<br />

Arboribus; crescuntipsae» fetuque grarantur.<br />

Hinc alitur porro nostriim genus, atque ferarum : 255<br />

Hinc laetas «rbeis puerls florere videmus,<br />

Frtiidlferâsque notis a?ibus cancre undique sylvas :<br />

Hinc fessœ pecudes pingues per pabula laeta<br />

Corpora deponunt; ei eandens iaeteus humeur<br />

Uberibus maiiat distentis : bine no?a proies %m<br />

Artubus infirmis teneras lascif a per herbas<br />

iudit» lacté niera meiiteis perce Isa no?ellas.<br />

Haud igitiir penitus pereunt quœquomqoe fidentur;<br />

Quando alid ex alio reficit Natura » nec ullam<br />

Eeim gfgni patiturf iiisl morte adjula aliéna. 265<br />

Nunc âge 9 res quoniam docui non posse creari<br />

De nihilo, neque item genilas ad nil revocari;<br />

Ne qua ferle tamen cœpies diffidere diète» »<br />

Quod nequeuiit oculis rerum primordia eerni ;<br />

Accipe prseterea , quae corpora la te necesse est 270<br />

Coniteare esse m rébus, liée posse ?ideri.<br />

Priacipio, venli vis verberat incita pontuniy<br />

Ingeoleisque mit naveis, et nubik diflfert;<br />

Interdtfm» rapido percurrens turbine, eampos<br />

Arboribus magnis siérait, <strong>mont</strong>eisque supremos 2?5<br />

S}Nfragis veiat flabris ; Ma perfurit acri<br />

Oum fremittt » sapvitque minaet murmure pont us.<br />

LUCRÈCE.<br />

la cime des <strong>mont</strong>s, et irrite les ondes frémissantes<br />

qui se soulèvent avec un bruit menaçant. Il est<br />

clair que les vents sont des corps invisibles, eux<br />

qui balayent à la fols la terre, les eaux, les nues»<br />

et qui les font tourbillonner dans f espace.<br />

C'est un iuide qui inonde et ravage la nature<br />

f ainsi qu'un ieuve dont les eaux paisible!<br />

s'emportent tout à coup et débordent» quand<br />

elles sont accrues par ces larges torrents de pluie<br />

qui tombent des <strong>mont</strong>agnes, entraînant avec eux<br />

les ruines des bois, et des arbres entiers. Les<br />

ponts les plus solides ne peuvent soutenir le<br />

choc impétueux de Fonde» tant le leuvef gonié<br />

de ces pluies orageuses, heurte violemment les<br />

digues : il les met en pièces avec un horrible<br />

fracas ; il roule dans son lit des rochers énormes,<br />

et abat tout ce qui lui fait obstacle. C'est<br />

ainsi que doivent se précipiter les vents, qui<br />

chassent devant eux et brisent sous mille chocs<br />

tout ce que leur souffle vient battre comme des<br />

iots déchaînés, et qui parfois saisissent comme<br />

en un gouffre et emportent les corps dans leurs<br />

tourbillons rapides. le le répète donc, les vents<br />

sont des corps invisibles, puisque, dans leurs<br />

effets et dans leurs habitudes, on les trouve<br />

semblables aux grands ieuvesqui sont des corps<br />

apparents,<br />

Enfin, ne sentons-nous pas les odeurs éma*<br />

nées des corps f quoique nous ne les voyions pas<br />

Sunt igitur tentai nitnirum corpara caeca,<br />

Qua mare, quae terras, qua denique nubilt cœli<br />

Yerriiet y ac subito vexantia turbine raptant. 280<br />

Nec ratione fluunt alia , stragemque propagait ,<br />

Ac quom mollis aquœ ferler iiilura repente<br />

FJumlne abundaetl ; qnem fargis imbribos auget<br />

MoiUbus ex altis magnus decursus aquai f<br />

Fraginina eonjlciens sylrariirri, arbuslaque Iota : 285*<br />

Née valide! possunt pontes venientis aqqai<br />

Vim subitam tolerare; ita, magno turbi<strong>du</strong>s imbri,<br />

Molibus incurrit validis cum vlribus amnis ;<br />

Dat sonltu magno stragem ; voltitque sub undis<br />

Grandia saia; rait9 qua qnidquam luctlbus obstat. 29e<br />

Sic Igitur debent venti quoque fl§mîoa ferri :<br />

Qu«, veluli vali<strong>du</strong>m quom flumen prociibuere<br />

Quamlibet in prtem9 tru<strong>du</strong>nt res aotey ruuntque<br />

Impetibus crebris ; later<strong>du</strong>m forlice torto<br />

€orripiunty rapideique rotanti turbine portant. 235<br />

Quare etiam atque etiam sunt venlei corfiora ca»ca ;<br />

Qtiandoquidem f fac|is et moribusy aemula magneis<br />

âœnibos inveniunlur, aperto corporequei sunt.<br />

Tum porro varlos rernm sentimus odores;<br />

Nec tamen ad nareis ?enïenteïs cernimus unqiiam ; 30Q<br />

Mec calidos aestus ttiimur9 nec frigora qiiimus<br />

Usurpare oculis; nec voces cernere suemtis :<br />

Quae taroen omnia corporea coistare necesse est<br />

Natura, quoniam semas impellere possunt :<br />

Tangere enim aut tangi 9 niai corpus 9 nuUa ptest res. 30|<br />

Benique luctiûrago suspens» in litore Yestei


arrîTer aux narines? L'œil ne saisit ni le froid ni<br />

le chaud ; on n'a pas coutume d f apercevoir les<br />

sons : et pourtant il faut bien que toutes ces<br />

choses soient des corps 9 car elles frappent les<br />

Mas, et il n f est rien, excepté les corps, qui puisse<br />

toucher ou être touché.<br />

Les vêtements exposés sur les bords où la<br />

mer se brise,de?iennent humides, et sèchent ensuite<br />

quand ils sont éten<strong>du</strong>s au soleil ; mais on<br />

ne voit pas comment l'humidité les pénètre, ni<br />

comment elle s'en va, dissipée par la chaleur :<br />

l'humidité se divise donc en parties si petites,<br />

qu'elles échappent à la vue.<br />

lien plus, à mesure que les soleils se succèdent<br />

, le dessous de l'anneau s'amincit sous le<br />

doigt qui le porte ; les gouttes de pluie qui tombent<br />

creusent la pierre; les sillons émoussent<br />

insensiblement le fer recourbé de la charrue ;<br />

nous voyons aussi le pavé des chemins usé sous<br />

les pas de la foule; les statues, placées aux portes<br />

de la ville, nous <strong>mont</strong>rent que leur main<br />

droite diminue sous les baisers des passants ;<br />

et nous apercevons bien quêtons ces corps ont<br />

éprouvé des pertes, mais la nature jalouse nous<br />

dérobe la vue des parties qui se détachent à<br />

chaque moment.<br />

Enfin les yeux les plus perçants ne viendraient<br />

pas à bout de voir ce que le temps et la nature,<br />

qui font croître lentement les êtres, leur ajoutent<br />

peu à peu, ni ce que la vieillesse ôte à leur<br />

substance amaigrie. Les pertes continuelles des<br />

rochers qui pendent sur la mer, et que dévore<br />

tfrescont f eœdem dispans» m sole serescunt :<br />

ât neqoe y quo pacto persederlt humor aquai y<br />

Vkim est, née rarsoni qno pcto fugerit aestu.<br />

Il parvas Igitur partes dlspergltuf bumor,<br />

Qmm mmM nulla possunt ratione widere.<br />

Qiin etiam» muttis solis redeualibasamls»<br />

annulas la digito subter tentiatur babendo :<br />

Stiiicidt casas lapident cavat : uncus aratri<br />

Ferreus occulte decrescit vomer in arvis :<br />

Strataqoe jam ?olgi pedibus deirita viaram<br />

Saiea conspidnwis : tum portas propter ahena<br />

Signa Blancs deitrts osten<strong>du</strong>nt attenuari<br />

Scpe salutantum tactu y prœterque meantom.<br />

Haêc igitur mtoui y qnom aint detrita, videmus ;<br />

Sed 9 qu« corpora décédant in tempore quoque 9<br />

Inffala praxJusit speciem natnra tidendi.<br />

Postremo, quacquoinque dtes naturaqie rebus<br />

hollatim tribuit , moderatim crescere cogetu ,<br />

MoPa potest oculoram actes contenta lueri ;<br />

lac porro quaequonique œ?o macieque seneneunl :<br />

•ee, mare que impendent 9 imm sale saxa pere&a<br />

Q11M quoqae amittant in tempore » cernere pcusin.<br />

CorporiiMii cecia igitur nature prit rat.<br />

DE Là NATURE DES CHOSES, Lit, I.<br />

310<br />

315<br />

Jao<br />

325<br />

le sel rongeur, écnappent aussi à ta vue. C'est<br />

donc à l'aide de corps imperceptibles que la nature<br />

opère.<br />

Mais il ne faut pas croire que tout se tiennent<br />

que tout soit matière dans l'espace. Il y a <strong>du</strong><br />

vide f Memnrius ; et c'est une vérité qu'il te sera #<br />

souvent utile de connaître, car elle t'empêchera<br />

de flotter dans le doute, d'être toujours en quête<br />

de la nature des choses, et de n'avoir pas foi<br />

dans mes paroles. Il existe donc un espace sans<br />

matière, qui échappe au toucher, et qu'on nomme<br />

le vide. Si le viie n'existait pasf le mouvement<br />

serait impossible; carfcomme le proprt<br />

des corp est de résister, ils se feraient confinuellement<br />

obstacle, de sorte que nul ne pourrait<br />

avancer, puisque nul autre ne commencerait<br />

par lui céder la place. Cependant, sur la terri<br />

et dans l'onde, jet dans les h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel, on<br />

voit mille corps" se mouvoir de mille façons et<br />

par mille causes diverses ; au lieu que, sans !•<br />

vide, non-seulement ils seraient privés <strong>du</strong> mou*<br />

vement qui les agite, mais ils Sauraient pas<br />

même pu être créés, parce que la matière, formant<br />

une masse compacte, eût demeuré dans<br />

un repos stérile.<br />

D'ailleurs, parmi les corps même qui passent<br />

pour être solides, on trouve des substances poreuses.<br />

La rosée limpide des eaux pénètre les ro»<br />

chers et les grottes, qui laissent échapper des<br />

larmes abondantes; les aliments se distribuent<br />

dans tout le corps des animaux; les arbres croissent,<br />

et laissent échapper des fruits à oertainaa<br />

Mec tamen undique corporea stlpla tenentur èêê<br />

Orania natura 9 namqne est in rébus initia :<br />

Quod tibi cognosse in multis erit utile rébus;<br />

Née sine! errante» <strong>du</strong>bitare , et quœrert semper<br />

De aumma férues, et nostrais diffidere dicte».<br />

[ Quaprepter locus «§4 intactes y kane » f acaesqut. J lié<br />

Quod si non esset y nulla ratione moteri<br />

Ees poaaent; nainque, oficium quod corporis exstai,<br />

Ollicere atqne obstaro » id in ornai tempore adessel<br />

Omnibus : hand igitur quidquam procédera posset f<br />

Prlocipium quoniam cadendi nulla daret re§. M#<br />

At ntme par maria, ac terras » sublimaque oodi »<br />

Milita modis multis ? aria ration© oweri<br />

Cerniraus ante oculos : quie, si non essêt lama»<br />

Non tain sollicite mofa pritata carerent»<br />

Quam genita omnino nulla ratione fuissent, Mê<br />

Undique materies quoniam stipta quiesset.<br />

Praeterea9 qmmmB mliâm rea esse putenlurf<br />

linc tamen mm ioit raro cum corpore caraai».<br />

In saxis 9 ac spluneis» permanat aquarum<br />

LiqiiMus bumor, et uberibus lent omnia gutiis : i§0<br />

Dissupal il corpus sese dbus omiie animanlviii :<br />

Cfftcunt arbeita, et felui in temport fun<strong>du</strong>nt i


époques, parce que les sucs nourriciers y sont<br />

répan<strong>du</strong>s, depuis le bout des racines, par le<br />

tronc et les branches ; le son perce les murs, et<br />

se coule dans les maisons fermées ; le froid atteint<br />

et glace les os : ce qui ne pourrait se faire,<br />

tîi tous ces corps ne trouvaient des vides qui<br />

leur donnent passage.<br />

Enfin, pourquoi certains corps sont-ils de<br />

différents poids sous des volumes égaux ? Si un<br />

flocon de laine contient autant de matière que<br />

le plomb, il doit peser également sur la balance1<br />

puisque le propre des corps est de tout précipiter<br />

en bas. Le vide seul manque, par sa nature<br />

même, de pesanteur. Aussi f lorsque deux corps<br />

sont de grandeur égale, le plus léger annonce<br />

qu'il y a en lui plus de vide; le plus pesant, au<br />

contraire, accuse une substance plus compacte<br />

et plus riche,<br />

La matière renferme donc évidemment ce que<br />

J'essaye d'expliquer à l'aide de la raison, et que je<br />

nomme le vide.<br />

Mais,afin que rien ne puisse te détourner <strong>du</strong><br />

vrai, je dois prévenir l'objection que des philosophes<br />

se sont imaginé de nous faire. Suivant<br />

eux*, de même que les flots cèdent aux efforts<br />

des poissons et leur ouvrent une voie liquide,<br />

parce que les poissons laissent après eux des<br />

espaces Iibrestoù se réfugient les ondes obéissantes<br />

, de même les autres corps peuvent se mouvoir<br />

de concert,et changer de place, quoique<br />

Quod eibits in totas, usque ab radidbus imis,<br />

Per truncos ic par rimos difunditur omneti :<br />

Ioter sœpta meant voces, et clusa domorum 355<br />

Transvolitant : rigi<strong>du</strong>m permanat frigos ad ossa.<br />

Quod , nîsl inania sint f qua possent corpora quœque<br />

Transiref tiaiid ulla ieri ration© ?Ideres.<br />

Deaiqite, quur alias alicis ptmtare viderons<br />

Pondère res rébus, nihilo majore figura? 360<br />

fiant f si lantumdem est in lauae glomere 9 quantum<br />

Corporis in plomb© est f tanturodem pendere par est ;<br />

Corporis officium est quoniam premere oronia deorsum :<br />

Contra autem natnra manet sine pondère inanis.-<br />

Ergo, quod magnum est œque, levinsque vidétûr» 365<br />

pîmirum plus esse sibi déclarât inanis;<br />

AI contra gravius plus in se corporis esse<br />

Pedieat, et multo vacuup minus intus liabere.<br />

Est igitar nlmirum M t quod ratione sagaci<br />

Quœrlmus» admîitum rébus ; quod inane vocamtis. 370<br />

lllud9 in iiis rébus ne te de<strong>du</strong>cere mm<br />

Posslt, quod queidam fmgunt, prœcurrere eogor.<br />

Cedere squamigereis latlces nitenlibus aiunt ,<br />

Et liquidas aperire vias, quia post loca plsœs<br />

IJnquant 9 quo potsint cédantes confluera uadœ : 375<br />

Sic tins quoquê res Inler se posse moteri 9<br />

Et mutare toconn f quamvis sint omnia plan.<br />

S^Uicet M falsa totnm rafione receptum est :<br />

Nan que aqutmigerii prieront prœedere fandim9<br />

LUCRÈCE.<br />

tout soit plein. Ce raisonnement est entièrement<br />

faux : car où les pissons penvent-ils aller,<br />

si la vague ne leur fait place! et si les poissons<br />

demeurent immobiles, où les eaux trouverontelles<br />

un refuge? 11 faut donc ouôter le mouvement<br />

aux corps, ou admettre qu'il y a <strong>du</strong> vide<br />

mêlé à la matière, et que la matière entre en<br />

mouvement à l'aide <strong>du</strong> vide.<br />

Enln si deux corps plats et larges, qui se<br />

touchent, se séparent tout à coup, il se fait entre<br />

ces deux corps un vide qui doit être nécessairement<br />

comblé par l'air. Mais quoique l'air enveloppe<br />

rapidement et inonde cet espace, tout ne<br />

peut se remplir à la fois ; car il faut que fair envahisse<br />

d'abord les extrémités, et ensuite le reste.<br />

Peut-être croit-on que Fair antérieurement condensé<br />

se dilate quand les corps se séparent;<br />

mais on se trompe, car il se fait alors un vide<br />

qui n'existait pas, et un vide qui existait se<br />

comble. D'ailleurs, l'air ne peut se condenser de<br />

la sorte ; et quand même ce serait possible, le<br />

vide lui serait encore nécessaire, je pense, pour<br />

rapprocher ses prtîes et se ramasser en lui-même.<br />

Ainsi, quelques détours que tu cherches pour<br />

échapper à l'évidence, tu es obligé enfin de reconnaître<br />

que la matière renferme <strong>du</strong> vide.<br />

À ces arguments je pourrais en joindre beaucoup<br />

d'autres,qui donneraient un nouveau poids<br />

à mes paroles; mais il suflt de quelques traces<br />

légères,pur acheminer ton esprit pénétrant à la<br />

Ni spatîum dederint latlces ? Concedere porro 380<br />

Quo potenmt undae, quom plsces ire nequlbunt?<br />

A ut igilur niolii privan<strong>du</strong>m est corpora qtiieque,<br />

Au! esse adinlxtum dlcun<strong>du</strong>m est rébus Inane;<br />

Unde inîtum primum capiat res qeapque movendi.<br />

Postremo, <strong>du</strong>o de coocurso corpora lata 3S5<br />

Si cita dissiliant , nempe aer omne necesse est,<br />

Inter corpora quod fiât, possidat inaoe.<br />

1s porro quamvis » clrconi celerantibus aurfs,<br />

Confluât, haud poterlt tamen uno temporê totum<br />

Complerï spattuni : nam primum quemque necesseest390<br />

Occupct îlie loctira, deinde omnia possideanttir.<br />

Quod si forte aliquis, quom eérpora dissiltiere »<br />

Tom putat id fieri, quia se condenseat aer,<br />

Errât : nam vaetium tum it, quod non fuit ante;<br />

Et replet or item y vacuum quod constitit ante; 395<br />

Hec iali ratione pôtest denserier aer :<br />

Mec, si jam posset, sine inane posset f opinor,<br />

Ipse in setrahere, itparteis con<strong>du</strong>cere m uium.<br />

Quapropter, quam?is caisando multa morerii,<br />

Esse in rébus inane tamen fateare necesse est. 400<br />

Mullaque prœterea tibi possum commemorando<br />

Argumenta (idem dicteis ©orradere nostreis :<br />

¥erum animo satis h«c vestlgîa parva tapci<br />

Sont 9 per qu» possis cognoscere oeterm tote.<br />

lamque canes ut <strong>mont</strong>i?ape prtœpa ferai 4êé<br />

Naribus in?eniunt intoctas fraude quittas 9


coiiialssaiiee <strong>du</strong> reste. Car, de même que les<br />

chiens, une fois sur la piste, découvrent avec<br />

leurs narines les retraites où les hôtes errants<br />

des <strong>mont</strong>agnes dorment sous la feuillée qui les<br />

cache f de même tu pourras seul et de toi-même<br />

courir de découvertes en découvertes, forcer la<br />

nature dam ses mystérieui asiles, et en arracher<br />

la vérité»<br />

Si ta conviction hésite, si ton esprit se relâche,<br />

je puis facilement t'en faire la promesse, cher<br />

Memmies: des preuves abondantes, que mon esprit<br />

a puisées aux grandes sources de la sagesse,<br />

vont couler pour toi de mes lèvres harmonieuses.<br />

Je crains même que la vieillesse ne se glisse dans<br />

nos membres à pas lents, et ne rompe les chaînes<br />

de notre vie, avant que cette richesse d'arguments<br />

sur toutes choses n'entre avec mes vers<br />

dans ton oreille. Mais il faut maintenant poursuivre<br />

ce que nous avions entamé.<br />

La nature se compose donc par elle-même de<br />

deux principes, les corps, et le vide ou ils séjournent<br />

et accomplissent leurs mouvements divers.<br />

Le sens commun atteste que les corps existent;<br />

et si cette croyance fondamentale n'exerce pas<br />

un empire aveugle, il n f y a aucun moyen de<br />

convaincre les esprits, quand on explique par la<br />

raison ce qui échappe aux sens. Quant à ce lieu<br />

ou à cet espace que nous appelons le vide, sll<br />

n'existait pas, les corps ne trouveraient place<br />

nulle part, et ils ne pourraient errer-en tous sens,<br />

comme je te l'ai dé<strong>mont</strong>ré plus haut.<br />

En outre, il n'est aucune substance qu'on<br />

puisse déclarer à la fois indépendante de la ma-<br />

DE LA NATUBE DES CHOSES, LIV. I.<br />

Quom semel institerunt vesligia certa viai;<br />

Sic alici ex tilio per le lu te ipse ?ictere<br />

Talibus in rébus poteris, cœeasque latebras<br />

Insînuare omneis, et verum protrafaere iode. 410<br />

Quoi si pigrmrls, pullumfe reeesëerîs abs re,<br />

Hoc MM de piano possum promiltere., Memmij<br />

Usque adeo largos liaustus e fcntibo* magnis<br />

Ungua meo sua?is dili de pelure fundet,<br />

Ul verear, ne tarda prïus per membra seneelus 4 i 5<br />

Serpat, et in nobis filai claustra resolvat,<br />

Quam tibi de quai îs una re Yersibus ornais<br />

Argumentoram sil copia missa per aureis.<br />

Sei nunc, ut répétai» cœptom perteiere diclis.<br />

Ornais, ut est, igilur per se natura <strong>du</strong>abus 120<br />

Constitit in rébus : namcorpora iront 9 et inane,<br />

Haec in quo sîla sont 9 et qua divorsa fiioveolor.<br />

Corpus enim per se eommunis dedicat esse<br />

Sensus : quoi nisi prima ides fuodata valebit9<br />

Haud erit , occultîs de rébus quo referenles 425<br />

C#oinnaremiiîiîio8 qiiidquam ralioae queamus<br />

Tum porro locus ac spafioni y quod inane vocamus.<br />

Si Dolum foret y liaudquaquam sita corpora posseut<br />

Esse, neque omuino quoquam dîvorga rneare :<br />

ld quod jaiïî supra tibi pullo ostendiinus ante.<br />

f i30<br />

Ptmtjwm iilliil esl 9 quod possis dicere ab oimi<br />

tièrc, distincte <strong>du</strong> vide", et qui offre les apparences<br />

d'une troisième nature. Car^ quel que soit<br />

ce principe, pour exister, il doit avoir un volume<br />

petit on grand; et an moindre contact, même<br />

le plus léger, le plus imperceptible, il va augmenter<br />

le nombre des corps et se perdre dans la masse.<br />

Sll est impalpable, au contraire, si aucune di<br />

ses parties n'arrête le flux des corps qui le traversent,<br />

n f est-ce point alors cet espace sans matière<br />

que je nomme le vide?<br />

D'ailleurs, tous les êtres qui existent par euxmêmes<br />

doivent agir, ou souffrir que les autres<br />

agissent sur eux ; on bien il faut que des êtres<br />

soient contenus et se meuvent dans leur sein.<br />

Mais il n'y a que les corps qui puissent agir on<br />

en<strong>du</strong>rer Faction des autres, et il n'y a que le<br />

vide qui puisse leur faire place. 11 est donc impossible<br />

de trouver parmi les êtres une troisième<br />

nature qui frappe les sens, ou soit saisie par la<br />

raison, et qui ne tienne ni de la matière ni <strong>du</strong><br />

vide.<br />

Car on ne voit rien au monde qui ne soit une<br />

propriété ou un accident de ces deux principes.<br />

Une propriété est ce qui ne peut s*arracher et<br />

fuir des corps, sans que leur perte suive ce divorce<br />

: comme la pesanteur de la pierre, la chaleur<br />

<strong>du</strong> feu, le cours fluide des eaux, la nature<br />

tactile des êtres, et la subtilité impalpable <strong>du</strong><br />

vide. Au contraire", la liberté, la servitude, la<br />

richesse, la pauvreté, la guerre, la paix et toutes<br />

les choses de ce genre, se joignent aux êtres ou<br />

les quittent sans altérer leur nature, et nous avons<br />

coutume de les appeler à juste titre des accidents.<br />

Corpore sejunetiim » seeretumque esse ab inani ;<br />

Qiiod quasi lertia sit numéro natura reperta.<br />

Nam 9 quodquomque erit, esse aliquid debebit id Ipsum<br />

Augmine vel grandi9 Tel parvo denîque f dooi sit ; . 435<br />

Quoi si iactos erjt quam?is levis exlguusque,<br />

€orporis aogebit numeruni, suramamqne sequetur :<br />

Sin intactile erit, nulla de parte quod ullam<br />

Rem profil bere qiieat pr se transire meaiitem j<br />

Scilicet hocc' id erit Yacuuni 9 quod inane vûcamus. 440<br />

Prœlerea, per 8e quodquomque erit» aol faciet qoid,<br />

Aut aliis fungi debebit agentibus ipsuoi 9<br />

Aol erit, ul possunt in eo res esse, gerique :<br />

At faeere f et fungi y sine corpore nulla potest res ;<br />

Nec praebere locum porro f nisi inane vacansque. 445<br />

Ergo praeter inane et corpora, terfia per se<br />

Nulla potest rerum in numéro natura relinqui;<br />

Mec quœ sub sensus cadat ullo tempore ooslros,<br />

Mec ratioae aolroi quam quisquam posait apisci.<br />

Ham qoœquomque cluent, anl his conjuncta <strong>du</strong>abus 450<br />

Bebus ea inventes 9 aut horum éventa fidebis.<br />

€onjunetum est id9 quod nunquam sine pemleiali<br />

Dlscldlo poils est sejungi, seque grepri ;<br />

Pon<strong>du</strong>s uti saii, calor igois, llqiioraqoai»<br />

Tacliis corporibus eunclis, imIactos inani. 46&<br />

Servitfuro contra, paupertas, dhrilteque,


10<br />

LUCRftOL<br />

Le temp n'eilste pas non pins par lui-même :<br />

c'est la <strong>du</strong>rée des choses qui nous donne le sentiment<br />

de ce qui est passé, de ce qui se fait encore<br />

f de ce qui se fera ensuite ; et il faut avouer<br />

que personne ne put concevoir le temps à part f<br />

et isolé <strong>du</strong> mouvement et <strong>du</strong> repos des corps.<br />

Enfin, quand on nous prie des Troyens vaincus<br />

par les armes, et de l'enlèvement de la fille<br />

de Tyndare f gardons-nous bien de nous laisser<br />

aller à dire que ces choses existent pr elles-mêmes,<br />

comme survivant aux générations humaines<br />

dont elles furent les accidents f et que les<br />

siècles ont emprtées sans retour. Bisons plutôt<br />

que tout événement passé est un accident <strong>du</strong><br />

pays,et même <strong>du</strong> puple qui fa vu s'accomplir,<br />

S f M n'existait pint de matière ni d'espee<br />

vide dans lequel agissent les corp , jamais les<br />

feux de l'amour, amassés pr la beauté d v Hélène<br />

dans le cœur <strong>du</strong> Phrygien Paris, n'eussent<br />

allumé une guerre que ses ravages ont ren<strong>du</strong>e<br />

fameuse, et jamais le cheval de bois n'eût incendié<br />

Pergame la Troyenne, en enfantant des Grecs<br />

au milieu de la nuit. Tu vois donc que les choses<br />

passées ne subsistent pint en elles-mêmesfcomnie<br />

les corps, et ne sont pas non plus de même nature<br />

que le Yide; mais que tu dois plutôt les appler<br />

accidents des corps, ou de cet espace dans<br />

lequel toutes choses se font.<br />

Parmi les corp, les uns sont des éléments<br />

simples et les autres se forment de leur assem-<br />

Libertas, hélium y concordiâ, estera, quorum<br />

âdventu manet inoolumis natura, abitoque;<br />

H«c solitei sumiis, ut par est, eienia vocare.<br />

Tempos item per se nos est f sed rébus atoipis 460<br />

Consequitur sansus y ttansactum quid sit in «?o ;<br />

Toi» , quae res instet, quM porro deinde sequatnr :<br />

Mec per se qoemqoam lempns sentira faten<strong>du</strong>m est<br />

Semotum ab rerum motu , placidaqne quiète.<br />

Denique, Tyndaridem rapttm9 belloque subaetas 405<br />

Trojugenas genteis quom êîcmmlesse, fiden<strong>du</strong>m esi,<br />

Ne forte h«c pef -se cogant nos esse ifcteri ;<br />

Quando ea secla hominum 9 quorum baec éventa fuerunl y<br />

irrevoeabilis abstulerit jam prœterlta œtas :<br />

Namque aliud terrels, aliud leglonibus ipseis, 410<br />

Eveotum diel poterit, quodquomqoe erit actuni.<br />

Denique» maleries si rerum nolla fuisse! 9<br />

Nec locus ac 8patium9 res in quo quaeque geraniui ;<br />

Nunquam Tyndaridis formœ eoniatrts amure<br />

Ignis, Aleiandri Phrfgio sub pectore gliscens, 475<br />

Clara accendisset sœvi eertaninabelli;<br />

Née elam dnrateus Trojanis Pergama pria<br />

f nflammasset equus mmîmm Grajugenaram :<br />

Perspicere ut posais, res gestes fiiadiltis omneis<br />

Non ita9 ati corpus f pr se eonstare , neqae esse ; i SO<br />

Née rtiloie cluere eadem , quae constat ioane :<br />

Sed magis ut merito possis et enta focare<br />

Corpris atque lod, res in quo qœeque geriûtur.<br />

Corpora sont porro partim primordk reniai f<br />

blage. Les éléments ne peu?ait être rompis ni<br />

domptés par aucune forée, tant ili sont solidesI<br />

Et pourtant,!! semble difficile de croire que des<br />

corps aussi solides existent dans la nature :<br />

car la foudre <strong>du</strong> ciel perce les «murs de nos<br />

demeures, ainsi que le bruit et la voix; le fer<br />

blanchit au feu ; des vapeurs ardentes font éclater<br />

les pierres ; les flammes amollissent et résolvent<br />

la <strong>du</strong>re substance de for; rairalnf vaincu<br />

par elles, fond comme la glace ; la chaleur et le<br />

froid pénètrent aussi Fargent 9 car nous sentons<br />

Pun et Pautre à travers les coupes que nous tenons<br />

à la main, quand on y verse d'en haut une<br />

onde limpide : tant il semble que la matière<br />

manque de solidité. Mais puisque la raison et<br />

la nature même nous empêchent de le croire,<br />

cher Memmius, écoute ; je vais te prouver en<br />

quelques vers qu'il y a des corp solides et Unpérissables<br />

f et nous les regardons comme les<br />

éléments des choses et les germes <strong>du</strong> monde, qui<br />

est formé tout entier de leur substance.<br />

D'abord, puisque nous avons troufé que la<br />

matière et Féten<strong>du</strong>e où elle s'agite sont deux<br />

choses opposées par leur double nature, chacune<br />

doit être Indépendante,et pure de tout mélange •<br />

car il n f y a pas de matière là où s'étend le vide,<br />

Il n'y a pas de vide là où se tient la matière.<br />

Les corps premiers sont donc solides, et manquent<br />

de vide.<br />

D'ailleurs, puisque les corp formés par eu!<br />

Partim concilia qnas constant iirinciplorom. 48.i<br />

Sed , quae sunt feront primordia f nuIla potest vis<br />

Strlngere; nam solido vincvuit ea eorpore demum;<br />

Etsi difficile esse videtur eredere quidquam<br />

In rébus solido reperiri eorpore passe :<br />

Transit mîm fulmen mai per sœpta doroorum , 490<br />

Clamor ut9 te voces : ferrum candescit In igni ;<br />

Dissiliwntque fere fer?enti saia vapore :<br />

CollabefactaUis rigor au ri solfitur aeslu :<br />

Tom glacles mm , lamma devicta y liquescit :<br />

Fermai»! ealor argentum 9 penetraleque frigos ; 19$<br />

Quando «trumqu© manu , mûmmtm pocula rite<br />

Sensimus , Infuse lympharam rore superae :<br />

Usqueadeoln rébus solidi nihilesae videtur.<br />

Sed quia vera tamen ratio, naturaque rerum<br />

Cogit, ades 9 panels <strong>du</strong>m versibus eipedianus f &oo<br />

Esse ea y quae solîdo atque œterno corpore constent ;<br />

Semina quœ rerum y primordiaque esse docemus ;<br />

Unde omnis rerum nunc constet sumina creala.<br />

Prloclpi0f quoniam <strong>du</strong>plei nalura <strong>du</strong>arum<br />

Dissimills rerum longe constare reperla est f 5ûâ<br />

Corporis atque loci, res in quo quseque geruntur;<br />

Esse utramqtie slbi per set puramque neœsse est.<br />

Ham quaquomque vacal spatium, quod inane Yocamusv<br />

Corpus ea non est ; qua porro quotttque tenet se<br />

Corpus 9 ea ?aoaum nequaquam CMstat inane. i 10<br />

Sunt igitur solida ac sine inani corpora prima.<br />

Praeteria9 quoniam genitis in rébus inane mît


en renferment, il font que de la matière solide<br />

Penveloppe ; car on ne prouYera jamais par la<br />

saine raison que des corps recèlent et emprisonnent<br />

le vide, sans avoir de substance solide qui le<br />

contienne. Or, il n f y a que les assemblages de<br />

corps simples qui puissent enfermer et contenir<br />

le vide : de là résulte que les éléments, étant<br />

solides, subsistent éternellement, tandis que les<br />

autres corps tombent en ruine.<br />

En outre, s'il n'y avait pas d'éten<strong>du</strong>e sans<br />

pitière, toute la nature serait solide; et si, au<br />

contraire, il n'y avait pas de corps qui remplissent<br />

exactement l'espace qu f ils occupent, le<br />

monde formerait un vide immense. Mais la matière<br />

et réten<strong>du</strong>e sont bien distinctes, puisque<br />

tout n'est pas plein et que tout n'est pas vide : il<br />

existe donc certains corps qui séparent le vide<br />

<strong>du</strong> plein.<br />

Ces corps ne se brisent jamais sous un choc<br />

extérieur, et rien ne peut les pénétrer à fond et<br />

les dissoudre ; car ils sont inaltérables et indestructibles<br />

, comme je te Faï <strong>mont</strong>ré un peu plus<br />

haut. Et, en effet, on ne conçoit ps que, sans<br />

le vide, les corps puissent se heurter, se rompre,<br />

se fendre, ou donner passage à l'humidité, au<br />

froid, et ai feu plus pénétrant encore, qui consument<br />

tous les êtres. Plus un corps renferme de<br />

vide f plus ils l'attaquent profondément et le dévorent<br />

: de sorte que si les corps sont solides et<br />

manquent de vide, comme je te Pai enseigné, ils<br />

doivent aussi être impérissables.<br />

Maleriem clrcura solidani constare neccsss est :<br />

Nec res mita potest vera mîïom probarl<br />

Corpore inane sun cehre, atque in tus babere, 515<br />

Si non 9 quod cohîbet , soii<strong>du</strong>m constare relinquas.<br />

Id porro nibfl esse potes!, nisi materiai<br />

Conciliant 9 qwod inane qaeat tectutu coliibere.<br />

Materies igftor, solide* qu© corpore constat,<br />

Esse «tenu potest9 quoi» caetera dissoluantur. 120<br />

Tuin porro» si nil esset, quoi inane vacaret,<br />

ûmne foret soii<strong>du</strong>m : nisi contra corpora certa<br />

Essent 9 quae loca compterait, qnœquomque teoerent,<br />

Omne f qood est , spalium » iracunin constaret inane.<br />

altérais jptur nimiram corpus inani 525<br />

Distlnctum ; qaonîam nec plénum gnatiter exstat y<br />

Mec porrovacoam : stmtergo corpora certa,<br />

Que spalinm pleno possiot distinguera inane.<br />

fl«c neqnedissolti plagls, eitrinsecas icta9<br />

Postant; nec porro , penitns peqetrata y reteii ; 530<br />

ffce ratione qnetmt alla tentata labare :<br />

Id quod jam supra tibi polio ostendlmus aille,<br />

ffam neqoe coUidi sine inani posse ?idetur<br />

Qaidqaaiii , née frangi, mec indi in bina secando :<br />

Nec capere homorem, neque item manabile frigus, 53^<br />

Kec pecctralem igneoi; qnibns omnia coolëuntuf.<br />

Et qoo quœqoe mugis eohibet res intus inane »<br />

Ta» magis bis rébus penitns tentata labascit.<br />

pgi> i si soPda m sint inani corpora prinp<br />

DE Là NATUBE DES CHOSES, LIV. I.<br />

lt<br />

Si la matière n'était pas éternelle, le mande<br />

eût déjà retourné au néant, et le néant eût enfanté<br />

tout ce que nous voyons aujourd'hui. Mais<br />

comme j'ai prouvé aussi que rien ne sort <strong>du</strong><br />

néant et que rien^pe peut y retomber, il faut des<br />

éléments impérissables , et en qui toute chose se<br />

résout à son heure suprême, pour que la matière<br />

soit à même de réparer ses pertes. Les éléments<br />

sont donc simples et solides, et ils ont pu, à<br />

cette condition seule, <strong>du</strong>rer autant que les âges,<br />

et renouveler les êtres depuis des temps infinis.<br />

Enfin, si la nature n'eût mis des bornes à la<br />

fragilité des corps, les éléments de la matière,<br />

déjà brisés par les siècles, seraient tellement<br />

appauvris, que les êtres formés de leur assemblage<br />

ne pourraient arriver au terme de leur croissance<br />

dans un temps Ixe ; car on voit que tout se ruine<br />

plus vite que tout ne se repro<strong>du</strong>it, et par conséquent<br />

le reste des âges ne suffirait pas à réparer<br />

les corps que cette longue suite de siècles maintenantécoulés<br />

eussent rompus et mîsen poussière*<br />

Mais il est évident que leur fragilité a des limites<br />

invariables f puisque nous voyons toutes les espèces<br />

se renouveler, et atteindre dans un espee déterminé<br />

la fleur de leur âge.<br />

Cependant, quoique les éléments soient solides,<br />

ajoutons que toutes les choses qui naissent,<br />

étant mêlées de vide, peuvent être molles, comme<br />

Taîr, l'eau, la terre, les chaudes vapeurs, quelle<br />

que soit la cause de leur pu de consistance. Mais<br />

au contraire, si les éléments étaient mous, on<br />

Sunt f ita uli doctii f sint baec salerai necesse est 54 0<br />

Praeterea» nisi materies&terna fuisset,<br />

Anfehac ad nihilum penitus res quœqueredissent;<br />

De nihiloque ruiata forent y qoaequomque videmus,<br />

ât qaûttiam supra docui 9 nil posse creari<br />

De oîlïilo , neque, quod genitum est » ad il rev©cari ; 54&<br />

Esse immortel! primordia corpore debent,<br />

Dissolvi quo quaeque supremo tempore possint,<br />

Materies ut suppeditet rébus reparmdeis.<br />

Sunt igitur solida primordia simplldtate 9<br />

Nec ra floue queunt alia , ser?ata per œrom , 550<br />

Ex infinito jam tempore res reparare. -<br />

Benique » si nullam finem natura parasset<br />

Frangundds rébus , jam corpora materiai<br />

Usque redacta forent, mm (tangente priore,<br />

Ut niltil ex oilis a eerto tempore posse! y<br />

Conceptum , summum œtatis prradere liera ;<br />

Nain quîdfis citius dissolfî posse videmus,<br />

Quam rorsus reftei : quapropter lonp diei<br />

Ininitaœlas ante acti temporis omnis<br />

Quod frepsset adbuc y disturbans dissoluensque f<br />

555<br />

Séd<br />

H uiquam id relicuo repararl tempore posset :<br />

AI nunc niroirum frangundi reddita inis<br />

Certa manet9 quoniam refid rem quamque videmus,<br />

Et inita simul geoeratim tempora rébus<br />

Stare 9 qaibus possint mwi contingere florem. âGâ<br />

i pue accedit f ni » tolidistiva materiai


il<br />

ne saurait eipliquer comme se forme la <strong>du</strong>re<br />

substance des rocs et <strong>du</strong> fer, parce que la nature<br />

manquerait alors de base solide. Les éléments<br />

sont donc solides et simples ; et plus ils sont étroitement<br />

unis, plus les substances se <strong>mont</strong>rent<br />

compactes et fortes.<br />

Supposons même que le partage des corps soit<br />

Illimité : encore faut-il que depuis une éternité<br />

les assemblages conservent encore des atomes<br />

qui ont échappé aux épreuves <strong>du</strong> péril. Or, puisque<br />

ces matières sont de nature fragile, il répugne<br />

qu'elles aient pu avoir une <strong>du</strong>rée éternelle,<br />

éternellement tourmentée par des chocs innombrables.<br />

Enfin, puisque la croîssancedes êtres a unterme,<br />

ainsi que leur existence ; puisque les lois de la<br />

nature fixent ce que tous peuvent ou ne peuvent<br />

pas; puisque rien ne change, mais que tout demeure<br />

tellement uniforme que les oiseaux <strong>mont</strong>rent<br />

invariablement sur leur plumage les mêmes<br />

taches qui distinguent leur espèce; les corps doivent<br />

avoir pour base des substances inaltérables.<br />

Car si les éléments pouvaient être vaincus et altérés<br />

par une force quelconque, nous ne saurions<br />

plus ce qui peut ou ne peut pas naître, ni comment<br />

la puissance des corps a des limites infranchissables;<br />

et les êtres ne pourraient repro<strong>du</strong>ire<br />

tant de fois dans chaque race la nature, le genre<br />

LUCRECE.<br />

Corpora quom constant, possint tamen omnîa reddi<br />

Mollla, quae fiunt, acr, aqua, lerra, vapores,<br />

Quo paclo fiant, et qua vi quomque gerantur ;<br />

Admlxtura quoniam seniel est in rébus inane.<br />

Al contra, si mollla siot primordia rerumf<br />

Unde queaut validei silices ferrumque crearï f<br />

Mon poterit ratio reddi : nam funditus omnis<br />

Principio fundamenti natura carebit.<br />

570<br />

S aal igitur solida pollen lia simplicitate ;<br />

Quorum condenso magis aiïiala conciliât!!<br />

Arctaripassunt, lalidasqiie ostendere yireis.<br />

Porroy si nulla est fraogiindeis reddita finis<br />

Corporibus, tamen ex œtetno tempore quaeque<br />

575<br />

Nunc etkm superare necesse est corpora rebusf<br />

Quae nott<strong>du</strong>m clueant ullo tenlala perîclo.<br />

At quoniam fragili natura-prœdita constant,<br />

Dîscrepat, œternuro tempus potuisse manere<br />

Innwmerabilibus plagis ?exata per asvom.<br />

580<br />

Benique, jam quoniam generaliai reddita<br />

Crescundi relias constat 9 vi tamqoe tenendi ;<br />

Et quîd qiaeque queaut ? per fœdera nalurai9<br />

finis 585<br />

Quid porronequeantjsancitiim quandoquidemexstat;<br />

Mec commutatnr quidquam ; quin omnta constant<br />

Usqne adeo f ?ariœ ?olucres ut in ordine eunete<br />

Ostendant maculas generaleis corpore inesse :<br />

Immutabile materî» quoque corpus babere<br />

Debeot Diminua; Dam» si primordia reram<br />

Commutari aliqua possent rations revicta,<br />

590<br />

Incertum quoque jam constet y quid possit oriri »<br />

Quid nequeat; finita potestas denique quoique<br />

595<br />

de vie, les mouvements tt les habitudes de leurs<br />

pères.<br />

En outre, puisque la cime des atomes est un<br />

point de matière voilé aux sens f elle doit être<br />

dépourvue de parties et atteindre le terme dfe la<br />

petitesse. Jamais elle ne fut et jamais elle ne sera<br />

isolée, car elle ne forme que la première couche,<br />

que l'écorce d'un assemblage; et mille parties de<br />

même nature s'amoncèient, s'amoncèient tour à<br />

tourf pour achever la masse de l'atome. Or, si<br />

elles sont incapables d'exister à part, il leur faut<br />

un enchaînement tel que rien ne puisse les arracher.<br />

.<br />

Les éléments sont donc simples et solides; car<br />

ils ne se forment point par un assemblage de<br />

substances étrangères, mais ils consistent en<br />

atomes inséparable et forts de leur éternelle simplicité;<br />

et la nature, se réservant les germes, ne<br />

souffre pas que ces atomes se détachent et dépérissent.<br />

D'ailleurs, s'il n'y a aucun terme à la petitesse,<br />

les moindres corps se composeront de parties innombrables,<br />

puisque la moitié même de chaque<br />

moitié aura la sienne, et se partagera à l'infini.<br />

Quelle différence restera-t-il donc entre une masse<br />

énorme et un atome imperceptible? Aucune ; car,<br />

quoique le monde soit immense, la plus petite,<br />

chose contiendra autant de parties que le monde.<br />

Quanam sit rallooe f atque alte terminus li»rens<br />

Nec lotiens possent générâtim secla referre<br />

Naturam, motus » viclum, moresque paren tu m,<br />

Tum porro, quoniam est extremum quoique cacunien<br />

Corporisillius, quod itostri cernera sensu» 601<br />

Jam nequetint; id nimirnm sine partibus exstat,<br />

El itiiïîiima constat natura : nec fuit unqiiam<br />

Per se secretum, neque poslhac esse valebit;<br />

Âlierïiis quoniam est Ipsum pars primaque 9 et ima : §05<br />

Inde alise, atque aliae t similes ex ordine partes<br />

Agmine condenso naturam corporis expient<br />

Quae s quoniam per se nequeunt eonstare, necesse est<br />

Hœrere ; unde queaut nulla ralione revelli.<br />

Sunt igilur solida primordia siroplieitate 9 610<br />

Quae minumis stipafa cohaerent partibus arcte;<br />

Mon ex ullorum confentu conciliât!,<br />

Sed magis aeterna pollentîa simplicitate :<br />

Unde neque avelli quidquam 9 neque diminuijam,<br />

Concedit natura y reser?ans seroina rébus. 615<br />

Pneterea , mm erit minumim» parvissima qualité<br />

Corpora eoostabont ex partibus infinitis :<br />

Quippe ubi dimidiae partis parssemper liabebit<br />

Dimidiam partem ; nec res praeftniet ulia.<br />

Ergô reraifi înler summam , minumamque , quid escit? 62C#<br />

Mil erit, ut dîstet : nom cpanwis funditus omnis<br />

Summa sit infinita9 tamen y par? issima quae stinl ,<br />

Ex ininitïs constabunt partibus œque.<br />

Quod 9 quoniam ratio réclamât vera, negatque<br />

Credere posse animum y vicius fateare necesse est 9 Gth<br />

Esse ea, quœ nullis jam prœdita partibus exatenl9


DE LÀ NATURE DES CHOSES, UV. I.<br />

Mais comme la saine raison se récrieet rejette une<br />

telle idée» tu es obligé de reconnaître qu'il y a certains<br />

corps qui ne peuvent plus avoir de parties,<br />

et qui sont de la plus petite nature possible; et<br />

que si ces corps existent, ils doivent être solides<br />

et éternels.<br />

Mais si f après avoir fait toutes choses, la nature<br />

avait coutume de les ré<strong>du</strong>ire en atomes in- '<br />

divisibles, elle ne pourrait plus les repro<strong>du</strong>ire,<br />

parce que la matière, qui demeurerait éparse,<br />

manquerait de tout ce que doivent avoir les corps<br />

générateurs, comme les différents assemblages,<br />

le poids, les rencontres, les chocs et les mouvements<br />

à l'aide desquels tous les êtres se forment.<br />

Ainsi donc ceux qui pensent que le feu est le<br />

seul élément des choses et que toute la nature se<br />

compose de feu, me semblent égarés loin de la<br />

saine raison. Le premier qui engagea cette lutte,<br />

fut Heraclite, célèbre par un obscur langage<br />

plutôt parmi les esprits vides que parmi les hommes<br />

sages de la Grèce qui cherchent la vérité.<br />

Car les-sots aiment et admirent surtout les idées<br />

qui se cachent sous des termes équivoques, et<br />

ils acceptent pour vrai tout ce qui latte leurs<br />

oreilles, et tout ce qui est fardé de paroles harmonieuses.<br />

Mais je demande comment les choses peuvent<br />

être si variées, si elles ne se composent que de<br />

feu pur: car il ne servirait'à rien que les atomes<br />

de feu devinssent plus denses ou plus rares, puisque<br />

ces atomes auraient la même nature que la<br />

masse <strong>du</strong> feu. La chaleur serait plus vive, si les<br />

Et rainuma constant natura : qtuc quonlam sunt,<br />

011a quoque esse tibi solida atque aeterna faten<strong>du</strong>m.<br />

Denique, si minnnias in partels cuncta resolfi<br />

C#gere ©onsuesset rerum natura creatrîi9<br />

830<br />

Jam Bill il ex ollis eadem réparare ?alerel :<br />

Propterea» quia, quae nuits suni partlbus aucta»<br />

Non potsimt m quie débet genitalis habere<br />

Malerks » Tarlos eonnexns, pondéra, plagas,<br />

Concoraiu f motus , par quos res quaeque geruntur. 635<br />

Qoapropter, quel matériel» rerum esse putarunt<br />

fgnetîîf atque ex ignl summani consistera solo,<br />

Magno opère a ver a lapsei ratione videnlur.<br />

Henditus inil quorum <strong>du</strong>x praelîa primus ,<br />

Clams ob obscuram linguam mugis inter Inaneis, §4û<br />

Qoamde grands inler Graios, que! fera requirunt.<br />

Omni& enim stolidei roagis adraîraniur, atnantque,<br />

ln¥orsis quae sub fertile latitantia cernunt;<br />

Yeraqoe constitount» qu» belle tangere possuat<br />

Aurcis f et lepldo quœ sunt fucata sonore.- ê45<br />

Nam quur tam lariae res possenl essé» requiro,<br />

En une si sont ignl puroque creatae.<br />

HU prodesset enini calî<strong>du</strong>m denserier îgnem,<br />

Ifec rareierl f m partes igoïs eaoodem<br />

Kainram, quam Mis habet soper ignis, liaberent. GâO<br />

Aarior arior enini con<strong>du</strong>ctels partibus esset :<br />

iaoguidior p«rreiïs}ectelat disque supateis.<br />

parties étaient serrées; et plus languissante, si<br />

elles étaient écartées et lâches; mais voilà tout<br />

ce que tu pux attendre de pareilles causes, tant<br />

il s'en faut que la diversité des êtres soit pro<strong>du</strong>ite<br />

par un feu épais ou rare.<br />

Et encore faudrait-il admettre que les corps<br />

renferment <strong>du</strong> vide, pour que le feu pût être ou<br />

plus rare ou plus dense. Mais comme cesphiloso*<br />

phes, apercevant les contrariétés de leur système,<br />

ne veulent pas laisser au monde le vide pur, ils<br />

se perdent pour éviter un pas difficile, et ils ne<br />

voient pas que, sans le vide, tous les corps deviennent<br />

compactes et forment une seule masse f<br />

dont rien ne peut se détacher par des émissions<br />

rapides, tandis que le feu jette la chaleur et la<br />

lumière j ce qui prouve que ses parties ne manquent<br />

pas de vide.<br />

Peut-être croit-on que les atomes de feu peuvent<br />

s'éteindre quand ils s'amassent, et changer<br />

de nature; mais si, en effet, aucune partie n'échappe<br />

à cette altération, toute la chaleur sera<br />

engloutie par le néant, et le néant seul enfantera<br />

les corps qui naissent : car tout ce qui sort de<br />

ses limites et dépouille son être se frappe de<br />

mort. Il faut donc que les atomes demeurent<br />

inaltérables, pour que les êtres ne soient pas<br />

anéantis, et que la nature ne releurisse point au<br />

sein <strong>du</strong> néant.<br />

Or, puisqu'il y a des corps élémentaires qui<br />

conservent éternellement la même nature, et<br />

qui renouvellent et transforment les êtres suivant<br />

qu'ils s f y ajoutent ou s'en détachent, il est<br />

Amplius hoc leri nibil est quod posse rearis<br />

Talibus in eausis; ne<strong>du</strong>m variantla rerum<br />

Tailla queat dan sis f mmqme ex ignibus esse.<br />

Id quoqoe, si faciant admixtutn rébus marte,<br />

Denseri poteruit ignés f rareique relioqui ;<br />

Sed 9 quia mufti sibi cernunt contraria inease,<br />

Et fugftant la rébus laane relinquere punira;<br />

Ar<strong>du</strong>a <strong>du</strong>m metuunt, amittunt fera viai :<br />

Mec rursum cernunt, exemtum rébus inane»<br />

Omnia dessert f fierlque ex omnibus unum<br />

Corpus, nil ab se quod possîl roittere raplim,<br />

JMifer Igais utî lumen jacit 9 atque vaporeni|<br />

III yideas non e stlpatis partibus esse.<br />

Quod si forte ullacre<strong>du</strong>nt ratione potesse<br />

Igneis in cœtu siiiigui9 mutareque corpus;<br />

Scllicet ex nulla facere id si parte rëparcent,<br />

Occidet ad nihilom nimirum fuqditus ardor<br />

Omnis, et ex mhilo fient quaequomque creantur,<br />

Mai» quodquomque suis routatum fiuibus exit9<br />

Continuo iioc mors est ilMus y quod fuit aule :<br />

Proinde alîcjuid superare necessa est incolume ollisf<br />

Me tibi res redeant ad nilum funditus omnes,<br />

De nihiloque renata virescat copia rerum. fi7fr<br />

Nunc igitur, quonîam certissima corpora quaedain<br />

Sunt, qu© conservant naturam semper eamdem,<br />

Quorum abitu f aut adïtu » mutatoque ordine, mutant<br />

13<br />

ê55<br />

6S0<br />

665<br />

«70


14 iucfticE.<br />

facile de voir que ce ne sont pas des atomes de<br />

feu ; car alors ils auraient beau se quitter, se<br />

joindre, changer de place ou changer d f ordre, ils<br />

n'en garderaient pas moins leur nature brûlante,<br />

et le feu seul pourrait naître <strong>du</strong> feu. Mais voici,<br />

selon moi, comme tout se passe : il eiiste des<br />

corps qui par leurs mouvements, leurs rencontres,<br />

leur ordre, leur position et leur forme, pro<strong>du</strong>isent<br />

le feu, et qui varient leurs pro<strong>du</strong>ctions<br />

en même temps que leur ordre, quoique pourtant<br />

ils ne tiennent ni <strong>du</strong> feu ni des 1 autres<br />

corps dont les émanations atteignent et frappent<br />

nos sens.<br />

Dire que tout est <strong>du</strong> feu, que le feu est le<br />

seul corps véritable f comme le fait Heraclite,<br />

me paraît donc une grande folie. Car il combat<br />

les sens par les sens mêmes, et 11 affaiblit leur<br />

témoignage, sur qui reposent toutes nos croyances,<br />

et qui lui a fait connaître ce qu f il nomme le<br />

feu. Il croit, en effet, que' le feu peut être<br />

connu par les sens ; mais il ne le croit pas des<br />

" autres corps, qui ne sont pourtant pas moins<br />

sensibles.Voilàcequi me semble faux et extravagant.<br />

Où faut-il donc nous adresser! Que<br />

peut-il y avoir de plus Infaillible que les sensî<br />

et» sans eux, comment distinguerions-nous le<br />

faux <strong>du</strong> vrai?<br />

D'ailleurs, pourquoi anéantir tous les autres<br />

corps et ne laisser que le feu dans la nature,<br />

plutôt que de nier le feu et de reconnaître tous les<br />

1 autres corps! Ces deux opinions ne sont pas<br />

plus folles Tune que foutre.<br />

Natontn res , et confortant corpora mm ;<br />

Scire licet, non esse hœe ignea corpora rerum. 6S0<br />

Nil referreI enim , quœdam discedere, abire,<br />

Atque alio attribut f mutariqus ordine quaedam »<br />

Si tamen ardorîs naturam cnucta tenerent :<br />

Jgfiis enim foret omnlmodls» quodquomque crearet.<br />

Terum 9 ni opinor, ita est : sont quaedara corpora, quorum<br />

Concursus» motus » ordo f positura f figura, 686<br />

Effîciunt igneisf mutatoque ordine mutant<br />

Natoram : neque sunt igni simulata f neque tilla*<br />

Praeterea rei, quœ corpora miltere posait<br />

Sensibus , et nostros adjeetu tangere tactus. 690<br />

Bîcere porro ignem res omneilesse» neque ullam<br />

Rem veram in numéro rerum constare, nisi ignem,<br />

Quod facit hicc* idem , perdelirum esse vIdelur.<br />

Ham contra sensus ab sensibus ipse répugnât.<br />

Et labefactat eos s unde omnia crédita pendent ; §95<br />

Unde hic copitus esl îpsl , quem nominat ignem.<br />

Crédit eeim sensus ignem cognoscere vere ;<br />

Caetera non crédit, quae nilo clara minus suot :<br />

Quod mihi quom ?anum 9 tum deiirum esse videtur.<br />

Quo referemus enim? quid nobis certius ipsis 700<br />

Sensibus esse potest? qui fera, ac fâlsa noiemtis?<br />

Praeterea, quare quisqnam iiagis omnia tollatf<br />

it telit ardoris naturam Mnquere solam,<br />

Quam neget esse ipeïs, summam tamen esse relinquat?<br />

Ainsi doue ceux qui croient que le feu est<br />

le seul élément des choses f et que le monde<br />

put être composé de feu ; et ceux qui assignent<br />

Pair comme principe générateur aux corps ; et<br />

ceux qui prétendent que Peau forme les êtres de<br />

sa propre substance » ou que la terre pro<strong>du</strong>it tout<br />

et ftvêt toutes les natures, sont allés se perdref<br />

ce me semble, bien loin de la vérité.<br />

Ajoutons-y encore ceux qui doublent les éléments<br />

et joignent le feu et Pair à la terre et à<br />

Peau f et ceux qui pensent que tout peut niftre<br />

de ces quatre corps réunis, de la terre, <strong>du</strong><br />

feu, de Pair et de Ponde, A la tête de ces derniers<br />

est Empédocle l'Agrigentin, enfanté sur<br />

les bords triangulaires de cette fie que les flota<br />

azurés de la mer Ionienne baignent et embrassent<br />

de leurs replis immenses f et que des ondes<br />

qui bouillonnent dans un canal étroit séparent<br />

des rivages éollens. Là se trouve la vaste Cha*<br />

rybde ; là gronde PEtna, qui menace d'amonceler<br />

encore ses lamines irritées, pour que de nouveaux<br />

feux jaillissent arrachés de ses flancs, et lancent<br />

encore leurs éclairs jusqu'au ciel. Cette terre<br />

toute peuplée de grandes choses, et que les na*<br />

tions humaines admirent et aiment tant à voir ;<br />

cette terre, si riche de pro<strong>du</strong>ctions utiles, et<br />

forte d'un épais rempart de héros, n'a jamais<br />

rien eu de plus illustre ni de plus sacré,<br />

de plus admirable ni de pins cher au monde f<br />

que ce grand philosophe. Aujourd'hui encore<br />

on se récrie sur les vers échappés de son esprit<br />

divin, et on proclame ses sublimes découvertes,<br />

i€fjua ?idêlor ettim clemcnik dîcere utrumque. 70S<br />

Quapropter, qud materiem rerum esse putarunl<br />

Ignem t alque ex igni summam consistera posse ;<br />

r Et quel prfncipium gigaundeis aéra rébus<br />

Constituera ; aut humorem queiqnomque puttrunt<br />

Fingere res ipsum per se ; terrain Y e creare 71 o<br />

Omnia, et in rerum naturas tortier omnels,<br />

Magno opère a mm longel deerrasse videntor.<br />

Adde etiam, quel eon<strong>du</strong>plieant primordia rerum,<br />

Aéra jungentes igni » terramqoe Jiquori;<br />

El quel quatuor ex rébus posse omnia rentur, 71S<br />

Ei igni, terra, atque anima procrescere » et imbri ;<br />

Quorum Agrapntinos euro prïmis Empedocles est :<br />

Insula quem triquetris terrarum gessit in oris;<br />

Quam luitans circum mapis amfractibos aequor<br />

lonium glands adspergit ?irus ab undîs, 720<br />

Angustoque frein rapi<strong>du</strong>m mare clivklit undis<br />

Jsoliae lerrarum oras a finibus ejus.<br />

Hic est yasta Cliaj-ybdis, et hic j£lna*a mïiantur<br />

Murmura, lammarum rursum se colligere iras,<br />

Faucibus eruptos iterum ut vis etoraat igneis, 715<br />

Ad cœlumque ferat flammai fulgura rursmn.<br />

Quœ, quom magna modis roultss mîranda videtur<br />

Gentibus tiumaneis regio, Yisundaque fertor,<br />

Rébus opima bonis, multa munita yiram yi;<br />

Kil tamen hoc habuisse vîro pweelarius in m9<br />

7M


qui laissent à peine croire que ee fut un eufaut<br />

des hommes.<br />

Maïs quoique Empédocle et les autres dont<br />

f al prié plus haut f et qui lui sont de beaucoup<br />

Inférieurs sous mille rapports, aient trouYé<br />

avec une sagesse divine tant de belles choses,<br />

et quey <strong>du</strong> sanctuaire de leur génie,ils aient<br />

ren<strong>du</strong> des oracles plus sacrés et plus infaillibles<br />

que ceux que la Sibylle tire <strong>du</strong> trépied saint et<br />

des lauriers de Phébust ils ont tous échoué sur<br />

les éléments , comme sur un écueilf et ces grands<br />

esprits y ont fait un grand naufrage. D'abord f<br />

Ils admettent le mouvement et rejettent le vide<br />

<strong>du</strong> monde ; ils y laissent des substances molles<br />

et poreuses 4 comme l 9 air9 le soleil 9 le feu, la<br />

terre, les animaux , les fruits f et cependant ils<br />

ne les mêlent pas de vide. Ensuite f ne marquant<br />

aucune In au partage des êtres, aucun repos à<br />

leur fragilité » ils ne voient rien qui soit de<br />

moindre volume. Or, nous apercevons mille corps<br />

ré<strong>du</strong>its à un point qui parait à nos organes infiniment<br />

petit; et tu peux en conclure que leurs<br />

débris invisibles aboutissent enfin au terme de la<br />

petitesse.<br />

De plus 9 puisque les éléments établis pr ces<br />

philosophes sont des substances molles, qui<br />

naissent et qui meurent tout entières, Il faut que<br />

les êtres retournent au néant, et que le néant<br />

ressuscite la nature ; mais tu sais déjà combien<br />

ces deux choses sont bien loin de la vérité.<br />

Ree sanctwii magfs et miram caramque, videtmfv<br />

Carmina qaliî etiam divini pectoris cjus<br />

Yotaferantor, et expoount praecltra reparte;<br />

-Ut lix hnmana vldeator stirpe creatus.<br />

Hic tamen f et, supra quoi diximos, inferinres ^35<br />

f affilias egregie nraltis, multoque minores;<br />

Quinqiiaai, milita bene ae divinitus iovenientes ,<br />

Ex adjlo tenquam cordis 9 responsa dedere<br />

Studios, et malt® certa ratione magis» qiiam<br />

Pythia9 que tripodt ex PhoeM lauroque profatur; 740<br />

Principes tamen in rerum fecere rainas,<br />

Et graviter magnei magno cecidere ibi etsu :<br />

Primum f qaod motos t exemto rébus irani 9<br />

Constituant » et res molleis rarasqoe relïnqurtnt,<br />

Aéra, solem f ignem » terras, animalia » fruges ; 745<br />

Kee tamen admïscent in eorom corpus inane :<br />

Ddnde, qood oamino ifinein non esse secandeis<br />

Corporibus bctant, neque pausam stare fragori ;<br />

Née prorsum in rébus minimum consistere quidquam :<br />

Qmà yideanius id extremum qaojusqae eacumen 7§0<br />

fsse, quod ad sensus iiostros mïnnroura esse fidetur;<br />

Conjicere at possk ex hoc, quod cerœre non qnis,<br />

ïxtrcrauni qaod babent, miniimum consister© rébus.<br />

lac accedlt item , qnoniam primordia renirri<br />

Mullia constituant 9 qosa nos natiya yidemis 7S 5<br />

lsst9 et mortali coin corpore funditus : atqoi<br />

Bebett ad nitailuni jam reram summa report! f<br />

Pi niilotpt renaia yigescer* copia rerum :<br />

DE Là NâTUEE DBS CHOSES, LIY. L fa<br />

Ensuite ces élément sont ennemis, et connu<br />

des poisons les uns pour les autres : ilsilorrent<br />

donc ou périr quand ils se rassemblent, ou se<br />

disperser comme se dispersent la foudre, les<br />

vents et la pluie, chassés pr la tempête.<br />

Enfin, puisque vous dites que tous les corps<br />

naissent de quatre choses, et que tous les corp<br />

y retournent après leur ruine, pourquoi ces choses<br />

peuvent-elles passer pur les éléments des *<br />

autres, plutôt que les autres ne pssent pur leurs<br />

éléments f car elles se pro<strong>du</strong>isent tour à tour, et<br />

elles échangent sans cesse leur forme et leur nature;<br />

Mais si tu crois que le feu et la terre peuvent<br />

unir leur substance au souffle de l'air et à<br />

la rosée de Tonde, sans que ce mélange les altère*<br />

ils nepurront <strong>du</strong> moins rien pro<strong>du</strong>ire,ni être<br />

vivant, m corp Inanimé, parce que chacun déploiera<br />

sa nature dans cet amas divers, et que<br />

nous y verrons de Tair et <strong>du</strong> feu mêlés à de la<br />

terre et à de l'eau ; et II faut, au contraire, que<br />

les éléments emploient â former les êtres une<br />

substance mystérieuse et invisible, de pur que<br />

le principe ne se <strong>mont</strong>re prtout, et ne s'oppose<br />

à ce que chaque être ait sa nature propre.<br />

Bien plus, ils font tout naître <strong>du</strong> ciel et de ses<br />

feux ; le feu se change le premier en air; Pair<br />

enfante l'eau f Peau forme la terre; puis la terre<br />

les repro<strong>du</strong>it tous, en re<strong>mont</strong>ant la chaîne, Peau<br />

d'abord, ensuite Pair, et enfin le feu ; et ils ne<br />

cessent de se transformer ainsi, et de voyager<br />

Quorum utrumtpe qirid a ?ero jam distet 9 habebas.<br />

Delïide infinies modis mnltis sont, atque venena 7ôO<br />

Ipsa sibi iuter se; quare aut congressa peribunt9<br />

Aut ita diffogiait, ut9 tempestate coacta,<br />

Fulmina diffugere atque imbreis tentosque wïàemm,<br />

Denique, quatuor ex rébus si cuncta creamtur,<br />

Atque in eas rursum res omnia dissoluunturt 7êS<br />

Qut magis olla queunt rerum primordia dici f<br />

Quam contra res oloruro, retroque pu tari?<br />

Altérais gignuntur enim , mutantque colorem 9<br />

Et totam inter se naturamf tempore ab omnL<br />

Sis ita forte putas ignis terraeque colre 77#<br />

Corpus , et sérias auras, roremque liquorom,<br />

Nil in concili'o naturam ut mutet eoram;<br />

Mulla tibi ex ollis poterit res esse creata 9<br />

Mon animans t non exanimo cum eorpore, nt arbos :<br />

Quippe suarri quidque in coetu ?âriiritis acer?i 77&<br />

Naturam ostendet» mixtusque ?idebitur ser<br />

Cum terra sïmul et quodam en m rare nmnere :<br />

At primordia gignundis in rébus oportet<br />

Naturam dandestinam' caeeamque adMbere ;<br />

Émîneat ne quid f quod eonlra pugnet » et otetet f 7SO<br />

Quo minus esse queat proprie, quodqoomque creatur.<br />

Quin etiam repetunt a codo atque ignibus ejus;<br />

Et prîmum faciunt ignem se yortere in auras<br />

Aeris : Mnc imbrem gigni, terramqne creari<br />

Ex imbri ; retroque a terra coneta reyorti 9 7S&<br />

Humorem primant, post aert, deiidi ctiorcm :


is LUGRèCE.<br />

<strong>du</strong> ciel à la terre et- dé la terre aux astres. Maïs<br />

les éléments ne pu¥ent agir de la sorte, et il<br />

doit y avoir une substance inaltérable, pour que<br />

le monde ne retourne pas au néant : car tout ce<br />

qui sort de ses limites et dépouille son être sa<br />

frappe de mort. Ainsi, puisque les corps dont je<br />

viens de prier échangent leur nature, ou ils se<br />

composent eux-mêmes de corps qui ne peuvent<br />

changer, ou la nature sera anéantie. Pourquoi<br />

donc ne pas admettre plutôt des éléments de<br />

telle sorte, qu*après avoir formé <strong>du</strong> feu, ils<br />

n'aient qu'à y ajouter ou à y retrancher quelques<br />

atomes, et qu'à changer 4e mouvement ou<br />

de place, pour en faire de l'air, et pour changer<br />

de même toutes choses en choses nouvelles?<br />

Mais il est évident, diras-tu, que tous les<br />

corps naissent de la terre, que tous en sont nourris,<br />

et que si le ciel ne leur verse ses pluies bienfaisantes<br />

aux instants propices, si les jeunes<br />

arbres ne fléchissent sous la rosée des nuages, si<br />

le soleil à son tour ne les caresse de ses feux et ne<br />

leur donne la chaleur, ni les moissons, ni les<br />

arbres, ni les animaux, ne peuvent croître. Sans<br />

doute : de même que si des aliments secs et des<br />

substances liquides et molles ne soutiennent notre<br />

corps, il dépérit, et la vie se détache des os et<br />

des nerfs en ruines. Car il est certain que nous<br />

sommes soutenus et alimentés par des substances<br />

particulières, ainsi que les différents êtres;<br />

et ils veulent tous une nourriture différente,<br />

parce que les mille principes communs à toutes<br />

Nec eesstre fa*c ioler se mutâre t meare<br />

A oœlo ad terram, de terra ai sidéra mundi :<br />

Quod facere haud uUo debent primordia facto.<br />

Imoiulabîte mmm quiddam suprare necesse est; 790<br />

Ne res ad nihilum rediganliir funditus omîtes.<br />

Nam quodquomqne suis mutatum limbes exltf<br />

Continu® hoc mors est illus, quod fuit ante.<br />

Qotpropter, quonîam qu« paullo diximus ante,<br />

In commiitatam Tentant, èonstare necesse est 795<br />

Ex aliis ea f quae nequeant conTortier usquam :<br />

Ne tibi res redeant ad nilum funditus omnes.<br />

Quln potius9 tali nature predita, quaodam<br />

Corpora constituas; igneni si forte creartat,<br />

Posse eadem 9 demtis paucis , paucisque tribu lis y<br />

800<br />

Or cil ne mutato et motn , facere aeris auras :<br />

Sic alias aliis rébus mutarier omneis.<br />

Àt manifesta palan» res indieat, inquis9 in auras<br />

Aeris e terra res omneis crescere, alique :<br />

Et Disi tempestas in<strong>du</strong>lget tempore fausto ' 805<br />

Imbribus, et tabe nimboram arbusta vacillant ;<br />

Solque sua pro parte fotet, triboitqae calorem;<br />

Crescere ion possînt fruges, arbusta, anlmanteis.<br />

Scîlicet » et nisi nos clbus ari<strong>du</strong>s et tener humor<br />

Adjufat» amisso jam corpore, vîta quoque omnis 810<br />

Omnibus e nervis atque ossibus eisoluatur,<br />

Adjutamur enim dobio procul atque alimur nos<br />

Certîs ab rébus, certis aliae atque aliae res ;<br />

choses se combinent dans mille corps ie mille<br />

façons ii?erses. Et souvent leur mélange,<br />

leur position, et les mouvements que tous Impriment<br />

ou reçoivent, influent beaucoup sur les<br />

êtres ; car les mêmes éléments qui forment la<br />

terre, le ciel, la mer, les fleuve* et le soleil,<br />

engendrent aussi les arbres, les moissons et les<br />

animaux; mais Us sont mêlés à d'autres, et leur<br />

arrangement diffère.<br />

Bien plus, dans ces vers eux-mêmes tu<br />

aperçois çà et là mille lettres, éléments communs<br />

% de mille mots, et pourtant tu es obligé de reconnaître<br />

que les mots et les vers ont chacun leur<br />

sens et leur harmonie distincte : tant les éléments<br />

ont de puissance, même quand Ils ne font que<br />

changer leur ordre 1 Mais les éléments des corps<br />

sont plus nombreux que ceux des mots, et Ils se<br />

combinent davantage pour varier les êtres.<br />

Examinons maintenant VHomœomérie d'Ànaxagore,<br />

mot grec que la pauvreté de notre<br />

langue nous empêche de tra<strong>du</strong>ire ; Il est facile<br />

de faire connaître ce que le philosophe donne<br />

pour élément des choses, en le nommant homœomérle.<br />

Suivant Anaxagore, les os se composent<br />

de petits os, et chaque viscère de viscères déliés,<br />

Imperceptibles ; le sang est formé de mille gouttes<br />

de sang, for de mille parcelles d'or, et la terre<br />

de mille terres entassées; le feu est un amas de<br />

feu, Peau un amas d'eau, et tous les êtres se<br />

pro<strong>du</strong>isent de même. Mais Anaxagore ne nous<br />

accorde pas que la matière contienne dm vide f<br />

Nlmirum, quia molllmodls communia mtiltii<br />

Multarnm rerum In rébus primordia mulla 81 S<br />

Suit; Ideo fariis variae res rébus aluntur.<br />

Atque eadem magnf refert primordia sœpe<br />

Citai quitus, et quali positura continuant» ;<br />

Et quos inter se dent motus accipiantque.<br />

Mamque eadem ecelura, mare» terras, Ëumina, aolem» 820<br />

Constituent; eadem fruges» arbusta, animantes ;<br />

Verum aliis alioque modo commixta moventur.<br />

Quln etiam passim noslrig in vereibus ipls<br />

Multa elementa vides, nwltis communia Terbis;<br />

Quom tamen Inter se ?ersus ac verba necesse est 825<br />

Confileare et re et sonitu distare sonanti :<br />

Tantum elementa queunt, permutato ordine aolot<br />

At rerum quœ sunt primordia, plura adliibere<br />

Possunt, unde queant ?ariae res quaeque creari.<br />

Nunc et Anaxagorae scrutemur 6{u>ioplpetov S30<br />

Quam Graiei memoraotf nec nostra dieere linpt<br />

CôBcecill nobis patrii sermonls egestas :<br />

Sed tamen ipsam rem facile est exponere verbls»<br />

Princlpium rerum, quam dicit ôjwiofj^piiav.<br />

Ossa fidelicet e pauxillis atque minutis §n&<br />

Ossibu% sic et de pauxillis' atque minutis<br />

¥isceribus viscus gipî ; sanguenque creari<br />

Sangninis Inter se multis ooeuntibu' guttis :<br />

Ex aurique putat micis consistera posse<br />

Auram, et de terris terram eoncresccrt pr?is ; S4Q


ni que le partage ies corps ait des bornes : il me<br />

paraît donc se tromper également en ces deux<br />

points, et il se trompe comme ceux que nous<br />

a?ons cités plus haut<br />

Ajoutons que les éléments sont trop faibles,<br />

si on peut appeler éléments des choses qui sont<br />

de même nature que les corps 9 qui en<strong>du</strong>rent<br />

tout ce que les corps souffrent, et qui périssent<br />

aussi f sans que rien les arrête sur le penchant dfc<br />

leur ruine. Car en est-il une qui tiendra contre<br />

une attaque violente, et qui échappera à sa perte<br />

sous les dents de la mort! sera-ce le feu? l'eau?<br />

Pair? le sang! les os? laquelle enin? Aucune, je<br />

pense f puisque toutes sont périssables comme<br />

les êtres f qui, vaincus par une force quelconquef<br />

meurent, et se dérobent à nos yeux. Mais je te<br />

rappelle que rien ne retombe dans le néant, et<br />

que rien ne peut en naître ; ce que nous avons<br />

déjà prouvé.<br />

D'ailleurs, puisque les éléments accroissent et<br />

nourrissent les corps, il est évident que les veines<br />

$ le sang, les os et les nerfs sont formés* de<br />

prties hétérogènes ; ou si on prétend que les aliments<br />

eux-n|êmes sont des substances qui contiennent<br />

des parcelles de nerfs, des os9 des<br />

veines et des gouttes de sang, on admet alors<br />

que toute nourriture, tant sèche que liquide, se<br />

compose de parties hétérogènes, puisque des os,<br />

des veines, <strong>du</strong> sang et des nerfs y sont mêlés*<br />

En outre, si toutes les pro<strong>du</strong>ctions de la terre<br />

Ignibus ex igneis, bnmorem taumoribos esse.<br />

Cslera consimili ingit ratione, potatque-<br />

Mec tamen esse alla parte idem in rébus laine<br />

Coocedit, neque oorporibus finem esse secfmdeis.<br />

Qoare in otraque mihi pariter ratione fidetur §45<br />

Errare ; atque ollis juxta 9 qnos diiimus ante.<br />

Adief quod imbecilla mmis prlmordia fingit;<br />

Si primotdia siint, simili qua pradita constant<br />

Ratura atque îpsae res sdnt ; seqneque laborant f<br />

Et perçant, neque ab exitlo res alla refranat. «SO<br />

iim quid in oppressa vaido <strong>du</strong>rabit eoram 9<br />

Ut mortem effugiat, leti sub dentibut ipsisf<br />

fgjRlu? an lminor? an aura? quid faoram? sanguisan?<br />

aune os?<br />

Ri» nt oplnor; Qbî ex œquo res fanditns omnia<br />

Tam nwrtalïs eritf quara qoae manifesta fidemus §55<br />

El ©colis nostris, aliqoa vi •icta, perire.<br />

At neqne recidere ad nihflain res pusse» neque autem<br />

Ctescere de lihMo » tester res ante prebatas.<br />

Praterea» quoniam cibus aoget corpus alitque;<br />

Scire Icet » nobls ?enas» et sanguen f et ossa » SSÛ<br />

Et nerf os alienigenis ex partibas esse :<br />

Site dk» omneis commixto corpore dicent<br />

Esse» et babere in se nenroraiti corpora parva,<br />

Ossaqoe, et omnino fmu, parteisque craoris :<br />

Ffet , ni cibns omnis et aridns f et iquor ipse , §65<br />

Ex alfenlpnis rébus constare putenturf<br />

Ossibus» «t nervis , fenisqne et sanguine ralxta,<br />

LUCRÈCE.<br />

DE LA NATU1E DES CHOSES, U\\ 1. lî<br />

sont enfermées dans le solf il faut


ts<br />

des éléments communs, et arrangés de mille<br />

façons diverses.<br />

Cependant, me dis-tu, il arrive prfois que,<br />

sur les hautes <strong>mont</strong>agnes, des arbres, contraints<br />

par un vent impétueui f entre-choquent et frottent<br />

leurs cimes, où éclot enfin une couronne de<br />

feu resplendissante* Sans doute ; mais il ne faut<br />

pas croire que le bois contienne <strong>du</strong> feu ; il ne<br />

renferme que des atomes inflammables, qui,<br />

amassés par le frottement des arbres, allument<br />

un incendie dans les forêts. Si la flamme se cachait<br />

au sein des forêts mêmes, elle ne pourrait<br />

se contenir un instant : elle brûlerait sans cesse<br />

les arbres, et elle dévorerait les bois.<br />

Ne vois-tu pas déjà, comme nous le disions<br />

un peu plus haut, que le mélange des atomes*<br />

leur arrangement, et les impulsions que tous<br />

donnent ou reçoivent f sont d'une extrême im-<br />

'portance? car leur moindre transposition engendre<br />

le feu <strong>du</strong> bois : ainsi les mots <strong>latins</strong> de bois<br />

et de feu ont pour base des lettres qui changent<br />

à peine de rang, quoique tout deux forment un<br />

son distinct.<br />

Enfin, si tu ne peux expliquer tout ce qui se<br />

passe dans les corps sensibles, sans leur assigner<br />

des éléments de même nature, les principes de<br />

la matière sont anéantis, ou ils doivent avoir,<br />

ainsi que les êtres, les joues baignées de larmes<br />

amères,et les lèvres agitées par le tremblement<br />

<strong>du</strong> rire.<br />

Maintenant, ô Memmius, écoute et apprends<br />

LUC1ECE.<br />

Moîlariiïïî rentra in rébus communia détient 895<br />

At sœpe in magitis il <strong>mont</strong>ibus, inqols, ul alK<br />

Arboribus vicina cacnmina sumrna leraitur<br />

Intcr se, valldis facere ii cogentibns austris»<br />

Donee flammaî fulserunl flore eoorto :<br />

Scilicet ; et non est lignis tamen insitns ignls ; 900<br />

Vcrum semina sunt ardoris multa, lerendo<br />

Qiueqnom confluxere, créant Incendia sylvis.<br />

Quod si facta foret sylvis abscondita lamma »<br />

Non possent «Hum tempus celarier ignés :<br />

Confièrent ?olgo sylfas, arbosta cremarant. §05<br />

Jaraiie vides igitur, paullo quod diximos ante,<br />

Permagni referre, eadero primordia saepe<br />

Cum quibusf etquali positura eontingantur;<br />

Et quos inter se dent motos aecipiantque f<br />

Atque eadem f paullo inter se mutata f creare 910<br />

tgneis e lignis? quo pacto terba quoque ipsa »<br />

Inter se paullo mutatis suit démentis,<br />

Quom ligna atque igneis distincta voce noterons.<br />

Denique, jam quœquomque in rébus cernis apertis,<br />

Si leri non pusse putas, quin materiai 915<br />

Corpora consimill natira prœdita flogaa,<br />

Hac ratione Ubi perçant primordia rerum :<br />

Fiet9 uli risu trémolo ooncussa cachinnent,<br />

Et iacrumis saisis liumectent ora genasqne.<br />

Hune âge, quoi superest, coposce ci claptis andi ;920<br />

Mec me animi fillit» quam sint obscura; sed acri<br />

ee qui te reste à connaître. Je sais comiîen cet<br />

matières sont obscures ; mais de glorieuses espérances<br />

ont frappé mon âme <strong>du</strong> plus vif enthousiasme<br />

j et lui ont imprimé le doux amour des<br />

Muses» Animé de leur feu, soutenu par mon<br />

génie, je parcours deê sentiers <strong>du</strong> Piérus qui ne<br />

sont point encore battus, et que-nul pied ne foule.<br />

J'aime à m'approcher des Sources vierges, et à<br />

y boire ; j'aime à cueillir des fleurs nouvelles, et<br />

à me tresser une couronne brillante là où jamais<br />

une Muse ne couronna un front humain : d'abord,<br />

parce que mes enseignements touchent à<br />

de grandes choses, et que je vais affranchissant<br />

les cœurs <strong>du</strong> joug étroit de la superstition ; ensuite,<br />

parce que je fais étinceler un vers lumineux<br />

sur des matières obscures f et que je revêts<br />

toute chose des grâces poétiques. Et ce n f est pat<br />

sans raison. Le médecin veut-il faire boire aux<br />

enfants l'absinthe amère; il commence par en<strong>du</strong>ire<br />

les bords <strong>du</strong> vase d'un miel pur et doré f<br />

afin que leur âge imprévoyant se laisse prendre<br />

à cette illusion des lèvres f et qu f ils avalent le<br />

noir breuvage : jouets plutôt que victimes <strong>du</strong> mensonge,*<br />

car ils recouvrent ainsi les forées et la santé.<br />

Be même,* comme nos enseignements paraissent<br />

amers à ceux qui ne les ont point encore savourés,<br />

et que la foule les rejette, j f ai voulu t'exposer<br />

ce système dans la langue mélodieuse des Piérides<br />

f et le dorerf en quelque sorte, <strong>du</strong> miel de la<br />

poésie; espérant retenir ton âme suspen<strong>du</strong>e àmes<br />

vers f tandis que je te ferais voir toute la<br />

Percnssit thyrso laudis spes magna meum cor.<br />

Et siiïml incussit sua?em mi in pecttis amoreni<br />

Musarum : quo mine instinctus, mente vîgentl<br />

Àvîa Pîeri<strong>du</strong>m peragro loca, nullius aote 925-<br />

Trila solo : ju?at intègres accedere fontete,<br />

Atque haurire ; juvatqne novos decerpere flores f<br />

Insignemqiie meo capitl petere Inde coronam f<br />

Unde prjus nulli velarint tempora Mus©.<br />

Primum, quod magiis doceo de rébus » et arctis 930<br />

Beligiontim animum nodis eisolvere pergo :<br />

Deinde quod obscura de re tam luclda pango<br />

Carmîna, Musœo contlngens cuncta lepore :<br />

W quoque entm non ab nulla ratione videtur;<br />

Sed, veluti puereis àbsinthia tetra medentes 93S<br />

Quom dare conantiir, prius oras, pocula circuoi,<br />

Contingnnt mellis dolei fla?oqiie liqiiore»<br />

Ut puerorum aetas împroiîda lodifteetor<br />

Labrorum tenus; interea perpotet amanim<br />

Absiathi laticera, deceptaque non capiatur, 940<br />

Sed potius, tali facto recreala, valeseat ;<br />

Sic ego nnne, quoniam liaec ratio pleromcpie videtur<br />

Trisiior esse, quîbus ion est traclata, retroque<br />

Volps abliorret ab liae; volui tibi suaf iloqiienti<br />

Carminé Pierio rationem eipnere nos tram 945<br />

Et quasi Musieo <strong>du</strong>lci coiitingere melle ;<br />

Si tibi forte animum tali ratione tenere<br />

Versibiîs in nostris possem, dam perspicis omnem


DE Là NATURE DES CHOSES, LTV. I.<br />

nature des choses avec son ajustement harmonieux<br />

et sa forme.<br />

Tu sais déjà que les éléments de la matière<br />

«ut solides, et voltigent éternellement, sans être<br />

vaincus par les âges : examinons à présent si la<br />

somme des atomes est bornée ou ininie ; voyons<br />

de même si le vide que nous avons trouvé dans<br />

la nature, c'est-à-dire le lieu ou espace au sein<br />

<strong>du</strong>quel les corps agissent» est terminé de tontes<br />

parts, ou s'il a une éten<strong>du</strong>e et une profondeur<br />

immenses.<br />

Le grand tout ne se termine dans aucun sens ;<br />

car autrement il aurait une extrémité. Mais un<br />

corps ne peut en avoir, je pense f si on voit au<br />

delà quelque chose qui le limite, et qui empêche<br />

la vue de passer outre. Or, puisqu'il faut avouer<br />

que rien n'existe au delà <strong>du</strong> monde, le monde<br />

n'a donc aucune extrémité, et par conséquent<br />

il n'a ni In ni mesure. Peu importent les régions<br />

où tu es placé : quelque lieu que tu occupes,,<br />

un espace sans bornes te restera ouvert en tous<br />

sens.<br />

En supposant même que le grand tout finisse,<br />

si un homme va se placer au bout <strong>du</strong> monde,<br />

comme le dernier point de ses dernières limites,<br />

et que de là il jette une flèche ailée ; lequel aimestu<br />

mieux, ou que le trait, lancé avec force, aille<br />

là où il a été envoyé, et vole au loin; ou que je<br />

ne sais quoi l'arrête, et lui fasse obstacle? Car<br />

il faut choisir; et, quelque parti que tu prennes,<br />

tu ne peux nous échapperf et tu es ré<strong>du</strong>it à ac-<br />

Nataram rerum , qua constel eomta Agora.<br />

Sed quonlam docui, solidissima wateriai 950<br />

Corpora perpétuo volitare» invicta per œvom ;<br />

Kunc âge» summai quaedam ait luis eorum»<br />

H cène sit, evolvamus • item 9 quod inane reperlum est 9<br />

Sea locus ac spatïum » res in quo quœque gerantur,<br />

Pertideamus» alrum finitom funditus omne 955<br />

Constat, an immeosum pateat fastequo profun<strong>du</strong>m.<br />

Omne quod est t igilur, nulla regionc vlarum<br />

Finit tim est; namqueextremum debebat liabere :<br />

Eïlremum porro nollius \mm vidctur<br />

Esse, nisi ultra slt quod finiat ; ut ¥ideatorf<br />

960<br />

Quo non longius kœc sensus nalura sequatur.<br />

Munc extra suraraam quoniam nîhil esse faten<strong>du</strong>m est f<br />

Non habet actremuro; caret ergo fine, modoque :<br />

Nec refert, quibiis assistas regionibus ejus :<br />

Usque adeo, quem qnisque locum possedit, in omneis 965<br />

Tauliimdem parteis inftnîtum omne relinquit.<br />

Prçterea, si jam fini tu ni constituatur<br />

Omne, quod est, spailum, si quis procurrat ad oras<br />

Oltimtis extremas, jaciatqae volatile telum,<br />

Id • aldis «tram eontortum ilribus ire, 9"0<br />

Quo foerit missuoi, maYis, longeque volare;<br />

AD proliibere aliquid censés, obstareque posse?<br />

Alterutrum fatearis enira f sumasqne, necesse est :<br />

Quorum utrumqwe tibi eflngiinn prœclodit, et omne<br />

Cogil ut exemta concédas fitie patere. 97 a<br />

corder au monde une éten<strong>du</strong>e infinie. En effet,<br />

soit que la lèche, arrêtée par un obstacle, ne<br />

puisse achever sa course et atteindre le but, soit<br />

qu'elle passe outre, elle ne part pas de l'extré*<br />

mité <strong>du</strong> monde. Je te poursuivrai ainsi ; et, dans<br />

quelque lieu que tu Ixes des bornes, je te demanderai<br />

ce qui arrivera à la flèche, 11 arrivera que,<br />

pour lui faire place, les bornes reculeront, et le<br />

monde se prolongera sans cesse.<br />

D'ailleurs, si des limites infranchissables emprisonnaient<br />

la nature de toutes parts, et que<br />

son éten<strong>du</strong>e fût bornée, les corps solides, emportés<br />

par leur poids, tomberaient en masse vers le<br />

fond <strong>du</strong> monde : rien ne pourrait se faire sous<br />

la voûte <strong>du</strong> ciel, et le ciel même n'existerait<br />

pas, ainsi que la lumière <strong>du</strong> soleil, puisque toute<br />

la matière, depuis des temps Infinis, eût formé,<br />

en s'affaissant, une masse Inerte. Mais on sait,<br />

au contraire, que les éléments ne connaissent<br />

pas le repos, pree que le monde n f a pas de fond<br />

où ils puissent s'entasser et fixer leur demeure»<br />

Ils se meuvent sans cesse pour enfanter toutes<br />

choses dans toutes les parties, et les gouffres Inférieurs<br />

vomissent aussi des flots de matière<br />

perpétuellement agitée.<br />

Enfin, les yeux attestent que les corps sont<br />

limités par les corps : l'air coupe les <strong>mont</strong>agnes, l<br />

et les <strong>mont</strong>agnes coupent l'air ; la terre borne<br />

les ondes, et les ondes embrassent la terre : mais<br />

il n'existe, au delà <strong>du</strong> monde, rien qui le termine*<br />

Telles sont donc l'immensité et la profondeur <strong>du</strong><br />

Ham site est aliquid, prohibeat, efBciatque,<br />

Quo mina'; quo mlssam est, veaiat, inique locet se»<br />

Si?e foras fertury non est a fine profectum.<br />

Hoc pacto sequar; atquef oras ubiquomque loearis<br />

Extremas $ quaeram quid tel© denique fiât 980<br />

Fiel, ulî nusquam possit consistera finis ;<br />

Effugiumqoe fugae prolatet copia aemper,<br />

Praeterea spatium summai totius omne<br />

Undique si inclusum certls consisteret oris »<br />

Finitamqae foret, jam copia materiaî us ><br />

Undique ponderibus solides confluxet ad imum;<br />

Nec res ulia geri sub cœli tegmine posset;<br />

Nec foret omnino eœlum, neque lamina solis :<br />

Quippe ubi materies omnis cunmlata Jaceret<br />

Ii infinito jam tempore subsideido. 990<br />

ât nunc nimirum requies data principiorum<br />

Corporibns nulla est ; quia nil est funditus imum 9<br />

Quo quasi confluerê , et sedeis ubi ponere possint :<br />

Semper in assl<strong>du</strong>o molu res quaeque geruntur<br />

Partibus in omette, infernaque suppeditantor, 995<br />

Ei infinito cita » eorpora materiai.<br />

Postrtmo, ante oculos res rem fiiire ¥idetor<br />

âer dissœplt colleis, atque aéra <strong>mont</strong>es;<br />

Terra mare 9 et contra mare terras terminât omneis :<br />

Omne quidem vero nihil est quod finiat extra. 1000<br />

Est igiturnatura lod, spatiumque profundi,<br />

Quod neque clara suo preurrere flumîna cursu


LUC1ECE.<br />

vide, que les plus grands ieuves y couleraient<br />

pendant toute la <strong>du</strong>rée des âges sans le parcourir,<br />

et sans être plus avancés au terme de leur<br />

course : tant il y a d'espace ouvert aux êtres,<br />

quand on ôte de toutes parts toutes les bornes<br />

au monde I<br />

La nature ne prmet pas f d'ailleurs f que le<br />

monde puisse se borner lui-même ; car elle veut<br />

que le vide soit terminé par le corps, et le corps<br />

par le vide, pour que tous deux, en se limitant<br />

sans cesse, se prolongent à l'infini. Si les corps<br />

et le vide ne se bornaient tour à tour, maïs que<br />

le vide seul fût immense par sa nature, ni la<br />

terre, ni la mer, ni la voûte brillante <strong>du</strong> ciel, ni<br />

la race des hommes, ni les corps sacrés des<br />

dieux, ne pourraient subsister un instant; car<br />

la matière, dont la masse ne serait plus assujettie,<br />

flotterait éparse dans l'immensité <strong>du</strong> vide;<br />

ou plutôt elle n f eût jamais été asseï compacte<br />

pour former les corps, parce que les atomes dispersés<br />

n'auraient pu s'unir.<br />

On ne dira pas sans doute que les éléments<br />

se soient fanges à dessein et avec intelligence<br />

chacun à leur place, ni qu'ils aient réglé de concertleurs<br />

mouvements réciproques. Maiscomme,<br />

depuis tant de siècles, ces atomes innombrables<br />

se combinent de mille façons, et sont agités par<br />

mille chocs au sein <strong>du</strong> vide immense ; après avoir<br />

essayé des mouvements et des assemblages de<br />

toute sorte» ils sont enfin parvenus à cet arrangement<br />

qui a pro<strong>du</strong>it le monde, qui a conservé la<br />

nature <strong>du</strong>rant de looguesannées, en assujettissant<br />

Perptuo possint mm kbentia tractu ;<br />

Née prorsum facere, ul restet minus ire, moaodo :<br />

Usque adeo passif» palet Ingens copia rébus, 1005<br />

Fiuibus eieuitls f in cunctas indique priais,<br />

Ipsa modo m porro mbt reriim somma parera<br />

Ne possit 9 nature tenet : quia €orpus ioani 9<br />

Et9 quod inane totem est» fini ri corporecogilf<br />

Ut sk al ternis infini ta omnia reddat. f o 10<br />

Aot etiam, alterutrum nlsi terminet altérant eoram y<br />

Simplice natura, at pteat tamen immoderatum ;<br />

Nec mare, nec telliist meqm cœli lucida tempta,<br />

Nec niortile geios , née divom corpora sâncta,<br />

Eilgiiom posseot îiorel sistere tempos. 11)15<br />

Nam dispuisa $uo de ccfetu y onteriai<br />

Copia ferretiir mapum per iiane soliita;<br />

Sivetdeo potius nunquani concreta ereasset<br />

UBam rem 9 qnoniam cogi disjecta neqiisset.<br />

Ham carte œqm consUio primordli rerma 1020<br />

OfMm se saoqusque sagaci mente locarant,<br />

Nec qnos quajque darent motus f pepfgere profeeto :<br />

Sed quia mal ta» modis muftis mntata, per omne<br />

Ex infinito veiaatur parclta plagis ;<br />

Omne gênas motus 9 et cœtas eiperiundo; 1025<br />

Tandem deteoituit in taleis disposeras,<br />

Qtttlibtis Inec rtlwi consistît summa creata :<br />

les corps à des mou?ements harmonieux , et ipi<br />

fait que les rivières abreuvent la mer avide de<br />

leurs eaux abondantes f que la terre pénétrée des<br />

chaudes vapeurs <strong>du</strong> soleil renouvelle ses fruits,<br />

que toutes les espèces vivantes refleurissent, et<br />

que les feux errants <strong>du</strong> ciel sont alimentés : ce<br />

qui ne pourrait se faire, si les richesses Inépuisables<br />

de la matière ne fournissaient pas éternellement<br />

de quoi réprer les pertes éternelles des<br />

êtres.<br />

Quand les animaux sont privés de nourriture f<br />

leur nature s'épuise, leur corps se ruine : de<br />

même toutes les substances doivent périr, aussitôt<br />

que la matière, détournée de sa route par un<br />

accident quelconque, cesse de les alimenter.<br />

Il ne serait pas juste de dire que des chocs<br />

extérieurs assujettissent le grand assemblage <strong>du</strong><br />

monde. Les atomes peuvent bien, à force de<br />

coups répétés, suspendre la ruine d f uee partie,<br />

jusqu'à ce que d'autres accourent et complètent<br />

la masse; mais ils sont obligés de rejaillir euxmêmes,<br />

quand ils choquent les principes; et ils<br />

leur donnent ainsi le temps et la place nécessaires<br />

pour fuir, errants et libres, loin <strong>du</strong> grand assemblage.<br />

Il est donc indispensable que les atomts<br />

se succèdent sans relâche ; mais 9 pour que ces<br />

atomes mêmes suffisent à frapper tous les corps,<br />

il faut que la matière soit infinie. •<br />

Surtout ne va pas croire, cher Memmius,<br />

que les êtres tendent vers le centre <strong>du</strong> monde,<br />

comme le disent quelques hommes, et que par<br />

conséquent la nature subsiste sans être mainte-<br />

Et mutins etiam magnos servait per annos,<br />

Ul semel in motus oonjecta est convenienleis,<br />

Effieit, ut largîs avi<strong>du</strong>m mare iuminis undis 1030<br />

Intègrent amnes» el solis terra vapore<br />

Fota novet fétus ; submlssaque gens aiimanttim<br />

Floreat» el vivant latentes aetheris ignés :<br />

Quod IMJîÎO facereai pacte y nisi miteriai<br />

Ex iiifinlto suboriri copia posset,<br />

103*<br />

Unde amissa soient reparaît in tempore qioque.<br />

Nam veluti, privata eibo, natura animanlu»<br />

Difiluit, amitlens corpus ; sic omnia êebent<br />

Dissolvi, simul ae defecit suppeditare<br />

Materies y aliqua ratione aversa viaL 1040<br />

Mec plagae possunt cifrioscciis undique stimula»<br />

Coîiserfare omnemf qunequomque est conciliata :<br />

€udere enim erebro possunt, partemque morarif<br />

Dom ventant ali», ac suppleri summa quealur;<br />

lolerdoiB resilire lamen coguntur, et una 1045<br />

Priocipieis rerûm spatium tempusque fugai<br />

Larglri , ut possint a cœtu libéra ferri<br />

Quare etiam atque cliam suborfrl multm necesse est :<br />

Et tamen ? ut plagae quoque possint suppetere ipsœ f<br />

Ininîta opus est vis undique maleriai. f 0S#<br />

lllad il bis rébus longe fige credere» Memmi.<br />

In médium summ*f quoddicuntf omnia nitij


ne par des chocs extérieurs, et que les extrémités<br />

ne se détachent pas de la masse, parce que<br />

tous les corps aspirent au centre. Mais peux-tu<br />

croire que des êtres se soutiennent eux-mêmes ; que<br />

des corps pesants, qui occupent le bout opposé<br />

de la terre, tendent à gravir et demeurent à la<br />

surface, retournés comme les images que nous<br />

apercevons dans les eaux? On soutient même que<br />

des espèces vivantes errent ainsi à* la renverse,<br />

incapables de tomber dans les abîmes, autant<br />

que nos corps de voler eux-mêmes à la cime des<br />

nues. Quand ces êtres voient le soleil f les étoiles<br />

nous éclairent : ils partagent avec nous la lumière<br />

et l'ombre, et leurs nuits sont égales à nos<br />

jours.<br />

Quelques insensés ont été con<strong>du</strong>its à ces erreurs<br />

et à ces fables ridicules, parce que dès<br />

leurs premiers pas ils ont fait fausse route. Car<br />

si le vide est un- espace sans bornes, il ne peut<br />

avoir de milieu ; et même, si ce milieu existe,<br />

il n'y a aucune raison pour que les corps y séjournent<br />

plutôt que dans les autres parties de<br />

l'espace. Toute cette éten<strong>du</strong>e immense, que nous<br />

appelons le vide, doit faire place aux corps pesants<br />

partout où leur mouvement les emporte,<br />

que ce soit au milieu ou non. Il n f y a donc pas<br />

de Heu où les corps perdent leur poids, et où ils<br />

se fixent au sein <strong>du</strong> vide : le vide ne peut se soutenir,<br />

il leur cède toujours, comme le veut la<br />

nature ; et ainsi il n'est pas vrai que les êtres<br />

maintiennent eux-mêmes leur assemblage, tant<br />

ils aiment ie centre <strong>du</strong> monde 1<br />

Atque ideo mnndi naturam stare sine tillis<br />

leUbus esterais, neque ipoquam posse resolfi<br />

Somma fttque iraa 9 quod in médium sint omnia nixa ; 1055<br />

Ipsum si qôMcjuam posse la se sistere credts;<br />

Etquae pondéra saut siib terris f omnia siirsum<br />

Hitler,ta terraque rétro requiescere posta;<br />

Ut per aqoas quœ nunc rerum simulacra fidemus :<br />

Et simili ratione anitnalia suppa vagarî 1060<br />

CoDtea<strong>du</strong>nt , neque posse e terris in loca cœli<br />

lecidere Inferiora magis, quam corpora nostra<br />

Sponte sua posstat in ccdi templa ?oiare :<br />

ûtlei qnorn videant soient 9 nos sidéra noctis<br />

Cemare; et altérais nobiseunt tempora ccrfi 1065<br />

DMdere; et nocteis parMeis agitare diebus.<br />

Sed vanus stolidis bac omnia inserit errort<br />

Aoiptexei quod habent prverse prima fiai.<br />

Ham médium niliii esse potest» ubi înane lorsque<br />

fnfinita : neqne omnino, si jam médium sit, lo?o<br />

Posait ibi quidquam bac potius consislere causa »<br />

Quam quaYis alia longe régime manere.<br />

Ûiïiiîis mim locus ac sptium » qnod In aie vocamus ,<br />

Per médium, per nota médium» concédât oportet<br />

JSqois ponderibus, motos quaqnomque feruntur. 1075<br />

Necqaisqnam locus esty quo corpora quom venere,<br />

Ponderis amissa m , possint stare in Marti :<br />

Mee9 qnod inane aatem est , ulli subsistera débet ,<br />

DE LA NATUIE DES C10SESf LIV. I. 11<br />

Bailleurs, on nous-accorde que m pen<strong>du</strong>nt<br />

n'est pas universel : la terre, les liquides, te<br />

inide des mers, les grandes eaux des <strong>mont</strong>a- .<br />

gnes f et tous les corps qui participent à la nature<br />

terrestre, sont attirés vers le centre; mais le<br />

souffle léger des airs et les atomes <strong>du</strong> feu en sont<br />

écartés : et ce qui fait que les astres scintillent<br />

à la voûte <strong>du</strong> ciel, et que la flamme <strong>du</strong> soleil se<br />

nourrit daos les plaines azurées, c f est que la<br />

chaleur, en fuyant <strong>du</strong> centre, s f y amoncelle<br />

tout entière. De même les espèces vivantes sont<br />

alimentées par des corps échappés de la terre ;<br />

de même les arbres ne pourraient fleurir et croître<br />

, si la terre ne fournissait à chaque rameau<br />

sa nourriture. Ces philosophes avouent aussi que<br />

le firmament enveloppe le monde, de peur que<br />

ses extrémités ne se détachent tout à coup, et ne<br />

se dispersent ainsi que des flammes ailées au sein<br />

<strong>du</strong> vide, et que toute la masse ne les suive ; de peur<br />

que le ciel étîneelant de tonnerres ne croule sur<br />

nos têtes, que la terre ne se dérobe sous nos<br />

pieds, que les corps, ruinés eux-mêmes au milieu<br />

des ruines confuses <strong>du</strong> ciel et de la terre, ne'soient<br />

engloutis dans les abîmes <strong>du</strong> vide, et que bientôt<br />

rien ne demeure au monde, excepté des atomes<br />

Invisibles et une immense solitude. Car, aussitôt<br />

que les moindres éléments se détachent, il y a<br />

une porte ouverte à la mort, et toute la matière<br />

ne tarde pas à s'échapper.<br />

Si tu as bien compris ce que je viens de tt<br />

dire, tu saisiras sans peine le reste; car ces vérités<br />

éclairciront des vérités nouvelles, et dissi-<br />

Quin, sua quod nature petit, concédera pergat :<br />

Haud igitur possunt tait ratione teneri i§s§<br />

Res in concilions medii eupedîne fiels.<br />

Praeterea, quoniatn non omnia corpora fingnut<br />

ID médium nili ; sed terrarum, atque ifquorum f<br />

Humorem pontiy magnasque e mootibus undas,<br />

Et quasi terreno quœ corpore conlîneantur : f m §<br />

At contra tenueis exponunt aeris auras»<br />

Et calidos simul a tnedio dilferrler igneis;<br />

âlque ideo totum cireum tremere aethera lipis,<br />

Et sols Hammam per cœli cœrala pascîf<br />

Quod ealor» a medio fugîens, ibi coUigat ornais : loti<br />

Quippe etiam vesci e terra martalia secli;<br />

Nec prorsom arboribus summos frandescere mmos<br />

Posse, nisi a terris paullatbn quoique cibatum<br />

Terra det ; at supra cireum teger© omnia cœlum;<br />

Ne 9 volucri ritu iammarum9 mmmm mundi mm<br />

DifTugiant subito magniim per inane soluta;<br />

Et ne caetera conslmili ratione sequantur : -<br />

Neve ruant cœli tonïtralia templa «uperûe t<br />

Terraque se pdibus raptim subdtfcat; et omnes<br />

Inter permiitas reram ccBlique ruinas 9<br />

Corpora sol?entes, abeant per inane profon<strong>du</strong>m ;<br />

Temporis ut puncto niliii exstel reliquiarum 9<br />

Desertum praeter spatium 9 et primordla cœca.<br />

Rim, quaqoomqui prius de prti corpra êemm<br />

nm


13 LUCEECE.<br />

peront la nuit épaisse qui empêche ta vue de<br />

pénétrerai fond de la nature, tant elles jetteront<br />

de lumière les unes sur les autres.<br />

L1Y1E II.<br />

Il est doux, lorsque la mer est grosse, lorsque<br />

le vent agite les ondes, de contempler <strong>du</strong> rivage<br />

la détresse des autres ; non que leurs tourments<br />

soient une jouissance pour nous, mais parce que<br />

nous aimons à voir de quels maux nous sommes<br />

exempts. Les grandes batailles engagées dans la<br />

plaine réjouissent aussi la vue, quand on les voit<br />

sans péril ; mais rien n'est plus doux que de se<br />

placer aux cimes de la science, dans les sanctuaires<br />

inviolables que bâtit la paisible sagesse, et<br />

<strong>du</strong> haut desquels on découvre le reste des hommes<br />

qui errent çà et là dans la vie, cherchant<br />

un chemin à suivre; qui luttent de génie, qui<br />

disputent de noblesse, et qui nuit et jour se consument<br />

en efforts admirables pour atteindre le<br />

faîte des richesses ou de la puissance.<br />

Misérables humains! coeurs aveugles!... dans<br />

quelles ténèbres et dans quels périls se passe ce<br />

peu de vie que nous avons 1 fous êtes donc sourds<br />

tu cri de la nature, qui ne veut pas seulement<br />

que vous écartiez la douleur <strong>du</strong> corp, mais aussi<br />

que les âmes1 libres de soucis et de terreurs,<br />

aient leurs jouissances, leur bien-être?<br />

Le corps a peu de besoins ; il faut pu de<br />

chose pur le garantir de la souffrance, pour lui<br />

Constitues, hsec rébus erit pars janua leti :<br />

Mac se turba foras dabit omnis matertai.<br />

Haec si pernosces, parti per<strong>du</strong>clus opclla,<br />

Panique atid ei alio elarescet, nec tibi caeca<br />

Noi iler eripict, quin ultima naturai<br />

Pervideas : lia res accendent lumiiia rébus.<br />

L1BEB II.<br />

1105<br />

1(10<br />

Suavo mari magno f turbantibus aequora ventis,.<br />

E terra magnum allerius spectare laborem ;<br />

Non 9 quia vexari quemquam est jocunda voluptas,<br />

Sed quibus ipse mais careas, quia ceroere sua?e wt.<br />

Per campos iustruela f lua sine parte perleM » !<br />

Suave eliam belli certamina magna tueri :<br />

Sed nil <strong>du</strong>lcius est» bene quam munita tenere<br />

Edita doctrina sapientum terapla sereoa;<br />

Despicere unde queas alios, passimque tidere<br />

Errare, alqne ?iam palanleis quœrere vilae, 10<br />

Certare îngenio, conlendere nobilitate,<br />

Kocteis atqiie dies nili praestante labore,<br />

Ad summas émergera opes, rerumque poUri.<br />

O miseras liominum meoteis 1 o pectora cœca !<br />

Qtialibus in tenebris ?ite, quautlsque periclis, 1 ô<br />

Degitur hoc ?evi f quoilquomque est! Nonne videre est,<br />

Nil allucl sibi naturam latrare, nisi ut y quoi<br />

procurer mille délices; et sou¥ent la nature n©<br />

demande pas dà?antage. Si les hommes ne possèdent<br />

pas de ces riches statues qui tiennent à<br />

leur main droite des lampes étinceianteS) et jettent<br />

des lots de lumière sur la débauche des nuits; si<br />

l'argent et For ne brillent pas dans leurs demeures;<br />

si les lyres harmonieuses ne retentissent<br />

point sous les voûtes et les lambris dorés, ils<br />

peuvent <strong>du</strong> moins, éten<strong>du</strong>s ensemble sur des<br />

herbes molles, au bord des frais ruisseaux et<br />

sous le feuillage des grands arbres, ils peuvent<br />

goûter à peu de frais toutes les jouissances <strong>du</strong><br />

corps, surtout lorsque la saison est riante, lorsque<br />

le printemps émail le de leurs les vertes<br />

prairies.<br />

La fièvre brûlante quitte-t-elle plus vite tes<br />

membres, quand ils se tordent sur des étoffes<br />

brodées et éclatantes de pourpre, que quand il<br />

faut dormir sur la couche grossière <strong>du</strong> peuple?<br />

Ainsi donc, puisque ni les trésors, ni là noblesse,<br />

ni la gloire <strong>du</strong> diadème, ne profitent au<br />

corps, il faut croire que ces biens superflus ne<br />

sont pas moins inutiles à l'Ame. Lorsque tu vois<br />

bouillonner dans la plaine tes légions innombrables,<br />

qui offrent un simulacre de bataille ; lorsque<br />

tu vois la mer écumer sois tes flottes qui se développent<br />

et manœuvrent an sein des ondes, penses-tu<br />

que la superstition timide fuit épouvanté©<br />

par cet appareil ; que les terreurs de la mort se<br />

dissipent, et te laissent à jamais la paix àm<br />

cœurî<br />

Corpore sejunctasdolorâbsit» mente fraatur<br />

Jocuodo sensu y cura semota metuqueP<br />

Ergo'corpoream ad uaturam pauca ?idemus 20<br />

Esse opus omnioo f quai* déniant quomque doloreni ;<br />

Delicias quoque uti multas substernere pusslnt :<br />

Gratins inter<strong>du</strong>m neque natura ipsa requiril :<br />

Si non aureasuntjufenumsimulacra pera*deis,<br />

lampadas igniferas manibus reinentk èmim t 2^<br />

Lumina nocturneis epuleis ut auppedltentur ; ,<br />

Nec domus argento fulget, auroque renidet »<br />

Neccltbarae roboait laqueata aurataquetempla;<br />

Quom tamen inter sey prostratei gramlae molli,<br />

Propter aquac m mm , sub ramis arburis ai te, 30<br />

Non iiiagfiis opibus jocunde corpora curant :<br />

Prœsertim quom tempestas arridet » et anni<br />

Tempra conspergunt viridanteis Ëoribus herbas :<br />

Nec calidae citius dece<strong>du</strong>nt corpore febres»<br />

TextiKibus si in picturis ostroque rubenti 35<br />

Jaetaris, quam si plebeia in festecuban<strong>du</strong>m est<br />

Quapropter, quoniam nil nostro in corpore ganfc<br />

Profleiunt, neque nobilitas,necgloriaregiu;<br />

Quod superest, animo quoque nil prodesse putan<strong>du</strong>m :<br />

Si non forte , tuas legiones per loca campi* 40<br />

Fervere quom videas9 belli simulacra cienteis,<br />

Fervere quom ?Ideas classera » lateque fapri ;<br />

HIs tibi tum rebtis tiinebcte Beligiones<br />

Efff giuat animo pa?idae, mortisque timûres;


MMs 9 au contraire 9 si toutes ees forées ue sont<br />

que des jouets ridicules; si les craintes et les in*<br />

quiétudes qui poursuivent sans cesse les hommes<br />

ne 8 9 émenYent ni <strong>du</strong> retentissement des armes,<br />

ni des traits cruels ; si elles habitent audacieusement<br />

parmi les rois et les plissants de la terre ;<br />

si elles ne sont pas éblouies par le rayonnement<br />

de for ou la splendeur étincelante des vêtements<br />

de pourpre, pourquoi douter encore que la raison<br />

seule soit assez puissante pour les chasser ?<br />

surtout puisque nos angoisses viennent des ténèbres<br />

où la vie se passe. Car, de même que les<br />

enfants, aveuglés par la nuit, tremblent et ont<br />

peur de tout ; de même nous sommes assiégés au<br />

grand jour de mille terreurs aussi vaines que<br />

celles que les enfants se forgent au sein des ombres.<br />

Or, pour dissiper ces ténèbres et cet effroi<br />

des âmes, il ne suffit pas des rayons <strong>du</strong> soleil ni<br />

des traits enflammés <strong>du</strong> jour : il faut la raison,<br />

et un examen lumineux de la nature.<br />

Je vais donc expliquer par quels mouvements<br />

les atomes forment les corps divers pour les briser<br />

ensuite f quelle forée les pousse à le fMre, et<br />

avec quelle vitesse ils se meuvent au sein <strong>du</strong><br />

vide immense. Écoute, Memmïus, et sois tout<br />

à mes paroles.<br />

La matière ne peut être compacte et immobile<br />

, puisque nous voyons chaque substance diminuer<br />

à la longue, s'épuiser par ses pertes, et<br />

se dérober à nos yeux quand arrive la vieillesse.<br />

Mais la masse ne souffre pas de ce dépérissement;<br />

car si les atomes appauvrissent les corps dont<br />

f QUI vactium lempiis linqunnt, curaque Minium. 45<br />

Quod si ridicula hase ludibrîaque esse videmua,<br />

fie veraque metus hominum euweque sequaets<br />

Nec metaunt aonitus armorum y nec fera tela;<br />

Andacterque inter reges reraïuque patentas<br />

Vorsantur, neque fulgorem reverentur ab auro , §0<br />

Mec claniiîî vestis splendorem purpureai :<br />

Quid <strong>du</strong>bitas 1 , quia omn? sit toc rationi' poteslas?<br />

Omnit quom in tenebris prœsertira vita lib#ret.<br />

Nam vdiiti puerei trépidant 9 ^ique opinia caecis<br />

in tenebris metuunt; sic nos m kice ttmemus bô<br />

•Inter<strong>du</strong>m, nthilo qtiae suiil metuenda magis» quan<br />

Qmm puerei in tenebrk paillant» finguntqiie futur».<br />

liane igilnr terrorem animi f leiiebrasque necesse est<br />

Mon radiel solis, neque lucida iela diei<br />

Discutant ; sed Nature species y Ratioque. 60<br />

Nuic âge , quo motu genitalia materiai .<br />

Corpora res varias gignant , genltasque resolvant 9<br />

Et qua vi facere id cogantur, quaeqoe sit olleis<br />

Reddifa raobiltas magnum per iaane meandi,<br />

Expediam. : tu te dieteis prsbere mémento. 65<br />

Nam carte non Inter sa stipata coliseret<br />

Mateiies; quoniam minui rem quamqoe fidemu69<br />

El qm$i longinquo fluere ciiniîîa ceriiimusœvo»<br />

El ocfitiscpe vetustatem mhêuœm nostris ;<br />

Quom tamen ipeolumis f ideator summa jnanere ; 70<br />

DE Là NâTUBl DES C10SES, LIV. IL<br />

ils se détachent» Us accroissent oeu aniqoels ils<br />

s'ajoutent, et la décrépïtide des uns fait éclore<br />

la jeunesse des antres, limais les atomes ne se<br />

fixent, et c f est ainsi que la nature se renouvelle<br />

sans cesse, que les générations humaines se font<br />

place tour à tour : celles-ci croissent, celles-là<br />

dépérissent; et bientôt les races changent, et le<br />

lambeau de la vie passe de main en main, comme<br />

la torche des coureurs*<br />

• Situ crois que les éléments se reposent, et<br />

que leur repos enfante de nouveaux mouvements,<br />

tu vas te perdre bien loin de la vérité. Car, puisque<br />

les atomes errent au sein <strong>du</strong> vide, ils doivent<br />

être ou emportés par leur propre poids,<br />

ou poissés par des corps extérieurs : souvent,<br />

en effet, les atomes se rencontrent dans leur<br />

chute, se choquent, et rejaillissent ainsi dans<br />

une direction opposée. Quoi de plus simple,<br />

puisque ce sont des corps <strong>du</strong>rs, pesants, solides,<br />

et que rien ne leur fait obstacle par derrière.l<br />

Pour te convaincre mieux encore <strong>du</strong> mouvement<br />

, universel des atomes, souviens-toi que le monde<br />

n'a pas de fond, que les atomes ne trouvent à<br />

se ixer nulle-part, parce que le vide ne finit pas,<br />

et qu'il leur ouvre de tous côtés un espace sans<br />

mesure ni limite, comme tout le dé<strong>mont</strong>ret<br />

comme nous en avons donné des preuves irrécusables.<br />

Ainsi donc les corps élémentaires s'agitent<br />

sans repos dans les profondeurs <strong>du</strong> vide. Livrés<br />

à ce mouvement perpétuel et dont la direction<br />

; varie, les uns en m choquant se rejettent à de<br />

Propterea, quia, quœ décédant corpora quoique»<br />

Unde abeunt, minuonï; quo vcicre, augroine donant :<br />

011a senescere f at base contra iorescere cognit.<br />

Née remorantur ïbï ; sic reram summa novatur<br />

Semper, et inter se mortales mutua vivant : 7 s<br />

ângescunt ali» gentesf alte minuuntcir ;<br />

Incpie brevi spatio mutant tir secla animantum 9<br />

Et, quasi cursoros f vitai lampada tra<strong>du</strong>tit<br />

Si cessare putas refera primordk posse,<br />

Cessandoque novos reruraproglgnere motus; 80<br />

Avius a vera longe ratîone vagarîs.<br />

Nam, quoniam per iiane vagantur, emeta necesse est<br />

Aut gravîtate sua ferri primordia reram,<br />

Aut ictu forte alterius : nam coneita, sippe»<br />

Obvia quom iitere, fit, ut divorsa repente , 85<br />

Dissiliant : neque enim mirum 9 <strong>du</strong>rissima qnae mmi 9<br />

Ponderibus solidiâ> neque qtiidquam a tergo ibus obstet.<br />

Et quo jactari œagis omnia materiai<br />

€orpora pr?ideas9 remiuiscere} totius imuni<br />

Nil mm in summa ; neque habere, ubi corpora prima 90<br />

Consistant : quoniam spatium sine fin® modoque est 9<br />

Immensumque ptere in mmcîm undique parteis<br />

Pluribu? ostendtt ; certaet raUone probatum est.<br />

Quod quoniam constat, nimirum nulla quiesest<br />

Reddila corporibus prïmeis per inane pfoftandmit ; m<br />

Scd inagis» assi<strong>du</strong>o varioque eiaftâta rootuf


24 LUCEECE.<br />

grandes distances, les antres s'écartent moins,<br />

et s'unissent même sous le choc. Les atomes<br />

qui forment un amas plus compacte, qui voltigent<br />

ensemble sans se repousser à peine, parce que<br />

leurs formes inégales s'adaptent et s'entrelacent,<br />

sont la base solide des rocs et composent la<br />

<strong>du</strong>re substance <strong>du</strong> fer, ainsi que le petit nombre<br />

des autres corps de même nature. Les<br />

atomes, au contraire, qui rejaillissent au loin<br />

quand ils se frappent, et qui demeurent flottants<br />

et dispersés, dans l'espace, nous donnent<br />

le maigre luide des airs et les feux éclatants<br />

<strong>du</strong> soleil.<br />

Bien des atomes encore flottent au hasard<br />

dans le grand vide, qui sont exclus de tous les<br />

assemblages, et qui, incorporés dans la masse,<br />

ne peuvent y associer leur mouvement Nous<br />

avons toujours un exemple, un simulacre de<br />

ces corps dont je parle, placé devant les yeux.<br />

Yois le soleil qui verse sa lumière par les ouvertures<br />

de cet appartement obscur : tu apercevras<br />

mille corps déliés qui se croisent et se<br />

jouent de mille manières dans le sillon lumineux.<br />

On dirait que ces corps se livrent une bataille<br />

éternelle : ils s'attaquent et s*entre-choquent<br />

comme des escadrons ennemis, et se mêlent et se<br />

séparent pour se mêler encore. Tu peux ainsi te<br />

représenter ce que doit être le mouvement des<br />

atomes sans cesse ballottés dans le vide ; <strong>du</strong><br />

moins autant que. les petites choses igurent les<br />

grandes, eimous amènent à le*connaître.<br />

Partim intenrallis magniaconflicta résultant,<br />

Pars etiam farevibus spatiis nexaatur ab ietu.<br />

Et quœquomque, magis eondenso conciliât» ,<br />

liiguii intervallis con?ecta rerultant, 100<br />

In<strong>du</strong>pediUt suis perplexfe ipsa Igurig;<br />

Haec validas saii radiées, et fera ferri<br />

Corpora constîtuunt, eteetera* dégénère horum<br />

Paueula ; qumprro magnum per inaoe vagantur»<br />

Cetera dissiliunt longe, loageque recunant» 105<br />

lu niagnfs intenrallis ; hsec aéra rarum<br />

guflciunt «obis t et splendida lumina solis.<br />

Multaque praet^rea magnum per înane vagantur,<br />

Canciliis rerum quae sunt rejecta » nec usquam<br />

Oonsodare etiam motus ptoere recepta : 110<br />

Quojtift, utîmemofo, rel simulacrum, et imago,<br />

ânte oculos sempr uobig ?orsatur, et instaL<br />

Coitemplator enlm, quora solis lumina quoinque<br />

Jnsertim fon<strong>du</strong>nt radios per opaca domorum :<br />

Mulla minuta modis multïs pr inane videbis 115<br />

Corpora nûsceri radiorum lumine in ipso;<br />

Et» velut aeterno certamine, praelia pugnasque<br />

Edere, turmatim eertantia; nec dare pausamt<br />

Coneilis et àmmêïm eiercila crebris :<br />

Conjieep ut possis ei hoc, primordia reram, 120<br />

Quale sit » in magno jactarî aemper inani ;<br />

Pomtaiat rerum magiiarum prva potest res<br />

Elinplare dare et f estipa notifiai.<br />

Tu dois observer a?ec d'autant plus de s&in Ϥ<br />

corps qui se pressent en désordre dans un rayon<br />

de soleil 9 que leur agitation révèle les agitations<br />

semblables et les luttes invisibles de la matière.<br />

Car on tes voit changer mille fois de route, frappés<br />

de coups imperceptibles qui les rejettent en<br />

arrière, les poussent à droite, les chassent à<br />

gauche, de tous côtés, en tous sens : or ces écarts9<br />

ces mille détours 9 proviennent <strong>du</strong> choc des atomes.<br />

in effet, les atomes commencent pr se mouvoir<br />

eui-mémes; puis ils vont frapper les plus<br />

petits assemblages !§ dont les volumes sont le<br />

mieux proportionnés à leur force. Ces assemblages<br />

, emportés pr le choc, ébranlent à leur tour<br />

des masses un peu plus fortes : et ainsi le mouvement<br />

qui part des atomes se propge de corp<br />

en corps, et devient enfin sensible dans ceux que<br />

nous voyons tournoyer au soleil, sans apercevoir<br />

toutefois ce qui les frappe, ce qui les agite.<br />

Maintenant, ô Memmius, apprenons en peu<br />

de mots combien est rapide le mouvement des<br />

atomes. Quand l'Aurore verse ses premiers feux<br />

sur la terre ; quand les oiseaux, voltigeant au<br />

fond des bois solitaires, remplissent le ciel de<br />

leurs voix, harmonieuses, tout le monde sait»<br />

tout le monde voit avec quelle promptitude le<br />

soleil, à peine levé, dore toute la nature de sa lumière<br />

naissante. Pourtant les vaporeux atomes<br />

émanés <strong>du</strong> soleil, et qui forment cette lumière ,<br />

ne traversent point un espce vide ; car ils sont<br />

Hoc etiam magis haec aninnim te ad?ortere par est<br />

Corpora, quae in solis radis turfaare fidenlnr; 123<br />

Quod taies tarte motus quoque materiai<br />

Significant clandestines caecosqie subesse.<br />

Milita videbis enim plagis ibi percita cœeis<br />

Commutare viam t retroque repulsa revorti f<br />

Hune hue, nunc illue, in eunctas-undique parlas. 130<br />

Scilicet hic a principes est omnibus error.<br />

Prima moventur eiiim pr se primordia rerum;<br />

Inde ea9 quae parvo sunt corpora conciliatu y<br />

El quasi proiuma sunt ad Tirais priucipioram 9<br />

Jctibuft'illorum c«cis impulsa dentur ; 135<br />

Ipsaque» quae prro pullo majorai laeessunt.<br />

Sic a principiis ascendit motus f et eill<br />

Paullatim nostros ad sensus ; ut nio?eantur<br />

Olla quoque9 m solis quae lumine cernere quimus;<br />

Hec quibus id fadant plagis apprêt aprte. 140<br />

If une 9 quae mobilitassit reddita materiai<br />

Corpribus, pucis lioet hinc coposcere, Memmï.<br />

Primum, Aurora novo quom spargit lumine terras »<br />

Et variae volicrest oemora avia pervolitanies,<br />

Aéra pr tenerum liquïdis loca focibus oppleut ; § 45<br />

Quant subito soieat sol ortus tempre taii<br />

Contestire sua prfundens omiialuce,<br />

Omnibus in promtti manifestumque esse videmus.<br />

At vapr b, quem sol mittitv iuraenqueserenum<br />

lion per inane mett ?acuum ; qun tardius ire %m


obtins de fendre la Yague des afrs qui retarde<br />

leur course. D'ailleurs, ces atomes ne vont pas<br />

ni à un : ils se tiennent et sont agglomérés ; et<br />

par conséquent ils se tirent 9 ils se gênent, ils se<br />

retardent eux-mêmes, outre l'obstacle qu'ils trouvent<br />

dans les résistances extérieures. Mais les<br />

éléments qui sont solides et simples, et que nul<br />

corps étranger ne peut arrêter dans le vide ; les<br />

éléments dont toutes les parties forment un<br />

seul tout, et se dirigent ensemble vers un seul<br />

endroit où leur penchant les attire, ne doîventils<br />

pas être plus rapides encore que la lumière <strong>du</strong><br />

soleil, et se précipiter mille fois plus vite, et dévorer<br />

mille fois plus d'espace dans Tinter?aile<br />

que ses feux mettent à parcourir le ciel? Car on<br />

ne dira pas sans doute que les atomes eux-mêmes<br />

ralentissent et suspendent leurs mouvements<br />

à dessein, pour examiner toutes choses, et pour<br />

régler en conséquence leurs opérations.<br />

Mais quelques ignorants prétendent que, sans<br />

le secours des dieux, la matière serait incapable<br />

de se plier à tous nos besoins pr un arrangement<br />

harmonieux, et défaire que les saisons changent<br />

, que les fruits poussent, que les êtres exécutent<br />

tout ce que leur conseille la céleste volupté;<br />

car la volupté seule, présidant à la vie,<br />

pousse les mortels à se perpétuer en accomplissant<br />

les douces choses de Ténus, afin que la<br />

race ne soit pas éteinte. Lorsque ces ignorants<br />

seigureet que les dieux ont créé le monde tout<br />

exprès pour les hommes, ils me paraissent être<br />

bien loin de la vérité. Pour moi, lors même<br />

Gogftor, aerias qu**d sic ilverberet undas :<br />

Mm singjOIatim corpuscola quœqoe vaporis,<br />

Sed compleia meaal inter se conque globala •<br />

Qoapropler stmul inter se retrahuntur;*et eitra<br />

Offi<strong>du</strong>ntor, uti cogautur tardius ire. 155<br />

ât9 quae snnl solida primordia simpliritate »<br />

Quom per fnane meaot vacutim f nec res remoralir<br />

UMa foris, atque ipsa, suis e pariibus unum f<br />

Unom, in quem eœpere locum f connixa feruntor ;<br />

Debent Diminua priecellere mobilitate » 160<br />

Et multo cilius ferri, qiiam lumina solis,<br />

Multiplexque loci spatium transcurrere eodem<br />

Tempore, quo solis per?olganl fulgura cœlum ;<br />

Kam neque consilio debent tardata morari,<br />

Kec perseetari primordia sîngtila quaeque, 165<br />

Ut f Meant » qua qujdqoe geralur eum ralione.<br />

At queidam contra baec îgnarcï f materiai<br />

Nalaram non posse deum sine otimine reddi<br />

Tantopere humaneis ratioolbos admoderate ;<br />

Tempora mutare annorum, frugesque creare ; 170<br />

Et iam cetera, mortaleis quœ suadet adiré,<br />

Ipsaque de<strong>du</strong>cit <strong>du</strong>x vitae, dia VolupKas,<br />

Ut res per Veneris blanditim secla propgent f<br />

le gênas occidat bnmanum : quortim omnia causa<br />

CunstîliJisse àmm quom léguât , omnibu 1 rébus 175<br />

Magnopera a vera lapsei ratione fidentur.<br />

DE h NâTUlE DES CHOSES, LIV, IL<br />

que je ne connaîtrais pas les éléments des choses<br />

, à la seule irae <strong>du</strong> mécanisme céleste, j f afirmerais<br />

sans crainte, je prouYerais sans réplique<br />

que la nature ne peut être l'ouvrage d'une main<br />

divine : tant elle a d'imperfections 1 Je te le ferai<br />

voir plus tard, cher Memmius ; et il faut en Ënir<br />

d'abord avec le mouvement des atomes.<br />

Voici, je crois, le moment de te convaincre<br />

que nulle substance ne peut <strong>mont</strong>er et se soutenir<br />

en haut par sa propre force. Que la Iamme<br />

ne te fasse pas illusion en ce point. Il est, vrai<br />

que la Iamme <strong>mont</strong>e quand elle naît, et <strong>mont</strong>e<br />

quand elle croît; mais il en est de même des<br />

moissons florissantes et des arbres, quoique tous<br />

les corps pesants inclinent à tomber. Aussi lorsque<br />

f incendie s'élance jusqu'au faîte d'une maison,<br />

et que le fèu rapide dévore les poutres et les<br />

charpentes, ne crois ps qu'il le fasse de luimême<br />

et sans qu'aucune force l'y pousse ; pas<br />

.plus que le sang, échappé de nos veines, ne<br />

Jaillit et ne se répand tout seul dans les airs. Ne<br />

vois-tu pas aussi comme f eau rejette les masses<br />

de bois qu'on y plonge? Plus on les enfonce<br />

toutes droites, et plus mille bras les poissent<br />

avec vigueur, avec peine, plus elle se hâte de les<br />

chasser, de les vomir, au point que la moitié,<br />

ou plus encore rejaillit et surnage. Et pourtant<br />

il est incontestable, je pense, que ces corps aspirent<br />

à descendre dans le vide. De même, sans<br />

doute, les flammes obéissent à des impulsions<br />

cachées et <strong>mont</strong>ent dans les airs, quoique leur<br />

poids résiste, quoique leur penchant les attire<br />

Nam quam?Is rerum ignorera primordia quœsint»<br />

Hoc tameiî ex ipsls cœli rationibiis ausim<br />

Confirmai*©, alîisque ex rébus reddere moltis<br />

Nequaquam nobis diiînitus esse crealam ! 80<br />

Maturam mundi ; quamqoe baec sint pnedita eulp ;<br />

Quae tibl posterius,MemroI, faciemusaperta :<br />

Nunc id 9 quod superest, de molibus expédierons.<br />

Nunc locuseat, at opiner, in bis illud qiioque rébus<br />

Confirmais libi ; nullain rem posse sua m lis<br />

Corpoream stirsum ferri, sursumque meare.<br />

He tibl dent in eo iammarom corporafraudem;<br />

Sursusenim vorsus gîgnuatar, el aogmina stimunt;<br />

Et stirsum nilidae fruges, arbustaqie creseunt,<br />

Pondéra» quantum in seest,quomdeorsuiïieunctaferantur.<br />

Née quom subsillunt ignés ad tecta domorum, 190<br />

Et céleri flamma dégustant ligna trabeisque,<br />

Sponte sua facere id sine vi subigente putan<strong>du</strong>m est :<br />

Quod genus 9 e nostro quom missus corpore sanguis<br />

Emicat, exsoltans aile, spargltque cruorem. 105<br />

Mon ne vides etiam , quanta fi tigna trabeisque<br />

Respnat liumor aquas? Nam, quo magîs ursimus altum<br />

Directa, et magna vi multei pressimns aegre,<br />

Tam cupide sursum revomlt magis atque remittii;<br />

Plus ut parte foras emergant exsiiîantque ? 200<br />

Nec tamen haecy quantum est in se» <strong>du</strong>bitamus9 opinorf<br />

1 Quin ?acuum per inane deursum euncta ferantur.<br />


3€ LUCRECE.<br />

vers le sol. Regarde comme les feux nocturnes,<br />

qui voltigent au sommet <strong>du</strong> ciel, se perdent, en<br />

sillonnant l'espace de leur chute lumineuse, partout<br />

où la nature leur donne passage; regarde<br />

comme les astres ilent vers la terre. Le soleil<br />

lui-même, qui est à la cime <strong>du</strong> monde, verse<br />

la chaleur en tous sens, et sème la lumière dans<br />

nos campagnes : les feux <strong>du</strong> soleil tendent donc<br />

à se précipiter ici-bas. Enfin, les éclairs traversent<br />

les nues, et la foudre jaillit et vole tantôt ici,<br />

tantôt par là ; mais elle vient presque toujours<br />

éclater sur nos têtes.<br />

Je veux aussi te <strong>mont</strong>rer que les atomes,<br />

quand ils se précipitent en droite ligne dans le<br />

vide, dévient un peu par leur propre poids, maïs<br />

si peu que rien, et on ne sait quand, on ne sait<br />

où. Si les éléments ne changeaient pas ainsi de<br />

route, ils tomberaient épars à travers les abîpies<br />

<strong>du</strong> vide, comme les gouttes de pluie : il n'y<br />

aurait jamais eu ni rencontre ni choc , et la nature<br />

demeurerait encore stérile.<br />

Si par hasard on croit que les atomes les plus<br />

pesants atteignent dans leur course plus rapide<br />

les atomes plus légers, et les frappent, et pro<strong>du</strong>isent<br />

ainsi les mouvements créateurs, .on va<br />

se perdre bien loin de la vérité. Car il faut bien<br />

sans doute que les corps qui tombent dans l'air<br />

ou l'eau précipitent leur chute suivant leurs<br />

poids, parce que la substance fluide des eaux et<br />

la nature déliée des airs ne peuvent opposer à<br />

tous des résistances égales, et cèdent plus vite<br />

Sic igîtur détail tarama quoque posse per auras<br />

Aeris, eiprossae sursum» succedere, quamquam<br />

Pondéra, quantum in se est, deorsom dediicere pugnent.<br />

Nocturnasque faceis, cœli sublime volanteîs, 206<br />

Nonne vides longos ftammaram <strong>du</strong>eere tractus,<br />

In quasquomqiie dédit parteis natura meatutn?<br />

Non eadere in terram stellas et sldera cerois?<br />

Sol etiam summo de vortice dissupat omneis 2(0<br />

Ardorem in prteis» et lumihe conscrit arva ;<br />

In terras igitur quoque solls vergitur ardor.<br />

Transforsosque volare per Imbreis fulmina ceints ;<br />

Nunc faine» «une illlnc abruplei nubibus ignés<br />

Concursant ; cadit in terras vis Ëammea volgo. 215<br />

lllud in his quoque te rébus eognoscere a?émus :<br />

Corpora» quom deorsum rectum per inane feruntur,<br />

Ponderibus propriïs incerto tempore ferme,<br />

Ineeriîsque locis, spatîo depellere paullum :<br />

Tantum quod minumura mutafum dicere possîs. 210<br />

Quod nisî declinare solerent» omnia deorsum»<br />

Imbris uti gutUe, caderent per înane profun<strong>du</strong>in ;<br />

Née foret offensus natus, née plaga ereata<br />

Principieis ; ita nil tinquam natura creasset.<br />

Quod si forte aliquis crédit graviora polesse 225<br />

Corpora, quo citiuft rectum per inane feruntur,<br />

Ineidereei supero levioribus, atque ita plagas<br />

Gignere» quœ possint genîtaleis reddere motus;<br />

Avius a ?era longe ratione recedit.<br />

sous un pids plus lourd; mais le vide ne peut<br />

arrêter les corps» il ne le peut jamais, il ne le<br />

peut nulle part, et il leur fait toujours place,<br />

comme le veut sa nature. Les atomes doivent<br />

donc se précipiter avec la même vitesse, quoique<br />

leur poids diffère, dans le vide qui ne leur<br />

résiste pas ; et il est impossible que les plus pesants<br />

tombent sur les plus légers, amènent<br />

des chocs, et varient le mouvement pour aider<br />

aux créations de la nature.<br />

Je le répète donc, il faut que les atomes dévient<br />

un peu, mais ils ne dévient que le moins<br />

possible; car autrement il semblerait que nous<br />

leur prêtions un mouvement oblique, ce que la<br />

vérité repousse. Les yeux attestent et nous<br />

sommes toujours à portée de voir que les corps<br />

pesants, qui tombent de haut et suivent leur<br />

propre pente, ne se meuvent pas obliquement,<br />

ainsi que tu peux le distinguer toi-même : mais<br />

est-il un œil capable d'apercevoir si les atomes<br />

ne se détournent jamais de la ligne droite?<br />

Enfin, si tous les mouvements sont enchaînés<br />

#et se repro<strong>du</strong>isent toujours dans un ordre ton*<br />

'jours invariable ; si les atomes ne leur iropri-<br />

' ment point par de légers écarts une direction<br />

nouvelle qui rompe cet enchaînement fatal, et<br />

qui empêche la cause de succéder éternellement<br />

à la cause, d'où vient ici-bas cette volonté libre,<br />

cette volonté indépendante <strong>du</strong> sort, qui<br />

pousse les êtres où le plaisir les appelle, qui<br />

leur fait changer de route, non pas à époque fixe<br />

Nam per aquas quaeqnomque ca<strong>du</strong>nt atque aéra deorsum,<br />

Iboc pro ponderibus easus celerare necesseest; 2,1 f<br />

Propterea, quia corpus aquœ naturaque tenuk<br />

Aeris haud pêssunt «que rem quamque morari;<br />

Sedcitius ce<strong>du</strong>ntf gravioribus exsuperata.<br />

At contra nulli, de nulla parte, neque ollo 23i<br />

Tempore» inane potest vacuum subsistererei;<br />

Quin» sua quod natura petit, concédera pergai<br />

Omnia quapropter debent per inane quietum<br />

Mqm » ponderibus non aequis» concita ferri.<br />

Haud igitur poterunt levioribus iucidere unquam 24(#<br />

Ex supero graviora f neque ictus gignere per se,<br />

Quei ?arient motus» per quos natura gerat res.<br />

Quare etiam atque etiam paullum inclinare necesse «si<br />

Corpora, nec plus quam mînumum; ne (ingère motus<br />

Obliquos videamur, et id res vera refutet, 245<br />

Namque hoc in promtu manifestumque esse videmus ;<br />

Pondéra » quantum in se est, non posse obliqua meare f<br />

Ex supero quom précipitant, quod cernere possis.<br />

Sed niliil omnino recta regione viai<br />

Declinare» quïs est, qui possit cernere» sese? l>o<br />

Denique si semper motus connectitur omitis,<br />

Et velere exoritur semper nofus ordinecerlo;<br />

Nec declinando faciunt primordia motus<br />

Principîum quoddam » quod fati ftjpdera rumpat,<br />

Ex infmito ne causam causa sequatur : 2tt<br />

Libéra per terras unde faaee animanUbus exslat.


ni en lieu déterminé, mais au gré di caprice qui<br />

les emporte! Car il est incontestable que leur volonté<br />

, à tous f est le principe <strong>du</strong> mouvement, et<br />

la source dont il jaillit pour se répndre dans les<br />

organes. Ne remarques-tu pas f quand on ouvre<br />

tout à coup la barrière, que fimpatient coursier<br />

ne peut s f élancer aussi vite que le voudrait son '<br />

âme ardenteî II faut d'ahuri que l'abondante matière<br />

<strong>du</strong> corps entier s f ébranle au fond de chaque<br />

membre et s'y ramasse, afin de suivre le penchant<br />

<strong>du</strong> cœur. Ainsi le mouvement se forme dans les<br />

âmes, et il part de la volonté, qui le transmet<br />

aux membres et au reste <strong>du</strong> corps.<br />

Il n'en est pas de même lorsque nous avançons<br />

pusses par un choc extérieur, et que de grandes<br />

forces 'nous impriment une vaste secousse : car<br />

alors il est clair que toute notre substance se meut et<br />

s'emporte malgré nous, jusqu'à ce que la volonté<br />

saisissant les membres arrête sa course. Tu le<br />

wois donc : quoique des forces étrangères nous<br />

entraînent, nous précipitent, il y a pourtant au<br />

fond de notre cœur une puissance qui lutte, qui<br />

fait obstacle, qui ébranle souvent à son caprice la<br />

masse <strong>du</strong> corps en agitant les articulations et les<br />

membres, qui la pousse, la retient ensuite, et<br />

la rejette dans son inertie.<br />

Ainsi, tu es encore obligé de reconnaître<br />

qu f il y a chez les atomes, outre la pesanteur et<br />

le choc, un autre principe de mouvement qui<br />

leur donne cette puissance, puisque nous avons<br />

déjà vu que rien ne put naître de rien. Car la<br />

Unie est hœc 9 inquam f fatis avolsa voluntas f<br />

Per quam progredimur, quo daeit qnemque ïoluptms;<br />

ûediBamiis item motus, nec tempore certo 9<br />

f ce regione loci certa, sed ubi Ipsa tulit mens ? 2§o<br />

Hun dtibio procul lieis rébus sua quoique volunta»<br />

prineipium dat ; et bine motus per membre rïgatilur.<br />

Nonne vides etiam, patefactis tempore ptmoto<br />

Carceribus, non posse tomeaprorumpre equorttm<br />

Vim cupidam tam de subito» quam meus avet ipsa ? 2QS<br />

Ôiiîiiis eoim totem pr corpus materiai<br />

Copia conquiri débet, conclta per artus<br />

ûmneis, ut studîuon mentis conoexa sequafur :<br />

Ul videas initum motus a corde crearl ,<br />

Ei anïmique volualate id procédera prlmum ; 270<br />

Inde dari porro per tolum corpus et artus.<br />

Mec simile est, ut quom Impulsai procedlmus ktu t<br />

Viribus aliénas magnîs magnoquecoaclu;<br />

Sam tam materiem folios corporis omnem<br />

Penpicuum est iiobis invitis ire repique f<br />

DE Là NATU1E DES CHOSES, UV. II. lî<br />

27è<br />

Donec mm refrenavit per membre volnntas.<br />

Janine f ides igiturt quamquam fis extera multos<br />

Pelât» et iawitas cogat procéder© saepe ,<br />

Praclpitesque rapi ; tamen esse In peetore nostro<br />

Quiddam» quod contre pugnare obstareque passif : 280<br />

Qoojus ad arbitriom quoque copia materiai<br />

Cogitur inter<strong>du</strong>m fleetl per membre» per artus;<br />

p projecta rtfreitattir, retroque residitF<br />

pesanteur empêche sans doute que tout ne provienne<strong>du</strong><br />

choc et des impulsions étrangères ; mais<br />

pour que les âmes ne soient pas soumises, quand<br />

elles agissent^ à une nécessité intérieure qui les<br />

dompte en quelque sorte et les ré<strong>du</strong>it à une<br />

obéissance passive, il faut un léger écart des<br />

atomes, et non pas à temps fixe ni dans un espet<br />

déterminé.<br />

Les éléments ne forent jamais plus compets<br />

ou plus écartés que de nos jours, pree que la<br />

matière ne subit ni accroissement ni prte. Les<br />

atomes se meuvent donc aujourd'hui comme<br />

dans les siècles passés, et le même mouvement<br />

les emprtera dans les siècles à venir; et, par<br />

suite, les corps qui. avaient coutume de naître<br />

naîtront encore suivant les mêmes lois, et ils<br />

pourront vivre, croître, prendre des forces, autant<br />

que les lois de sa nature le permettent à<br />

chacun. Aucune force ne put changer le monde;<br />

car il n'est aiicun endroit qui offre un refuge<br />

aux atomes échappés de la masse, ou un siège à<br />

des forces nouvelles qui puissent envahir la nature,<br />

la bouleverser, et détourner le cours <strong>du</strong><br />

mouvement universel.<br />

Quoique tous les éléments se meuvent, on ne<br />

doit pas être surpris de ce que la masse semble<br />

demeurer immobile, sauf les corps qui ont un<br />

mouvement propre. Car la nature des éléments<br />

est enfouie dans les ténèbres, hors" de la portée<br />

des sens; et, si leur essence échapp à ta vue,<br />

il faut bien qu'ils te dérobent aussi leurs agitations,<br />

Quare in semînibus quoque idem fateare necesse est;<br />

Esse aliam praeter plagas et pondéra causant 285<br />

Motibusf unde liaec estollto innata potestas;<br />

De nibilo quoniam ierl nil posse videmus.<br />

Pon<strong>du</strong>s eiîîro proliibety ne plagfs omnia iant9<br />

Externa quasi ?i : sed ne mens ipsa necessum<br />

Inlestinum habeat ctinctis in rébus agundis, 2S0<br />

Et, devicta quasi, cogaturferre patique;<br />

Id facit eiiguum clinamen principiorum,<br />

Nec regione loci certa, nec tempore certo.<br />

Mec sUpata magis fuit unquam materiai<br />

Copia, nec porro majoribus intervaliis : 295<br />

Namneque adaugescitquidqtiam9 nequedeperitinde.<br />

Quapropter, quo nunc in motu principiorum<br />

Corpora sunt f in eodem ante acta aetate faere,<br />

Et posthac semper simili ratione ferentur :<br />

Et quae consuerunt gigoi, gignentur eadem 300<br />

Conditions; et erunt, et crescent, inque valebunt,<br />

Quantum quoique datum est per fœdera naturel :<br />

Nec rerum sumftoam commutare ulla potest vis.<br />

Nam nequef quo possit genus ullum materiai<br />

Effugere ex omni » quidquam est; neque rureus, in onnie<br />

Uode coorta queat nova vis irrampre, et omnem 300<br />

Naturam rerum mutare, et vortere motus.<br />

Ulud in hb rebas non est mirabile9 quare»<br />

Omnia quom rerum prïmordia sint in motu,<br />

Suuima taipen summa videatur stare quiète ; 3§§


18 _ LUCRÈCE.<br />

puisque les corps Yîsibles nous cachent eux-mêmes<br />

leurs mouvements à travers la distance qui<br />

nous en sépare. Souvent, en effet, les brebis qui<br />

paissent dans les gras pâturages se traînent où les<br />

appellent, où les attirent les herbes brillantes<br />

des perles de la fraîche rosée, tandis que les<br />

agneaux rassasiés jouent et bondissent avec grâce ;<br />

mais on ne découvre de loin que des masses confuses,<br />

immobiles, et comme des taches blanches<br />

sur une verte colline- De même, lorsque de vastes<br />

légions inondent la campagne de leurs manœuvres<br />

et feignent de se livrer bataille, les armes<br />

jettent des éclairs dans le ciel ; le sol étincelle de<br />

fer, et gémit sous la marche retentissante de cet<br />

amas de guerriers; les <strong>mont</strong>agnes, frappées de<br />

leurs cris, les renvoient aux astres ; les escadrons<br />

voltigent de toutes parts, et franchissent soudain<br />

les plaines ébranlées de leur poids et de<br />

leur course rapide : cependant, à les voir de<br />

certains endroits, au sommet des <strong>mont</strong>agnes, on<br />

les croirait immobiles, et leur éclat semble dormir<br />

sur la terre.<br />

Maintenant examinons la nature des atomes,<br />

et comment leurs formes diffèrent et leurs contours<br />

varient : non pas que beaucoup ne soient<br />

construits de même, mais parce que tous ne peuvent<br />

être semblables en tout, et tu ne dois pas en<br />

être surpris, car, puisque les richesses de la matière<br />

sont inépuisables, puisque les atomes ne se<br />

mesurent et ne se comptent pas, il est évident que<br />

tous, dans leur ensemble, ne peuvent avoir tout<br />

à fait les mêmes traits, la même physionomie.<br />

Praeterquam si quid proprio dateorpore motus.<br />

OIîIBIS eiîïsi longe eostris ab sensibus infra<br />

Primorum natura jacel : quapropter» ubi ipsam<br />

Cerncre jam nequeas» motus qpoqiie surpere debent •<br />

Prsescrtliîi quam, quœ possimus cernere, cèlent 315<br />

S»pe tamen motus, spalio di<strong>du</strong>cta locorum.<br />

Mam ssepe In colli , tondentes pabula lœta,<br />

Lanigerae reptant pecudes» quo quamque vocantes<br />

Invitant herbao gemmantes rore recenli;<br />

It sâifafel agiieï lu<strong>du</strong>nt y blandeque corttscant : 320<br />

Omnia qiiae nobls longe confusa videntur,<br />

Et veluti in vlridi candor consistera colli.<br />

Praeterea, magnne legiones quom loca cursu<br />

Caroporum comptent, belli simulacra cientes;<br />

Fulgnr ubi ad coelum se tollit, totaque clrcura 325<br />

jEre rmidescit tellus; subterque virum fi<br />

Eicitur pedibus sonitus, clamoreque <strong>mont</strong>es<br />

Ictel rejectant voces ad sidéra mundi ;<br />

Et cirent» volitant équités, mediosque repente<br />

Transmittnnt, valido quatientes impeta» cainpos : 330<br />

Et tamen est quidam locus altîs <strong>mont</strong>ibus, tinde<br />

Stare ?identtir? et in campis consister© fulgur,<br />

Munc âge, jam deinceps cunctarum exordia rerarn,<br />

Qualia sint, et quam longedistantia formis,<br />

Percipe, multigenis quam sint variata figuris : 335<br />

Kon quo multa param «mil sûii praedita forma.<br />

Yois la race des hofames, les êtres muets qui<br />

nagent au fond des ondes, les gras troupeaux,<br />

les bêtes sauvages, les oiseaux divers, ceux<br />

qui habitent près des eaux fécondes, au bord des<br />

rivières, des lacs ou des fontaines, et ceux qui<br />

demeurent et, voltigent dans les solitudes des<br />

bois: compare tous les êtres de toutes les espèces,<br />

et tu découvriras que tous ont des formes différentes.<br />

Autrement, les mères pourraient-elles reconnaître<br />

leurs petits, ou les petits leurs mères ? Et on sait<br />

pourtant que les animaux se connaissent aussi<br />

•bien que les hommes. Souvent un jeune taureau<br />

meurt immolé devant les statues brillantes des<br />

dieux, au pied des autels où brûle I f encens ; et<br />

des lots de sang coulent avec la vie de sa poitrine<br />

aimante. 'Que devient alors sa mère? Privée<br />

de lui, elle parcourt les vertes forêts; elle<br />

laisse partout les profondes empreintes de ses pieds<br />

fen<strong>du</strong>s, elle promène partout ses yeux inquiets, et<br />

regarde si elle voit venir son enfant per<strong>du</strong> : elle<br />

remplit les ombrages des bois de ses gémissements,<br />

Immobile, attentive; puis elle revient<br />

aux étables, et les visite sans cesse» sans cesse<br />

tourmentée de sa perte. Le tendre feuillage des<br />

saules, les herbes que féconde la rosée, les leuves<br />

qui coulent à pleins bords, ne la charment plus<br />

et ne la détournent pas de ses Inquiétudes soudaines;<br />

la vue même des autres veaux qui bondissent<br />

dans les gras pâturages ne peut distraire<br />

son âme ni soulager sa peine : tant elle connaît<br />

bien et tant elle cherche ce qui est à elle I<br />

Sed quia non volgo paria omnibus omnia constant.<br />

Nec tïîifutïî : nam quom sit eorum copia fauta f<br />

Ut neqne finis, utl docui, neque sutnma sit tilla;<br />

Debent nimirum non omnibus omnia prorsnm 3i§<br />

Esse pari iloy similique affecta figura.<br />

Praeterea genus bumanum» mutaeque Datantes<br />

Squamigerum pecudes, et lœta armenta, feraeque,<br />

Et variae volucres» hetaDtia quœ loca aquarum<br />

Concélébrant, circum ripas fouteisque lacusque, 345<br />

Et qum pervolgant nemoraavia pervolitantes :<br />

Quorum ueum quodtis generatim sumere perge;<br />

Inventes tamen inter se differre liguris.<br />

Nec ratione alia proies cognoscere matreni,<br />

Nec mater posset prolem : quod posse videmus; 35§<br />

Nec minus, alque liooiIiiesf inter se nota cluere.<br />

Nam saepe mîe deum vitnlus delubra décora<br />

Turïcremas propter mactatus concidit aras»<br />

Sanguinis exspirans cali<strong>du</strong>m de pectoreflomen :<br />

At mater, virideis saltus orbata peragrans, 35lt<br />

Linquit humi pedibus vestigia pressa bisulcis;<br />

Omnia convisens oculis loca, si queat usquam<br />

Conspicere amissum fetum ; completque querelis<br />

Frundiferum mmmf adsistens; et crebra revisit<br />

Ad stabulum, desiderip peffixa ju?enci. Ht<br />

Nec tenerae saMces, atque lierbœrorevigentes»<br />

Fluminaque ulla queunt, summis labentia ripii.


Le cri de leur YOIX tremblante proute que les<br />

faibles chevreaux reconnaissent aussi leurs mères<br />

armées de cornes ; les brebis distinguent le<br />

bêlement des agneaux folâtres; et tous les jeunes<br />

êtres, guidés par la Nature, courent aux<br />

mamelles qui les nourrissent.<br />

Enfin, quoique tous les grains de même nature<br />

se ressemblent, on voit pourtant que leurs<br />

contours diffèrent, ainsi que les coquillages aux<br />

mille formes qui émaillent le sol, près des rivages<br />

que vient battre la mer, et dont le sable<br />

boit les ondes expirantes. Or, puisque les atomes<br />

existent eaturellement comme ces corps, et que<br />

la main des hommes ne les a pas forgés sur un<br />

même modèle, les atomes doivent aussi voltiger<br />

sous mille formes diverses.<br />

Il nous est très-facile d'expliquer aussi pourquoi<br />

les feux <strong>du</strong> tonnerre sont plus pénétrants<br />

que la flamme qui naît des matières terrestres :<br />

car tu peux dire que le feu <strong>du</strong> ciel est une substance<br />

plus déliée, dont les atomes ont des formes<br />

plus Unes et se glissent à travers les pores ; ce<br />

que ne peut faire la lamme <strong>du</strong> bois ou le feu des<br />

torches.<br />

En outre, la lumière traverse la corne ; mais<br />

la corne repousse la pluie. Pourquoi, sinon<br />

prce que les atomes de lumière sont moindres<br />

que ceux qui forment*, le luide bienfaisant des<br />

eaux!<br />

Quoiqua le vin jaillisse rapidement à travers le<br />

litre, l'huile est paresseuse et coule à regret•<br />

OMeetare animum, subitamque a?ortere euram :<br />

Mec fituloram aliœspecies per pabola hela<br />

Derivare queunt animum, curamque levare : * 365<br />

Usqueadeo quiddam proprium notumque requirit.<br />

Preterea tenerel tremulis cura vocibus hmàei<br />

Ci» Digéras noruot maires, agnique petulci<br />

BaMun pecudes : itat quod Naiurareposdt,<br />

âd sua qnisque, feri decurrnot obéra kctis. 370<br />

Postiemo quod? is framentunif non tamen omne,<br />

Qtrïdque suopnere, ûiter se «mile esse videbia,<br />

Qtrin intercwrat quœdam distantia formis :<br />

GoDcbarumque geons parUi ratlone videmus<br />

Piogere teUnris gremium, qua mollibus midis 375<br />

Utorisincurti bibulam pavit œquor arenam.<br />

Quart etiam atque etiam simili ratione necesse est,<br />

Natora quoniaiii constant, neque facta manu suât<br />

Halos ad certain formam primordia reram9<br />

Ussinilli iiiter se quadam voiitare igura. 380<br />

PerfacUeest animî ratione eisolferenobisf<br />

Quare fnlmiaeus multo penetralîor igeis»<br />

Qoam noster, iuat9 e tedis terresiribus ortus.<br />

Dicere enim posais cœlestem fulmiiis ignem,<br />

SubtOem magis, e partis constare figuris; 385<br />

Atque ideo Iransîre foramina, quœ nequit ignia<br />

Poster Mcy e Hgnis ortus tedaqna creatus.<br />

Praeterea lumen per cormiai transit ; at imber<br />

lespuitur. Qua re? nisi luminis ila minora<br />

DE LA NATOil DES CMOSES, UV. II. 19<br />

Pourquoi? Parce que les éléments de cette substance<br />

sont ou plus épais ou mieux accrochés<br />

ensemble , mieui entrelacés ; et il en résulte que<br />

chacun ne se détache pas aussi vite 9 lorsque<br />

chacun se répand à son tour à travers les pores<br />

<strong>du</strong> filtre.<br />

D'ailleurs, le lait et le miel sont doux à la<br />

langue qui les savoure , quand ils coulent dans<br />

le palais; mais Tabsinthe, mais la centaurée<br />

sauvage sont des substances amères, repoussantes,<br />

et qui tordent la bouche. Tu peux aisément<br />

en conclure que des atomes polis et ronds pro<strong>du</strong>isent<br />

les saveurs agréables, tandis que les corps<br />

aigres et rudes contiennent des atomes crochus,<br />

étroitement enlacés, et qui ont coutume de forcer<br />

le passage dans nos organes, où ils pénètrent<br />

en déchirant les fibres.<br />

Enfin, tout ce qui flatte les sens, et tout ce<br />

qui leur est pénible, provient de corps opposés<br />

pr leur forme. Car il ne faut point croire que le<br />

bruit aigre Mt horrible de ta scie qui siffle soit<br />

formé par des atomes polis, comme les sons<br />

harmonieux que les musiciens éveillent et façon*<br />

nent avec leurs doigts agiles sur les cordes de la<br />

lyre. Ne crois pas non plus que des éléments de<br />

même forme se glissent dans les narines des<br />

hommes quand ils brûlent des cadavres infects,<br />

ou quand ils viennent de répandre le safran de<br />

Cllicie sur les théâtres, et que, près de la scènef<br />

les autels exhalent des parfums arabiques. Ne te<br />

figure pas enfin que ces couleurs bienfaisantes<br />

Corpora simt9 quam de quibus est liquor almus aquarum,<br />

El quamvis subito pr colum ?laa viderons<br />

PerËuere; at contra tar<strong>du</strong>m conctaturolifom :<br />

Aut quia nimirom majoribus est démentis,<br />

Aut magis bamatis inter se perque plicatis;<br />

391<br />

Atque ideo fit , uti non tam di<strong>du</strong>cta repente<br />

Inler se possint primordia singula quaeque<br />

Singula per quojusque foramina permatiare.<br />

Hue aeeedit, uti mellis lactisque Mquores<br />

Jocundo sensu Maguae irtcfentiir in ore;<br />

3SS<br />

At contra taira absintbt natura ferique 400<br />

Centaurt fedo pertorquent ora sapore;<br />

Ut facile agnoscas e 1«? ibus atque rolondis<br />

Esse eay qu« sensus jocunde tangere possunt :<br />

At contra, quœ amara atque aspera quomque viientur f<br />

Haec magis lianiatls inter se neia teneri ;<br />

Proptereaque solere fias rescindera lostris<br />

Seiislbas, introituque suo perrampre corpus*<br />

Oiania postrepo bona sensibus, et mala tactu 9<br />

Dissimili inter se pupaut prfecta igura :<br />

%m<br />

Ne tu forte potes 9 serrse stridentis aoerbum<br />

Horroren constareelementis lœvibus iequey<br />

Ac Musœa mêle t per chordas orgaaicel qua<br />

Mobilibus digitis eipergeficta iprant :<br />

Neu simili peuetrare potes primordia forma<br />

4 f §<br />

IE nareis homiuum» qiom tetra cadavera torrent f<br />

£t quom sceaa evoco CiMci perfusa récent est9<br />

4 ! S


10 LUCIECE.<br />

dont les yeux aiment à su repattre se compo- i<br />

sent de germes semblalles aux germes de eelles<br />

qui blessent la vue, qui nous arrachent des larmes<br />

, ou qui nous paraissent hideuses à voir et<br />

repoussantes- Car, pour que certaines images<br />

soient caressantes au regard qui les ixe? leurs<br />

éléments doivent être polis ; et, au contraire, les<br />

images blessantes et rudes ne sont pro<strong>du</strong>ites que<br />

par les aspérités de la matière.<br />

Il existe même des atomes que tu ne peux<br />

regarder comme des surfaces unies, et qui ne<br />

sont pas hérissés de crocs aigus, mais de petits<br />

angles à peine saillants, et capables de chatouiller<br />

les sens plus que de les déchirer. Telles sont<br />

la lie piquante <strong>du</strong> vin, et l'aimée au goût amer.<br />

Enfla le feu qui brûle, le froid qui glace,<br />

mordent tous deux les sens, mais leurs dents ne<br />

sont pas faites de même ; le toucher suffit pour<br />

nous en convaincre.<br />

Car le toucher, grands dieux ! le toucher est<br />

ce qui affecte le corps, soit quand un corps extérieur<br />

y entre ; soit quand il essuie lui même<br />

des pertes qui le blessent, ou que les travaux<br />

féconds de Ténus y causent une perte plus<br />

douce: soit enfin quand les atomes se choquent<br />

au sein de la masse, la bouleversent, et<br />

que leur agitation porte le trouble dans les organes,<br />

comme tu le sentiras toi-même, si tu<br />

frappes tvec la main quelque partie de ton corps.<br />

Ainsi donc, pour que le choc des éléments excite<br />

des impressions différentes, il faut bien que leur<br />

structure diffère.<br />

âraque Panefaœos exhalai propter odore§ ;<br />

Heve bonos ferma simili coostare colores<br />

Semine constituas, oculos quel paseerepossunt,<br />

El que compimguDt sciera 9 lacrumareque cognât , 420<br />

Aut fëda specle tetrei turpesque Tidentur.<br />

Omnis enim9 sensus qiiœ mulcet qoomque videntum,<br />

Haud sine principiili aliquo laevore créa la est :<br />

Ât contra, quœquomque molesta atque aspcra constat,<br />

Non aliquo sine materïœ squalore reperta est. 425<br />

Sunt etiam, quae jam nec tefia jure putantur<br />

Esse , neque onminè Oexls mucronibus unca ;<br />

Sed magis angcllis paulliim prostantibus, et qtite<br />

Titillare magis sensus, quam laedere possint :<br />

Faecula jam quo de génère est, inuteqiie sapores. 430<br />

Deuique jam calidos igneis gdidamque pruinam,<br />

Dissîmili dentata modo , compungere sensus<br />

Corporis 9 indicio nobis est taclus uterque.<br />

Tactus enim , tactus f pro DIvora numina saiicta !<br />

Corporis est sensus f vel quom res extera sese 4 35<br />

Insinuât, vel quom laedit, quae in corpore nata est,<br />

Aut jtivat egrediens genitaleis per Veneris rés :<br />

Aut, ex offensu quom turbant corpore in *Ipso<br />

Semina, confun<strong>du</strong>nt inter seconelta sensum :<br />

Ut, si forte manu quamtis jam corporis ipse 440<br />

Tute tibi partent ferias, atque experiare.<br />

Quapropler longe formas distare necesse est<br />

Enfin, les corps qui nous paraissent épais et •<br />

<strong>du</strong>rs ne peuvent être formés que par des atomes<br />

munis de crocs, et pour ainsi dire de branches<br />

entrelacées, qui resserrent et assujettissent<br />

la masse.<br />

Parmi ces corps et à leur tête se place le<br />

diamant, qui méprise les coups ; ensuite viennent *<br />

les rocs solides, la <strong>du</strong>re substance <strong>du</strong> fer, et les<br />

gonds d ? alrain qui crient en soutenant les portes.<br />

Les substances liquides, au contraire, doivent<br />

être faites de corps polis et ronds, puisque les<br />

sucs <strong>du</strong> pavot sont tout aussi faciles à boire que<br />

des eaux pures, puisque les globules liquides ne<br />

se tiennent pas, et que tous aiment à rouler sur<br />

une pente.<br />

Mais les corp que tu vois se dissiper si vite,<br />

comme la fumée, les brouillards et la flamme, ne<br />

peuvent avoir ni des atomes polis et ronds,<br />

ni des atomes crochus et entrelacés : car ils<br />

piquent les sens et pénètrent la pierre, sans<br />

former pourtant un amas compact, tel que<br />

les buissons épineux. Il est donc facile de voir<br />

que leurs éléments sont aigus 9 et non pas recourbés.<br />

Si tu trouves parmi les fluides mêmes des<br />

corps aigres, comme le fluide salé des mers, 11<br />

n'y a rien là qui doive te surprendre, car toute<br />

la partie fluide ne contient sans doute que des<br />

atomes polis et ronds; mais à ces atomes ronds<br />

et polis se mêlent quelques éléments de nature<br />

blessante. Encore ces éléments ne sont-ils pas<br />

armés de crocs qui les attachent ensemble : pour<br />

Principes, ?arios quae possint edere sensus.<br />

Dealque, quae nobis dtirata ac spissa vldentur,<br />

Bac magis Iiamatis inter sese esse necesse est9 445<br />

Et quasi ramosis alte compacta teneri.<br />

In quo jam génère in primis adamantina saia<br />

Prima acie constant, ictus contemnere sueta ;<br />

Et valideï silices, ac <strong>du</strong>ri robora ferri,<br />

iEraqoe, quae elaustris reslantia vociferantur. 45o<br />

Ollaquidem debent ex lae?îbus atque rotundis<br />

Esse magis, fluido quae corpore liquida constant;<br />

[Namque papaveris haustus item est facilis quod aquarum:]<br />

Nec retinenlur enim inter se glomeramina quaeque,<br />

Et procursus item procli¥e volubilis exstat. 455<br />

Omnia postremo, qiue puncto tempore cernis<br />

Diffugere, ut fumum , nebulas, flammasque, necesse est f<br />

Si minus omnia sunt e lsevibus atque rotundis,<br />

At non esse tamen perplexis in<strong>du</strong>pedita;<br />

Pungere utî possint corpus, penetrareque saia f 4G§<br />

Mec tamen baerere inter se; quod quisque widemus<br />

Sentibusesse dalum : facile utcognoscere possis9<br />

Mon e perplexis, sed acutis esse démentis.<br />

Sed quod amara vides eadem, quae fluvida constant,<br />

Sudor uti maris est, minume mirabUe quoiquam. 4§5<br />

Nam quod fluvi<strong>du</strong>m est, e lœvibus atque rotundis<br />

Est; et laetihus atque rotundis mixta doloris<br />

Corpora : nec tamen haec rellseri bamata necessum ;


être tout à la fois luides et piquants, il faut que<br />

ce soient des globules à surface rude.<br />

Si tu veux ne conserver aucun doute sur le<br />

mélange des atomes polis, et des atomes plus<br />

rudes à qui la substance des mers doit son<br />

amertume, décompose les ondes, esamine les<br />

parties. Lorsque tes mêmes eaux filtrent longtemps<br />

à travers le sol et vont epplir des fosses,<br />

elles deviennent plus douces : leur âcreté sautage<br />

se perd avec les éléments qui la pro<strong>du</strong>isent,<br />

et qui demeurent à la surface, prce que leurs<br />

aspérités les enchaînent à la terre. -<br />

A ce que je viens de t'apprendra, je vais<br />

ajouter une chose qui en dépend et qui en tire sa<br />

preuve : je veux dire que les éléments ont un<br />

nombre limité déformes diverses; sinon 11 faudrait<br />

que le volume de quelques-uns fût immense<br />

; car un seul élément, un élément imperceptible,<br />

ne peut varier beaucoup ses formes.<br />

Compose les atomes de parties infiniment déliées,<br />

et au nombre de trois, ou augmente-le<br />

de quelques autres. Arrange ces parties en tous<br />

sens; place-les en haut, en bas; mets-les à<br />

droite, remets-les à gauche : tu auras bientôt<br />

épuisé les formes que leur disposition peut imprimer<br />

à la masse. Si tu veux multiplier les<br />

figures 9 il faut y joindre des parties nouvelles ;<br />

et, par la même raison, de nouvelles parties seront<br />

encore nécessaires, si tu veux encore varier<br />

leur arrangement et leur forme. Le volume <strong>du</strong><br />

corps augmente donc à mesure que les formes<br />

sont plus variées ; et par conséquent tu ne sau-<br />

Sdlicel esse globosa, tamen quom squalida constant,<br />

Provolvi simili ut fmsint et laedere sensus. 470<br />

Et quod milita putes mugis aspera laevibtis mm<br />

Priicipifs, unde est Neptuni corpus acerbum ;<br />

Est ratio secernuiidi9 seorsumque fldendi.<br />

Humor <strong>du</strong>lcis, ubi per terras crebrius idem<br />

Pereolatar, ni in foveam iuat ac mansuescat. 475<br />

Uaqtilt enim supra tetri primordia ?iri ;<br />

Aspcra, quo magis in terris haerescere possint<br />

Quod quoniam docui, pergam connectera rem, qds<br />

Ei Iioc apta iMera <strong>du</strong>cit : primordia rerum<br />

Finit» variare figuraram ratione. .480<br />

Quod si non lia sit9 mrsum jam semiaa quœdani<br />

Esse ioinito debebunt corporis auetn.<br />

Nam quod eadera wna quojusvis in brevitate<br />

Corporis inter se multum ?ariare figurœ<br />

Non possunt : face enim mioumis e partibus esse 485<br />

Corpora prima; tribus, ?el paullo pluribus auge:<br />

Hempe, ubi cas partais unios corporis omneis,<br />

Somma atque iina 9 locansf transmutans deitera te vis f<br />

Omnimodis eipertus eris 9 quam quiaque det ordo<br />

Formarom speciem totins corporis ejus ; 190<br />

Qood'superest, M forte voles variare figuras f<br />

Adden<strong>du</strong>m partais alias erit : Inde sequetur,<br />

AdMmii ratione 9 alias nt postulet oitlo,<br />

Si lu forte iroles etiaro tariare figuras.<br />

DB LA NAT01E MS CHOS1S, LIV. IL<br />

ff<br />

rais croire que leur diversité soit infinie 9 sans<br />

obliger quelques atomes à un immense développement<br />

: or, comme tu le sais déjà f nul ne<br />

peut dé<strong>mont</strong>rer que le fait existe.<br />

Autrement, les riches habits des barbares,<br />

les étoffes éclatantes de Mélibée que la Thessali«<br />

baigne dans la pourpre de ses coquillages f et<br />

les riantes couleurs qui parent la race dorée det<br />

paons, effacées bientôt par des couleurs nouvelles<br />

, tomberaient au rang des choses viles. On<br />

mépriserait aussi le parfum de la myrrhe f la<br />

saveur <strong>du</strong> miel. Un chant plus doux étoufferait<br />

le chant des cygnes, et les accords de Phébut<br />

ne retentiraient plus, sept fois harmonieux, sur<br />

les cordes de la lyre : car il naîtrait toujours<br />

des choses plus belles les unes que les autres.<br />

Et tout pourrait aller <strong>du</strong> mieux au piref<br />

comme nous avons dit que tout serait amélioré!<br />

Quelque chose de plus repoussant, et de plus repoussant<br />

encore, frapperait sans cesse les oreilles,<br />

les narines, les yeux ou la bouche. Mais puisque<br />

les corp ne changent pas de la sorte, puisque<br />

des bornes infranchissables limitent et le .<br />

bien et le mal dans la nature, tu dois admettre<br />

que les formes de la matière sont aussi limitées*<br />

Enfin f des glaces de l'hiver aux feux brûlants<br />

, il y a un espace fixé, et le retour est le<br />

même <strong>du</strong> feu à la glace. Le chaud, le froid, les<br />

vapeurs tièdes, tout est contenu entre ces deux<br />

extrêmes, et remplit gra<strong>du</strong>ellement leur intervalle.<br />

Les différences de la température ne sont<br />

donc pas infinies, puisque les chaleurs ardentes<br />

Ergo formarom nofitatem corporis augmen 4M.<br />

Subsequifur : quatre non est ut credere possis,<br />

Esse iafinitis distantia semina formls;<br />

Me quaedam cogas îmmani raaiumîtale<br />

Esse : supra quod jam docui non esse probare.<br />

Jam tibi Barbarïcae vestes, Melibœaque fuïgeiîs 5§§<br />

Purpura, Tliessalico concliartim tincta colore ;<br />

âurea pavonmii rident! imbuta lepore<br />

Secla, novo reiiim superata colore, jacerent :<br />

El couteoiptiis odor smyraas, mellisque sapores;<br />

Et cfcnea mele9 Phœbeaque, daedala ciiordisf ô0£<br />

Carmina consimili ratione oppressa silerenl :<br />

Mamqoe aliis aiiud prœstantîus eioreretiir:<br />

Cedere item rétro possent in détériores<br />

Omiiia sic partais, ut diximus il meliores:<br />

Hamque aliis aiiud rétro quoque tetrios esset 510<br />

Naribus, auribns, atque oculls, orisque saporL<br />

Quœ quoniam non stiat in rébus, reddita eerta<br />

Finis utrimque tenet summam; fatearenecesseest,<br />

Maleriam quoque finitis differre figuris.<br />

Benique ab ignibuft ad gel Ida s hiemidque praioas » 51S<br />

Finîtum est , retroque pari ratione remensum est.<br />

Omnîs enim caler ac frigns ; medieique tepores<br />

Inter utrasque jacent 9 eiplentes ordine summam.<br />

Ergo finîta distant ratione creata,<br />

Ancipiti quoniam mucrone «trinque notantur, 520


il<br />

et les frimas glacés la pressent ai toutes parts f<br />

et lui tracent une double limite.<br />

Be ces arguments ressort une vérité nouvelle<br />

que je vais y rattacher. Les atomes ie même<br />

forme sont innombrables. En effet, comme la<br />

diversité des Igures a des bornes, il .faut bien<br />

que le nombre des éléments semblables soit infini<br />

: sans quoi la matière même serait bornée,<br />

ce qui ne peut être, comme nous en avons<br />

fourni des preuves.<br />

Ces vérités une fois établies, allons plus loin f<br />

et <strong>mont</strong>rons par quelques vers harmonieux que<br />

les atomes entretiennent la nature depuis des<br />

temps éternels, par leurs chocs éternellement<br />

répétés dans toutes les parties <strong>du</strong> vide.<br />

Si tu vois des espèces plus pauvres, des natures<br />

moins féconde? que les autres, tu peui croire<br />

que ces races abondent en pays étrangers, et<br />

dans des terres lointaines où leur nombre se<br />

complète. Parmi les animaux de ce genre, nous<br />

remarquons surtout les éléphants à la trompe<br />

qui serpente: les Indes en sont couvertes, et<br />

un rempart d f ivoïre les protège, les rend impénétrables,<br />

tant elles renferment de ces bêtes<br />

sauvages que nous connaissons à peine. Mais je<br />

suppose même, si tu veux, que tel ou tel être<br />

soit unique dans son espèce, que la nature le<br />

forme seul, et que son semblable ne se trouve<br />

pas dans le reste <strong>du</strong> monde. Si les atomes qui<br />

servent à le concevoir et à le pro<strong>du</strong>ire ne sont<br />

pas innombrables, cet être même ne peut naître,<br />

LUCRÈCE.<br />

ne put croître f ne peut se nourrir. En effet, que<br />

tes yeux se représentent les éléments bornés in<br />

corps unique lottant épars dans la masse : de<br />

quel côté, en quel lieuf comment, par quelle<br />

force veux-tu que ces éléments se rencontrent et<br />

se joignent au milieu de cet océan immense de<br />

matière, de cette foule d'atomes étrangers? 11<br />

leur est impossible, je pense, de former aucun assemblage.<br />

Souvent, après de nombreux et vastes<br />

naufrages, la mer écumante disperse les bancs<br />

de rameurs, les carènes, les antennes, les<br />

proues, les rames, et les mâts qui surnagent»<br />

ain que leurs banderoles flottantes attirent les<br />

yeux sur tous les rivages, et que ces leçons terribles<br />

apprennent aux mortels à fuir les embûches<br />

de la mer, sa rage puissante, MS trompeuses<br />

amorces, et à se déler même lorsque sa<br />

peridîe se cache sous un aspect riant et calme.<br />

De même, si tu bornes le nombre des atomes,<br />

ils demeureront, à jamais épars, éternellement<br />

battus par les lots de matière qui se croisent f<br />

incapables de se rassembler, incapables de maintenir<br />

leur assemblage, de le nourrir, et de l'accroître.<br />

Les yeux attestent pourtant et que des<br />

corps se forment, et que des corps croissent<br />

quand ils sont formés : il existe donc pour toutes<br />

les espèces des éléments innombrables qui les<br />

alimentent.<br />

Aussi les mouvements qui tuent ne peuventils<br />

venir à bout des êtres f et les ensevelir à jamais<br />

dans la mort ; comme les mouvements qui<br />

Mac flammis, illinc rigldis insessa proinis.<br />

Mon poterit : neque» quod soprest, procrescere alique. -<br />

Quod qooniam docuî, pargaw connectera rem, quac Quippe etenim sumant oculef, inita per omné*<br />

Ei hoc apta fidem <strong>du</strong>cit : primordia rerura Corpora jactari unius genitalia rei;<br />

f<br />

Inter se simili qnœ sont perfecta igura,<br />

Unde', ubi f qua fi f et quo peto , congressa coibunt 550<br />

Infinita cluere : etenim distantia quom sit 525 Materiae tanto in pclago tnrbaqne aliéna?<br />

Formaram Imita, necesse est» qiiœ similes slot,<br />

Non » ut opinor, habent rationem conciliandi :<br />

Esse infinita® ; aut siimmam materiai<br />

Sed quasi» naufragiis magnis multisque coortls,<br />

Finitam constare : id quod non esse probati.<br />

Disjectare solet magnum mare transtra, cannas,<br />

Quod quoniam docul» nonc suaviloquis, âge, pauris AiteiiiQâs 9 proram y malos 9 tonsasque natanteii ; 555<br />

Vereibus ostendam, corpuscula materiai 530 Per terrarum omneis oras fluitantia aplustra<br />

Ex inlioitci summam reniai usque tenere,<br />

Ut videantur, et indicîum mortalibus edantf<br />

Undique proteto plagarum continuai!).<br />

lafidi maris insidias ?îreisque dolumque<br />

Mam quod rara vicies magis esse anlmalkquœdam, Ut fitare felint, neve uUo tempre credant,<br />

Feciiiïdaïîiqiie magis naturam cernis in oîlls;<br />

Subdola quom ridet plâcîdi pilacïa pntï : 5i0<br />

àt région© » locoque alio, terrisqiie reraotis, 535 Sic tibi , si Inita semel primordia quaedam<br />

Milita licet génère esse In eo, numeruroque repleri :<br />

Sic uti quadrapediim cum priiriîs esse videmiis<br />

In génère angnimanos elephantos; India quorum<br />

Millbus e mullls fallo mnnitur eburao f<br />

Ut penitus nequeat penetrari : tanfa feraruet 540<br />

Vis est; quarum nos prpuca exempla vlderaus!<br />

Sed tamen , id qnoque uti coneedaro t quam lubet esta<br />

Umica res quœdam natifo corpore sola,<br />

Quoi similis toto terrarum non sit in orfai ;<br />

Infinita tamen nisi erit fis materiai,<br />

Unde ea progigni possit concepta, ereaii<br />

545<br />

%<br />

Constitues 9 œvom debebunt sprsa pr omnem<br />

,Disjectare œstus divorsei materiai :<br />

Hunquam in concilium ut pssint compulsa cuira;<br />

Mec remorari in concilîo, nec crescere adaucta : 565<br />

Quorum ntrumque plam Ëerî manifesta docet res,<br />

Et res progigni, et genitas procrescere psse.<br />

Esse igitur génère in quof is primordia rsmm<br />

Infinita plam est, unde oronia suppeditantur.<br />

Mec suprare queunt motus itaque exitiales £70<br />

Perptuo y neque in aeternum sepelire saltitem :<br />

Mec prro verum génitales auctiiceique


DE LA NATURE DES CHOSES, LIY. H. S3.<br />

les engendrent et les accroissent ne peuvent nommée la mère puissante des dieux, la mère<br />

prolonger éternellement leur dorée. Les atomes des animaux et la mère des hommes.<br />

se livrent Jjataîlle, depuis le commencement des Les anciens et sages poètes des Grecs, quand<br />

âges, avec un succès égal. Les éléments de la vie ils chantent la terre, la peignent assise sur un<br />

triomphent tantôt çà et là, et tantôt ils succom­ char, et guidant la course de deux lions sous le<br />

bent ; des voix expirantes se mêlent aux cris que joug. Ils enseignent ainsi que ce corp Immense<br />

les nouveau-nés poussent en ouvrant les yeux à la flotte suspen<strong>du</strong> dans le ciel., et que la terre ne<br />

lumière ; jamais la nuit ne chasse le jour, jamais le peut reposer sur une terre ; les monstres attelés<br />

Jour ne remplace la nuit, sans entendre des signifient que les bienfaits des pères doivent<br />

vagissements plaintifs, entrecoupés de sanglots amollir et dompter le cœur des enfants les plus<br />

qui accompagnent la mort et les sombres ago­ farouches. Ils lui ceignent aussi le front de la<br />

nies.<br />

couronne murale, parce que le sol est couvert de<br />

Un autre fait mérite que tu le graves dans remparts élevés et porte des villes : cetemblème<br />

ton esprit et que tu le fixes dans ta mémoire. dont la Mère des dieux est encore revêtue la<br />

Bans tout ce-que la Nature met à la portée de rend formidable, quand on promène son image<br />

nos sens f on ne voit rien qui soit formé par un dans le monde. Les solennités antiques <strong>du</strong> <strong>mont</strong><br />

seul genre de principes, rien qui ne provienne <strong>du</strong> Ida la font appeler Idéenne chez tous les peuples<br />

mélange des atomes ; et plus un corps possède de divers; ils lui donnent une bande de Phrygiens<br />

qualités, de puissances distinctes, plus il indi­ pour escorte, parce que ce fut, dit-on, de la<br />

que que les espèces sont nombreuses et les fi­ Phrygîe que les moissons naissantes commencègures<br />

variées.<br />

rent à se répandre dans toutes les campagnes :<br />

D'abord f la terre contient les éléments des ils lui assignent des prêtres mutilés, afin de nous<br />

sources qui roulent la fraîcheur avec leurs eaux, avertir que ceux qui ne respectent pas la sainteté<br />

et qui renouvellent sans cesse la mer immense. La de leurs mères, et ceux en qui leurs pères trouvent<br />

terre contient des atomes de feu, puisque souvent le des ingrats, doivent être jugés indignes de créer<br />

feu dévore les campagnes embrasées, puisque FEt- eux-mêmes une race vivante. La peau ten<strong>du</strong>e des<br />

na vomit dans sa colère des flammes plus terribles tambours tonne sous la main de ces prêtres; les<br />

encore. Les moissons florissantes et les arbres cymbales creuses et les trompes mêlent leurs<br />

fertiles, qui croissent pour la race des hommes, sons menaçants et rauques à la flûte phrygienne,<br />

y trouvent leurs germes, comme la tendre feuille dont les accords irritent les âmes. Ils portent<br />

des bois et les gras herbages que la terre fournit devant la statue des javelots, comme la marquo<br />

aux bêtes errantes des <strong>mont</strong>agnes : aussi est-elle d'une violente fureur, pourque les cœurs ingrats,<br />

Moins prpetuo possuot sertare creala.<br />

Sic aequo gcritar certainîne prindpiorum<br />

Il infinito contractent tempore bellum. 575<br />

Noue lîicf aitnc illic supermt viialla rcrom ;<br />

Et&uperâatiir item : raiscetur funerefagor,<br />

Quem puerd toltuDtt visenles lurainisoras :<br />

Nec mm. alla diem , neque noctcm aurora sequuta est »<br />

Quae non auclierit » mixtes vagîtibus œgris 510<br />

Ptoratos, Mortis comités et Funerîs atri.<br />

Mnd In his olisignatum quoque rébus liabere<br />

•Convenu, et mainori roandalum mente tenere;<br />

11 esse» in prorata quorum iiatura videtur,<br />

Quod génère ex uno consistât principiorum ; 5i5<br />

Itec qnidquaui f qnod non permtxlo semine constat<br />

Et qmmqmmqnt magis vis multas possidet in se,<br />

Atqtie potestales » ita pluriina principiorum<br />

In sese gênera, ac varias docel esse figuras.<br />

Principlo, tellus liabet in se corpora prima » ô§0<br />

Ufide mare immensum ?olf entes frîgora fontes<br />

assi<strong>du</strong>e rénovent; liabet, ignés uode oriantur :<br />

Ram multis succensa lotis ardent sola terra;<br />

Etirais veit> forît iguibus impetus Mlmm,<br />

Tum porro nitidas frages, arbostaque la* ta , 595<br />

Gcotibiis liumaneis liabet unde eitollere possit :<br />

Vide etiam fluidas frundeis $ et pabula laeta»<br />

LUCRÈCE.<br />

Montivago generi possit praebere feraram ;<br />

Quare magna Deum Mater, materque ferararo,<br />

Et nostri genetrix haec dicta est corporis una.<br />

Haie veteres Graium doctd cecinere poète<br />

Sedibus in corru bijugos agifare leones ;<br />

âerls in spatio magnam pendere docentes<br />

Tellurem f neque posse in terra sistere terrain.<br />

Adjunxere feras ; qood, quamvîs effera, proies<br />

Ofliciis débet molliri ricta parente m :<br />

Muraliqae capnt summum clnxere corona t<br />

Exinilis muoita locis qnod sustinef urbeis :<br />

Qtio nunc iosigiii per magnas prœdîta terras<br />

Horrifiée fertur dîf înae Matris imago.<br />

Hanc ?ariae gentes, antiquo more sacroram,<br />

Jdaeam todtant Matrem ; phrygiasque catenras<br />

Dant comités, quia primum ei illis finibuse<strong>du</strong>nt<br />

Per terrarum orbeis frnges cupîsse creari.<br />

Gallos attribuant; quia, numen qnd liolarint<br />

Matris»et ingrate! genftorfbtis intente! aiot,<br />

Signiicare volnnt indignos esse pulandosf<br />

Vi?am progeniem quel in oras liimînis edant.<br />

Tympana tenta tonanl palmîs; et cymbala drenm<br />

Conca?a, raucisonoque mînantur cornua canin,<br />

Et Phrygio stimulât numéro ca?a tibia mentes :<br />

Telaqûe praeprtant, Tkdeuti signa furoria;<br />

i<br />

600<br />

C.Ûâ<br />

610<br />

SIS<br />

610


14<br />

LUCRECE.<br />

les cœurs impies de la foule soient épouvantés et humaines , et dans on monde séparé <strong>du</strong> nôtre i<br />

tremblent devant la puissance de la déesse-<br />

Aussi f quand elle parcourt les grandes villes<br />

où son image muette passe sans donner aucun<br />

signe de sa miette bienfaisance f l'argent et l'airain<br />

pavent les chemins enrichis de pieuses largesses<br />

5 et une neige de roses, une nuée de leurs<br />

ombrage la Mère des dieui et son cortège. Alors<br />

une troupe d'hommes armés, que les Grecs nomment<br />

Curetés de Phrygîe, dansent entrelacés,<br />

m mêlent au hasard f et bondissent en mesure,<br />

tandis que leur sang coule comme des larmes.<br />

Ils agitent, en secouant la tête, des aigrettes terribles*,<br />

semblables aux Curetés quand ils étouf­<br />

là, exempts de douleur, exempts de périls f ils se<br />

suffisent, ils ne demandent rien aux hommes;<br />

la vertu ne les gagne point,- et la colère ne peut<br />

les toucher. La terre, an contraire, a toujours<br />

été une masse insensible; mais, comme les éléments<br />

de mille choses y sont enfermés, elle met<br />

au jour mille corps éclos de Aille façons diverses.<br />

A.n reste, si.on se plaft à dire Neptune pur<br />

la merf Cérèspour les moisions, et si on préfère<br />

le nom de BacchiS ara mot propre de fin f consentons<br />

aussi à ce que li terrier, cet immense globe*<br />

soît appelée la Mère des dieux, pour?u eodem sub legmliie eœM v<br />

El unoque sitim sedantes iumine aquai 9<br />

Bissimlli Tiftint speeief retinente. parente»<br />

Haturam ; et mores generatim quaque imitantur : m r *<br />

Tanta esl 9 iii quoi is génère Iterbae y materiai<br />

Dissimilis ratio; tanta est in lummequoquel<br />

Hine porro qoemih animanteiii ei omnibus una<br />

Ossaf cruor, ven«, ealor, humorf ?iscemf ner?eî<br />

Constitiiunt ; quœ suiit porro 9 distantla longe, f.?§<br />

Dissimiii perfectalpra prineipiorum.<br />

Tum porro quaequomque igni lammata creroantor.<br />

Si nil praeterea y tamen haec in corpore alunturf<br />

tTnde ignem JiBere, et Ionien wbmittere potsint*


ailles, et de lancer an loin la cendre brûlante.<br />

Parcours ainsi toute la nature, guidé par la raison<br />

f et te découvriras que tout recèle les germes<br />

de mille eorp emprisonnés sous mille formeSè<br />

Enfin f tu vois bien des choses qui joignent la<br />

couleur ai goût, et le goût au parfum ; comme la<br />

plupart des offrandes que la superstition arrache,<br />

quand elle saisit honteusement les âmes. Ces matières<br />

doi?ent être composées de principes divers :<br />

car les odeurs se glissent par où le suc ne gagne<br />

jamais les membres, et le suc où les saveurs in*<br />

sinuantes trouvent aussi des voies particulières ;<br />

ce qui prouve que leurs atomes ne sont pas faits<br />

de même. Des atomes de forme diverse se réunissent<br />

donc dans les mêmes assemblages, et les<br />

Corps se forment de leur mélange.<br />

Bien plus, tu distingues partout dans mes<br />

vers mille lettres qui sont les éléments communs<br />

de mille mots; et pourtant tu es obligé de<br />

reconnaître que chaque mot, chaque vers ne se<br />

compose pas des mêmes éléments. Non que ces<br />

lettres communes qui courent de vers en vers<br />

soient peu nombreuses, ou que les mêmes<br />

ne se rassemblent jamais pour pro<strong>du</strong>ire deux:<br />

mots semblables ; mais pree que tous les âéments<br />

de tous les mots ne sont pas rangés de<br />

même. De cette fa^jon, quoique les autres eorp<br />

renferment aussi mille principes communs à<br />

mille choses, il se peut néanmoins que leur<br />

niasse diffère : tu aurais donc raison de dire que<br />

des atomes différents pro<strong>du</strong>isent la race des<br />

hommes, les moissons et les arbres fertiles.<br />

Scmtillasqoe igere, ac late iifferre fa? iUam. 675<br />

Cetera consimili mentis ration peragrans,<br />

Intentes igltur multanim seauna rertim<br />

Corpore celare, et varias coUbere figuras.<br />

Beoique milita vides 9 quibus et color et sapor ima<br />

leddita sent cum ©dora ; in priniis pleraque dona t<br />

DE Là NATU1E DES CHOSES, LlV. IL<br />

6So<br />

leifpôse atûmum ttirpi quom tangere pacto.<br />

Haec Igltur varls debent constare igurïs :<br />

mdor enim pénétrât, qua sucus non II in artus ;<br />

Soctis item seorsum » et seorsiim saper insinualur<br />

Sensibus ; ut noscas primis differre figuris. §15<br />

Dîsslmiles ïgitur formœ glometmmen il unam<br />

Conteniunt; et res permîito sernine consent<br />

Quin etiain passim nostris in versibns ipsis<br />

Multa elemeita fides multis communia verbis ;<br />

Quom tamen inter se versus ac terba necesse est SPQ<br />

Conlteare alla ei aliis constare elementls.<br />

Non quo milita parum commuais litera eurrat f<br />

Ait noOa inter se <strong>du</strong>o sint ex omnibus Isdem :<br />

Sed quia non volgo pria omnibus omnia constant :<br />

Sic aliis in rébus item communia multa - 895<br />

Moltarum rerum quom suit primordia, rerum<br />

Kssirolli tatnen inter se consistere summa<br />

Possunt : ut merito ei aliis constare feratur<br />

lomaniun genus, et flruges arbustaque beta.<br />

Si<br />

Ne vas pas croire pourtant que tous les atomes<br />

puissent former des assemblages de toute<br />

sorte; car alors il serait commun de voir naître<br />

des monstres, de voir une moitié de bête sur un<br />

corps humain, un épis feuillage sur un être vivant<br />

, des membres appartenant à la terre joints<br />

à ceux que la mer enfante , des chimères enfin<br />

vomissant lafiamme de leurs bouches empestées,<br />

et que la -nature nourrirait aussi dans un monde<br />

capable de tout pro<strong>du</strong>ire. Mais il est évident que<br />

rien ne se fait de la sorte, puisque nous voyons<br />

tous les êtres» formés de germes invariables et<br />

naissant à des sources distinctes, conserver leur<br />

espèce quand ils croissent<br />

Il faut bien que leur croissance se fasse dans<br />

un ordre déterminé : car toute nourriture fournit<br />

à chacun ses atomes propres qui se distri*<br />

buent dans les membres, et qui, joints au corps,<br />

y engendrent un mouvement réparateur. Au<br />

contraire, les éléments impropres sont rejetés<br />

pr la nature, qui les rend au sol ; et souvent le<br />

corps humain repusse par un choc et met en<br />

fuite des corps imprceptibles, qui ne peuvent<br />

ni se mêler à la substance, ni concourir au<br />

mouvement vital f et recevoir eux-mêmes la vie.<br />

Ni te figure pas que les animaux seuls soient<br />

assujettis à ces lois : une certaine limite sépare<br />

tous les êtres. En effet, comme toutes les pro<strong>du</strong>ctions<br />

delà Nature diffèrent, elles doivept<br />

avoir aussi des éléments de forme différente :<br />

non pas que bien des atomes ne soient faits de<br />

même, mais parce que tous ne peuvent être<br />

Mm tamen omnimodis connecti posseputan<strong>du</strong>m est 7oo<br />

Omnia : nam volgo ieri portenta vidsres;<br />

Semiferas hominum spedes eisistere» et altos<br />

Inter<strong>du</strong>m ramos e gigni corpore ?§?o ;<br />

Multique connecti terrestria mtmbra marinii :<br />

Tum lammam tetro spiranteis ore CbiaMsra*,<br />

Pascere naturam par terras omniparentels.<br />

Quorum silfieri manifestum est; omnia qnandof<br />

Scminibus certis certa genetrice creata9<br />

Conser?are genus cresceatia pusse ?idemus.<br />

Scilicet id certa ieri rations necesse est :<br />

Nam sua quoique cIMa ei omnibus laïus in artus<br />

Corpora disce<strong>du</strong>nt; mmmmqm confenienteis<br />

Eficiunt motus : at contra aliéna videmos<br />

Bejîœre in terras naturam; multaque ctecii<br />

Corporibus fugîunt e corpore percita plagis;<br />

Quae neque connecti quoquam potuerey neque Inter<br />

Vitaleis motus consentira, atque animari.<br />

Sed ne forte ptites animalia sola teneri<br />

Legibus bis, quœdam ratio disterminat omneis.<br />

Main f velui tota natura dîssimilei sunt<br />

Inter se genit» res qu»que , ita quomque nectssi est<br />

Dissimili constare figura principïorum :<br />

Mon quo multa parum simili bint pnedita forma;<br />

Sed quod non volgo pria omnibus omnia constant<br />

%<br />

05<br />

10<br />

715<br />

20


3S<br />

semblables en toit. Or, si les atomes ne se ressemblent<br />

pasf il fait que leurs intervalles,<br />

leurs directions, leurs assemblages, leurs poids,<br />

leurs rencontres» leurs chocs, leurs mouvements<br />

varient; et voilà ce qui non-seulement<br />

distingue les corps animés, mais ce qui sépare<br />

même la terre des océans, et ce qui nous empêche<br />

de confondre le soleil avec la terre.<br />

Maintenant, 6 Memmius, recueille des paroles<br />

qui sont le fruit de mon doux travail,<br />

ain de ne pas croire que les corp dont la<br />

blancheur éblouit les yeux soient formés de<br />

blancs atomes, que les corp sombres aient àm<br />

germes noirs, et enln que toute substance<br />

doive sa couleur à des éléments colorés de<br />

même. Les éléments ne possèdent ni couleur qui<br />

ressemble, ni couleur qui ne ressemble pas à<br />

celle des corps. Si tu crois que la pensée no<br />

peut avoir de prise sur des atomes incolores» ton<br />

esprit erre loin <strong>du</strong> vrai chemin. Car si les aveugles-nés<br />

, sans avoir jamais aperçu la lumière<br />

<strong>du</strong> soleil 9 reconnaissent dès leur enfance les corps<br />

au toucher seul, et les dépouillent de toute couleur!<br />

il est évident que la raison est capable<br />

de saisir les choses qui ne sont point enveloppées<br />

de fard. Nous-mêmes enfin 9 lorsque nous<br />

touchons une chose dans la nuit aveugle, nous<br />

la sentons, quoique sa couleur soit insensible.<br />

Ce que les faits attestent, je vais le prouver.<br />

Toutes les couleurs changent, et toutes se rem­<br />

L1CEÊ€E.<br />

Semina qnom porre distant » difTem necesse est 725<br />

lateradla, fias, conoesus, pondéra f plagas,<br />

Coftcorstis» motos; que non animalia soin m<br />

Corpora sejongttttty sed terras ac mare totum<br />

Secernunt f cœltintqoe a terris omne retentant<br />

ffitDC agi, dicta meo dtdd quaesita labore 730<br />

Percip : ne forte faaeealbfaei alba rearis<br />

Prfncipiis mm , ante ocnlos qtme candida ocrais j<br />

Aut m 9 qw» nigrait 9 itlgro de semine Data :<br />

Neve allum quem^is qu» sunt imbuta colorem »<br />

Propterea prere hune credas , quod materiai 735<br />

Corpora constmill siiit ejus tineta colore.<br />

NuUus enim coior est omnino tnateriai<br />

Coiporibus, laque pr rébus 9 neqne denique dispar.<br />

In quae corpora si nnllus tibi forte ?Idetur<br />

Posse anitni injectas ieri , proctil avilis erras. 740<br />

Nam qnom csadgenei, soiis quel lumina nunqnam<br />

Despxere t lamen cognoscant corpora tactn,<br />

El ineante SBTO nullo conjuneta colore ;<br />

Sclre licet f nostre quoque menti corpra posse<br />

Vorti m notiUam, nullo chrcumlita fiico. 74 S<br />

Denique eos ipsei, caeeîs qa«poraque teiebris<br />

Tangimus, haud QIIO sentimus tineta colore.<br />

Quod, quoniam tinco Éerl, nune esse docebo.<br />

Dmoit enim aokir onmiiMi mutatur in ooinets;<br />

Quod facere batid ulta détient primordia peto : 750<br />

IntntotabUe eufii quiddam superare necesse est,<br />

le res ad nittittim rediguittif fundltus omnes.<br />

placent, ce qui ne peut arriver aux atomes<br />

Il faut que certains corps demeurent inaltérables,<br />

ou le néant engloutirait le monde : car toit ce<br />

qui sort de ces limites, et dépouille son être, le<br />

frappe de mort. Ainsi donc garde-toi bien de<br />

colorer les atomes, de peur que le monde ne soit<br />

anéanti.<br />

Mais si, en leur ôtant la couleur, la nature<br />

les a doués de formes diverses qui engendrent<br />

et varient toutes les nuances; si leur mélange ,<br />

leur arrangement et les Impulsions que tous don*<br />

nent ou reçoivent , ont une haute importance,<br />

tu peux expliquer aisément et vite pourquoi des<br />

corp noirs acquièrent tout à coup une blancheur<br />

éclatante, comme la mer, dont les ondes<br />

tourmentées par le vent se couvrent de blanches<br />

écumes et de la pâleur <strong>du</strong> marbre. Car tu<br />

diras : Un corp habituellement sombre, quand<br />

ses atomes se mêlent et que leur ordre change 9<br />

quand ils se sont enrichis ou débarrassés de<br />

quelques autres, parait aussitôt brillant et clair.<br />

Si les éléments de la mer étaient azurés, 1»<br />

vagues ne pourraient blanchir : car, de quelque<br />

façon que tu bouleverses leur azur, il ne passera<br />

jamais à la blancheur <strong>du</strong> marbre.<br />

Peut-être crois-tu que des atomes de mille couleurs<br />

pro<strong>du</strong>isent cet éclat pur et uniforme des lots,<br />

comme souvent un carré provient de mille flgures<br />

diverses qui font une seule figure. Mais alors<br />

puisque nous apreevons dans le carré des for-<br />

Nam qttodquomque suis mutatum imbus exift,<br />

Continu© lioc mors est illlus» quod fuit ante,<br />

Proïnde colore cave contingas semina rerum » 75*<br />

Ne Ubi res redeant ad nilum funditus omnes,<br />

Praterea si nulia coloris principieis est<br />

leddita natiira 9 et parfis suni prwiifa formis f<br />

£ quibus omoigeios glgmint , variautqiie colores :<br />

Praeterea magot quod refertf semina qtneqoe W<br />

Cum quibus 9 et qualî positura contineanlor.<br />

Et quos bifer se dent motus accipianlque;<br />

Perfacie eitemplo rationem redderepssls,<br />

Quur ea, quae nigro fuerint paullo ante colore»<br />

Marmoreo ieri pssint candore réputé : 7iS<br />

Ut mare, quom magnei commorunt «quora vente!,<br />

Yorlilur in canos candenti marmore fluctua.<br />

Dicere enim pssîs » nigrum qood sœp videmus f<br />

Materies ubi permixta est iliius , et ordo<br />

Principieis mutatus f et addita demtaque quœdam 9<br />

77#<br />

Contint» id ieii ut candens videator et album.<br />

Qiiod si caeruleis constarent œquora pnli<br />

Seminibusf nullo possent albescere pacto :<br />

Nam 9 quoquomque modo perturbes f œrula qmm sfat»<br />

Bleii-qiîaiîi in mirmoreiiiii pssint migrare colorera. 77S<br />

Sin aiio atque alio sunt semina tineta colore,<br />

Quae maris efficiunt unam purumqne nitorem ;<br />

Ut siep e% aliis formis 9 irariisque iguris f<br />

Efficitar quiddam quadratam f un&qtie figura;<br />

Conftniebatf uti in quadrtto œrnimus esne 7Êê


lies distinctes, on devrait aussi voir sur la plaine<br />

des mers, ou sur tout autre corps de couleur<br />

uniforme, mille couleurs différentes , mille nuances<br />

variées.<br />

D'ailleurs, les Igures irrégulières ne nuisent<br />

pas au tout, et permettent que la surface soit<br />

carrée ; mais la différence des couleurs empêche<br />

k masse de conserver un éclat uniforme.<br />

Maintenant donc, puisque ce ne sont pas des<br />

atomes noirs et blancs qui forment le blanc et le<br />

noir, mais des atomes de forme dit erse, la seule<br />

cause 'qui nous engage souvent à leur attribuer<br />

des couleurs est détruite» Car la blancheur naîtra<br />

plus aisément de germes incolores que <strong>du</strong> noir,<br />

ou de toute couleur opposée que sa nature repousse.<br />

De plus, comme les couleurs ont besoin de lumière<br />

pour exister, et que les éléments échappnt<br />

à la lumière, tu dois en conclure que les éléments<br />

ne sont pas enveloppés de couleur. En effet, les<br />

couleurs pourraient-elles subsister dans lesténèbref<br />

, elles qui changent à la lumière même, suivant<br />

que des rayons obliques ou droits les frappent<br />

et les éclairent? Yois étinceler au soleil le<br />

collier de plumes qui entoure le cou et la gorge<br />

des colombes : quelquefois il relète la pourpre<br />

des rubis, et quelquefois un jour différent y sème<br />

de vertes émeraudes sur un fond azuré» De même,<br />

lorsque la queue <strong>du</strong> paon est inondée de lumière,<br />

les reÉets varient, suivant que les plumes sont<br />

Dissimileis formas, ita ceraere in œquore ponti ,<br />

Aut alio In quofis uno puroque nîtore 9<br />

Dissimileis longe inter se variosque colores.<br />

Praterea, niliit offi<strong>du</strong>nt obstaolque figurœ<br />

Dissimiles, qtio quadratum minus otnne sit extra : 7§5<br />

ât varie rerom impediunt prokibentque colores,<br />

Quo minus esse uno possit res tota nitore.<br />

f uni porro 9 quae <strong>du</strong>rit et illicit y ut tribuamus<br />

Prindpieisremm nonnunqiiani, causaf colores»<br />

ÛcdJit; ex albis quoniam non alba creaniur, 790<br />

Sec, qu« migra cluent, de aigris ; sed fariis de.<br />

Qoippe eteoini multo prodif ius eiorientur<br />

Oandida, de nullo, qiiam nigro f natm colore »<br />

Âutalio quo?isy qui contra pugnet, et ebslet;<br />

Preterea, quoniam nequeunt sine liice colores 795<br />

Esse » naque in lucem exsistnnt primordia reram ;<br />

Sdre lieet, qnam sint nullo fdata colore.<br />

Quais enim caeceis poterit coior esse tenebreis 9<br />

Lomine qui in ipso matatur, proplerea quod,<br />

Recta aut obliqua percussns luce, refulget ? 800<br />

Pluma coiombarum quo pacto in sole videtur,<br />

Quae sita cer?ices circum collumque coronat :<br />

Panique alias il, uti claro sit rubra pyropo;<br />

Interdnm quodain sensu fit» uti fideatur<br />

Inter caerulenm f irMeis miscere smaragdos. SOS<br />

Caudaque patonis f larga quom luee repleta cstf<br />

Gonsimiti matât ratione obvoi$a colores :<br />

Quei quoniam quoddam gignuntur luminis ictn •<br />

(tire i€et9 sœe m ieri non passe putan<strong>du</strong>ra.<br />

Dl LA NATU1E DES CHOSES, L1Y. II. 37<br />

eipsées : or, si ie choc de la .umière forme les<br />

nuances, il est impassible de croire quêta nuances<br />

existent sans elle*<br />

Et puis, les yeux reçoivent tel choc quand on<br />

les dit frappés de la couleur blanche f tel autre<br />

sous les atteintes <strong>du</strong> noir, et ainsi <strong>du</strong> reste. Orf<br />

ce qui importe dans les matières touchées , ce<br />

n'est pas le hasard des nuances» mais l'harmonie<br />

des formes : il est donc évident que les couleurs<br />

ne sont pas nécessaires aux atomes ; car leurs formes<br />

variées varient les impressions de la vue qui<br />

leur contact excite.<br />

En outre, si la nature des couleurs ne tient<br />

pas à la forme des atomes, et que des atomes de<br />

toute forme puissent avoir un éclat quelconque»<br />

pourquoi les corps formés par eux ne sont-ils pas<br />

de même? purquoi toutes les nuances ne sontelles<br />

pas répan<strong>du</strong>es dans tontes les espèces? 11<br />

faudrait alors que les corbeaux 9 au milieu de<br />

leur vol f jetassent une blanche lumière de leurs<br />

ailes blanchissantes; que le plumage des cygnes<br />

fit assombri par de noirs atomes, ou revêtu de<br />

toutes les autres couleurs, soit simples 9 soit mé*<br />

langées.<br />

Bien plus, à mesure que les corps sont partagés<br />

et diminuent, il est facile de voir ta couleur<br />

insensiblement effacée pâlir et s f éteindre. L'or,<br />

quand on le met en poudre; les étoffes étincelantes<br />

de pourpre, quand on les arrache fil à fil,<br />

prdent tout leur éclat ; ainsi donc les couleurs<br />

Et quoniam plagae quoddam gênas exeipit in se S10<br />

Pupula, quom senlire colorent dieiiur album;<br />

Âtque aiiud porro , nigrum quom et cetera sentit ;<br />

Née refert, m quae tangis, quo forte colore<br />

Priedita sint, ?erum quai magis apta igura;<br />

Srire licet, nll prlncipiels opas esse colores » 8 fi<br />

Sed yariis formis fartait tels edere tactus.<br />

Prarterea 9 quoniam non cerlis certa figuris<br />

Est natura coloris , et omoia prfnciplorum<br />

Formamenta queunt in quofis esse nilore ;<br />

Qiiur ea, quae constant ex oUis, non pariter sunt S90<br />

Omnlgeni* perfusa coloribus in génère omni ?<br />

Conveuiebat enim cor?os quoque saepe volanleit<br />

£i albis album pennls jactare colorera ;<br />

Et nigros fîeri nigro de semine cycno$9<br />

Aut alio quofis uno , farloque colore. §15<br />

Quia etiam9 quanto in partais res quaeque minutas<br />

Distralittar magis, boc magisest9 ut cernera posais -<br />

Evanesoere paullatim, singuique colorem :<br />

Ut fit # ubi in parias parteis discerpitur aurum;<br />

Purptira f pcpniceusque color darissimu' multo9<br />

Filatim quo distractu'st , disperditur omnis :<br />

Hoscere ut bine possis» prius omnem efHare colorem<br />

Particulasy quani discedant ad semina reram.<br />

Postremo f quoniam non omnia eorpora locem<br />

M Iltere concedis 9 neque odorem ; propterea Ët9<br />

Ut non omnibus attribuas sonitus et odores ;<br />

Sic , oculis quoniam non omnia ceinere quimus9<br />

Scire icet » ip«dam tain constare orba. mhn 9<br />

§30<br />

§3S


S8 LUCIECE.<br />

m dissipent avant même que les parties ne retournent<br />

à la matière.<br />

Enfin, tu nous accordes que tous les êtres ne<br />

Jettent pas des sons ou des odeurs, et par conséquent<br />

tu ne les supposes pas tous odorants ni sonores<br />

: de même, comme tous ne peuvent être<br />

saisis par la vue? tu dois en conclure que les us<br />

manquent de coloris aussi bien que les autres de<br />

parfum et de son, et que des esprits pénétrants<br />

se les figurent aussi bien sans couleur que sans<br />

toutes les autres qualités ou marques sensibles.<br />

Au reste, ne crois pas que la nature dérobe<br />

seulement la couleur aux atomes : elle les soustrait<br />

au froid, aux vapeurs tièdes, aux vapeurs<br />

cbaudes ; les empêche de pro<strong>du</strong>ire le son, et ête<br />

les sucs humides à leur maigre substance, qui ne<br />

contient et ne répand aucune senteur. Ainsi toimême<br />

f lorsque tu veux composer un doux parfum<br />

avec la marjolaine, la fleur <strong>du</strong> nard, ou la<br />

myrrhe t ce nectar embaumé des narines, tu dois<br />

chercher, autant que possible, les huiles les moins<br />

odorantes et qui ne laissent échapper aucun soufie<br />

fétide, pour ne pas mêler au pur esprit des<br />

ieurs un corps infect qui puisse l'échauffer et le<br />

corrompre.<br />

De même les atomes, quand ils forment les<br />

êtres, ne doivent employer ni odeur ni son, puisque<br />

rien ne se détache de leur substance, et que<br />

par conséquent le goût, le froid, la vapeur chaude,<br />

la vapeur tiède, ne peuvent en émaner. Tout ce<br />

qui forme la nature mortelle des corps, la mollesse<br />

qui les assouplit, la corruption qui les brise,<br />

Qustà sine odore ullo qqodam, soniiiique rémois :<br />

Née minus iiaec animum cognoscere posse sagacem t 840<br />

Quam qn» stmt aliis rébus prfvata nottque.<br />

Sed ne forte putes, solo spoliata colore<br />

Corpora prima manere ; etiam sécréta teporii<br />

Sont ae frlgoris cmmino calidique yaporis :<br />

Et sonitu slerila 9 et suco jejuna ferunlur ; 845<br />

Née jaciunt ullum propriura de corpore odorem.<br />

Sicut amaraclni blau<strong>du</strong>m stacteque liquorem t<br />

£1 nardi lurent , nectar qui naribua liaiat »<br />

Quom facere instituas; cumprimis quœrere par est »<br />

Qtioad licet» ac posais reperire, inolentis criivi 850<br />

ffaturam , nullam qua initial naribus auram :<br />

Quam minime ut possit mistos In corpore ©dores,<br />

Concoctosque sno contactes perdere ?iro.<br />

Propterea dèbent eadem primordia rerum<br />

Ion adbibere suum gignundës rebua odorem » 815<br />

ttec sonitum ; quoniam nihil ab ae niittere possunt,<br />

Nec simili ratione saporem deniqarquemquaiii, •<br />

Nec aigus, neque item cali<strong>du</strong>m tepl<strong>du</strong>mque ?aporem.<br />

Cetera, qu« quoin ita sunt terneo, ut morteliaconstant 9<br />

Molli lente » fragosa putri, mm corpore raro» 8S0<br />

Omiria sint a principieia sejuncto ueccsst esl;<br />

Immortelia si tolnmus subjungere rébus<br />

Fundameote f quibus nilatur summa salutis :<br />

le vide qui ies creuse, sera nécessairement écarté<br />

des atomes, si nous voulons asseoir le monda<br />

sur des fondements impérissables, qui soient la<br />

base <strong>du</strong> salut unifersel, et qui empêchent toute<br />

la nature de retourner aux abîmes <strong>du</strong> néant.<br />

Tu dois avouer aussi que les êtres qui tentent<br />

naissent pourtant de germes insensibles; et tout<br />

ce que nous avons sous les yeux, tout ce que<br />

nous sommes à portée de connaître, loin de démentir<br />

et de combattre ce fait, semble nous y<br />

con<strong>du</strong>ire par la main, et nous obliger à croira<br />

que des éléments inanimés, je le répète,pro<strong>du</strong>isent<br />

les animaux.<br />

In effet, il est facile de voir que le ver éclot et<br />

prend vie dans la ftrogp, lorsque des pluies intempestives<br />

engendrent la corruption dans le<br />

loi humide. Tout se transforme de même. Le«<br />

eaux tournent en feuillage, les gras herbages en<br />

troupeaux ; les troupeaux changeant de nature se<br />

font hommes, et la chair humaine va souvent accroître<br />

les forces des bêtes sauvages, ou la substance<br />

des oiseaux. La nature forme donc avec<br />

une nourriture morte des corps vivants, et elle<br />

tire de là tous les êtres sensibles : comme <strong>du</strong> bois<br />

aride naissent les flammes ondoyantes, et commt<br />

tout se convertit en feu.<br />

Pe vois-tu pas alors combien importent la disposition<br />

,1e mélange des atomes, et les mouvements<br />

que tous impriment ou reçoivent?-<br />

Pourquoi donc ton esprit, ébranlé par le<br />

doute» cherche-t-il des objections vaines, et re*<br />

fuse-t-11 de croire que dps oorp insensibles for*<br />

Me tîbl res redeant ad allum fijoditus oaines,<br />

Nunc ea, qoasentire fidemus quomque» necesseest, ^€\à<br />

Ex insensilibus tamen omnîa eonfiteare<br />

Prineiptels consi^re, neque id manifesta réfutant ,<br />

Mec contra pupantt in promtu copita quae suot ;<br />

Sed magit ipsa manu <strong>du</strong>cunt» et credere eogunt,<br />

E^ insensilibus » quod dieo, tnimalia gignL 870<br />

Quippe videre licet» TITOS eisistere fermeis<br />

Stercore de tetro, putorem quom sibi nacta est<br />

Intempestif is ei iinbribus hnmida telîus :<br />

Praeterea etpetas itidem res vortere sese.<br />

Vortunt se fluviel in frundeif, et pabula lœte 87^<br />

In pecudes; vortunt pecudes il corpora noatra<br />

Maturam ; et noslro de corpore saepe ferarum<br />

Augescunt vires, et corpora pennipoteatum.<br />

Ergo onineis oatura cibos in corpora viva<br />

¥orlit 9 et liinc semus animaptum procréât otiiticis : asoi<br />

Mon alia longe ratione, atque arida ligna<br />

Ëxplicat in iammas, et in ipeis omfiia irorsat.<br />

|anme fides igitnrf magoi primordia reium<br />

leferre in quali sint ordine qnœque locata y<br />

Et comntiita quibtis dent motus accipiantqne ? 88J|<br />

Tum porro quld id estf animotn qiod percutit ipsufB p<br />

Quod movet, et farios sensus eipromere cogit9<br />

E% insensilibus ne aedas sensUe gipi ?


DE Là NATU1E DES C10SES, UV. II.<br />

nent ni être qui seit? Est-ce parée que les<br />

pierres, le bois et la terre , quoique mêlés ensemble,<br />

sont incapables de pro<strong>du</strong>ire le sentiment et<br />

1m Yteî Mais ici rappelle-toi nos arrangements :<br />

Je ne feux pas dire que tous les eorps générateurs<br />

feûfantent au hasard et sur-le-champ des êtres<br />

organisés pour sentir. Il importe , je-le répète f<br />

que les éléments de ces êtres aient telle grandeur^<br />

telle forme, tels mouiements, tel ordre, telle<br />

position ; et ees qualités manquent au bois 9 aux<br />

mottes de terre. Néanmoins ces corps, quand ils<br />

•ont gâtés par les pluies, engendrent des vermisseaux,<br />

parce que leurs atomes, bouleversés alors<br />

par une circonstance nouvelle, forment un assemblage<br />

de telle sorte que des animaux doivent en<br />

naître.<br />

Lorsque f sur la foi de quelques hommes, on<br />

donne pour élément à la sensibilité des atomes<br />

sensibles, on rend aussi les atomes mous ; car le<br />

sentiment ftit partie des entrailles, des nerfs, des<br />

veines, toutes choses molles et que nous voyons<br />

formées de substance périssable.<br />

Supposons, pourtant» que ces atouts puissent<br />

éternellement <strong>du</strong>rer. Toujours est-il que-tu dois<br />

les croire sensibles, ou comme partie desêtws,<br />

m comme tout pareil aux êtres entiers. Or, les<br />

prties sont incapables de sentir : I le faut bient<br />

puisque chacune repousse les impressions des<br />

autres, puisque la main détachée <strong>du</strong> corps et tous<br />

les membres à part ne conservent aucune sensibilité,<br />

leste donc à faire des atomes autant de<br />

petits êtres- Mais alors peut-on les appeler élé-<br />

Mimiram lapides et ligna et terra quod uaa<br />

Mixta tamen nequeimt ?liaient reddere saisira. §90<br />

Illud in bis igitur fœ<strong>du</strong>s ntemiuisse decebit 9<br />

Non ex omnibus ontniao 9 quœquomque créant res 9<br />

Sensite , et extemplo me gigot dicere seiisus :<br />

Sed ntagoi referre, eaprimom quaittulaconstant,<br />

SeosUe quae facitmt 9 et qua sial prœdita forma ; DSô<br />

Mottbus, ordiiitms, positons denique quœ sint;<br />

Quaram ni rerum in lignis, glebisque ?idemus :<br />

El lamen hœc, quota suai quasi putrefacta par imbreis »<br />

Yermiculiis pariant ; quia corpoca inaterial,<br />

Aatiquia ei ordinilius permota no?a re y<br />

900<br />

ConciliaMur itay ut debent anîntalia glpî.<br />

Beinde ex sensilîbus quom sensile pusse crearl<br />

Constituant 9 porro , ei idiis sentira suetei 9<br />

Mollia cemiciunt : nam sensus jtingitur omnis<br />

Yisceribus, nerveis, veneis, quaequomque videmus 1105<br />

Mollia mcirtali consistera corpore creta.<br />

Sed tanten esto jam t posse liœc œtenta manere :<br />

lerope tamen debent aut sensum partis liabere 9<br />

âut similes toteis aniutaltbns esse pu tari.<br />

ât| nequcant per se partes sentira f necesse est ; uio<br />

Mniiqiie alios sensus membrorum respuil outnb :<br />

lee maiius i nobls potis est sécréta, leque ullê<br />

Corporîs oraniito sensum pars sola teuère.<br />

Unqtdbur». ut toteis animalibus adsimilentur;<br />

menti des choses? Éviteront-ils les rentiers de la.<br />

mort, eux qui sont des êtres contenus dans un<br />

être mortel, et qui ressemblent à la masse?<br />

Fût-ce même possible, leur concours, leur<br />

assemblage pro<strong>du</strong>ira seulement un amas et uni<br />

multitude de corps animés : comme les hommes f<br />

les troupeaux et les bêtes sauvages, dans leurs<br />

unions, ne peuvent engendrer que leur espèce. De<br />

cette façon, tout devrait être sensible comme<br />

nous.<br />

Si les atomes se dépouillent de leur sensibilité<br />

propre, mais que les assemblages acquièrent<br />

une sensibilité 'nouvelle, pourquoi leur avoir<br />

donné ce que tu leur êtes! D'ailleurs, et cet<br />

exemple nous a déjà servi de refuge, puisque<br />

nous voyons les œufs se changer en oiseaux vivants,<br />

ks vers éclore <strong>du</strong> sol qui fermente, gâté<br />

par des pluies intempestives, II est clair que le<br />

sentiment peut naître de corps insensibles.<br />

Peut-être dira-t-on que les atomes engendrent<br />

la sensibilité qui leur manque pr un changement<br />

pro<strong>du</strong>it avant de se manifester, comme les êtres<br />

qui naissent Mais il me suffira de faire voir et<br />

de prouver que toute naissance vient après un<br />

assemblage, que rien ne change sans un assemblage<br />

nouveau. Le sentiment ne se forme<br />

donc pas avant le corps sensible : car les atomes<br />

jusque-là demeurent épars dans les airs, dans<br />

l'eau, dans le sol, ou dans ce que le sol enfante;<br />

<strong>du</strong> moins, si la matière se rassemble, les<br />

mouvements harmonieux de la masse, nécessaires<br />

à la vie, ne sont pas encore réglés, et eux seuls<br />

Vital ut possint conseolire undtque seusu. 9i&<br />

Qui potentat igitur reruai prlmordia dici 9<br />

Et leti vltare vias9 animalia quom skt 9<br />

Atqne, auimalibus in mortalibus, uua eademque?<br />

Quod tamen ut possint! ab coetu coneilioque<br />

Mil facient preter folgum turbamque animante» ; §M<br />

Sdlieet, ut nequeaut homtoes » arment!, ferœque<br />

Iiîter sese ullam rem gîgsere coo?eniundo.<br />

Sic itidem , qua seaUotus 9 seatire necesse est.<br />

Quod si forte su uni dimittont corpore sensum $<br />

Àtque «Hum capiunt ; quid opus fuit attribui id f que % 'i.%<br />

DeUahttur? Tum praeterea, quo fbgimus ante,<br />

Quatenus la pulios animale» vorlier ova<br />

Cernimos alituum, vermeisque effer?ère, terrant<br />

lïiîempmtnos quom putor cepit ob imbreis;<br />

Scire licet gigni posse ex non sensibu' sensus. |li<br />

Quod si forte aliquis dicet 9 <strong>du</strong>mtaiat oriri<br />

Posse ei non sensu sensus mutabilitate<br />

âute y aliquo tauquam parlu 9 quam proditur eiira:<br />

Huic satis illud erit f planum facere atque probai^ y<br />

Mon ieri partum 9 nisi conciUo ante coacto ; %.^<br />

Mec quidquam commutari sine coficiliâla<br />

Pfîfîcipfom ; nequeunt ulius corporis esse<br />

Sensus ante ipsam genitam naturam animantii :<br />

Mimirtim 9 quia maleries dkjecta tenetur<br />

Acre 9 luminibus y terris f terraqut ersatii j<br />

f ^* i<br />

2t§


m<br />

allument le flambeau des sens qui veillent! la<br />

garde des êtres.<br />

Les êtres sont-ils frappés plus fort que ne le<br />

put en<strong>du</strong>rer leur nature, le coup les abat aussitôt<br />

f et bouleverse les organes de leur âme : les<br />

éléments sont arrachés de leur place, le mouvement<br />

vital expire; si bien que la masse des<br />

atomes, ébranlée dans tous les membres, brise<br />

les nœuds de la viey la détache <strong>du</strong> corps, et la<br />

rejette pr toutes les issues. En effet, que pouvons-nous<br />

attendre <strong>du</strong> choc, et que fera-t-il f à<br />

moins de tout dissiper et de tout rompre?<br />

Souvent aussi, lorsque le coup a moins de<br />

violence, le mouvement harmonleui de la vie<br />

triomphe par un dernier effort : il dompte la matière<br />

que soulève le choc, il apaise ses désordres,<br />

il rétablit son cours, il arrête le mouvement<br />

destructeur déjà maître <strong>du</strong> corps, et rallume les<br />

sens à demi éteints. Car est-il autre chose qui<br />

ranime le souffle de la vie chez les êtres quand<br />

Ils sont aux portes de la mort, et qui les empêche<br />

de suivre leur penchant à la ruine?<br />

D'ail leurs, on souffre quand les atomes de<br />

matières, tourmentés par un choc au fond des<br />

entrailles ou des membres, se déplacent; et<br />

quand ils retournent à leur poste, la douce volupté<br />

les accompagne. Tu peux en conclure que<br />

les éléments échappent aux atteintes <strong>du</strong> mal, et<br />

ne recueillent en eux-mêmes aucun plaisir; car<br />

fis ne sont point un assemblage de ces corps<br />

Mec, congressa modo, vitaleîs confeoieateis<br />

Cootulit intor se motos, quibus omne tuantes<br />

Accensei seosus animantem qoamque tueiiltir.<br />

Praterea quamris animante»! grandior ictus »<br />

Qnam ptitur natura 9 repente afligit , et omneis 945<br />

Corporis atque aoiroi pergit confundere semm :<br />

Dissoif un tu r enim positons principiorum f<br />

El penitus motus fitaies impediuntur;<br />

Uonec malarias f omneis ooncussa per artus,<br />

Yitaleîs mimm nodos e corpore sol vit 9<br />

LUCRECE.<br />

950<br />

Dispcrsaoïque foras per caolas eicit omneis.<br />

Nam quid praeterea facere ictum posse reamur<br />

Oblaluin y ni si discutera ac dlssoîvere quœque ?<br />

Fit quoque » uli soleant, minus oblato acrilcr iclii ,<br />

Reliquùe motus yitalis Tiocere saepe ; 955<br />

Yincere f et ingenleis plagae seiJare tiimtiltusf<br />

Inqne suos quidquid rursus revocare meatus ;<br />

Et quasi jam leti domiuaiiteiii in corpore motum<br />

Discutera, ac paene amissos accendere sensus.<br />

Nam f qua re potius leti jam lîmine ab ipso 9§0<br />

Ad ritam possint, eonjecla mente f re?orti,<br />

Qnam, quo deciirsum prope jam siet, ire et abîre?<br />

Praeterea, quoniam dolor est , ubi materiai<br />

Corpora, ?i quadam per viscera fiva, per artus»<br />

lolieitafa , suis trépidant in sedibus inttis ; 9S5<br />

Inque loctim quando remigrant 9 M blanda voloptas;<br />

gcire licei, nullo primordia posse dolore<br />

Tentari ; nullanriqiie ?oluptatem tapera ei se :<br />

élémentaires^ dont les bouleversements puissent y<br />

semer la douleur ou la jouissance. La matière<br />

ne doit donc pas être sensible.<br />

Quoi! pour que les animaux sentent, il faut<br />

accorder le sentiment aux atomes? Ainsi, les<br />

éléments propres à la race des bommes sont agigitéspar<br />

le tremblement <strong>du</strong> rire; la rosée des<br />

pleurs baigne leur visage, leurs joues; ils sont<br />

habiles à parler sur la substance des êtres 9 et<br />

ils cherchent à voir leur propre base. Carf puis*<br />

que ces atomes ressemblent à des hommes 9 il<br />

leur faut aussi des corps élémentaires ; autre<br />

eorp, autres germes ; et ainsi de suite, sans que<br />

tu oses jamais interrompre la chaîne. Je te suivrai<br />

sans relâche, pour imposer, à tout être que<br />

tu auras doué de la parole, <strong>du</strong> rire, de la sagesse,<br />

des atomes doués de même. Mais si nous<br />

ne voyons là que des idées folles et le comble de<br />

la sottise; si on peut rire sans atomes qui rient;<br />

si on put raisonner avec sagesse, parler avec<br />

éloquence, sans atomes éloquents ni sages,<br />

pourquoi les êtres qui sentent ne seraient-ils pas<br />

également formés par un mélange de corp insensibles?<br />

Enfin, nous sommes tous nés <strong>du</strong> ciel; nous<br />

avons tous le ciel pour père : <strong>du</strong> ciel tombent les<br />

eaux pures ; et quand les gouttes pénètrent au<br />

sein de la terre bienfaisante, cette mère féconde<br />

des êtres, elle pro<strong>du</strong>it les grasses moissons, les<br />

arbres fertiles, la race des hommes; elle pro~<br />

Quandoquidem non sunt et ollis priocipiorum<br />

Corporibus, quorum motus novitate laborent, 970<br />

Aut aliquem fnictum captant <strong>du</strong>lceditiis almae :<br />

ffaud igitur debent esse ullo praedita sensu.<br />

Beuique uti possiiit sentire animalia quaeque t<br />

Principieis si jam est sensus trîbueidtis eoram :<br />

Quid? geins liumanum propritîm de quitus auctum est»<br />

Scilicet et risu tremulo conçus» cacliinnant, 976<br />

Et lacrumis sprgunt rorantlbus ora genasque;<br />

Multaque de rerum miitura dieere callent,<br />

Et, sibi proporro quae sint primordia, quaerunt ;<br />

Qiiaudoquidem toteis morlalïbus adsiroilata, 98i<br />

Ipsa quoqtie ex aliis debent constare démentis ;<br />

Inde alia ei aliis » nusquam consistera ut ausis.<br />

Quippe sequar» quodquomqne loqni ridereque dices,<br />

Et sapera» ex aliis, eadem faœe facîeetibûs, ut ait.<br />

Quod si délirabaec furiosaqiie cernimus esse, 9SS<br />

Et ridere potest non ex ridentîbus auctus,<br />

Et sapere, et doctis rationem reddere diclis,<br />

Non ex semlnibus sapientibus atque disertîs :<br />

Qui minus esse queant ea, qu» sentire videmus,<br />

Seminîbus permlxta carentlbus uidique sensu ? mû<br />

Denique cœfesti sumus omnea semine orîundei ;<br />

Omnibus ille idem pater est; unde aima liqiienteis<br />

Humoris guttas mater quom Terra recepil,<br />

Fêta prit nitidas fruges, arbustaque laeta,<br />

Etgenus humanum; prit omnîa aëfcla fenriun; 9%<br />

Fabula auoiD priebet, quibus onwes corpora paaciiQt,


iuit toutes les espèces vivantes : car elle leur<br />

foirait la pâture dont tous les corps se nourrissent,<br />

et où ils puisent avec la douce vie les<br />

germes de leur postérité. Aussi mérîte-t-elle<br />

ce nom de mère que les hommes lui donnent<br />

Orf tout ce qui vient <strong>du</strong> sol y retourne ; tout<br />

ce que les airs nous envoient re<strong>mont</strong>e veis<br />

le del, et les airs le recouvrent. La mort anéantit<br />

les êtres, et non pas les atomes ; elle ne fait que<br />

rompre leur assemblage, pour les assembler encore<br />

de mille façons diverses : aussi les êtres changent-ils<br />

sans cesse de forme, de couleur; et dès<br />

que le sentiment les anime f le sentiment leur<br />

échappe. luge donc combien importent le mélange<br />

f la disposition, les mouvements réciproques<br />

des atomes; et crois à leur éternité, quoique<br />

nous voyions à la surface des choses une matière<br />

flottante qui semble ne recevoir la vie que pour<br />

la perdre. Quoi de plus essentiel, dans ces vers<br />

mêmes 9 que la combinaison et la place des lettres<br />

assemblées ? Car les mêmes qui désignent<br />

le ciel, la mer, les fleuves, la terre, le soleil,<br />

expriment aussi les moissons, les arbres> les<br />

animaux : sinon toutes, au moins la plupart,se<br />

retrouvent en mille mots, et leur position seule<br />

les distingue. Les atomes agissent de même sur<br />

les corps; et cpand leur intervalle, leur direction<br />

f leurs rapports, leur poids, leurs chocs,<br />

leurs mouvements, leur ordre, leur p!ace, leur<br />

forme changent, les corps doivent aussi changer.<br />

A présent, ô Memmiiis f sois attentif à la voix<br />

de la sagesse : car des vérités inconnues brûlent<br />

Et<strong>du</strong>lceot <strong>du</strong>cuot vilain, prolemqiie propagant:<br />

Quipropter mérita maternum nome» adapta est.<br />

Ccdit item rétro» de terra quoi fuit ante »<br />

In terras ; et, quoi missum est ei aetlieris oris,<br />

ld rarsuin cœli relitum templa receptant :<br />

Bec sic interimit mors res 9 ut materîai<br />

Corpora cooicitt , sed certain dissupat olleis :<br />

Inde alîeis aliud conjungît ; et cfficîl f omîtes<br />

les îta eoovortant formas, motenfqoe colores,<br />

Et capiaot sensns, et pimcto tempore reddant;<br />

Ut noscas referre» eadem priraordia lerum<br />

CaîB quibus, et quall positura contineatittir»<br />

El quos inter se dent motus accipiantque ;<br />

Nete putes arterna param i-esidere potesse<br />

Corporm prima, qtiod in summis finît are videmus<br />

Rébus » et inter<strong>du</strong>m nasei» suWtoque perlre.<br />

Quin etiam refert, noslrl^ in versibus îpsis,<br />

Com quibos, et quati sipt online quicque locata.<br />

3amque eadem coelum, mare, terras, flumina, solem, 1015<br />

Slpificaol; eadem fruges, arbusta9 animanteîs.<br />

Si non omnia sint, at molto maxuma pars est<br />

Coosimilis; teram positura dlscrepitant res :<br />

Sic ipsis in rébus item jam materiai<br />

Intenalla, vise, connexus, pondéra, plagae,<br />

Concursus, molos, ordo» positura, figura<br />

Qtiom permulantur, niulari res quoque détient<br />

DE LA NÀTtJlE DES CHOSES, L1V. E. 41<br />

1000<br />

1005<br />

1010<br />

1020<br />

de se faire jour à tes oreilles, et la nature se<br />

<strong>mont</strong>re sous une face nouvelle. Mais est-il des<br />

choses si simples qui ne soient, au premier aspect,<br />

difficiles à croire? De même, les hommes<br />

ne voient rien de si magnifique, de si' admirable,<br />

que leur admiration ne finisse par diminuer<br />

à la longue.<br />

Le brillant azur <strong>du</strong> ciel, la lumière flottante<br />

des astres épars dans le vide, la lune f le soleil<br />

aux feux éclatants, les émeuvent à peine. Mais<br />

suppose que ces astres, encore dérobés aux mortels<br />

, leur apparaissent tout à coup et les surprennent<br />

: est-il alors un spectacle plus merveilleux,<br />

et que les peuples eussent osé moins attendre ? le<br />

ne puis le croire, tant ils exciteront le ravissement<br />

des hommes! Au lieu que maintenant on<br />

se lassede les voir, on ne daigne plus jeter un re*<br />

gard sur les dômes éblouissants <strong>du</strong> ciel.<br />

Ainsi donc ne rejette pas de sages idées,<br />

parce que leur forme nouvelle te fait ombrage.<br />

Pèse-les plutôt avec intelligence : si elles te semblent<br />

vraies , rends les armes ; attaque-les f si tu<br />

les trouves fausses. La raison me guide : comme<br />

des espaces sans fin existent au delà des remparts<br />

<strong>du</strong> monde, mon esprit cherche ce que renferment<br />

ces lieux, où la pensée aime tant à plonger un regard<br />

avide; et mon esprit est libre de voler où<br />

son essor le pousse.<br />

Établissons d'abord que de toutes parts, en<br />

tous sens, de chaque côté, en haut, en bas, le<br />

tout universel manque de bornes : nous avons<br />

prouvé le fait, il parle de lui-même, la nature<br />

M une animum nobis adhibe •eram ad rationem :<br />

Mam tibi veberaenter mm& res molitur ad aureis<br />

âccidere 9 et nota se species ostendere rerum. 102$<br />

Sed neque tara facilis res «Ha est, quin ea primum<br />

DifficUis magis ad credon<strong>du</strong>m constet ; itemque<br />

Nil adeo magnum y neque tara mirabile qnidquamf<br />

Qiiocl non paullatim mintiant mirarier omnes.<br />

Principio cœli clarum purumque colorem, 1030<br />

Quemque in se cohibent palantia sidéra passim t<br />

Lunamqtie» et solis praeelara lucenitorem :<br />

Omnia quae nunc si primum mortatlbus esse fit»<br />

Ex improviso si sint objecta lepnte ;<br />

Quid magis bis rébus poterat mirabile dici, 1035<br />

Aut minus ante quod auderent fore credere gentes?<br />

Nil nt opinor; lia lœc species miranda fuisset 1<br />

Qnam tibi jam nemo fessus satiate fidendi 9<br />

Suspicere in cœli dfgnatur lucide templa.<br />

Desine quapropter» no? itate eiterritus ipsa, 1040<br />

Exspuere ex aniroo rationem ; sed magis acri<br />

Judicio perpide : et, si tibi vera ildentur,<br />

Dede manus ; aut 9 si falsum est , acdngere contra.<br />

Quscrit enim rationem animus 9 quom summa loci sit<br />

Infinita forisf hœc eitra mcraiia mundi 9<br />

Quid sit ibi porro, quo prospicere usque velit mens ;<br />

Alque animi jactus liber, quo perfolit ipse.<br />

Principio nobis in cuncfas undique prteil ,<br />

104§


sort au innocents qui ne la méritent pas?<br />

Après la naissance <strong>du</strong> monde, dès que se leva<br />

ii jour où furent engendrés la terre, les ondes,<br />

te soleil, de nombreux atomes, ajoutés au dehors,<br />

enveloppèrent et enrichirent la masse. Ces<br />

germes émanaient <strong>du</strong> grand Tout qui les amoncela<br />

pour accroître les eaux, les terres; pour<br />

élargir les palais <strong>du</strong> ciel ; pour hausser leurs<br />

voûtes, les écarter <strong>du</strong> sol » et reculer au loin la<br />

cime ies airs. Car ils jaillissent de toutes parts<br />

sous mille chocs qui les distribuent aux corps<br />

analogues, et les unissent à leur espèce : Teau<br />

attire l'eau, la terre se nourrit de substance terrestre,<br />

le feu engendre le feu, l'air alimente Pair.<br />

Achevant enin son œuvre, la Nature con<strong>du</strong>it les<br />

êtres au terme de leur croissance ; ce qui arrive,<br />

quand le suc vital intro<strong>du</strong>it dans les pores égale<br />

le luiie qui se perd : alors les progrès de la vie<br />

fessent, et la nature puissante met un frein aux<br />

envahissements des corps.<br />

Ainsi donc ceux que tu vois atteindre par<br />

pn développement heureux et insensible le dernier<br />

échelon de la maturité engloutissent plus<br />

d'atomes qu'ils n'en rejettent. Les aliments y<br />

trouvent partout des voies faciles ; les pores ne<br />

sontpasassci larges pour que les pertes abondent,<br />

et la masse dépense moins que sa nourriture ne lui<br />

donne. Sans doute de nombreux atomes députent<br />

et se retirent des êtres, ii faut en convenir<br />

; mais un nombre plus grand encore les remplace<br />

, tant que les êtres ne sont pas au faite de<br />

tefiat, eiercens telum, quod pepe noceoleis<br />

Pnelerit» eiaoimatqoe indignos inque merentek?<br />

Multaqoe post mnnii tempus génitale, dienique 1105<br />

priadgenom maris et terra sollsque coortum »<br />

Addita corpora suiit extrinsecus, iddita circuro<br />

Semina» qiue magnum jaculando contulit Omiie ;<br />

Onde mare et terrae passent augescere » et unde<br />

âpparerei spatium cœli domus 9 attaque tecta 1110<br />

Tolleret m terris procul; et cousurgeret aer.<br />

Ham sm quoique locls ex omnibus omnïa plagia<br />

Cmpora distrlbuuntur, et ad sua pela rece<strong>du</strong>it :<br />

Humor ad humorem, terreoo corpore terra<br />

prescit ; cl jgoem igues procu<strong>du</strong>itt, îptheraque œther : 1115<br />

Optique ad eitrenniiû crescundl perlca fioem<br />

Onmia per<strong>du</strong>itt rerum Natura creatrix :<br />

pt il, ibl olhllo jam plus est 9 quod datur intra<br />

Vitdeb veoas, quai» quod luit atque recedit.<br />

Omnibus hls «las débet consistera rebua ; 1 i 20<br />

tik Ratura sois refrénât ¥iribus anctum.<br />

Nam qo»qaomqui f Ides bllarem grandescere ad auctuin,<br />

PfeDDaUmque gra<strong>du</strong>a aetatfs scapdere a<strong>du</strong>llp 9<br />

plura sibi assument, quam de se corpora mittuity;<br />

Dom facile In tenus clbus omiieîs inditor, et dom 1125<br />

9#D ita sont Ma dispersa » al multa remittaat »<br />

it plus dispendt fadani, quam irescitur «tas.<br />

Pant eerta ûmm atquc recedere corpora rebiis<br />

Multa, manus dai<strong>du</strong>m est; se


44 LUC1ÈCH<br />

tes rocs, leur aient donné la vie : mais ils la<br />

doivent à cette terre qui les nourrit encore de<br />

sa substance.<br />

D'ailleurs, elle créa pour les premiers hommes,<br />

elle créa spontanément et leur offrit ellemême<br />

les riantes moissons» les vignobles et les<br />

gras pâturages, doux enfants <strong>du</strong> sol, qui de nos<br />

jours poussent et grandissent à peine sous des<br />

mains actives. On use des bœufs, on consume<br />

des hommes, et à peine suffisent-ils à la terre<br />

paresseuse : tant les fruits dépérissent et ont<br />

besoin de travail pour croître 1 Déjà le vieux laboureur,<br />

secouant la tête, gémit de ses efforts<br />

per<strong>du</strong>s, de ses sueurs inutiles ; et quand il compre<br />

son temps aux temps passés, il vante le<br />

bonheur de son père. Triste comme lui, épuisé<br />

comme sa vigne, le vigneron accuse de même<br />

les temps qui changent; il tourmente le ciel, il<br />

crie sans cesse que les générations antiques, occupées<br />

seulement des dieux, tiraient une subsistance<br />

facile de leur humble domaine, quoique chacun<br />

eût moins de terre que mous : mais 11 ne sait pas<br />

que la vieillesse dévore lentement les êtres, et<br />

que le monde court à si perte, déjà fatigué par<br />

les âges.<br />

LIVRE III.<br />

Toi qui, le premier, as su faire jaillir de<br />

ténèbres si épaisses une lumière si vive f nous<br />

éclairant sur les intérêts de la vie, je te suis, honneur<br />

<strong>du</strong> peuple grec, et déjà sous mon pied je<br />

couvre, je presse la trace de tes pas : non que je<br />

Prœterea, nitidas fruges» vinetaque teta,<br />

Sponte sua primnm mortallbus ipsa creavit ;<br />

Ipsi dédit <strong>du</strong>lcels fétus et ptbiila taeta , 1100<br />

Quie ntinc vit nostro grwidescunt aucta labore;<br />

Conterimoaqne boves, et f irets agricolarani<br />

Couficimus, sereis vin arveis suppedilatei :<br />

Usque adeo pereont fétus, augentque labore I<br />

Jamque » caput quassans 9 grandis suspirat arator 1165<br />

€ referais in cassum magnum cecidisse laborem ;<br />

Et, quom tempora temporibiis praesenlia eoofert<br />

Praeteriteis, laudai fortunas sœpe parentis.<br />

Tristis ilem vetulae fitis sator» alque [fatiaccns,]<br />

Temporis ineusat momen, ccelumqua fatigat ; i 170<br />

Etcrepat» antiquim gênas ot pietate replelum<br />

Perfacile angustîs Merarit ioibus œvoii t<br />

Quom roinor mmt agri multo mo<strong>du</strong>s ante viritim :<br />

Nec teuet, omnia paillatîm tabescere, et ire<br />

Ad captiiuin , spalio œtatis defessa ?etualo. 1 f 75<br />

LIBER III.<br />

E tenebris tantis tam clarum extollere lumen<br />

Qui primus potuisti, inltistraos commoda vite,<br />

Te sequor, 0 Graiae gentls décos î inque tuisnunc<br />

Ficta pe<strong>du</strong>m pono pressis ve&tigla signls;<br />

Non ita eertandi cupi<strong>du</strong>s f quam propter ainorem, 5<br />

veuille tenter la lutte ; mais, épris de ta sagesse,<br />

je brûle de t'imiter. Vit-on jamais hirondelle te<br />

disputer aux cygnes? Le chevreau»%tremblant<br />

des membres, peut-il rien faire qui vaille le généreux<br />

effort <strong>du</strong> coursier robuste? Toi seul Inventas<br />

ces choses, et tu es un père qui nous lais*<br />

sestesleçonsenhéritagerdans tes œuvres, illustre<br />

sage f comme dans les bois leuris que dépouillent<br />

les abeilles rongeuses, nous aspirons tout le suc<br />

de tes paroles, où l'or, où for pur éclate f et qui<br />

sont à jamais dignes de la vie éternelle I<br />

Car aussitôt que le cri de ta raison divulgue<br />

cette nature des choses échappée de ton intelligence<br />

divine, les terreurs des âmes se dissipent, les<br />

barrières <strong>du</strong> monde s'écartent^ et je vois tout<br />

s'accomplir au milieu <strong>du</strong> vide. Alors nfapprafssent<br />

dans leur sainteté les immortels, et leurs<br />

paisibles demeures : elles ne sontexpséesf ni à<br />

la secousse des vents, ni aux averses des nues,<br />

ni aux souillures de la neige condensée par : un<br />

froid aigu, et qui tombe toute blanche ; car un<br />

ciel sans nuages les enveloppe, les inonde toujours<br />

de sa riante lumière. La nature des dieux suffit à<br />

leurs besoins, et en aucun temp aucun souci ne<br />

ronge la paix de leur âme. Mais je ne découvre<br />

pas, en face <strong>du</strong> ciel, les voûtes infernales; et<br />

pourtant la terre ne dérobe point à mes vastes<br />

regards tout ce qui se passe, sous nos pieds, au<br />

fond <strong>du</strong> vide. In examinant ces choses, une céleste<br />

volupté, un saint effroi me pénètrent, de<br />

voir que, sous ta main puissante, la Nature s'illumine<br />

et s f ouvre tout entière, dépouillée de ses<br />

voiles.<br />

Quod te imitari aveu. Qiiid ettim contendat hirundo<br />

Cycois? aut quid nam tremulis facere artubus hsdd<br />

Consimîlein ettrsu possint, et fortts equi vis?<br />

Tu, Pater, es reram inventer; tu patria lobïl<br />

Sobpeditas praecepta : tiiisque ex, incltite, cliartis, 10<br />

Fioriferis ut apes in salttbus omnia limant,<br />

ûronia nos itidem depascimur aiirea dicta;<br />

Aorea, perpétua sempr digmssima ? ita.<br />

Nam, simul acratio tua oœpitvociferari<br />

Naturem reram, divina mente îoortam, fs<br />

Diffugiunt animi terrores ; mœnla mundi<br />

Disce<strong>du</strong>nt, totum video per ïnane geri res :<br />

Adparet Divôm numen, sedesque quiets;<br />

Quas neque eoiciiiîiiol vente! f nec nubila nîmbis<br />

Adspergunt; neque nix, acri concreta pminaf<br />

Cana cadens, violât : semperque in nubibus aether<br />

Integer, et large diffuso lumine ridet.<br />

Omnia subpeditat porro nature 9 neque ulla<br />

les animi pacem delibat tempore in alto»<br />

At contra nusquam adparent Aclierusia templa; îS<br />

Nec telles obstat, quin omnia despïciantor,<br />

Sub pedibus quœquomqoe infra per inane geruntur.<br />

Bis ibi me rébus qunedam ditina f oluptas<br />

Percipit alque borror ; quod sic nature, tua ?i<br />

Tain manifesta patens, ci omni parte retecta est. M<br />

20


Après avoir enseigné ee que sont les éléments<br />

ie toutes choses, et sous combien de formes diverses<br />

ils tourbillonnent d f eui-mêmes, en proie<br />

à une agitation éternelle, et comment tout<br />

peut naître de leur assemblage, je croîs que désormais<br />

il faut éclaircir dans mes vers la nature<br />

des esprits, des âmes, et replonger au néant<br />

cette peur de fÀchéron, qui trouble jusque dans<br />

le fond de ses sources la vie des hommes, en y<br />

répandant partout ta sombre teinte de la mort,<br />

et qui ne laisse pas de jouissances pures et limpides.<br />

Souvent, il est vrai, des hommes proclament<br />

que les maladies et une vie infâme sont plus à<br />

craindre que les abfmes <strong>du</strong> trépas : ils savent<br />

que les âmes sont de la même nature que le sang f<br />

ou même que Pair, suivant leur bon plaisir, et ils<br />

n'ont que faire de nos enseignements. Mais tu<br />

vis reconnaître que ces aères paroles leur échappait<br />

moins par conviction que par gloire : vois<br />

les mêmes hommes chassés de leur patrie, rejetés<br />

bien loin de la vue des autres, souillés de<br />

honteuses accusations, accablés enfin de toutes<br />

les misères..- Us vivent; et, en quelque lieu que<br />

le malheur les pousse, ils enterrent leurs morts,<br />

ils immolent des brebis noires, ils sacrifient aux<br />

dieux mânes; et ces amertumes ne font que rendre<br />

leur esprit plus ardent à la superstition. Il<br />

faut donc attendre les épreuves <strong>du</strong> péril pour<br />

eiamïner un homme, et la mauvaise fortune<br />

pour le connaître; car alors le cri de la vérité<br />

Et quoniam docoï y cunetartini mmàm rernm<br />

Oint» tint» etqiam variis distaatiafonttis<br />

Spûfttesiia voilent, Mémo perdta motu ;<br />

Quelque moio possint res ci bis qaœque creari :<br />

Hasce secondant res animi natart videtar 35<br />

Atque animie cltrmda meis jam versibus esse ;<br />

Et Hiatus ille foras prœceps Acheruntis agun<strong>du</strong>s,<br />

Fonditus liumanam qui vitain turbat abimo,<br />

ûœtîiâ suffundens mortis nigrore ; neque ullam<br />

Este Yoluptatem liquidai» puramque relinqnil. 40<br />

Main 9 quod saepe hommes morbos magis esse timendos<br />

lifamemque ferait vitam, quam Tartan leti;<br />

Et se scire animai naturam,saisguinîs esse,<br />

Aut ettam tcnli f si fart Ita forte Toluntas 9<br />

Hec prorsum quidqaam nostr» rationis egere; 45<br />

Bine licet advortas animum, magis onnia laudis<br />

Jactart causa f quam quod res ipsa probelur ;<br />

iitorres idem patria, longeque fugatei<br />

Conspectu eï hominum, fedatel cri raine tnrpif<br />

Omnibus œrumnîs affecte! denique, ? if ont ; 50<br />

Et quoquomque tamen miserei venere, parentant,<br />

Etnigras mactant peeodes, et Manibu y Mmm<br />

Inferiasniiltant; multoque in rebtis acerbis<br />

Acriiii advortunt animosad religionem.<br />

Qoo mips in dabiis boniment spectare pendis- 55<br />

Consenti, adirorsisqne in rebas noseete, quid sil :<br />

Man wmm foces tmii démuni pectore abimo<br />

DE £A NATURE DES CHOSES, II?. 111. Ab<br />

part enfin de nos poitrines* : le masque tombe,<br />

l'homme reste.<br />

Enfin, la soif de for et la passion aveugle des<br />

honneurs 9 qui poussent les misérables humains<br />

à franchir les limites <strong>du</strong> droit, instruments ou<br />

complices des crimes, et à se consumer nuit et<br />

jour en efforts immenses pour atteindre le faite<br />

des richesses : ces plaies de la vie ne sont alimentées<br />

presque que par la peur de mourir. Car<br />

le mépris infâme, la <strong>du</strong>re misère, semblent incompatibles<br />

avec une eiistence douce et assurée :<br />

ils se tiennent, en quelque sorte, devant tes<br />

portes de la mort. Aussi les hommes, emportés<br />

par de fausses alarmes, veulent-ils sans cesse les<br />

fuir et les repousser sans cesse : le sang de<br />

leurs concitoyens engraisse donc leur fortune;<br />

leurs mains avides entassent et les trésors et les<br />

meurtres; ils suiventavec une joie cruelle le triste<br />

convoi de leurs frères, ils détestent et craignent<br />

la table de leurs proches 1<br />

La même cause, la même pur dessèche les<br />

envieux. Ils voient des hommes qui puventtou^<br />

des hommes qui attirent les yeux et marchent<br />

tout brillants de gloire; eux, au contraire, ils se<br />

roulent dans les ténèbres et la boue : leurs plaintes<br />

éclatent alors; et la plupart meurent pour<br />

acquérir un nom 9 une statue. Souvent même la<br />

crainte de mourir dégoûte les humains de vivre,<br />

devoir la lumière : ces âmes désespérées recourent<br />

à la mort, oubliant que la source de leurs peines<br />

est cet effroi que la mort Inspire; que lui seul<br />

EHciuDtur; et eripltar perso», maiiet res.<br />

Beiîqud a?arilies et honorera caeca cupido,<br />

Quae miseros homfn» cogunt tratsceadere fineis Si<br />

Juris; et interdnm , sœios sccleram atque ministfoa,<br />

Nocteis atque dies niti priestante labore<br />

Ad summas émerger© opes : h«e votaera vits<br />

Non miiumam prtem mortis fcrmidine alunlur.<br />

Turpis enim ferme eontemtus 9 et acris egestas 9<br />

Semota ab <strong>du</strong>lci fila stabilique videntur;<br />

Et quasi jam leti portas conctarier ante.<br />

Unde boulines9 <strong>du</strong>m se, falsoterrore coacteî,<br />

Effogîsse volant longe, longeque reuiosse,<br />

Sanguine elvlli rem confiant 9 ditiUasque 70<br />

Con<strong>du</strong>plicant a?idei , codera oede accumulantes ;<br />

Crudeles gaudeniin tristi funere fratris,<br />

Et consanpineum mensas odere timenlque.<br />

Consimili ratione f ab eodem sœpe timoré<br />

Macérât invidia : ante oculos ollum esse potenten » ; 5<br />

Ollum adspectari f claro qui ineedit lionore ;<br />

Ipseï se in tenebris TohieœnoqueqnenmtQr.<br />

Intereunt prtim ttatuarum et nominis ergo ;<br />

Et sœp usque adeo9 mortis formidine, vite<br />

Percipit humanos odium t lucisque ?Mendae, Si<br />

Ut sibi consciscant mœrenti pectore letum;<br />

ûbïitei fontem curaram banc esse timorem;<br />

ffunc vexare pudorem ; liunc vincala amicittei<br />

Bumpre ; et in summa pietatem etortere sutdet s<br />

§5


48<br />

LUC1ËCE.<br />

attaque leur honneur, lui seul brise les noeuds de<br />

leur amitié, lui seul bouleverse toutes les choses<br />

saintes : car souvent des hommes trahissent et<br />

leur pays et leur chère famille, pour échapper<br />

aux gouffres <strong>du</strong> Tartare.<br />

Comme les enfants qui tremblent et que tout<br />

effraye dans la nuit aveugle, nous sommes assiégés,<br />

au grand jour, de mille terreurs non moins<br />

vaines que celles que les enfants timides se forgent<br />

au sein des ombres. Or, pour dissiper cet effroi<br />

des âmes et ces ténèbres, il ne suffit pas des<br />

rayons <strong>du</strong> soleil, ou des traits éblouissants <strong>du</strong><br />

Jour : il faut la raisoD, et un examen lumineux<br />

de la nature.<br />

J'affirmed f abord que l'esprit des hommes, ou,<br />

comme nous rappelons souvent, leur intelligence,<br />

qui est le siège <strong>du</strong> jugement et le guide de la vie,<br />

ne forme pas moins une portion de leur être que<br />

la main, le pied, ou les yeux, ne sont des parties<br />

<strong>du</strong> tout vivant.<br />

In vain une foule de sages croient*ils que le<br />

sens intellectuel n f a point une demeure particu*^<br />

1ère, mais que e v est une disposition vivifiante de<br />

k masse, nommée par les Grecs Harmonie, parce<br />

que, sans être nulle part, il anime tout ; et comme<br />

BOUS disons un corps plein de santé, quoique la<br />

santé ne soit pas une prtie <strong>du</strong> corps, ils refusent<br />

au sens intellectuel une place fixe. Mais ils se détournent<br />

et se perdent, ce me semble, loin <strong>du</strong><br />

vrai. Souvent le corps, enveloppe visible, souffre,<br />

quand la joie règne dans la partie cachée; souvent,<br />

au contraire, les tourments <strong>du</strong> cœurac-<br />

Nam jam saepe humilies pirîam 9 carosque parenteia 85<br />

Prodiderwit, vttare âctaêrask templa pétantes.<br />

Ram vehiti poerei trépidant» tique omniacacis<br />

lu tenebris meluiint; §ic nos in Ittce timemus<br />

tnter<strong>du</strong>m9 nihio que sitnt metatnda magis9 quant<br />

Qnœ puerai in tenebris pavitent, ingu&tque futur». 90<br />

Bine iptur tarrorem animi tenebrasque, necesse est,<br />

Moi radie! sois, neque lncida teladiei<br />

Discntiant; sed Naturae species, Batioque.<br />

Primim animun dieo, mentem quem saepe foeamiis,<br />

In quo condlium vite regimenqtie locatum est , 95<br />

Esse ho rotais partent nihilo minus, ac mains et pes<br />

Atqtie œulei pries anbnantte totius emstant.<br />

Quamfis multa quidam saplcilum tarda putaruut<br />

Sensum animi certa non esse in prta lœatum ;<br />

Verum babilum quamdam vitakm corporis esse, 100<br />

*Ap|iovi«v Graië qnam dieunt ; quod fkdat nus<br />

Vif are cura sensu f nulle quom in prta sitt mens :<br />

Ut bona ssep valetudo quom dkitur esse<br />

Corporis, at non est tamen hacpars ulla falantis;<br />

Sic animi sensum non certa prte reponant: 105<br />

Magnopre in quo mi ditorsei erraro fidentur*<br />

Siep ïtaque in promptu corpus, quoi cernitur» œgrutn ;<br />

Quom tamen ai alia lietamur parte latenti ;<br />

Et ratro fit 9 ubi contra sit sœpe vidsMm f<br />

Quom miser, em animo tetatur corpora toto : 110<br />

compagnent à leur tour les jouissances <strong>du</strong> corps i<br />

ainsi que f chei un malade, la douleur attaqua<br />

le pied sans atteindre la tête.<br />

D'ailleurs, lorsque les membres cèdent au doux<br />

abattement <strong>du</strong> sommeil f et que le corp éten<strong>du</strong><br />

repose lourd et insensible, il y a en nous un second<br />

être que mille mouvements agitent alors, et<br />

qui éprouve les tressaillements de la joie ou de<br />

vaines inquiétudes.<br />

Maintenant veux-tu savoir que les corp renferment<br />

aussi des âmes9 et ne demeurent ps<br />

toujours en harmonie? Souvent il nous arrive de<br />

perdre la moitié <strong>du</strong> corp, et la vie ne quitte pas<br />

le reste ; ifiais quelques atomes de chaleur qui se<br />

dissipent f un soufie que nos bouches rejettent *<br />

la chassent tout à coup des os et des veineSé Ta<br />

peux en conclure que tous les atomes ne sont pas<br />

également occupés 9 également propres à soutenir<br />

la vie; mais que les éléments de l'air ou de fa<br />

vapur chaude travaillent mieux à la Éxer dans<br />

les membres. Le corp renferme donc unechalenr,<br />

un soufie vital t qui abandonnent les membra<br />

où la mort pénètre.<br />

Puisque nop avons découvert la vraie nature<br />

de l'esprit et de Time f comme partie des hommesf<br />

rends aux Grecs leur Harmonie^ mot emprunté<br />

aui bois harmonieux de 1* Hélicon f ou pris ail leurs^<br />

et appliqué par eux à une chose qui manquait<br />

sans doute de terme propre. Quel que soit ce mot f<br />

qu'ils le gardent; et toi, écoute le reste de mm<br />

paroles.<br />

Je dis à présent que l'esprit et l'âme sont in-<br />

Mon alto pacte f quam si, pes quem dolet œgrif<br />

In nullo capot interea sit forte dolore.<br />

Praeterea, molli quom sonmo dédite membraf<br />

EfTusumque jacet sine sensu corpus ooustum 9<br />

Est aliud tamen in nobis, quod tempro in ollo l îk<br />

MulUmodia agitatur9 et omneis accipit in se<br />

taeiîtiae motus ac curas cordis ifimels. f<br />

Nunc animani quoque ut in membris coguosoere possis *<br />

Esse, nequeharmoDiam corpus relinere soiere;<br />

Prinoipio fit utt y detracto corpore multo y<br />

i tê<br />

Saepe tamen nobis in membris vite moretur ;<br />

Atqne eadeiïî rursum, quom corpora pauea ealoris<br />

Dlffogere f forasqoe per os est editus aer»<br />

Deserit extemplo ¥enas, atque ossa relinquit;<br />

Noseere ut liinc posais, non œquas omnia prtei* m<br />

Corpora babere» lequeei œquo fulcire salulem :<br />

Sed inagis liaec, venti quse sunt calidique vaporis<br />

Semina , curare in membris ut vite moretur*<br />

Esl igitur calor ac feulas vit&lis in jpto<br />

Corpre, qui nobis moribuudos deserit artus. t.m<br />

Quapropter9 quouiam est animi natura reperte<br />

Âlqim animsy quasi pars hominis; redde Imnmmâm<br />

ilomen ab organico saltu ddatnm Meliconis ;<br />

Si?e aliunde ipsei porro traiert y et in ollant<br />

Transtulerunt; proprio qu« tum res Domine egebat : I3i<br />

Quidquid id est f iabeant; tu citera preip dicta.


sépanbles, et font une même substance. Mais le<br />

jugement, que nous appelons esprit ou intelligence,<br />

en est pour ainsi dire la tête, et règne<br />

sur le corps entier. 11 a sa demeure au milieu de<br />

la poitrine. C'est là, en effet, que bondissent la<br />

peur, le saisissement f ou la joie caressante : c'est<br />

donc là que l'intelligence, que l'esprit habite. Le<br />

reste de sa substance, l'âme, disséminée dans<br />

la masse , lui obéit et se meut quand il lui fait<br />

slpe , quand il la pousse. Lui seul a conscience<br />

de soi et jouit de son êtref sans que rien émeuve<br />

ai le corp ni les âmes : et comme les yeux ou la<br />

tête souffrent les atteintes <strong>du</strong> mal sans que tout<br />

le corps en<strong>du</strong>re le même supplice, de même le<br />

chagrin le blesse f la joie le ranime f tandis que son<br />

litre moitié dortau fonddes membres, et que nul<br />

changement ne la trouble. Mais quand une pur<br />

trop forte bouleverse l'esprit, on la voit se communiquer<br />

à l'âme dans tous les organes : la sueur<br />

inonde les corps qui pâlissent 9 les mots se brisent<br />

sur la langue, la Toix eipire, les yeux se trou*<br />

Ment, les membres défaillent f et souvent même<br />

la peur terrasse les hommes. Il est donc facile de<br />

?oir le lien qui joint l'esprit à Time : Fâme que<br />

f esprit a frappée frapp le corp à son tour et le<br />

pane*<br />

La même raison indique que tous deux sont<br />

de nature corprelle. Car ils agitent les membres<br />

et les arrachent au sommeil ; ils altèrent le visage<br />

N une animum atque animant dico conjuncta teneri<br />

Mer se* atque unini naturam conicere ex se;<br />

Sed capt esse quasi. et dominari in corpre tolo,<br />

Cousttiuin , quoé nos animum mentemque vocanras : 140<br />

Mqm sitam média regione in pectorls hœret.<br />

Wcexsnltat enim pavor ac metus; fa«c bca circiim<br />

tetlti» molcent : hic ergo mais antminqne est.<br />

Cetera prs anime » pr totum dissita corpus 9<br />

Paret ; et ad numen menis moatenque motetnr. 145<br />

Mqne sibi solum per se sapit, et sibi pudel»<br />

Qooni neqiie res animant , neque corpus commoiet nna.<br />

Et9 quasi qoom captant oculos, tentante dolore,<br />

Ijoitar in nobis, non omni concrociamttf<br />

Corpre ; sic animas nonniinquam toditur ipse , 150<br />

iaeUtiâque vîget, qnuni cetera pars animai<br />

P» membra atque artus nnlla novitate cietwr.<br />

feram$ ubi tellement! magis est commuta metn mens,<br />

Uonsentire animam totam pr membra videmus<br />

Sudoresque ita paMoremqne eisMere loto 155<br />

Corpre, et infringilinguam, Tocemqneaboriri,<br />

Caipre ocnlos, sonere aurais 9 snecidere artus.ieniqneconcideri<br />

en animi terrore videmus<br />

Scpe homines : facile nt qui?îs bine noscere pssil,<br />

Esse anïmam cum animo conjunctain ; qu«9 quom animi vi<br />

Pweissa est, exin corpus propllit et icit. 161<br />

Bsc eadem ratio naturam animi atque animai<br />

Gorpoream doœt esse ; nbi enim propellere membra f<br />

Cmripere ex sonmo eorpus, mutareqneiroltum,<br />

âiqœ boutern totem regere ac voraare fidetur ; f 65<br />

DE Là EATU1Ï DES CHOSES, UV llf. 47<br />

des bommes f ils maîtrisent et boule?entent toit<br />

leur être; mais ils ne puventagir sans toucher §<br />

ni toucher ians corps : avouons donc que l'esprit<br />

et fâme sont une substance corporelle.<br />

D'ailleurs ils souffrent avec le corps, ils prtagent<br />

ses impressions. Ne le vois-tu pas? un trait<br />

cruel fend les os f les nerfs, et pénètre sans attaquer<br />

la vie : quel abattement succède I le sol nous<br />

attire, tomber est doux, et la chute plonge nos<br />

âmes dans un vertige combattu par une vague<br />

résolution de se lever. Il faut donc que les esprits<br />

soient de la nature des corps, si un corp, si un<br />

dard les atteint et les blesse.<br />

Mais alors de quel le substance, de quels éléments<br />

se forment-ils f je vais en rendre compte»<br />

J'avance d'abord que c'est un amas délié d'atomes<br />

imprceptibles ; pur te convaincre de ce<br />

fait ^ observe que tu ne vois rien agir aussi vite<br />

que les intelligences décident et opèrent. Elles<br />

surpassent donc en vitesse tout ce que la Mature<br />

met à prtée de nos yeux. Or, pur être si légères f<br />

elles doivent avoir des germes ronds et <strong>du</strong> molndre<br />

volume, de sorte que le moindre choc les<br />

ébranle, les agite. Les eaux coulentf un rien les<br />

soulève, parce que leurs atomes put roulants- «t<br />

1ns; au contraire, la substance plus compote<br />

<strong>du</strong> miel épanche moins vite ses ondes presseuses f<br />

parce que tout est mieux enchafné$ parce que la<br />

masse se compse de parties moins lisses, moins<br />

Quorum ni fieri sinetactn posscrvideiMis,<br />

Bfec tactum porro sine corpre ; nonne fatendnm est 9<br />

Corporea natura animum constare aoimamque?<br />

Praeferea parifer ftragi cum corpre , et una<br />

Consentira animum nobis in eorpote cernit. 170<br />

Si minus offendit ?itam fis borridt teli,<br />

ûssibus acnerfis diselosit, Mus adacWf<br />

At tamen insequitnr languor, terraeque petitns<br />

Suairis f et in ferra mentis qui gignlttir SKtus ;<br />

fnter<strong>du</strong>mqne quasi exsurgendi încertâ vofauta*. 17^<br />

Ergo corpream naturam animi esse*, necesse est;<br />

Corporels qooniam tèlis ictoque lablyrat<br />

ls tibi nnne animas quali sit corpre, et unde<br />

Constatent y prpm rationem reddert dictis.<br />

Principio esse aio prsubtilemy atque minutis liO<br />

Perquam corpribus factum constare : id ita esst9<br />

ïllric» licet adtortas animum, utpmoscere pssis.<br />

Mil adeo fieri céleri ratione ¥idetor9<br />

Qtîanî si mens 1er! propnit9 et inehoat ipsa.<br />

Ocius ergo anîmus, quam res se perciet nlla, 185?<br />

ânte oculos quorum in promtu natura videtur.<br />

àtg quod mobiletantopre est, constarerotnndis<br />

Perquam semînibus débet, perquamqie minutis;<br />

Momine utî.pr?o possint impulsa moireri.<br />

Ifamque moiretur aqua9 et tanillo momine iutat| 19(1<br />

Qaipp volnbilibns parvisquê-crettaiguris.<br />

ât contra mellis constantior est natunf<br />

Etpigrei latices magis f et conetantior actus :<br />

Hœret enim inter se magis omnis materiai


4ê<br />

LUCltCE.<br />

déliées, et moins rondes. Un souffle contenu et Non, prce'quelegoit et le parfum naissent de<br />

faible dissipe cet amas de graines qui couronne mille petits atomes, épars dans4a masse.<br />

le pavot ; mais sur un monceau de pierres ou de Je le répète donc, et on le voit sans peine, la<br />

lances il ne peut rien. Donc, plus les atomes fine nature des esprits, des âmes, veut des élé­<br />

sont Ans et lisses , mieux ils se remuent et courent j ments Imperceptibles, puisque leur fuite ne dé­<br />

au contraire f plus on les trouve pesants et rudes f robe rien au poids des êtres.<br />

mieux ils tiennent en place,<br />

Et pourtant, gardons-nous de croire que ce<br />

Or, puisque nous avons vu combien les âmes soit une nature simple. Avec la vie s'échappe un<br />

sont agiles, elles ne peuvent avoir que des éléments léger souffle, mêlé de vapeur chaude, que l'air<br />

déliés, polis, et ronds. Amif retiens ce fait, tu accompagne ; car elle ne peut exister sans air,<br />

le trouveras utile ; car il te viendra mille fois en et la chaleur est une matière si pauvre que mille<br />

aide.<br />

germes aériens circulent tiécessairementau milieu<br />

Yoici encore qui <strong>mont</strong>re la nature des âmes, de ses pores.<br />

la délicatesse des atomes qui en forment le tissu f Yoici déjà trois éléments trouvés dans les<br />

et le peu de place que tiendra leur assemblage, si âmes : et pourtant ils ne suffisent pas à nous<br />

on peut les entasser. Sitôt que le calme de la mort rendre sensibles; car la raison ne peut admettre<br />

envahit les hommes, que leur esprit et leur âme que de tels corps impriment â notre sensibilité<br />

se sont échappés, on ne volt pas le corps perdre ce mouvement qui roule les idées dans nos in­<br />

de son poids ou de son volume ; la mort lui laisse telligences. 11 faut donc ajouter une quatrième<br />

tout, hors le sentiment et la chaleur vitale. substance. Elle n<br />

Toute la substance des âmes doit être faîte de<br />

corps imperceptibles, et attachés aux veines, aux<br />

entrailles, aux nerfs, si elles abandonnent la<br />

masse sans appauvrir le contour et la surface<br />

des membres, ni en diminuer le poids. Ainsi,<br />

quand le bouquet <strong>du</strong> vin et le doux esprit des<br />

parfums se dissipent dans les airs, ou que des<br />

corps perdent leur suc, la substance même parait-elle<br />

plus maigre, devient-elle moins lourde?<br />

9 a aucun nom dans aucune langue,<br />

lien de plus mobile, de plus délié; rien<br />

qui se compose d'atomes plus Uns et plus lisses.<br />

Elle donne le mouvement aux sens, et le propage<br />

dans les membres : car, étant faite des moindres<br />

atomes, elle sgjneut la première ; la chaleur et<br />

le souffle, agent imperceptible , reçoivent alors<br />

un élan vital; l'air part ensuite, ensuite tout s'ébranle<br />

: le sang bat, et les entrailles acquièrent<br />

une sensibilité qui trouve son dernier asile dans<br />

Copia i.ftioiirum quia non tam lœvibus exstet 195<br />

Corporibus, neque tam subtilibus atque retondis :<br />

namque ppaveris 9 tara polest suspeiisa levisque<br />

Cogère f ut ab sammotilii diffluatâltus acervus;<br />

At contra lapi<strong>du</strong>m conjeetuin spicarumque<br />

Nenu potest : igUur pamssimacorpora pin quam 200<br />

Et tevisslma suit, ita mobilitete frauntor.<br />

At contra » quequomqne magis eum pondère magrto<br />

Asperaque inveiiiuntor, m stabilila magis suit<br />

M une iptur, quonlam est animi natura reperte<br />

Mobilis egregie , perquam constare necesse est 205<br />

Corporibus partis, et ketlbns atque rotundis :<br />

Quae tibi cogoita res in mnltis, o bone ! rébus<br />

Utilis invenietur» el opportun cluebit.<br />

Mme quoque res etiam naturam dedieat ejus,<br />

Quant tarai constet textura; quamque loco se 210<br />

Continuai prro, si possit congloméra» :<br />

Quod simul atque bominem leli secura qnies est<br />

Indepta » atque animi natura animœque recessil y<br />

Nil ibi libalum de toto corpore cernas<br />

Ad speclem, nihil ad pon<strong>du</strong>s; mors omnia praestat, 215<br />

Vitelem praeter sensum t cali<strong>du</strong>mque vaporem.<br />

Ergo animam totani perpar?is esse necesse est<br />

Semlnibus, nexam pr veuas, fîscera, nervos :<br />

Quatenus, omnis nbi e toto jam corpore cessit,<br />

Extliiiâ membroram circumcaesura tamen se 220<br />

Incolumem praestat ; nec défit ponderis hiloni :<br />

Quod genus est» Bacchï quom fîos evanuît9 aut quora<br />

Spiritus unguenti suatis diffugit in auras j<br />

Aut aliquo quom jam sucus de corpore cessit :<br />

Nil oculis tamen esse minor res ipsa flieliir 2'iâ<br />

Propterea, neque detractum de^ondeie quidqtiam.<br />

Nimirum quia raulte minutaque semina sucos<br />

Efliciant , et odorem In toto corpore rerum.<br />

Quare etiam atque etiam mentis naturam anîmaeque<br />

Scire licet perquam pauxilis esse creatam 231<br />

Seminibus ; quonlam fugiens nil ponderis aufert<br />

Nec tameu hœc simplex nobls natura pntanda est ;<br />

Tenuis enim quidam moribundos deseritaura,<br />

Mixta vapore; vapos prro trahit aéra secum :<br />

Nec calor est quisquamy quoi non sit mixtus et aor. 235<br />

Rara quod ejus enfui constat natura, necesse est<br />

Aeris inter eum prîmordia multe moveri.<br />

Jam triplex animi est igitor natura reperta :<br />

Nec tamen liaee sat surit ad sensum cuncta crean<strong>du</strong>m ;<br />

Nil ltorum quoniam recipit mens posse creare 240<br />

Sensiferos motus 1 , quœdam quei mente yolutant.<br />

Quarta quoque bis igitur quœdam natura necesse est<br />

Atfribuatur : ea est omnino nominis eipers :<br />

Qua neque mobilïus quidquam, neque tenuiiis exstat,<br />

Nec magis est partis et Iœvibus ex démentis ; 245<br />

Sensiferos motus quae dldit prima per artus ;<br />

Prima cietur enim, parfis perfecta figuris;<br />

Inde calor motus f et venti cœca potestas,<br />

Accipit; indeaer : inde omnia mobilitantur :<br />

Concutitur sanguis, tum viscera persentiscunt 250<br />

Omnia; postremeis datur ossibus atque me<strong>du</strong>llefe,<br />

Si?e voluptas est, site est contrariasardor.


tes os et la moelle 9 soit que le plaisir ou que la<br />

fièvre il mal les agite. Toutefois, il est Impossible<br />

que le mal y pénètre, que les souffrances<br />

algues percent les os » sans bouleverser tout au<br />

point que la vie n'ait plus de refuge f et que les<br />

débris de fâme s'échappent par toutes les issues.<br />

Mais habituellement ces douloureuses agitations<br />

expirent à la surface : voilà ce qui permet aux<br />

hommes de conserver la vie.<br />

Maintenant que je veux expliquer le mélange<br />

des quatre natures , et cet arrangement harmonieux<br />

qui les anime 9 mes efforts échouent contre<br />

la pauvreté de notre langue. Néanmoins je vaisf<br />

autant que je le puis f effleurer ces matières.<br />

Leurs atomes se mêlent , se croisent sous des<br />

impulsions réciproques, de façon que nul ne puisse<br />

se détacher des autres, et isoler sa puissance. Ce<br />

sont mille forces que meut un corps unique. De<br />

même que, chez un être quelconquef tu distingues<br />

le parfum $ la couleur, le goût , quoique ces<br />

trois éléments forment in seul assemblage ; de<br />

même la chaleur, l'air et le souffle, mystérieux<br />

agent, se combinent et font une même substance,<br />

joints à cette force mobile qui leur communique<br />

le germe <strong>du</strong> mouvement)et à qui nos entrailles<br />

doivent les premiers tressaillements delà vie. Car<br />

elle se cache tout au fond des êtres 9 loin des<br />

yeux, et le corp ne possède rien qui soit mieux<br />

enfoui : en un mot, c'est fâme des âmes. La double<br />

puissance des âmes et des esprits, mêlée<br />

dans tons les organes, est invisible, parce que<br />

Rec temere hue dolor osque potest penetrare, lecpa acre<br />

Permaiiare maiuoi, quin omoia perlurbentur ;<br />

Usqne adeo vitae défit locus9 atque animai 255<br />

Kfîapoiil partes per caillas corporis omneis I<br />

Sed pleransque fit II summo quasi eorpore finis<br />

MoÉbiis : banc ob rem vitam letineie valemus.<br />

Houe, m quo pacto inter sese mixte, quibusque<br />

Comte modis figeant, ratioieni reddere afeDtem 280<br />

âbstrahit bnrihiin patri sermonis egestas :<br />

Sed tamen 9 at potero stmmialiin attingere 9 tangiiii.<br />

Inter entai corsant primordia prinelpiorum<br />

Itofibos inter sa , nitiil ut secernier onum<br />

Pouit 9 iiec spati® fieri divisa potestas ; 265<br />

Scd quasi moite ikuiuits corporis exsfant.<br />

Qood genus, in qoo vis aaimantoni vkere ?olgof<br />

Est odor et quidam odor et saper; et temen ex liis<br />

OttnÉtiQs est ooum perfectum coupons aogmen.<br />

Sic calor atque acr el f eati caeca potestas 270<br />

Mixte créant onam naturam , et mobilis oUa<br />

Tmf inilum motus ab se qase ditIdit oMeisi<br />

Sensifer onde oritor prfnmni per fiscera motus.<br />

Mani penilus prorsum latet b«c uatura, fubesique;<br />

Rec tnagiii tiac infra qiiidquam est in eorpre nostro ; 275<br />

âfffae anima est aoiote proporro totios ipsa ;<br />

Quod genus9 in nostris membris et corporo toto<br />

Mixte latent aoimi fis est animsque potestas ;<br />

Corporibot quia de parfis paucisqne creata est<br />

Sic tibi nominit toc eipers fis f Éwte minutie 280<br />

1PC1ÊCE*<br />

DE Là NATURE DES CHOSES, UV. 111.<br />

ses éléments sont Éns et rares : de même la petitesse<br />

des atomes nous dérobe cette forée sans<br />

nom, âme des âmes, qui règne sur le corps entier.<br />

Il fait que le souffle, la chaleur, et l'air, se confondent<br />

ainsi pour agir dans les membres, et<br />

qtfe chacun soit inférieur aux autres, ou les domine<br />

: sinon t ils ne peuvent former un seul tout.;<br />

leur action isolée ne fait que détruire le senti*<br />

ment| et la vie se rompt avec leur assemblage.<br />

Aussi est-ce la chaleur qui envahit les imesf<br />

quand elles bouillonnent de colère, et que la<br />

flamme jaillit des yeux étincelants. Aussi est-ce<br />

le souffle glacé qui accompagne la peur, et lui<br />

sert à jeter le frisson dans les membres ouïes<br />

nerfs qui tressaillent. Aussi in air tempéré forme-<br />

HI ces natures qui joignent le calme <strong>du</strong> coeur à<br />

la sérénité <strong>du</strong> visage. Au contraire, le feu abonde<br />

chez les êtres au cœur vif, et que tout irrite, que<br />

tout enflamme ; surtout chez les lions à la fougue<br />

terrible : leurs poitrines frémissantes éclatent<br />

à force de rugir, et ne peuvent emprisonner les<br />

lots de leur colère. Les froides âmes des cerfs<br />

contiennent plus de vent : un souffle froid et rapide<br />

traverse leurs entrai lies, et imprime le tremblement<br />

aux membres. Un air plus doux anime<br />

la substance des bœufs; ils ne connaissent ni<br />

lesfeux ardents de la colère, ni ses fumées qui<br />

sont comme la nuit des âmes, ni les traits de la<br />

pur qui glacent et engourdissent : ils tiennent<br />

le milieu entre les cerfs et les lions farouches.<br />

Il en est ainsi des hommes. La culture polit<br />

Corporibus, Met | atqne animac quasi totliis Ipsa<br />

Proporro est anima f et dominator corpore toto.<br />

Consimili ratione necesse est, mmtm et ter<br />

Et calor inter se figeant coromlxta per artus ;<br />

Alqiie alîeîs aliud subsil taagig f eoiineatque ; 2S5<br />

Ul quiddam fieri fideatur ab omnibus unum :<br />

Ile calor ac ventiis seorsum , seorsumque potest. s<br />

âeris iiîferliïiaïîi sensum f dïdoctaque solvant.<br />

Est etiam calor itle animo f qutm sumit in ira f<br />

Quom fer?escit ; et il oculis micat acribus ardor. 290<br />

Est el frigida multe 9 cornes formidinis , aura ;<br />

Qua ciet horrorem membris f et coicitat artus.<br />

Est etiam qooque pacati status aeris illet<br />

Pectore tranqttîito il qui ?oltuque sereio.<br />

Sad caidi plus est olUs , qiiibus acria corda , 295<br />

Iracondaque meus facile eflertescit in ira :<br />

Quo génère la primis iris est violenta leonum 9<br />

Pectora quei fremitu rumpunt plerumqie genieutes ;<br />

Mec câpre irarum luctus iu pectore possunL<br />

ât ?entosa magis cer?orum frigida meus est 9<br />

49<br />

300<br />

Et gelidas cillai per fiscera concilat auras ;<br />

Quœ tremulum faciuut membris exsistere motum.<br />

ât uatura boum placido magis aère ?i?it;<br />

Mec minus irai fax nuoqiiam subdita percit<br />

Fumida 9 sufTundens caecac calîgiuis umbram : SOI<br />

Mec gelidis torpel telis perfixa pa?orïs :<br />

luter utrasque sita est 9 cer?os saeirosque ieones.<br />

Sic liominum geiiui^t ; quam?is doctrûia politos<br />

4


I©<br />

LUCIECE.<br />

quelques âmes; mais leir organisation y laisse<br />

toujours de fortes empreintes. Et ne crois pas<br />

déraciner si profondément le vice» que tel on tel<br />

résiste, soit aux emportements des colères fougueuses!<br />

surtaux atteintes trop rapides de la peur,<br />

soit aux faiblesses de son âme trop en<strong>du</strong>rante.<br />

Mille traits encore, mille traits ineffaçables distinguent<br />

et tes natures et les mœurs qui en sont la<br />

suite. Je ne puis en expliquer ici ies causes secrètes,<br />

ou multiplier les noms des atomes autant que<br />

leurs formes, qui engendrent cette diversité.<br />

Yoici pourtant, il me semble, ce que je peux<br />

affirmer : les natures dominantes qui ne sont<br />

ps étouffées par la voix de la raison laissent<br />

de si faibles germes, que rien ne nous empêche<br />

de v ivre dans un calme digne des immortels.<br />

Ainsi donc, tout le corps emprisonne cette substance,<br />

qui, à son tour, veille sur lui et en est la<br />

sauvegarde. Car tous deux ont même racine, tous<br />

deux se tiennent, et on voit que leur séparation<br />

entraîne leur perte. Comme, dans les grains de<br />

l'encens, il n f est pas facile d'extraire l'odeur,<br />

«ans détruire la matière, tu arracheras difficilement<br />

aussi <strong>du</strong> corps entier l'essence de l'esprit<br />

et de l'Ame, sans anéantir la masse : tant leurs<br />

principes, étroitement unis dès la naissance, leur<br />

ont fait une vie commune I Isolés, ré<strong>du</strong>its à leur<br />

propre force, les esprits elles corps sont évidemment<br />

incapables de sentir ; tandis que leur<br />

•action réciproque, leur mouvement harmonieui,<br />

^Constituât panier qoosdam, taroen cilla rclinquit<br />

Naiora quojusque animi ?estigia prima : 310<br />

Pec radicilus evelli mala |>osse putan<strong>du</strong>m est»<br />

-Qulti proelifios hic iras decurrat ad acreis;<br />

111e met© citîns paullo lenietur ; at 111e<br />

Terlius accipiat quaedam clementius aequo :<br />

Inque aliis refaus multis differre ueccsse est ,115<br />

Haturas hominym varias moresque sequaceis;<br />

•Quorum ego nunc nequëo cœcas exponere causas,<br />

Kcc reperf re figuraruin lot nomina, quoi sunt<br />

Principieis, onde hase oritur variantia rerum.<br />

lllud in liis relius vIdeor firmare potasse ; 320<br />

Usqiie adeo naturarum v estîgia linqui<br />

Parvola, quae nequeat ratio depellere diclls ;<br />

Ut îiiliiï impdiat dîpam Diis degerc vilain.<br />

Huée igitur natura tenetur corpore ab omiii :<br />

Ipsaque corporis est custos, el causa salntis: 32j<br />

Emu communibus inter se radicibus liaerent»<br />

Nec sine prnlcie divelli posse Tidentur.<br />

Quod genus, c turis glebis evellereodorem<br />

Haud facile est» quin intereat nalura quoqiie ejus :<br />

Sic animi alqiie atiimae naturam corpore totn 330<br />

Eitrahere haud facile est, qiiin omuiadissolunntur;<br />

Implexk ita principiis ab origine prima<br />

Inter se funt consorti praedita vita :<br />

Bec sibi quœquc, sine alterius vi, posse videtur<br />

Cktrporis atquc animi, seorsum sentire potestas : 335<br />

amassent et allument le feu de la vie dans les<br />

entrailles.<br />

En outre, jamais nos corps ne sont engendrés<br />

ou ne croissent tout seuls ; et, leur âme morte, tu<br />

ne les vois pas survivre. Non, ils ne ressemblent<br />

pointa cefluide, & Peau, qui rend la vapeur chaude<br />

que le feu lui donne, sans que ces pries détachent<br />

ou altèrent sa propre substance ; non, je le repète,<br />

les membres que leur âme délaisse, ne peuvent<br />

en<strong>du</strong>rer ce veuvage : ruinés eux-pâmes, ils dépérissent<br />

et se corrompent. La liaison des esprits<br />

et des corps natt avec les êtres : ils apprennent<br />

ensemble le mouvement vital ; inséparables jusque<br />

dans les entrailles maternelles, le divorce ne sau*<br />

mit être que leur iéau et leur raine. Si donc leur<br />

existence tient aux mêmes causes, vois quel<br />

rapport enchaîne leur double nature.<br />

Du reste, si on ne veut pas que les corps sentent,<br />

si on croit que les âmes, mêlées à toute leur<br />

substance, se chargent de pro<strong>du</strong>ire ce tressaillement<br />

que nous appelons sensibilité, on attaque<br />

des choses éclatantes et réelles. Le corps sent-il,<br />

ou non? Eh! qui prouvera le fait, sinon le fait<br />

lui-même dont le témoignage nous éclaire? Mais<br />

une fois leur âme congédiée, itos corps tout entiers<br />

demeurent insensibles ; sans doute : vi- •<br />

vants, ils perdent mille choses qui ne sont point<br />

à eux seuls; et Ils en perdent encore, quand ils<br />

sont chassés de la vie.<br />

Quant à soutenir que les yeux, incapables de<br />

Scd communibtis iiilereosconflatur utrimque<br />

Motibus accensus nobis per tîscera sensus.<br />

Praterea corpus per se nec gignitur unqiiam,<br />

Kec crescit, neque post mortem <strong>du</strong>rare videtur.<br />

Non enini, ut htimor aquae, dimitlit siepe vaporem 3ïo<br />

Qui datus est, neqtie ea causa cou?ellitur ipse,<br />

Sed manet hicolumis : non 9 inquam y sic animai<br />

Discidium possuut artus perferre relictei ;<br />

Sed penitus pereunt convolsei » conque putresctint.<br />

Ex itieunte IPVO sic corporis atqtie animai 34 fi<br />

Mutua vitaleis discunt contagia motus f<br />

Materaisetiain membris f alvoqtie reposta;<br />

Discidium ut uequeat leri sine peste maloque :<br />

Ut videas, qnoniam eonjuncta est causa salutîs,<br />

Conjunctam quoque naturam consistera eoruin. 3.\o<br />

Quod superest, si quis corpus sentire réfutât f<br />

Atque animam crédit, permixtam corporetoto,<br />

Suscipere hune motnm, quem senstim nominitamtis;<br />

Vel manifestas res contra verasque répugnât.<br />

Quid sit enim corpus sentire f quis afTeret unquam f 3.V»<br />

Si non ipsa palam quod res dédit, ac doenit nos?<br />

At , dimissa anima f corpus caret undique sensu ;<br />

Perdit enim, quod non proprium fuit ejus in a?vo ;<br />

Multaque prœterea perdit» quom expellitur aevo.<br />

DIcere porro oculos nullam rem cernere posse f 3 >0<br />

Sed per eos animttm ut foribns spectare reclusis.<br />

Difficile est y contra quom sensus <strong>du</strong>cat eorum;


DE LA NATURE DES CHOSES» LIV. III. f 1<br />

voir* sont «rame des portes ouvertes par où nos semblable? Presque jamais : tant 11 faut remuer de<br />

âmes regardent, cela est difficile9 puisque ce nos atomes avant que la sensibilité et le trouble<br />

sont eux 9 au contraire 9 dont la sensibilité pusse ne se communiquent aux âmes qui sont éparses<br />

tes âmes, et les attire 9 les entraîne ¥ers les images dans tons les organes <strong>du</strong> corps, et avant que<br />

ipl M frappent. Souvent même tu ne peux fixer leurs germes', dont les coup se perdent à de si<br />

m corps éclatant, et sa lumière trouble la lumière<br />

de tes jeux : or9 des portes se troublent-elles,<br />

et le mal entre-t-il dans nos fenêtres oiferteaî<br />

En outre, si les yeux servent de portes, il faut<br />

que leur perte, débarrassant les âmes, augmente<br />

la vue ; car elle nous ôte des barrières.<br />

larges Intervalles, ne semassent, ne se choquentt<br />

et ne rejaillissent ensemble.<br />

Four empêcher la vie de rompre ses barrières,<br />

les esprits ont plus de force que les âmes : ce sont<br />

les rois de la vie. Sans eux, sans les intelligences,<br />

le corp ne peut garder un seul instant un seul<br />

Ne va pas non plus alléguer ici les saintes atome des âmes, leurs compgnes dociles,qui<br />

opinions <strong>du</strong> grand Démocrite, quand il affirme les suivent et retournent dans les airs, aban­<br />

que les éléments des âmes et des corps, attachés donnant les membres au froid de la mort. 11<br />

un par un, sont entremêlés tour à tour, et enchaî­ demeure vivant, au contraire, tant que son<br />

nent ainsi la masse. Car si le germe des esprits Intelligence, son esprit lui reste» Eût-on coupé,<br />

est plus fin que la substance des entrailles, <strong>du</strong> déchiré, mutilé tout ce qui les enveloppe; ce<br />

corps, il est moins abondant, il est pauvre, dis­ tronc humain eût-il per<strong>du</strong> de son âme, fût-il déséminé<br />

dans les organes ; et voici tout ce dont pouillé de ses membres, il vit, il respire le souffle<br />

tu peux répondre ; plus sont déliés les atomes qui vivifiant des cieux ; et, pourvu que son âme ne lui<br />

se précipitent en nous, et dont le choc excite les soit pas arrachée tout entière, la moindre parodie<br />

tressaillements de la vie, plus les germes de nos retient et enchaîne la vie. De même, quand on<br />

âmes demeurent écartés. Sent-on le contact de la ravage le tour des yeui sans attaquer la pru­<br />

poussière sur les membres, ou cette farine qui nelle, la vue garde son activité, son énergie»<br />

assiège la peau et y est incrustée? Sent-on la rosée Pourtant, si tu endommages tout le globe lumi­<br />

des nuits, le fil si mince des araignées qui nous<br />

enlacent an passage, leur dépouille flétrie tomneux<br />

, si tu mets à nu et que tu isoles la prunelle<br />

même, leur perte n<br />

bée sur nos tètes f la plume des oiseaux, et la<br />

fleur ailée <strong>du</strong> chardon, si légère que la chute devient<br />

un effort pur elle? Sent-on glisser un insecte<br />

qui rampe? Sent-on les faibles empreintes que<br />

laisse chaque pas <strong>du</strong> moucheron, ou de tout être<br />

? en sera pas moins inévitable.<br />

Surtout que le fer ne ronge pas ce milieu de<br />

l'œil, qui est si pu de chose; car la lumière disparaît<br />

tout à coup, et la nuit se lève f le reste des<br />

orbites fût-il éclatant et sain. Voilà quel accord<br />

unit sans cesse les esprits et les âmes.<br />

Sensos enim traliitf itcpe actes detrudit ad ipsas :<br />

Folglda praesertîm quom ceroere saepe nequimua,<br />

Lu filin* luminibus quia itobls praepediutilnr ; 365<br />

Quoi foribus non fit : neqtie enim, qua cernimus Ipsel 9<br />

Ostia siiscipiiiiîl ullum reclusa laborem.<br />

Praetereâ f si pro foribus stwf lamina nostra,<br />

Jam magia exemtis ocolis debere fidetur<br />

Ceniere res animus f snblatis poslibiis ipsls. 370<br />

lllod in liis rébus nequaquam sumere possif f<br />

Democrlll quod sancta irïri sentent la ponit,<br />

Corporis atque aiiiml primordia siogiila » pritei*<br />

âppositâ, altérais lariare ac nectere mers lira «<br />

Ram quom malto sunt animai elementa minora 9<br />

375<br />

Qtiaœ qui» et corpusnobis et ?iscera constant,<br />

Tttm numéro quoqua concèdent y et rara per artus<br />

Hissila sont»<strong>du</strong>mtaiat ut hoc promittere possîs,<br />

Q«aatiila prima queant, nobis injecta, ciere<br />

Corpora senslferos motus io corpore, tanta 380<br />

InterraUa teaere exordia prima animai,<br />

ffam neque pulferis inter<strong>du</strong>m sentimus adliœsum<br />

Corpore 9 mx membris incnssam sidère cretam ;<br />

Kèc nebulam nocto» neque aranel teania fila<br />

Obvh sentimus, quando obreWmnr euhtes ; 385<br />

Rec sapera caput ejusdem cecidisse vietam<br />

Yesteni» nec plumas mmm papposque folanteis 9<br />

Qttei ninia leritate cadrat pierumque gra?atim :<br />

Nec repentis itum quojuifisquomqne anïmantis<br />

Seutimus; nec priva pe<strong>du</strong>m vestigia qtiaeque,<br />

Corpore qo* in nostro culices, et cetera ponunt.<br />

Usque adeo prlus est la nobis malta cien<strong>du</strong>m ,<br />

Quam primordia sentiseant coneussa animai ,<br />

Scmina, corporibus oostreis immixta per artus ;<br />

Et quam intanraUis tantis tuditanfia , possint<br />

Coiicursare f coire f et dlssultare vicisslm.<br />

Et magis est animas vitai claustra cœrcens 9<br />

El dominantior ad vitam 9 quam lis animai.<br />

Naro sine mente animoque nequit residere per artus<br />

MO<br />

Temporis exiguam partem pars alla animai ; iOO<br />

Sed cornes insequiturfacul9 et discedit in auras.<br />

Et gelidos artus in leti frfgore Mnquit.<br />

At Riaael in vita, quoi mens animusque remansil y<br />

Qtiainvis est curtum caesis lacer indique membris :<br />

Truncus, ademta anima f circum, membrisque remotu*,<br />

Vivit et setlierias vitaieis susclpit auras ; 4lia<br />

Si non omnimodis » at magna parte 9 animai<br />

Pri valus, tamen in vitaconctatur et hœret<br />

Ut lacaraio oeulo cireum y si pupula mansit<br />

Ineolumîs, stal cernundi fivata polentas ; 410<br />

Pummodo netotum corrumpas luinlara orbem#<br />

Et circumddas aeiein t solamque relinquas;<br />

Id quoque enim sine pernicie non iiet mmm :<br />

AI si tanlula prs oculi média illa p^esa est »<br />

3ij


£2 LUCBÊCE.<br />

Maintenant, afin de te convaincre que les esprits,<br />

que les âmes fragiles naissent et meurent<br />

avec les êtres f je prépare des vers f fruits de mes<br />

longues recherches, de mes douces fatigues, et<br />

dignes de ta -belle vie. Pour toi, aie soin de comprendre<br />

leur double nature sous un même nom ;<br />

et si, pour épargner un mot, je ne nomme que<br />

les âmes, et que je te les <strong>mont</strong>re périssables, applique<br />

tout aux esprits sur ce point où un même<br />

sort les enchaîne.<br />

D'abord Je te le répète f les âmes sont un mince<br />

tissu de petits atomes f et se composent de matière<br />

beaucoup plus fine que la substance liquide des<br />

eaui, le brouillard ou la fumée. Car elles sont<br />

mille fois plus agites, et un choc plus faible les<br />

meut plus vite ; les apparences mêmesde la fumée,<br />

<strong>du</strong> brouillard, y suffisent : ainsi, lorsque dans<br />

un rêve nous voyons se dresser un autel qui<br />

«exhale la vapeur et que la fumée couronne, ce<br />

«ont évidemment de simples images qui nous<br />

frappent. Or, une fois que les vases sont en pièces,<br />

le fluide sort en jaillissant, et va se perdre; le<br />

brouillard et la fumée se dissipent dans les airs :<br />

crois donc que les âmes se répandent aussi, que<br />

leur essence meurt encore plus vite, que plis vite<br />

se rompt leur assemblage, quand elles fuient arrachées<br />

de nos membres. En effet, si le corps,<br />

pulvérisé sous un choc ou amaigri par le sang ôté<br />

des veines, ne peut contenir son âme, dont il est<br />

en quelque sorte le vase, comment espérer de la<br />

Oeciclit cxtemplo lumen» tenebrœqne sequuntur : 415<br />

Incolumis quamfis alioqui splendi<strong>du</strong>s orbis.<br />

Hoc anima atque inimus jtmctei sont fiBdere semper.<br />

Nuiic âge, natifos aniraantibus et mortaleis<br />

Esse animos, animasque letds, ut ooscere possis j<br />

Conquislla dio, <strong>du</strong>lcique reporta labore, 420<br />

Digna tua pergam disponere carmina fila.<br />

Tu face utrumque uno subjimgas lomine eoram;<br />

Atque anima», verbi causa, qoom dicare pergam,<br />

Mortalem esse docens, animum quoque dicerecredas ;<br />

Qna tenus est unum Inler se y conjtmctaque res est. 425<br />

Principio>quoniam tenuem constare minutis<br />

Corporibusdocui f mulloque minoribus esse<br />

Principlis factam 9 quai» tiqtii<strong>du</strong>s humor squat ,<br />

Aut nabuia 9 aut furaus : nam longe mobilitate<br />

Prœstat, et a tenui causa magis icta movetur ; 430<br />

Quippe ttbi imaginibus ftimi nebulîeqiie moveutur :<br />

Quod geaijsf in somnîs sopitei, ubi cernimus alta<br />

jfthalare irapore altaria, ferreque fumum :<br />

Nom procul hiec <strong>du</strong>bîo nobts simulacre genintur :<br />

ffunc igitur9 quonlam y quassatis undique irasis, 435<br />

Difluere humorem, et laticem dîscedcre cerais ;<br />

Et nebula ac Aimas quoniam discedit in auras;<br />

Crede animam quoque difftandi, multoque perire<br />

Ocius, iccltliis dissoifi in corpora prima,<br />

Quom ftemel ei homïnis membris ablata récessif. 440<br />

Quippe êimlm corpus, quod ?as quasi constitil ejus9<br />

voir contenue pr les airs? Un corps plus maigre<br />

que le nôtre sera-t-il une barrière pour elle?<br />

De plus, elle naît avec le corps, et les sens<br />

attestent que tous deux croissent, que tous deui<br />

vieillissent ensemble. Yois les enfants : la délicatesse<br />

de leur corps tremblant et faible répond à<br />

leur intelligence chétive. Puis, quand ils acquièrent<br />

une maturité robuste, le jugement grandît<br />

avec leur âme, dont la vigueur augmente. Mais<br />

sitôt que le choc puissant des années brise le corps,<br />

émousse les forces, abat les membres, la raison<br />

chancelle, l'esprit et la langue s'embarrassent :<br />

tous les organes dépérissent et manquent à la<br />

fois. Il faut bien alors que tout ce qui est -de la<br />

nature des âmes se dissipe, comme lafumée dans<br />

les hautes réglons des airs ; elles que nous voyons<br />

partager la naissance, partager les accroissements<br />

<strong>du</strong> corps, et qui, je le répète, succombent<br />

<strong>du</strong> même coup à la fatigue des ans.<br />

Ajoutons un autre fait sensible. De même que<br />

les maladies cruelles attaquent le corps et que<br />

la douleur te travaille, nos âmes sont dévorées<br />

par les inquiétudes, le chagrin ou la pur. Elles<br />

doivent donc avoir part à la mort.<br />

Que dis-je? Souvent une maladie <strong>du</strong> corps les<br />

met en déroute, les égare ; le trouble des idées »<br />

la folie <strong>du</strong> langage le prouvent Souvent une<br />

léthargie les accable, les jette dans un assoupissement<br />

profond et interminable ; les paupières<br />

tombent, le front chancelle. Là, elles ne peuvent<br />

Quam cohibere nequitf conquassatum ei aliqua re<br />

Ac rarefactum, detracto sanguine veneis,<br />

Aère qui credas posse liane coliiberier iillo?<br />

Corpore qui nostro rarus magis incoliibessil? 445<br />

Pneterea gigni pariter cum corpore f cl una<br />

Crescere sentirons, pariterque senescere meuiem.<br />

Para Telut inirmo puerei teneroque vaganfnr<br />

Corpore, sicaniml sequitur sententia tennis :<br />

Inde f ubt robustis adole?It viribus œtas , 450<br />

Coiisilium quoque majusf et auctior est anîmi fis :<br />

Post, nbi jam valîdis quassatum est viribus mî<br />

Corpus, et obtiisis ceciderunt viribus arlus;<br />

€laudicat iogenium 9 délirât Hnguaque roensque :<br />

ûmnia deûciunf atque uno tenipore desunt. 455<br />

Ergo dissoif I quoque con?enit omnem animai<br />

Nattiram y ceu fumus in allas aeris auras :<br />

Quandoquidem glgni pariter, pariterque videmns<br />

Crescere, et y ut «lociil 9 simul aafo fessa fatisci.<br />

Hue accedit, utï yideamus f corpus ut ipsum 4Si<br />

Siiscipere immaneis morbos <strong>du</strong>rumque laborem ;<br />

Sic animum curas acreis luctumque tnetumque :<br />

Quarc participera leti quoque convenit esse,<br />

Qnin eliam morbis in corporis a?ius errât<br />

Saepe'ânliBus ; démentit euim y deliraque fatur : 4§§<br />

Inter<strong>du</strong>mque gra?i lethargo fertur in affina<br />

iEternumque soporein 9 oculis nuttique cadenti :<br />

Unde neque eiaudit TOCOS, nec noscerc voltus


entendre les cris ou reconnaître le visage de<br />

ceux qui les rappellent au jour, et les environnent^<br />

la joue baignée de larmes. Avoue-le doncf elles<br />

tombent en ruines f ces âmes que gagne la contagion<br />

<strong>du</strong> mal. Car la douleur et la maladie sont<br />

deux artisans de mort : que de victimes ont pu<br />

déjà nous en convaincre I<br />

Enfin, quand les fumées actives <strong>du</strong> vin pé*<br />

nètrent un homme, que son feu se répand et circule<br />

dans les veines, il appesantit les membres,<br />

il embarrasse le pied chancelant et la langue<br />

paresseuse ; f âme est noyée de vapeurs, les yeux<br />

flottent ; les cris, les sanglots, les querelles éclatent<br />

, et avec eux tous les autres effets de la débauche-<br />

Pourquoi ces troubles, à moins que les<br />

attaques violentes <strong>du</strong> poison ne bouleversent habituellement<br />

nos âmes au fond des membres? Or,<br />

tout désordre, tout embarras jeté dans un être,<br />

annonce qu'il ne faut que les atteintes d 9 un en*<br />

nemi plus rude pour achever sa perte, et ravir<br />

son immortalité.<br />

Souvent même, devant nos yeux, un homme<br />

dompté par la force <strong>du</strong> mal, et comme frappé de<br />

la foudre, tombe : il écume, gémit,et tressaille<br />

des membres; il extravague; ses nerfs se roidîssent,<br />

il se tord avec un souffle tourmenté, inégal,<br />

et fatigue son corps à le retourner sans cesse.<br />

C'est que la fougue <strong>du</strong> mal, répan<strong>du</strong>e dans les<br />

organes, soulève les tempêtes de son âme,<br />

comme sur une mer écumante les ondes bouillonnent<br />

an choc impétueux des vents. Ces plain­<br />

Quorum polis est » ad fita.ni cpei revotantes<br />

Ciretimstaot , lacrumis forantes ©ra genasqtie. 470<br />

Qiiare animant qooqoe dissolvi fateare, iieccsse est ;<br />

Qnanioqiiictem pénétrant in eam contagla morbi.<br />

Kam dolor ac morbus, leti fabrieator uterque est ;<br />

Mnltorum exitio perdoctei quod mmm ante.<br />

Denique9 cor hominum quora vini vis pénétra vit 47 5<br />

Aeris , et in venas discesslt iliditus ardor ;<br />

Conseqnitar ira?lias membrorum 9 prapediuntur<br />

CranvadHanti, tardescit lingua, madet mens,<br />

Rantocnld| clamer, singultas, jurgia gliscunt;<br />

Et jam cetera ie génère hoc y quœqnomqtie seqtiuntnr : km<br />

Qnar ea suit» msi quod yehemens tîolenlia viri<br />

Cottturbare animai» consuetitcorpore in ipso?<br />

AI qœeqoomque qneont conturbari inque pedlrl f<br />

Sfgniicant9 ptullo si clurinr insinnarit<br />

Causa f fore ut pereant, îBYO privata futuro. 48i<br />

QiiiaeUaiîî subito, fi morbl sœpe conclus 9<br />

Ante oculos aliqnis nostros » ut futminis ictu »<br />

Concidit 9 et sporoas agit ; ingamit, et tremit art» j<br />

Desipit, extentatner?o§9 torquetur, anhekt<br />

loconstanter, et in jactando membra fetigat. 400<br />

Nimirani, quia vis morbi9 distracta per artot,<br />

Turbat ageas animam » spumanti ni in aeqnorp salso<br />

Ventorum yalidis fervescnil vkibus un!».<br />

Exprimitar §mm garnit» f quia memtifa dolore<br />

DE Là NATU1E DES CHOSES, UV. 111. 68<br />

tes ? la douleur les arrache, quand elle blesse les<br />

membres, quand elle chasse tous les éléments<br />

<strong>du</strong> son, qui se précipitent en foule par les voiesaccoutumées<br />

et les remparts de la bouche. Ee délire<br />

vient de ce que Fespritet l'âme sont bouleversés<br />

parce fléau, dont le venin isole, partage,<br />

disperse leur action, comme tu le sais déjà. Puisf<br />

sitôt que le mal re<strong>mont</strong>e vers sa source, que le<br />

flot rongeur des matières empoisonnées rentre<br />

dans le lit qui le cache, le malade, chancelant<br />

encore, se soulève : peu i peu il recouvre les sens<br />

et reprend possession de son âme.<br />

Cet organe que des maux si terribles agitent<br />

au fond <strong>du</strong> corps, et qui souffre là de si cruels<br />

déchirements, espères-tu que, dépouillé dttcorp,<br />

il puisse subsister au grand air et parmi les<br />

orages?<br />

Et puis, nous voyons les âmes guérir comme<br />

les corps malades ; nous voyons que les remèdes<br />

puvent en venir à bout : 'ce qui est un nouvel<br />

indice de leur existence périssable. Car il faut<br />

accroître, déplacer, ou appauvrir tant soit peu<br />

ta masse des atomes, si tu entreprends, situ<br />

essayes de modifier un «prit, ou que tu cherches<br />

à dompter une substance quelconque. Mais ce<br />

qui est immortel ne souffre ni transposition t ni<br />

accroissement, ni prte, puisque tout être qui<br />

sort de ses limites, et dépouille sa nature première<br />

, la frapp de mort.<br />

Ainsi ton âme, je le répète, donne des signai<br />

de mortalité , soit que des maux la troublent ou<br />

Afficiuotur, et oronïno qnod semîna ¥ocis 415<br />

Eliciuntur, et ore foras glomerata feranlar,<br />

Qua quasi consuernnt, et sunt nrnnîta fiai.<br />

Deslpientia iit9 quia iris animi alque animai<br />

Conturbatur, il, ut docui, difisa saorsum<br />

Disjectatur, eodem ollo distracta veneno. lit<br />

Inde, obi jam morbi redexit causa, reditque<br />

In latebras acer corrupti corporis liumor;<br />

Ttim, quasi vacillans, primum consurgit, et omneia<br />

Paullatim redit in seosus » animamqne receptat.<br />

Hapc igilur tantis ubi morbis corpore in ipso S0


§4 LUCEÊCE.<br />

que des remèdes la calment : tant la raison et la » Bailleurs, elles font prtie <strong>du</strong> eorp humainf<br />

vérité heurtent un faux système, lui coupent elles ont leur poste fixe, leur asile déterminé,<br />

toutes les issues, et le repussent avec un di­ comme les oreilles, les yeux , et les autres sens<br />

lemme qui confond le mensonge<br />

qui gouvernent la vie. Mais les yeux, la main<br />

Souvent, enfin, nous voyons un homme s'en ou les narines, isolés <strong>du</strong> reste, sont incapables<br />

aller peu à pu. Il prd membre par membre le de sentir et de vivre ; la corruption gagne bientôt<br />

sentiment et la vie. Le pied commence : ses ces matières abandonnées : de même les esprits<br />

doigts, ses ongles deviennent livides. Puis, il ne puvent exister à prt et sans les hommes,<br />

meurt avec la jambe. Puis, les froides empreintes<br />

de la mort gagnent successivement le reste.<br />

sans le corp, qui en est au moins le vase9 si on<br />

- ne trouve ps de rappris plus intimes entre deux<br />

Or, comme les âmes sont aussi morcelées, et que substances qui se tiennent enchaînées.<br />

leur existence ne demeure pas tout entière, tu A cette liaison elles doivent leur force, leur-<br />

dois les croire périssables. Diras-tu : Elles puvent activité , et la jouissance de la vie. Un esprit sans<br />

se replier au sein des membres, et concentrer corp,un esprit abandonné à sa nature, puHl<br />

leurs atomes sur un même pint, qui absorbe tout engendrer le mouvement vital? Un corps sans<br />

le sentiment <strong>du</strong> corps ? Mais un lieu qui contient un âme peut-il avoir quelque <strong>du</strong>rée, ou faire usage<br />

amas si riche de matière vivante déploie néces­ de sens? Non ; comme les yeux que tu déracines<br />

sairement une sensibilité plus exquise. Ce lieu, où et que tu isoles <strong>du</strong> corps entier, prdent la vue;<br />

est-il ? Nulle part : il faut donc, comme nous le de même les âmes, ré<strong>du</strong>ites à elles-mêmes « se<br />

disions, que nos âmes en lambeaux se disprsent <strong>mont</strong>rent impuissantes. Car tant que leurs ato­<br />

hors de nous; et, par conséquent, elles meumes, mêlés à la substance des veines, des entrailrent.les,<br />

des os, des nerfs, et emprisonnés par la<br />

Bien plus, si je veux admettre ton idée fausse, masse, ne sont ps libres de rejaillir à de vastes<br />

si je leur accorde le puvoir de se ramasser dans intervalles, elles se contiennent et se plient au<br />

le corps des hommes qui abandonnent le jour, et mouvement vital : mouvement qui leur est im­<br />

qui expirent en détail, tu seras purtant obligé possible dans le vide des airs, où la mort les re­<br />

de convenir que les âmes sont mortelles. Peu imjette, pree que les obstacles tombent devant elprte<br />

comment elles meurent, et si elles sontéparles. Autant dire que l'air seul enfante les corp<br />

pillées au vent ou étouffées en masse, puisque animés, si les âmes y maintiennent leur assem-<br />

chez un homme le sentiment eipire pu # pu blage, si elles y bornent leur essor au mouvement<br />

dans tous les organes, et que dans tous la vie accompli jusque-là dans les nerfs et dans le corp<br />

diminue, diminue sans cesse.<br />

lui-même. Je le répète donc, après la ruine de<br />

Miltit, ut edoctii ; seu flectitur a medicina :<br />

Usque adeo falsœ rattonis fera videtur<br />

les occorreref et efTupum preecludere euotl;<br />

Ancipitîqiie refutatu convincere falsum.<br />

Deniqtie saepe dominera pullatim cernimus ira, 515<br />

Et membralim filaient deprdere sensum.<br />

Il pedibus primum dlgitoê lifescere et iinguets;<br />

Inde pedes et crora mori ; pst inde per artus<br />

Ire alios tractim gdidi festigia leti.<br />

Scinditur atque animo lise quoniam natura, nec un® 530<br />

Tempre sincera exsistit, mortalis liabenda est.<br />

Quod si forte putas ipsam se posse pr artus<br />

Inlrorsiim traliere, et partais con<strong>du</strong>cere in uotiin,<br />

Atque ideo cunctis sensum de<strong>du</strong>œre membris;<br />

âl locus Htetamen, quo copia tanta animai 535<br />

Cogitur, in sensu débet majore videri :<br />

Qui quoniam nuaquam est9 nimirum s ut diiimus ante,<br />

Dilaniata foras dkprgitur. Inlerit ergo.<br />

Quin etiam 9 si jam lubcat concedere falsum 9<br />

El dare» posse animam glomerari in corpre eoruin, 540<br />

Lumina quai linquunt moribundei prticulatim ;<br />

Mortalem tameu esse animara fateare necesne est :<br />

Nec refert, ulrotn preat dispersa per auras»<br />

An contracta suis e prtibus obbrutescat ;<br />

Qnando iiominem totem magis ac magis undiqiic sensus<br />

Déficit ; et titai minus et minus undiqtie restât. 540<br />

Et quoniam mois est homûtis para unaf locoque<br />

Fiia iBâtiei certo ; velut aures atque oculei sunt,<br />

Atque alid sensus 9 quei fitam quomque gubernant :<br />

Et f elutt manus atque OCQIUS naresve seorsum 9<br />

% Ml<br />

Sécréta ab nobis» nequeunt sentîre, neque esse ;<br />

Sed tamen in prvo linquuntur tempre tabi :<br />

Sic animus pr se non quit sine corpre et ipso<br />

Esse homine y illius quasi quod vas esse f idetur,<br />

Site aliud quid fis poilus conneiios ei SIS<br />

Fingere ; quandoquidem conneiu corpus ailiwet.<br />

Denique corpris atque animi vivata ptestas,<br />

Inter se conjuncta9 valent, vitaque fruuntur :<br />

Nec sine corp» eiilin vitaleis edere motus<br />

Sola pôles! animi per se natura ï nec totem iiO<br />

Cassum anima corpus <strong>du</strong>rare, et seosibus uti«<br />

SciUcet, atolsus radiclbus ut nequit iillam<br />

Dispicere ipse oculus rem seorsum corpre loto,<br />

Sic anima atque animus pr se ail posse vicie! ur :<br />

Himiram quia pr fenas et fiscera mixtim, 5§§<br />

Per ner?os atque ossa 9 (enentur corpre ab omni 9<br />

Mec magnis inter?allis primordia possunt<br />

Libéra disnultare ; ideo conclusa moteotor<br />

Sensiferos ntotas ; quos titra corpus in auras<br />

Ams haud' possunt post mortem éjecta morae : 57§<br />

Proplerea quia non simili ratïone tenentur.<br />

Corpus enim atque anwam seril ter, si cobibert


DE Là NATUfiE DES CHOSES, UV. EL<br />

leur enveloppe, do corpf et la prte <strong>du</strong> souffle<br />

vital9 il faut avouer que le-sentiment se dissipe<br />

chez les esprits comme chez les âmes, puisque<br />

leur existence tient aux mêmes causes.<br />

Enfin, si nos corps, incapables de supporter<br />

leur fuite, tombent en lambeaui fétides, comment<br />

douter que ces essences vives, chassées <strong>du</strong><br />

fond de leur asile, ne jaillissent éparses, comme<br />

la fumée? Ce bouleversement des êtres qui croulent,<br />

et ne sont plus que ruine, que poussière, ne<br />

vient-il pas de ce que leurs fondements se dérobent<br />

avec les âmes écoulées par les membres, et<br />

les issues tortueuses, et les pores qui sillonnent la<br />

chair? Ainsi tout indique que ces matières sont<br />

en pièces quand elles sortent <strong>du</strong> corps, et que<br />

mille déchirements intérieurs précèdent le jour<br />

où elles se répandent et nagent sur la Yague des<br />

aks.<br />

Bien plus, elles habitent encore le sanctuaire<br />

de la vie, que déjà mille secousses ont paru les<br />

abattre, les.rompre dans tous nos organes : elles<br />

donnent au visage cette langueur <strong>du</strong> moment suprême,<br />

et les membres flottent, prêts à tomber <strong>du</strong><br />

corps que le sang abandonne. Voilà, par exemple<br />

, ce que nous appelons se trouver mal, ou<br />

perdre ses esprits, alors que tous sont en émoi,<br />

et cherchent à ressaisir le dernier fil de l'existence.<br />

Car il y a un ébranlement qui énerve nos<br />

esprits, nos âmes, et ils partagent la défaillance<br />

<strong>du</strong> corps : ils succomberaient donc à des attaques<br />

un peu plus vives.<br />

Sese anima , atque in eos poterit coiciudere motus 9<br />

Qiios ante in nervis et in ipso corpore agebat.<br />

Qware etiani atque etiam resoliito corporis orani 575<br />

TegiBiiie, et ejectis extra fltaiibusaurls,<br />

Dis&olfi sensus anîrol fateare, necesse est,<br />

âfcpe animam ; quoniam conjuncta est causa <strong>du</strong>obus.<br />

Denlque, quom corpus iiequeat perferre animai<br />

Dkcidiuni 9 .quin in tetro labescat odore ; 580<br />

Quid <strong>du</strong>bitas» quia ex îmo peuitusque coorfa<br />

Emanant, nii fiimus, diffusa animse fis?<br />

Atqne ideo taitta Diiitalum piitre ruina<br />

Gonciderit corpus penitus, quia mota loeo suiil<br />

Fundaraenta; foras anima émanante per artus, è85<br />

Perqiie viarum omneis leios, in corpore quei sunt,<br />

âtqu# fonunina? mullimodfe ut noscere possis<br />

Dispertilam animae natoram exisse pr arlus;<br />

El prias esse sibi distraetam corpore in ipso,<br />

Quam 9 prolapsa forasf enaret in aeris-auras? ô§0<br />

Quin etiam» lineia<strong>du</strong>ra vite ?orlitur intrat<br />

Saepe aliqua tamen e causa labefacta vldetur<br />

Ire anima, m toto membratim eorpore suffi;<br />

Et qtiasi supreroo laoguescere tempore volh»,<br />

Molliaqae eisangui cadere oninia eorpommemlira. &9H<br />

Qood garnis est» animo maie factam quom perliibeturf<br />

Aot aniraam liquisse; ubi jam trepidaturf et émues<br />

Eztremwn cupiunt vite reprehendere ?inclum,<br />

Oioquassatur enim lum mens anitnœqua potestas<br />

tennis; et km ipso cum corport cnHafaelunt : OflO<br />

Eh bien ! crois-tu que rejetés <strong>du</strong> corps, et sauf<br />

force quand ils volent sans obstacle ni rempart,<br />

ils puissent avoir, non plus toute la <strong>du</strong>rée des<br />

âges, maïs un instant, un seul instant de vie!<br />

Jamais on ne volt de mourants qui sentent<br />

leur âme fuir tout entière de toutes parts f ou<br />

re<strong>mont</strong>er d'abord vers les embouchures de la<br />

gorge. Non ? ils savent que la défaillance lui vient<br />

aux endroits marqués pour la demeure, comme<br />

les autres organes sont anéantis dans leur siège.<br />

Si la mort épargnait nos intelligences, gémiraientelles,<br />

à son approche, de tomber en ruines? Elles<br />

aimeraient plutôt à sortir, à quitter leur enveloppe,<br />

comme le serpent 9 ou le cerf que les ans<br />

déchargent de son bois immense.<br />

Enfin la pensée, le jugement, essence des âmes,<br />

ne viennent jamais à la tête, ni dans le pied ou<br />

la main. Ils occupent chez tous un même point,<br />

ils sont à demeure fixe. Pourquoi, sinon parce<br />

que tous les organes ont un lieu affecté à leur<br />

naissance f Là, ils sont capables de quelque <strong>du</strong>rée;<br />

là, -ces mille puissances dominent, absorbent<br />

les membres, et empêchent que leur ordre<br />

soit jamais interverti : tant la succession des êtres<br />

est invariable ! La flamme peut-elle jaillir des<br />

ondes, ou la glace naître <strong>du</strong> feu?<br />

in outre, si les âmes sont des natures impé»<br />

rissables, si elles ont la force de sentir, isolées<br />

<strong>du</strong> corps, il faut, je pense, les enrichir de cinq<br />

organes, autrement, on ne peut se figurer les<br />

âmes <strong>du</strong> Tartare qui errent au bord de l'Aché-<br />

Ut grafior paullo possit dissoltere causa.<br />

Quid <strong>du</strong>bitas tandem, qui» entra prodita corpus<br />

Imbectlla foras, in aperto, tegmine demlo,<br />

Non modo-non omnem possit <strong>du</strong>rare per œvom,<br />

Sed rolfttifstiïa quodfis nequeat consistera tempus? i0§<br />

Mec sibi enira quisquam moriens sentira ?idetur<br />

Ire foras aiiiraaro incoltimem de corpore loto;<br />

Ncc priu» ad jugulum et superas succédera faucesj<br />

Veram deficere in cerf a regtone locatam ,<br />

Ut sensus allos in parti quemque sua scii §10<br />

Dissol?i : qtiod si hnmortalis nosfra furet mens,<br />

Non tain se moriens dissol?i conquereretur ;<br />

Sed magls ire foras, vestemque relioquere, ut anguis»<br />

[Gauderet, praeloiga senex aut coriua eervus.]<br />

Denique quur animi Dunquam mens consiliumque §11<br />

Gignitur in capite, aut pedibus manibusf e ; sed unis •<br />

Sedibus, et cerfîs regionîbus, omnibus haeret ;<br />

Si non certa locaad nascun<strong>du</strong>m reddîta quoique<br />

Sunt, et ubi quidquid possit <strong>du</strong>iarc creatum;<br />

Atque ita multimodis pro totia artubiu esse, 020<br />

Membrorum ut nuiquam eisktat pneposterus ordo?<br />

Usqua adeo sequitur res rem, neque flamma creari<br />

Fluminîbus solita ast» neque in ipi gignier algor.<br />

Prœtereaf si immortalis naturaanimai est,<br />

Et sentire potest f seertta a corpore nostro ; 62»<br />

Quïique » ut opinor, eam facion<strong>du</strong>on est sensibus auctâm :<br />

Nec ratione alla nosmet proponere nobis<br />

Possumiis ûifSniiai-aiiiiiias âcbtnnla- tapri.<br />

&S


SS LUCIÊCE.<br />

ion. Aussi les peintres et les écrivains ie la vieille<br />

race nous les représentent-ils armées ie sens.<br />

Mais il est impossible que les yeux, les narines f<br />

la main ou la langue subsistent à partf môme<br />

ians un esprit; et les oreilles ne peuvent, à elles<br />

seules, ni percevoir le son, ni vivre.<br />

Puis, comme tout notre corp éprouve les tressaillements<br />

ie la vie, comme nous voyons que<br />

tout y a part aux âmes ; si une force quelconque<br />

donne rapidement au milieu et le tranche, le se*<br />

pare tout à coup , il faudra que nos âmesf rejaillissant<br />

au loin , se déchirent avec le tronc en deux<br />

moitiés éparses. Or, tout être qui se rompt et se<br />

disperse proteste lui-même contre son immortalité.<br />

Souvent, dit-on, un char hérissé ie faux et<br />

brûlant ie carnage, dans la mêlée, coupe si précipitament<br />

les membres, que tu vois palpiter à<br />

terre les débris des hommes, alors que leur peosée9<br />

leur essence vive demeure insensible au<br />

mal, tant le mal est rapide 1 Le feu <strong>du</strong> combat<br />

absorbe les intelligences. Tout ce qui reste <strong>du</strong><br />

corps, elles le précipitent dans la bataille meurtrière.<br />

Les uns ignorent la perte de leur main<br />

gauche que les chevaux emportent avee le bouclier,<br />

au tranchant des roues et des faux dévorantes;<br />

un autre, dans la fongue des escalades,<br />

ne sent pas que sa droite lui tombe. Tel essaye de<br />

soulever une jambe qui manque, sans voir le pied<br />

mourant qui remue les doigts à quelques pas sur<br />

la terre* Là, une tétef séparée <strong>du</strong> tronc encore<br />

vivant et chaud, a dans la poussière même le<br />

Pictores ftaque, etscriptonim sacla priera»<br />

Sic animas intro<strong>du</strong>iront sensibus auctas. 630<br />

ât neque seorsum oeulei, neque tiares f nec roanus îpsa<br />

Esse potest anima, neque seorsiim lingua; neque aurai<br />

Audilum per se possunt senUre, neque esse.<br />

fit quoniam toto sentimus corpore inesse<br />

Titalem senstim t et totom esse animale f idemus ; 635<br />

Si subito médium céleri praeciderit fctu<br />

Vis aMqua9 ut seorsum partem secerntt ntrafique 9<br />

Dispertita procul<strong>du</strong>bioqooque'tis animai ,<br />

Et diseissa simul cum corpore disidetur.<br />

At quod scinditur et partais discedit in nias , 640<br />

SdUcet œteraam sibi nituram abnuit esse.<br />

Falciferos memorant ciirros abscidere membra<br />

Saepe fta de subito 9 pemkta caede calentels,<br />

Ut trémere in terra videatur ab artubus M qood<br />

Becidit abscisum ; quoi» mens tamen atque hominis vis<br />

Mubilitate mali non qoit sentire dolorein : 646<br />

Et simul in pognœ studio quod dedita mens est,<br />

Corpore cum relique pupam caedeisque petessit;<br />

Mec tenet9 amissam laevam cum tegmine saep<br />

Jnter equos abstraie rotas falceisque rapaceis : ê.iO<br />

Nec ceekilsse il os i}eitrani9 quom scandit et instat.<br />

Inde alîus conatur ademto surgere entre,<br />

Quum digitos agitât propter moribun<strong>du</strong>s humi pes :<br />

Et eaput, abscisum ealido vi venteque trunco 9<br />

front animé y les yeux ouverts f et n'exhale la fit<br />

qu v avec les restes de soi âme.<br />

Bien plus : mi serpent qui éarie la langue te<br />

menace de sa queue 9 de son corp aux longs replis.<br />

Veux-tu que le fer partage chaque bout en<br />

mille tranches ? On voit aussitôt ces débris épars,<br />

saignant encore <strong>du</strong> coup qui les mutile, se tordre9<br />

baigner la terre de leur venin ; et la tête se re*<br />

tourne pour attaquer et mordre son propre lambeau!<br />

avec un transport de rage que ses blessures<br />

allument<br />

Dira-t-on que chaque fragment a son âme,<br />

son âme tout entière f Mais alors un seul être<br />

contenait plusieurs âmes. Donc, tu as rompu la<br />

seule qui habitât un corp unique ; donc f 11 faut<br />

croire que tous deux meurent, puisque mille déchirements<br />

les épuisent tous dcui.<br />

En outre, si l'âme est une essence qui demeure<br />

Immortelle , si elle se glisse au fond <strong>du</strong> corp<br />

naissant, pourquoi ne gardes-tu aucun souvenir<br />

de ta vie passée, des choses que tu as faites, et ne<br />

peux-tu en lier la trace ? Car si les puissances de<br />

ton âme sont altérées au point que la mémoire de<br />

ses propres actes lui échappe tout entière t ce<br />

bouleversement ne me semble pas déjà fort éloigné<br />

de la mort Ainsi, tu dois le reconnaître f<br />

celle qui était jadis a^pérl, et celle de maintenant<br />

fut maintenant créée.<br />

Quoi! le corp est déjà formé lorsque cet<br />

agent si vif y pénètre, et nous sommes en traitf<br />

de naître, nous avons le pied sur le seuil delà vie I<br />

Mais alors convient-il que tu le voies grandir,<br />

Sertat faumi voltum vitalem oculosque patentas : §55<br />

Donec reliquias animai reddidit omneis.<br />

Quin etiam tibi si, lingua vibrante, minant!<br />

Serpentis cauda et procero corpore, atrumque<br />

Sil lubitam in mullas parlasdiscidere ferra;<br />

Omnia jam seorsum cernes, ameisa recenti<br />

GGG<br />

Vplnere, tortari» et terrain conspergere fabo j<br />

Ipsam seqie rétro partem petere ore priorein,<br />

Volneris ardenti, ut moren premat, îeta dolore.<br />

Omnibus esse igitur totas dicemus in ollls<br />

Particulis animas? at ea ritione sequetor, ^<br />

Unam animantem animas habuisse in corpore mullas.<br />

Ergo dif isa est «sa, qu« fait una simul cum<br />

Corpore : quapropter mortali itrumque ptitan<strong>du</strong>m est-<br />

In multas qaoniaro partais disciditur asque.<br />

Pneterea , si immortalis nattra animai §JQ<br />

Constat, et in corpus nascentibus insinuatur;<br />

Quur super ante actam œtatem meminlsse nequimu^<br />

Nec vestigia gestarum rerum ulla tenemus?<br />

Kam si tantopre est animi mulata potestas ,<br />

Omnis ut actarum exciderit retinentia rerum ; C7§<br />

Non, ut opinor9 id ab leto jam longiler errai.<br />

Quapropter fateare necesse est , quar» fuit ante,<br />

Interlisse; et, qoœ nunc est, nunc esse cieatam.<br />

Praeterea, si, jam perfecto corpoie, nobis<br />

lafetri solita est aniini vivata potestas, %^


m milieu <strong>du</strong> mug 9 avec le trône et les membres?<br />

Non ; 11 est dans une cage : il doit y irïvre seul 9<br />

et de son propre fond, et pour lui-même, quoique<br />

le sentiment inonde tout le corps* Aussi 9 je<br />

te le répète f ne crois pas que les flmes soient<br />

exemptes de naître f que la mort les affranchisse<br />

de ses lois ; ou bien, il est invraisemblable que<br />

ces étrangèresf insinuées dans nos membres,<br />

y forment une liaison si étroite, si complète,<br />

si évidente. Car elles se lient tellement avec les<br />

entrailles, les veines 9 les nerfs, les os » que les<br />

dents eiei-mémes prticipent à la sensibilité : tu<br />

le vois dans leurs maladies, et quand elles trèssaillent<br />

agacées par des eaui froides, ou quand<br />

elles broient avec le pain uncaillouqui les blesse.<br />

Mêlées au tissu <strong>du</strong> corps, les âmes ne peuvent<br />

évidemment fuir toutentières, et se détachersans<br />

blessures des os f des nerfs, des articulations.<br />

Les crois-tu, par hasard f un luide que nous<br />

versent les airs, et qui pénètre, qui inonde le<br />

corps î Maison, de plus pour que toutes se répandent<br />

avec lui et succombent. Tout luide se dissout<br />

, et par oonséquent il meurt. Les voilà donc<br />

disséminées par tous les pores ; et comme la<br />

nourriture s'épuise dans les articulations et les<br />

membres où elle circule, comme son essence<br />

fournit une matière nouvelle, de même les âmes,<br />

quoique toutentières quand elles envahissent le<br />

corps naissant, m brisent aussi quand elles coi*<br />

lent, quand mil le canaux distribuent à la masse<br />

fttm quom pgniraur, et vîlae quom limen totmiis;<br />

Eaud Ita'conireniebat, uti «un corpore, et uni<br />

Ctun membris videttor in ipso sanpiae cresse :<br />

Sed, v<strong>du</strong>t in cavea, per se slbi VîT ère solam<br />

Convenitf ut sensu corpus tamen affluât omne. 685<br />

Qoare etiam atque etiam neque originis esse putan<strong>du</strong>m est<br />

Eiperteîs animas, lec leti lege solutas :<br />

ffam neque tantopere anneeU potuisse putan<strong>du</strong>m est<br />

Corporibus nostreis, eitrinsecws iosinuatas;<br />

(Quod fieri totum contra manifesta docet res : 690<br />

Mamqie ita eonnexa est per ¥e»asf flscera t nerf os,<br />

Ossaque, uti dentés quoque sensu prticipntur;<br />

Morfaîis ut indkat, et gelidai stringor aquai9<br />

Et lapis oppressas subitis e fragibus asper : )<br />

Nec-, tam contexte quoin suit 9 eiire tidentur 695<br />

Incolnmes posse, et saltas exsolvere sese<br />

Omnibus e nertis atque ossibus articulisqne.<br />

Quod si forte pntas f extrinsecus insinaatam »<br />

Permanare anÉnam nobb per membra solere;<br />

Tmtû quoique magisf mm corpore fusa 9 peribit. 700<br />

Quod permanat enim, dissoif itur : iuterit ergo.<br />

IMspertita ergo per caulas corporis omiieis,<br />

Ut cites , in membre atque artus quom <strong>du</strong>citur omneis »<br />

Wsperit, atque alkm naturam sufficit ex se,<br />

Sk anima atque animus 9 quamfis intégra recens in 705<br />

Corpus eunt, tamen in manando dissoluuntury<br />

Dutn v quasi per caulas, omneis di<strong>du</strong>riur in artus<br />

DE Là NàftJM BIS C10SESf LIV. 11L 5T<br />

leurs particules f dont se forment ces âmes de<br />

seconde nature, nouvelles reines <strong>du</strong> corps, et<br />

filles des autres qui meurent éparpillées dans nos<br />

membres.<br />

Ainsi, tu le vois, leur nature ne les dérobe<br />

ni au jour de la naissance, ni au jour de la<br />

mort.<br />

En outre, laissent-elles, ou non, quelques<br />

germes dans te corps inanimé? Si des restes y<br />

demeurent, elles ne peuvent se donner pour immortelles,<br />

quand elles sont appauvries et entamées<br />

dans leur fuite. Mais si elles emportent<br />

tout, échappées sans blessures, si un cadavre ne<br />

garde pas la moindre partie de leur être, pourquoi<br />

les entrailles qui se gâtent exhalent-elles des<br />

vers? Pourquoi un essaim immense d'insectes,<br />

privés de sang et d 7 os, bouilkmne-t-il dans les<br />

chairs gonlées?<br />

Si tu admets que des âmes extérieures se glissent<br />

au sein, de chaque vermisseau, et occupnt<br />

chaque corps, sans réfléchir parquet hasard<br />

des milliers se rassemblent au lieu qui en a rejeté<br />

une seule, encore faut-il apparemment que<br />

tu examines, que tu débattes ce point : Les âmes<br />

vont-elles à la chasse des éléments <strong>du</strong> ver, pur<br />

se bâtir une demeuré; ou se logent-elles dans un<br />

corps tout fait? Or, pourquoi ce travail, cette<br />

peine ? Leur motif ne me frappe pas : elles qui,<br />

voltigeant loin <strong>du</strong> corps, échappent aux angoisses<br />

<strong>du</strong> mal, <strong>du</strong> froid et de la faim; car ces<br />

Partirai», quibus toc animi nature creatut,<br />

Qmm aune in nostro dominatur corpore, nata<br />

Ex olla y qu» tune peritat, partita per artus. 7iç<br />

Quapropterf neque natali pritata videtur<br />

Esse die natura animae 9 nec funeris eipers.<br />

Semina preterea linquuntury necnef animai<br />

Corpore in exanîmo? Quod si linqnuntur et insuut,<br />

H and erit y ut merito immortalis posait baberi ; 715<br />

Partibus amissis quoniam libata recessit<br />

Sin ita9 slnceris membris ablata9 profegît',<br />

Et miles parteis in corpore liquerit êx se;<br />

Unde cadavera rancentî jam Yiscere fermes<br />

Eispïrant? atque unde animantum copia tanin, 72§<br />

EKOS et exsanguis, tomidos perÉuetuàt artus?<br />

Quod si forte animas extrinseens inrinuari<br />

Vermibus, et pri?as in corpora posse venire,<br />

Credisi nec repntas9 qnur millia multa animarum<br />

Conveniant, undeuna recesserit : faœ tamen est, ut 7^5<br />

Quaerun<strong>du</strong>m videatur, et in discrimen agun<strong>du</strong>m;<br />

Utrum tandem animae venentur semina quaeque<br />

Yermiculorum, ipsœque sïbi fabricentur, ubi sint :<br />

An quasi corporibus perfecteis Insinuent»,<br />

At neque, quur faciant ips« f quare? e laborent, 730<br />

Dicere suppeditatf neque enim, sine corpore quom sunt,<br />

Sollicite Yolitant morbis alguque fameque :<br />

Corpus enim magis bis vittis, et ine laborat;<br />

Et mata cuncta animus contagi fungitiur efw


le<br />

LUCRECE.<br />

fléaux f ainsi que la mort f attaquent surtout la<br />

chair, et un esprit ne les en<strong>du</strong>re tous que par son<br />

se rompre dans les membres 9 et le oorp les enveloppera<br />

tout entières dans sa mine.<br />

contact avec elle. Pourtant, je le veux bien , il Si on prétend que celles des hommes se fixent<br />

leur est avantageux de construire leur asile; toujours dans le corps humain, encore faut-Il<br />

mais le peuvent-elles? Je ne vois pas comment. me dire pourquoi de sageselles deviennent folles,<br />

Ainsi donc elles ne fabriquent point un corp et<br />

des membres. Ont-elles, au moins, la ressource<br />

pourquoi l'enfant est sans prudence f et le poulain<br />

d<br />

de pénétrer dans un corps tout fait ? Non ; car<br />

elles ne peuvent y adhérer par une chaîne si Une<br />

que les impressions se partagent et se gagnent.<br />

Enfin, pourquoi les emportements fougueux<br />

sont-ils prpétués avec la race cruelle <strong>du</strong> lion,<br />

et avec le renard la ruse ? Pourquoi la fuite,<br />

la peur et le tressaillement sont-ils le patrimoine<br />

<strong>du</strong> cerf? Pourquoi toutes les espèces de ce genre<br />

se dessinent-elles, sitôt que la vie commence,<br />

par la forme comme par les habitudes 9 sinon<br />

parce que les âmes ont aussi leur germe, leur<br />

race, leur essence ^déterminée qui, partage les<br />

accroissements de la chair ? Si elles étaient impérissables<br />

, si elles changeaient de corps 9 quel<br />

désordre dans les mœurs des êtres ! Souvent un<br />

chien d'Hyreanie fuirait la rencontre <strong>du</strong> cerf au<br />

bois terrible; le vautour fendrait les airs d'une<br />

aile tremblante, à l'arrivée de la colombe; et la<br />

raison, quittant les hommes f passerait aux espèces<br />

sauvages, aux bêtes.<br />

Car un faux raisonnement abuse ceux qui veulent<br />

que les âmes, immortelles quoique changeantes<br />

, se plient à la nature des corps. Tout<br />

changement amène la dissolution, et par suite la<br />

mort qui accompagne le bouleversement, désordre<br />

des parties. Les âmes seront donc exposées à<br />

9 nne cavale inhabile aux généreux efforts<br />

<strong>du</strong> coursier robuste : sinon f parce que les âmes<br />

ont leur germe, leur race, leur essence déterminée<br />

f qui partage les accroissements <strong>du</strong> corps.<br />

Ou bien, dans un jeune corps, se font elles jeunes<br />

et tendres? Voilà ton seul refuge; mais alors<br />

il faut reconnaître la mortalité des âmes : car,<br />

pour essuyer une telle révolution dans les membres<br />

, elles dépouillent leur eiistenee 9 leur senst*<br />

bilité première.<br />

Comment leur essence pourra»t-elle, se fortifiant<br />

avec le corps, avec lui atteindre la douce<br />

leur de Fâge, si elles ne sont pas ses compagnes<br />

de naissance? Pourquoi aussi aspirent-elles à<br />

quitter nos membres vieillis ? Ont-elles peur de<br />

se voir emprisonnées dans une chair corrompue,<br />

ou que leur demeure, fatiguée par les ans, ne<br />

les écrase dans sa chute ? Mais un immortel ne<br />

court aucun danger.<br />

Ainsi, dès que Vénus joint les bêtes, et que les<br />

bêtes enfantent, les âmes sont à leur poste. 0 le<br />

plaisant spectacle ! Ces immortelles briguent un<br />

corps qui meurt, et un innombrable nombre se<br />

hâtent, se disputent à qui aura le pas sur les autres;<br />

à moins que, par une sage conventionf<br />

la première qui accourt au vol ne se glisse la<br />

première ; ce qui empêche toute bataille.<br />

Sed tamen liîs eslo quanivis facere utile corpus f<br />

Quod sobeant; aty qua possint, via nulIa videtur ;<br />

llaud igltur fociunt animae sibi corpora et arttis.<br />

Nec tamen est, qui jain perfecteis insinueutur<br />

C^orporibus : neque euitii potenmt sebtiilier esse<br />

Ç'Oumum ; neque consens» contagia fient.<br />

Denique qunr acrjs violenta triste leonura<br />

Scmlnium sequitur, volpeis dolos; et fuga cervîs<br />

A patrlbus datur, et patrius pa?or incitât artus?<br />

JSt jam cetera de génère lioc, qunr otnnîa membris<br />

Ex ineunte aevo geoerascuitiogenioqoe;<br />

Si non, certasoo quia semine seminloque<br />

Vis animi pariter crescît cum corpore quoque?<br />

Quod si iminortalis foret» et mutare soleret<br />

Corpora, par mixtis animantes raoribus esseot :<br />

Effngeret canîs Hyrcano de semine saepe<br />

Cornlgerî incursum cer?i ; tremeretque i>er auras<br />

Aeris acclpiter fugiens» veniente coluroba :<br />

Desiperent tiomines, sapèrent fera secla ferarum.<br />

lllud enim falsa fertur ratione , quod aiiint<br />

lramortalem animamjnulato corpore flecli;<br />

Quod mutatur euim, dissol?îtur : interit ergo :<br />

Trajiciuntiir eaim partes, atqueordlne migrant,<br />

Quare dissolvi quoque debent posse pcr artus,<br />

Penique ut ûitereant nna cum corpore cunctoe.<br />

735<br />

7*0<br />

7ô§<br />

755<br />

Sio anima* hominum cliceet in corpora semper 7§ê<br />

Ire liumana 9 tamen quœram f quur e sapienll<br />

Stolta «peut fieri » née prudens sll puer tilles ;<br />

Nec tam doctus equap pullus, qiiam fortis equl vis?<br />

Si non, certa stio quia semine seiuînioque<br />

Vis animi pariter crescit cum corpore quoque. 7êS<br />

Scilicet in tenero tenerascere corpore <strong>mont</strong>era<br />

Cortfugient; quod si jam fity ftteare necesse est<br />

Mortalem esse animam ; quoniatii , mutata per artus<br />

Tantopere, amiitil vitam sensumqtie priorem.<br />

QuofC modo poterit» pariter cum corpore quoque 770<br />

Confirmata, cupitum œtatis tangere florem<br />

Yis animi, nisi erit consors in origine prima?<br />

Quidte foras sibi foltmembrîsexireseneclis?<br />

An metuil conclusa manere in corpore putri ? 77S<br />

An f domus aetalis spatio ne fessa ?etusto<br />

Obruat ? At non sunt jam iinmortali ulla pericla.<br />

Denique connubiaad Yeneris partusque ferarum,<br />

Esse animas praesto, deridiculum esse videtur;<br />

Eispectare immortaleis mortalia membra<br />

Innumero numéro 9 certareque pneproperanler 710<br />

Inler se» quae prima pottssimaque insinuelur :<br />

Si non forte ita supt animarum foedera pactay<br />

Ut, quae prima volans advenerit t insinuelur<br />

Prima, neque inter se coaten<strong>du</strong>it viribus hilmii»


Enfin, il ne put y avoir un arbre dans le ciel,<br />

in nuage dans les abîmes de la mer, un poisson<br />

vivant an milieu des campagnes, <strong>du</strong> sang dans<br />

les veines <strong>du</strong> bois, 01 des sucs dans la pierre ; tout<br />

a un lien distinct et fixe pour séjourner et croître.<br />

De même la nature ne peut enfanter un esprit<br />

sans corps, un esprit pur, qui existe loin <strong>du</strong> sang<br />

et des veines. Car? autrement, ces essences libres<br />

babiteraient indistinctement la tète, les épaules,<br />

le talon , et auraient coutume de naître dans un<br />

endroit quelconque, plitôt que de rester ai fond<br />

<strong>du</strong> même corps, <strong>du</strong> même vase. Mais si, dans<br />

ton propre corps, Il est évident et sir que des<br />

lois invariables fixent un lieu où existent et croissent<br />

séparément ton esprit et ton Ime f à plus<br />

forte raison nieras-tu que leur assemblage puisse<br />

subsister ou naître loin <strong>du</strong> corps. Avoue donc<br />

que la ruine <strong>du</strong> corp entraîne la perte des âmes,<br />

qui se déchirent avec la masse.<br />

Joindre ce qui meurt à ce qui est Immortel,<br />

leur imputer un accord et des impressions communes<br />

, est une folie. Car est-Il opposition plus<br />

vive, plus tranchée, plus inconciliable, que de<br />

voir un esclave de la mort et un immortel, un<br />

être sans fin, essuyer de concert les rudes tempêtes<br />

de la vie?<br />

D'ailleurs, pour que les êtres soient éternellement<br />

<strong>du</strong>rables, il leur faut une matière solide,<br />

qui brave les coups, et ne laisse pénétrer aucun<br />

germe de dissolution entre le tissu étroit des parties,<br />

comme les atomes dont nous avons indiqué<br />

Deniqoe in aethere non arbor, non «pore m alto 78S<br />

lobes esse queunt9 nec pîsces vi?ere in arvis f<br />

lec eraor in Iignis9 neque saxeis sticos inesse :<br />

Certum ac dbpositum est, obi quidquîd crescat el instt :<br />

Ew animi satura naquît sine corpre oriri<br />

Sola 9 neque a nerf is et sanguine longius esse, 790<br />

Quod si psset enim 9 multo prlus Ipsa animi fis<br />

In eapite, soi humeris 9 aut irais caJcîbas esse<br />

Pwset, et uinasciquafis in parte mhmî;<br />

Qoamde in eodem domine atqne in codera vase matière.<br />

Qnod qnoniam nostro quoque constat corporeeerlum, 795<br />

Wspositttiiiqie f yetur> ubi esse et crescere possit<br />

Seorsum anima atqne animus ; tanto magis infician<strong>du</strong>m,<br />

Total» posse extra corpus <strong>du</strong>rare geniqne.<br />

Quai^ corpus ubi interiit 9 prisse necesse est<br />

Conlteare animant 9 distraetam in corpore loto. 800<br />

Qoippe etenim morlate aeteroo jungere, et uni<br />

Consentira pu lare 9 et fungi muftis psse9<br />

Desipere est : quld enim ditorsius esse putandom est,<br />

lut magis inter se disjunetum discrepitansque,<br />

Quam, mortale quod est f immortalî atqne perenni 805<br />

Jonctum y in concilie sœ?as tolerarc procelias ?<br />

Praeterea, quaequomque manent aeterna 9 necesse est,<br />

Aut9 quia sttnt solda cnm corpre, respuere ictus,<br />

Hec peoetrare pati sïbi quidquaon quod qtieat arclas<br />

Diasodarc ïntus partais ; ut materiai 810<br />

Corporasunt, quorum naturam ostindimusautt 1 ;<br />

UE Là NAT11E DES CHOSES, LIV. III. 59<br />

plus haut la nature. Ils peuvent avoir aussi la<br />

même <strong>du</strong>rée que les âges, quand ils échappent<br />

aux atteintes, comme le vide qui demeure toujours<br />

Impalpable, qui ne recèit pas la moindre<br />

blessure <strong>du</strong> choc ; ou quand ils ne sont environnés<br />

par aucun espace libre » dans lequel un corps<br />

puisse se dilater et se répandre, commo le tout<br />

universel, le tout impérissable, qui hors de soi<br />

ne trouve ni éten<strong>du</strong>e pour la fuite, ni atomes<br />

dont la rencontre, dont les assauts terribles<br />

viennent le pulvériser. Or, nous avons vu que<br />

les intelligences ne sont pas un corps de nature<br />

solide, puisque le vide se mêle à tout assemblage-<br />

Elles sont encore moins un vide pur. Elles<br />

ne manquent pas de corps ennemis : <strong>du</strong> tout<br />

immense jaillissent mille tourbillons orageux<br />

qui peuvent abattre le monde des âmes, ou les<br />

exposera mille désastres. Enfin, elles ont toujours<br />

des espaces, des gouffres inépuisables pour<br />

y dissiper leur essence, pour y essuyer des attaques<br />

mortelles. Donc, les portes de la mort ne<br />

leur sont pas fermées.<br />

Dira-t-on, comme preuve nouvelle de leur immortalité,<br />

que les enceintes les plus reculées de<br />

la vie sont leur asile , leur rempart, et que jamais<br />

ennemi de leur salut ne pénètre jusqu'à<br />

elles, ou que <strong>du</strong> moins ses atteintes fugitives<br />

sont repoussées avant que le ravage ne se fasse<br />

sentir? Ce raisonnement est loin de la vérité :<br />

car, outre les maux <strong>du</strong> corps dont elles souffrent<br />

aussi, Paveniry jette ses angoisses desséchantes<br />

ânt ideo <strong>du</strong>rare «latent posse per omnem,<br />

Plaprum quia sunf expertia, sicut inane est9<br />

Quod manet iotaetum 9 neque ab ietu fuugitur hilum :<br />

Aut ideo quia ntilla loci sit copia circum , 81S<br />

Quo quasi res possint discedere, dissoluique;<br />

Slcull summarum summa est seterna 9 neque extra<br />

Quis lœusest, quodiffugiant; neque corporasunt, quae<br />

Possint inciderey et falidadissoltere plap :<br />

At neque, «Il docui, solido cnm corpore mentis 820<br />

Matera est» quoiiam admiitum est in rébus inane :<br />

Mec taises est ut inane; neque autem corpora dcsnai,<br />

Ex infinito qum possint forte ooorta<br />

Proruere banc mentis f iolento turbine molem f<br />

Aut aliam quam?is cladem importare pericli : 82§<br />

Nec porro natura loci sptiumque profondi<br />

Déficit, eisprgi quo pssit fis animai,<br />

Aut alia quavis pssit fi puisa perlre :<br />

Haud igitur leti prseciusa est janua mentL<br />

Quod si forte ideo magis Immortalis Imbenda est, 830<br />

Quod vitalibus ab rébus munita teoelur;<br />

Aut quia non f eniunt omnino aliéna salutis;<br />

Aut quia 9 quae f eniunt 9 aliqua ratione rece<strong>du</strong>nt<br />

Puisa prlus, quant f qnid noeeait, sentire queamus,<br />

[Scilicet a fera longe ratloue remotum est]. §31<br />

Praeter enim quam quod raorbls tom corpris œgrit,<br />

Adienit id9 quod eam de rébus sœp futuris<br />

MaGeret, Impe nietu maie babet, curisque fotipt ;


§0 LUCfiÈCE.<br />

les tourments de la peur, Ja fatigue des inquiétudes<br />

; et une faite passée les ronge. Ajoute ce délire<br />

qui est propre aux âmes 9 et leur oubli des<br />

choses. Ajoute ces léthargies f dont les sombres<br />

vagues nous engloutissent<br />

Qu'est-ee donc que la mort? a-t-elle rien qui<br />

touche les hommes, quand ils savent leur âme<br />

de nature périssable ? Jadis, avant de naître f nous<br />

ne sentions aucune blessure de voir les Carthaginois<br />

inonder et battre nos murailles, alors que<br />

tous les êtres, au retentissement des armes qui<br />

bouleversaient le monde, frissonnèrent épouvantés<br />

sous la haute voûte des deux, et furent incertains<br />

<strong>du</strong> peuple chez qui allait tomber le sou*<br />

verain empire des hommes sur la terre et sur<br />

Tonde! La même paii aceompgne le néant,<br />

après le divorce <strong>du</strong> corps et de l'Ame 9 qui forment<br />

le tout harmonieux de la vie. Non, il ne saurait<br />

y avoir pour nous, qui aurons cessé d*étre, ni<br />

événement, ni impression v sensible : non, la terre<br />

dût-elle se mêler à la mer, et la mer au ciel 1<br />

Admettons que les esprits, les âmes demeurent<br />

sensibles, bien que leur essence vive soit arrachée<br />

<strong>du</strong> corps : que nous en revient-il, à nous<br />

qui ne faisons une masse vivante que par rajustement<br />

et l'alliance <strong>du</strong> corps et de l'Ame? Le<br />

temps peut ramasser nos atomes que la mort<br />

éparpille, rétablir leur assemblage, leur ordre<br />

primitif, et nous rendre la douce lumière de la<br />

vie, sans que ce bienfait nous atteigne : la chaîne<br />

de nos souvenirs une fois rompue, nous ne ressentons<br />

ni Intérêt pour notre vieil être, ni inquié­<br />

Prieteritlsque maie admîssis peccata re<strong>mont</strong>ent,<br />

Adde ftirorem animi propriuni, atque obllvia rerum; 840<br />

Adde, quod in migras lethargi mergitur undas.<br />

If U igitur mors est y ad nos neque prtinet liilum »<br />

Quandoquidem naîtra animi mortalis habetur.<br />

Et velut anteacto ml tempore sensimus aegrl,<br />

âd coniigun<strong>du</strong>m venlentibus undlquePœnis; §45<br />

ûmnia quom9 bellî trepldo concussa tiimultu f<br />

Horrlda eontrerauere sub aliis «theris auris ;<br />

Il <strong>du</strong>bioque fueref utrorum ad régna ca<strong>du</strong>n<strong>du</strong>m<br />

Omnibus bimaneis esset terraque marique :<br />

Sic* ubi non erimus, quom corporis atque animai §50<br />

Discidium fueril 9 quibus e sumus uniter aptei;<br />

Scilicet tiaud nobis quidquam , qiiei non erfmus tura 9<br />

Aeeidere omninopolerit, sensumque mofere :<br />

Non, si terra mari miscebitur, et mare ccelo.<br />

Et si jam nostro sentit de corpore t postqtia m 855<br />

Distracta est animi natura aniroaeque potestas ;<br />

Nil tamen est ad nos t quel comtu conjugioque<br />

Corporis atque animée eonsisiirous uniter aptei.<br />

Née, si materiam nostram collegerit œtas<br />

Post obitom, rnrsumque redegerit y ut sita nunc est , 860<br />

Atque iterum nobis fuerinl data lumina irite ;<br />

Pertineat quidquam tamen ad nos id quoque factura,<br />

luterrupta semé! quom sit repetentia nostrels;<br />

Et nunc aii ad nos de nobis attinet, an te<br />

tude pour ceux que les Ages tireront encore dt<br />

nos ruines. Car lorsque tu envisages le temp<br />

immense qui comble les abîmes <strong>du</strong> passé f et ensuite<br />

les agitations si variées de la matière, tu<br />

dois te igurer sans peine que les germes ont tu<br />

mille fois les mêmes arrangements que de nos<br />

jours : et pourtant la mémoire ne put rattacha 1<br />

le II de ces existences, qui sont entrecoupées de<br />

mille courses aventureuses et étrangères an mouvement<br />

vital.<br />

Un homme réservé à un sort amer et misérable<br />

doit conserver la vie, pour que le malheur<br />

ait prise sur elle. Si donc il y échappe pr la mort,<br />

et si cet homme, sujet aux infortunes, ne peut<br />

redevenir un assemblage tel que nous le sommes,<br />

à cause de son existence passée, tu vois que la<br />

mort nous affranchit de toute crainte. Le pal<br />

atteint-il ceux qui ne sont pas? Ëst-on autrement<br />

que si on ne fût jamais né, quand on échange sa<br />

vie mourante pur une mort immortelle?<br />

Aussi, lorsque tu entends un homme se plaindre<br />

de ce que son propre corps, une fois éteint,<br />

soit abandonné aux vers, englouti pr la flamme 9<br />

dévoré pr les bêtes, sache-le bien, ces plaintes<br />

sont un faux écho de son Ame, que des Inquiétudes<br />

secrètes aiguillonnent. II a beau se défendre<br />

de croire que la mort épargne les sens. Oui, je<br />

doute que son cœur tienne la promesse de ses lèvres,<br />

et se retranche, se déracine tout entier de<br />

la vie, sans y oublier encore quelques restes de<br />

lui-même. Car quiconque se représente le jour où<br />

les oiseaux et les bêtes le déchireront, au sein de<br />

Quei fuimus : nec jam de ollis nos alficitangor, Sis<br />

Quos de malerk nostranota proferet œtas.<br />

Nam quom respicks immensi temporis onme<br />

Prseteritum spatium; tu m motus materiai<br />

Multimodei quam sint; facile hoc accredere possis,<br />

Semina sœpe in eodem 9 ut nunc 8iinty même posta : §79<br />

Mec memori tamen id qnimus reprehendere mente;<br />

Inter enim jecta est f itai pausa 9 vageque<br />

Beerraruni passim motus ab sensibus omncs.<br />

Débet enim y misère est quoi forte segrecpe futurum »<br />

Ipse quoque esse in eo tum tempore, quoi maie possit 875<br />

Accidere : id quoniam mors eximit, esseque prohibât<br />

Olium f quoi possint incommoda conciliari »<br />

Hœc eadem, quibtis e nunc nos sumus f ante fuis»;<br />

Scire licet nobis nihîi esse in ftiorte timen<strong>du</strong>m :<br />

Nec mlserum fieri, qui non est, posse; neque hllum §gi<br />

Differre, t nullo fuerit jam tempore natus ;<br />

Mortatem vilain mors quom immortalis adeiniL<br />

Proinde, ubi se tideas hominem indignarier Ipsum,<br />

Post morteni fore f ut aut putescat corpore posto»<br />

Aut Ëammls interfiat 9 malis?e ferarum ; gg^<br />

Scire licet f non smcerum sonere, atque snbesse<br />

Caecum aliquem cordi stimulom ; quam?is nage! ipse<br />

Credere sequemquam sibi sensum in morte futurum.<br />

Non t ut opinor9 enim dat 9 quod promitUt et unde f<br />

Nec radicitus e f ita se tollit et efcit 1 $m


DE Là NÀTUEE DES CHOSES, LIT. III.<br />

kl mort, a pitié de soi : incapable de partager son<br />

être f et d'abandonner sa triste dépouille , il s'imagine<br />

que c f est lui ; il s'y attache, et l'empoisonne<br />

d'une sensibilité pénible. De là son indignation<br />

à l'idée qu'il est une créature mortelle ; il<br />

M voit pas que 9 dans sa vraie mort, il ne peut y<br />

avoir un autre lui-même qui assiste vivant à sa<br />

perte, debout à sa chute, pleurant son corps que<br />

la dent ou le feu ravage. Car si, une fois mort, il<br />

souffre dans la gueule des bêtes qui mordent et<br />

arrachent sa chair, je ne trouve pas qu'il y ait<br />

une souffrance moins aiguë à briller sur un lit<br />

ardent de flammes, à étouffer enseveli dans le<br />

miel 9 à raidir glacé par la froide surface de sa<br />

couche de marbre, ou à être broyé sous nos pas,<br />

qui foulent et appesantissent la terre.<br />

m Pour lui, désormais, ni joyeux accueil dans<br />

sa famille 9 ni épouse si bonne, ni enfants si doux<br />

qui accourent à ses baisers, se les ravissent, et<br />

pénètrent ion âme d'une volupté muette; il ne<br />

soutiendra plus, ni sa gloire déjà florissante, ni<br />

ses proches : triste victime d'un triste sort, un<br />

seul jour, un jour odieux lui enlève toutes ces<br />

récompenses de la vie ! » Voilà ce que disent les<br />

hommes. Ils n'ajoutent pas : « Ces biens ne laissent<br />

aucun regret qui assiège 5a tombe. » Si cette<br />

vérité entre dans nos intelligences, éclate dans<br />

nos paroles, elle dissipera de vives angoisses et<br />

mille terreurs des âmes. Mais non : tu vas dormir<br />

pendant le reste des âges, comme tu dors<br />

sur un lit, exempt de toutes les agitations mala-<br />

Sed fnât esse sui quiddam saper inséras Ipm*<br />

Huns enim sibi quota propoiit quisqtie, faturum<br />

Corpus uti volacres lacèrent in morte ferœqne,<br />

Ipse soi misent : neque enim se dividit hilnm ,<br />

Née removet satis a projecto corpore; et illud 895<br />

Se §Bgït» seasocfue suo contaminât adstans.<br />

Rinc indignalur 8e mortalem esse créatif m;<br />

ffec jièeî m vera nullum fore morte alium se 9<br />

Qui posât vif os sibi se lugere peremtmn f<br />

Stmsqiie Jacentem se lacerari uritet dolere. 900<br />

ffun fi in morte nialtim est mais morsuqae feraram<br />

Tractari ; non invenio , qui non sit acerbum,<br />

ipiims ïmpositum t calidis torrescere flammis;<br />

ait in mélle sttoin seffocari y atque rtgere<br />

Frigore » qooro snmmo geJîdi ctibat aequore saii ; 905<br />

Ufguerivef superne obtritum, pondère terne.<br />

« Nam jam non demis accipiet te laeta 9 neque mm<br />

Optoma 9 sec <strong>du</strong>lces occurreat oscilla natei<br />

Pneriptre» et tacita peclns dolcedine tangent<br />

Mon potens facteis loreotibus esse, tueisque ' 910<br />

Pneôdifitti : misera misère 9 aiunt 9 omnia ademit<br />

Hua dies infesta tibi M prtemia ¥itae. *<br />

JUnd bi bis rebas non ad<strong>du</strong>nt : « Mec iibi earam<br />

Jam desiderium reram insidet kisuper una. »<br />

Qnod bene si videant animo t dictlsqoe sequantur, 915<br />

HMI?aot a&imi magno se angore metuque.<br />

Ti quidem 9 ut es » lecto sopitus , sic eris, «ri<br />

dives; et nous, devant cet horrible bûcher qui a<br />

fait de toi un peu de cendre, nous sommes insatiables<br />

de lamentations, et aucun jour ne vient<br />

arracher de nos poitrines ce deuil éternel I Or, je<br />

le demande, si tout se ré<strong>du</strong>it à un assoupissement,<br />

à un simple repos, est-ce donc une perte si amère<br />

qu'il faille éternellement sécher dans les larmes?<br />

Voilà ce que font les hommes jusque sur la<br />

couche <strong>du</strong> festin; tenant des coupes» et le front<br />

ombragé par une couronne de fleurs, ils s'écrient*<br />

<strong>du</strong> fond de l'âme : « Quelles courtes jouissances<br />

pour les chétifs humains 1 Elles fuient déjà, et on<br />

nepeutles rappeler ensuite. »—Comme si, à leurs<br />

yeux, le premier fléau de la mort était une soif<br />

aride qui brûle, qui dévore leurs misérables restes,<br />

ou que tout autre besoin y survécût. Non,<br />

ils ne cherchent point à recouvrer leur vie, leur<br />

être, quand les esprits et les corps dorment <strong>du</strong><br />

même sommeil. Peu leur importe que ce soit un<br />

éternel assoupissements ils ne sont jamais atteints<br />

de regrets pour eux-mêmes. Encore nos<br />

membres reposent-ils sans que les atomes soient<br />

égarés bien loin <strong>du</strong> mouvement vital ; car, à peine<br />

tiré <strong>du</strong> sommeil, un homme reprend possession<br />

de soi. 11 faut en conclure que la mort est moins<br />

encore pour nous, si elle peut être moins que<br />

rien. En effet, les désordres de la matière qui<br />

accompagnent notre fin sont plus graves; et aucun<br />

ne se réveille, ne se lève, dans ces froides<br />

interruptions de la vie.<br />

loin, suppose que la Nature tout à coup parle9<br />

Qnod su pèrestf cunctis privatu' doloribus spgris :<br />

At nos horrilco cinefactum de prope busto<br />

Insatiabiliter deflebimus; aeternuroque 920<br />

lulk dies nobis mœrorem e pectore démet,<br />

lllnd ab hoc igitur qamrandam est 9 qtiid sit amari<br />

Tantopere, ad somnnro si res redit atque quietem 9<br />

Qunrquisquam œterno possit tabescere luctu?<br />

Hoc etiam faoinot f ubi discubuere9 teneotqne 92J<br />

Pocula sœpe homines 9 et inumbrant ora coronîs ;<br />

Ex animo ut dicantf « Bretis hic est fraetns bomultei* ;<br />

Jam fuerit ; neque post unquam re?ocare licebit ! »<br />

Tamqiiam in morte mali cum primis hoc sit connu»<br />

Qnod sitte eiurat miseros atque arida torreat , 930<br />

Aut altae quojus desiderium insideat rd.<br />

Pec sibi enim quisqnam tam se litamqae requiretf<br />

Quom pari ter mens et corpus» sopita, quiescunt;<br />

lam licet aeternum per nos sic esse soporem ;<br />

Nec desiderium nostri nos attïgit «Hum : 933<br />

Et tamen haud quaqnam nostros fane oHa par artus<br />

Longe ab sensiferis primordia motibns errant,<br />

Quom correptusliomo ei somno se colligit ipse.<br />

Multo Igilur morlem minus ad nos esse putandiim est :<br />

Si minas esse potest9 quam quod nihU esse f idenius. 910<br />

Major enim turbaa disjectus materiai<br />

Consequitur leto ; nec quîsquam expergitvs eislat,<br />

Fripda qoem semel est ?itaï pausa sequuta,<br />

Deuiqiie9 si •ocem rernm ffatnra repente<br />

61


€2<br />

LUCIECE.<br />

et gourmande ainsi in des nôtres : • Mortel,<br />

qu'at-tu donc de si triste pour l'abandonner à une<br />

douleur si amère? pourquoi accueiltes-tu la mort<br />

avec des gémissements et des larmes? Si tu as<br />

passé jusque-là une douce existence, si tous les<br />

avantages ne furent point accumulés dans un<br />

vase sans fond, qui les a répan<strong>du</strong>s et dissipés sans<br />

charme, que tardes-tu? Convive rassasié de la<br />

vie, va-t'en, et résigne-toi, pauvre fou, à dormir<br />

en paix. Si, au contraire, toutes les jouissances<br />

se prdent écoulées de ton âme, si l'existence<br />

ne t'offre qu'aspérités, pourquoi veux-tu<br />

entasser encore de misérables jours, encore sans<br />

fruit, et que tu consumeras sans joie? Ne vaut-il<br />

pas mieux achever ta vie, pour achever tes peines?<br />

Car enfin f je suis au bout de mes œuvres, et ne<br />

puis rien inventer qui te plaise : tout demeure<br />

toujours le même. La vieillesse ne iétrit pas ton<br />

corps, tes membres ne succombent point à la fatigue<br />

des ans : Eh bien I tu ne verras jamais que les<br />

mêmes choses, ton existence <strong>du</strong>t-elle triompher<br />

de mille siècles, ou plutôt échapper à la mort. »<br />

Que répondre, sinon que la nature nous fait une<br />

juste querelle, et plaide la cause de la vérité?<br />

Et si le trépas arrache des lamentations trop<br />

vives à un être misérable, n'est-il pas encore plus<br />

juste qu'elle l'attaque, et lui crie d f une voix irritée<br />

: « Insatiable gouffre, débarrasse-nous de tes<br />

larmes, étouffe tes plaintes 1 » — Et à cet homme<br />

si âgé, à ce vieillard qui ose se plaindre : « Tu as<br />

épuisé toutes les joies, et tu sèches de désirs ! à<br />

qui la faute ? sans cesse tu aspires à ce qui te<br />

Miltat» et hoc aliquoi nostrum sic increpet ipsa : 94S<br />

Quid tibi tantopere est, mortalis, quod nimis œgreis f<br />

Luctibus In<strong>du</strong>lges? Quid mortem ©ongemis f ac fies?<br />

Nim i si grala Ml tibi vita anteacta priorque,<br />

Et non omnia, prtusum congesta quasi in vas,<br />

Commoda perluxere, atque Ingrate inlerlere; 950<br />

Quiir non 9 ut pieatis ?itoe cou?iva ? recedis ,<br />

Mqm ani moque capte securam, stulte, quietem?<br />

Sin ea, quœ fhictus quomque es, perlera profuaa,<br />

Vitaqueia offenso est; quur amplius addere quaeris,<br />

lursuin quod pereat, mali9 et ingratom occidat omne? 955<br />

Non polius vite loein jacis alque laboris?<br />

Ham tibi praelerea, quod machiner inveniamque,<br />

Quod placent f nihtl est : eadem sont omnia semper.<br />

Si tibi non annis corpus jam raarcet, ctarlus<br />

Confectei languent; eadem tamen omnia restant, 960<br />

Omnia si pergas vivendo flncere secla;<br />

Atqne etiain poliosf si nunquam sis moritares : »<br />

Quid respondemus , IîïSî justam intendere lilem<br />

Natoram, et veram verbis eiponere causant ?<br />

At qui obitum iamentelur miser amplius aequo , 965<br />

Non merito inclamet inagis y et voce increpet acri?<br />

« Aufer abhinc iucrumas, Barathre, et compesceqnerelas. »<br />

Grandior hic vero si jamp seniorque qncratur ;<br />

m Omnia prfunctusvitaiprieniiat marces;<br />

manque t ta dédaignes ce que tn as : ton exbtone*<br />

coule donc sans être ni complète ni douce f et la<br />

mort imprévue se dresse à ton chevet, avant que<br />

tu ne sois prêt à partir, assouvi et plein de toutes<br />

choses. Lâche pourtant ces biens, qui ne sont<br />

plus de ton âge; cède-les à ceux qui ont grandi :<br />

allons, fais de bonus grâce « qui est néceaalre. »<br />

— Oui, elle dit vrai : ses reproches, ses attaques<br />

sont justes. Oui, la vieillesse recule toujours,<br />

chassée pr la leur renaissante des êtres; et il<br />

faut que tous se renouvellent les uns des autres.<br />

Aucun ne tombe dans l'abîme f dans le sombre<br />

Tartare. Ces matières sont inÉspensables à la<br />

croissance des races futures, qui elles-mêmes ne<br />

feront que traverser la vie pour te suivre. Ce qui<br />

fut avant toi a donc succombé, ou succomberi<br />

de même. La chatne des existences se prolonge<br />

sans interruption : nul ne devient possesseur de<br />

la vie, tous en font usage.<br />

legarde même le passé. A-Ml rien qui nous,<br />

intéresse, ce temp infini, antérieur à notre naissance?<br />

La nature nous le présente comme le miroir<br />

des âges, qui viendront après notre mort.<br />

De terribles images nous apparaissent-elles? Y<br />

voit-on quelque chose de triste? Le plus doux<br />

sommeil est-il aussi calme?<br />

Bien plus, ces tourments que les âmes, dit-on f<br />

essuient au fond des enfers, ce sont tous les fléaux<br />

de notre vie. Crois-tu à la fable de ce vaste rocher<br />

dont la menace épouvante, au milieu des<br />

airs, le malheureux Tantale, glacé par défausses<br />

alarmes? Dis plutôt que la vaine crainte des<br />

Sed, quia semper mm$ quod abest, praesentla temnis, 97§<br />

Iropcrfecta tibi elapsa est ingrataque vita;<br />

Et necopinant! mors ad eaput adstJUt ante »<br />

Qtiam satur ac plenus possis discedere rerum.<br />

Hune aliéna tua tamen aelate omnia mitle,<br />

i£quo animoque, age<strong>du</strong>ro, magnais concède ; necesse est : *<br />

Jure, «t opinor, agat; jure increpet, incîletque. 976<br />

Cedil eoim t rerum novilate extrusa, vetustas<br />

Semper, et ei aliis aliud reparare necesse est :<br />

Mec quisquam in baratlirum, nec Tartara deditur atra.<br />

Materies opos est» nt crescant postera secla : 980<br />

Quœ tamen omnia le, irlta perfuncta, sequentur :<br />

Mec minus ergo ante haecy quam tu, cecidere cadentq


DE Là NATUEE DES CHOSES, LIV. III.<br />

ifeux assiège les vivants, et que les mortels redoutent<br />

ce que le hasard putfaire tomber sur eux.<br />

Crois-tu que les oiseaux pénètrent dans Titye,<br />

éten<strong>du</strong> au bord de l'Achéron? Non, certes; il est<br />

Impossible que, <strong>du</strong>rant tous les âges, ilstroutent<br />

à fouiller sous sa vaste poitrine, quel que<br />

soit le prolongement de ce corps immense. Dûtil<br />

i en y jetant ses membres, occuper non-seulement<br />

neuf arpents, mais encore toute la surface<br />

<strong>du</strong> globe, il ne suffira point à essuyer une douleur<br />

éternelle, et à fournir de sa propre chair une<br />

éternelle pâture. Non, le vrai Titye, pour nous,<br />

est un homme tombé dans Famonr, et que mm<br />

mille vautours déchirent, que rongent les inquiétudes,<br />

les angoisses, ou que tout autre souci<br />

honteux met en pièces.<br />

Nos yeux rencontrent encore Sisyphe dans la<br />

vie. Le voilà qui s'obstine à demander au peuple<br />

les faisceaux, les haches cruelles, et qui revient<br />

toujours vaincu et triste. Briguer le pouvoir, qui<br />

est une chose vaine, sans jamais l'atteindre ;<br />

en<strong>du</strong>rer pour lui mille peines si rudes, n f est-ce pas<br />

rouler sur une <strong>mont</strong>agne, avec effort et contre<br />

sa pente, un rocher qui, déjà au faîte, retombe<br />

précipitamment, et gagne la rase campagne?<br />

Ensuite repaître continuellement la faim des<br />

âmes, et ne jamais emplir ou rassasier leur ingrate<br />

nature; comme les saisons qui, ramenées<br />

par le cercle des ans, nous apportent mille pro<strong>du</strong>ctions,<br />

mille charmes, sans nous assouvir avec<br />

toutes ces moissons de la vie : voilà, je pense,<br />

ce que les hommes racontent de ces vierges, à la<br />

Sed magîs in vîla Dirons metus vrgiiet inanis 995<br />

Mortaleis; castimqtie tintent» quem quoique feratfors.<br />

Née Tityon voliicres ineont, Achertinte jacentem ;<br />

Nec, quid sub magno sera tenter peclore, quidquam<br />

Perpétuant œtatem possunt reperire profecto,<br />

Quamlibet imroani projectu corporis exstet : 1000<br />

Qui non sola ïM>?eoi dispersis jugera membris<br />

Ûbiineat, sed qui terrai toi lus orbem,<br />

Non tamen sternum poterit peiferre doloreiu,<br />

Wec prabere cibum proprio de corpore semper.<br />

Sed Tityos nobis hic est t in amure jacentem 1005<br />

Quem rolucres lacérant, atqtie exest aoxiua angor;<br />

Aot alia quarissein<strong>du</strong>nt tnrpedine cura.<br />

Sisjpliiis in rita quoque nobisante ocnlos est,<br />

Qui petere a populo fasceis g»?asque secureis<br />

Imbibit; et semper ? ictus tristisqne recediU 10lO<br />

Ram petere imperium, quod inane est, nec datur unquam ,<br />

âtqnek m semper <strong>du</strong>rum sufferre laborem;<br />

Hoc est advorsô niiaotem trudere <strong>mont</strong>e<br />

Saiiirû; quod tamen a summo jam rortice rnrsum<br />

Vol?itàr, et plani raptim petit œquora eampï. 1015<br />

Deiode animi ingratam naturam pascere semper,<br />

Âîqm eiplere bonis rébus satiareque nunquam ;<br />

Qtrad fàdiml nobis aîiiiorûni tempora, circum<br />

Qnom redeant, fetusque fersint rariosque lepores;<br />

Nec tamen eipleaiur titai frucfibMS unquam : 1O20<br />

ieur de lige, qui entassent une eau fugitif e dais<br />

un vase percé, incapable de se remplir. Quant<br />

à Cerbère, et aux Furies, et à la nuit éternelle,<br />

et au Tartare, dont les gorges vomissent in horrible<br />

bouillonnement de iammes, ils n'existent<br />

nulle part, ils ne peuvent .exister : mais il y a,<br />

dans cette vie, de grands supplices qui épouvantent<br />

les grands crimes, ou les expient <strong>du</strong> moins,<br />

comme la prison, le terrible saut <strong>du</strong> rocher, les<br />

verges, les bourreaux, le chevalet, la poix, les<br />

lames, lestorches.lt, à défaut de ces peines,<br />

les terreurs anticipées de la conscience nous aiguillonnent,<br />

nous dévorent sous des lanières brûlantes<br />

; et comme les âmes ne voient pas quel<br />

doit être le terme des misères, la fin des châtiments,<br />

elles tremblent encore plus que la mort ne<br />

les aggrave. Yoilà comment les insensés se font<br />

un enfer de la vie.<br />

Tu peux aussi te répéter souvent : « Ancis<br />

loi-méme» le bon Ancus, a fermé les yeux à la<br />

lumière, » Et pourtant il valait bien mieux que<br />

toi, misérable! Comme lui, tous les rois et les<br />

puissants <strong>du</strong> monde ont succombé, eux -qui<br />

avaient de grandes nations sous ieur commandement.<br />

Celui-là même qui se fraya autrefois une<br />

route dans la mer immense, qui fit marcher ses<br />

légions sur un abîme, qui leur apprit à franchir<br />

à pied les gouffres amers, et qui brava sous les<br />

bonds insultants de ses chevaux le vain murmure<br />

des ondes, a per<strong>du</strong> le jour, et son corps expirant<br />

a répan<strong>du</strong> son âme.<br />

Hoc, ut opinor, id est, œro florente puella»<br />

Quod memorant lallceni pertusum congerere in tas ;<br />

Quod tamen expleri nulia ratione polestur.<br />

Cerberus et Furiœ jam mm, et lucis egestas,<br />

Tartans , liorrîferos eructans faucibus aestus ; 10î§<br />

Quei neque sunt tisquam, nec possunt esse profecto :<br />

Sed metus in rita pœnarum pro maie betis<br />

£st insignibus insignis; scelerisque lueia<br />

Carcer9 et liorribilis de saio jactus eoram',<br />

Verbera t carnufices 9 robur9 pix t lamina , tsedœ ; 1031<br />

Quie lamen etsi abstint, at mens sibi conscia faclis,<br />

Praeinetuens, adhibet stimulos» torreiqoe lagellis :<br />

Nec videt intereaf qui terminus esse malorum<br />

Posait, quite siet poenarum denique finis :<br />

Âtque eacleiri metuit magisf hœcneiii morte grarcscanl.<br />

Ilîne Âclierasia fit stultorum denique Yila. lo.'îfi<br />

Hoc etiam Mbï tute inter<strong>du</strong>m dicere possis :<br />

« Lumina sis oculis etiam bonus ânof reliquit; »<br />

Qui melior mnitis, quam tu9 fuitf improbe t rébus.<br />

Inde aliei multei reges reruraqne potentes f O40<br />

Occiderunt» magnis quei gentibus imperitarunt.<br />

111e quoque ipse9 viam qui quondam per mare magnum<br />

Slravit » iterqne dédit legionibus ire per altum f<br />

Ac pedibus salsas docuit superare kciioas,<br />

El contemsit equis inraltans murmura pooti ; f 04><br />

Lumine ademtof anâmaiii moribondo corport fuilt.<br />

fit


§4 LUC1ÈCE<br />

Sdplon, ce foudre de guerre, la terreur de muent : espèrent-ils doue secouer ee fardetu ?<br />

Carthage, areEdisesossemeatsà la terre, comme Souvent un homme, fatigué iu logis9 aban­<br />

le dernier des esclaves.<br />

donne sa vaste demeure pour y rentrer aussitôt ;<br />

âjoute.ceuxqui Inventèrent les sciences et tons car il ne trouve rien de mieux ai dehors. Puis<br />

les charmes de la vie; ajoute les compagnons 11 lance ses chevaux et court précipitamment à<br />

des Muses : Homère, qui règne sur eux sans par­ sa terre f comme ^pour voler au secours de son<br />

tage, ne dort-il pas <strong>du</strong> même sommeil que les toit qui brille. Mais à peine touehe-t-il ie seuilt que<br />

autres?<br />

déjà il bâille;ou bien il tombe dans ie sommeil,<br />

Enin Bémocrite, quand sa vieillesse, déjà sous le poids des ennuis, et cherchant à oublier ;<br />

mire pour la tombe 9 l'avertit des langueurs de ou même il reprend sa course, et va revoir la<br />

son âme qui s'oubliait elle-même, alla au-devant ville.<br />

de la mort, et lui offrit volontairement sa tête. Tous se fuient de la sorte. Leur arrive-t-fl de<br />

Épicure lui-même s'éteint, au couchant de ne pouvoir échapper? captifs malgré euxf lisse<br />

la vie : Épicure, dont le génie plana au-dessus détestent f parce que ce sont des malades qui ne<br />

des hommes, et éclipsa tous les astres, comme saisissent pas la cause de leur mal. Si on y voyait<br />

le soleil levant, ce roi des airs 1<br />

clair, on quitterait toutes choses pour s'appliquer<br />

Et tu hésites, et tu meurs avec indignation, toi d'abord à connaître la nature ; car c'est une éter­<br />

qui as déjà une vie morte, ne vivant que pour te nité , et non ps une heure t qui nous embarrasse :<br />

voir mourir, toi qui uses dans le sommeil la plu­ c'est l'état où demeureront les hommes pendant<br />

part de tes heures; qui dors éveillé, la vue tou­ le reste des âges qui suivent la mort.<br />

jours pleine de songes ; qui portes au fond <strong>du</strong> Enfin pourquoi,dans les incertitudes <strong>du</strong> pé­<br />

cœur le trouble des vaines alarmes, et qui sou* ril, un ardent et foi amour de la vie nous cause-t-il<br />

vent ne peux démêler ton propre mal 9 quoique tant d'alarmes? Il faut, mortel, il faut que ton<br />

tourmenté par un affreux vertige de soucis, et de existence finisse : tu ne peux éviter le seuil de la<br />

flottantes irrésolutions qui étourdissent, qui éga­ mort.<br />

rent ton âme 1<br />

Au reste, comme nous séjournons éternelle­<br />

Si les hommes, quand ils se <strong>mont</strong>rent sensiment parmi les mêmes choses, tu as beau vivre f<br />

bles au poids qui charge leur esprit et le fatigue, tu ne te forges pas de nouveaux plaisirs. Non;<br />

savaient aussi pénétrer la cause de cet accable­ mais tant que les objets de nos désirs sont encore<br />

ment, et pourquoi un tel amas de misère&écrase loin de nous 9 ils nous semblent bien au-dessus<br />

leurs poitrines | Ils ne vivraient pas comme font <strong>du</strong> reste : puis, nous les tenons à peine que nous<br />

la plupart sous nos yeux 1 Que veulent-ils? Aucun aspirons à un autre bien ; et nous sommes tou­<br />

ne le sait9 ils te cherchent toujours; ils se re- jours haletants de la soif de vivre, quoique tou-<br />

Sclpïades» belli falmen, Carfhaginis faorror,<br />

Qssa dédit terre, preinde ac ikmul infimus esset.<br />

Adde repertores doelrinaram atque leporum :<br />

Aide Heiccmiadam comités ; quorum ipiis Homeras, 1050<br />

Sceptra potitus, eadeat ails sopitu' quiète est.<br />

Denique, Democritum postquam matura vetustas<br />

Admonuit memores motus languescere mentis»<br />

Spooto sua leto caput obtins obtulit ipse.<br />

Ipse Epicuras oblt, decurso lamine vite; 10S5<br />

Qui garnis homanuiii ingenio supen?Il, et omneis<br />

Mertioxit stellas exortus uti aerios sol.<br />

Tu vero dnbitabis et iudignabere obire,<br />

Mortua quoi fita est prope jam vi?o atque videnti ?<br />

Qui 8omno partent majorera conter» «?i ; f 060<br />

Et figilans stertis, née somnia cernere cessas,<br />

Solliotamque geris cassa formidiue mentem ;<br />

Nec reperire potes 9 quid sit tibi sspe mali , quom<br />

Ebrius nrgueris mulUs miser ntidîqttrcuris ,<br />

Atque, animo iieerto Sultans, errore tamaris? 106S<br />

Si passent hommes t proInde ac sentire fidealar<br />

Pon<strong>du</strong>s iuease animo 9 quod se gravitaie fatiget ;<br />

E quitus |d fiât causis quoque noscere, et uode<br />

Taota mali tafuquam moles in pectore constat ;<br />

Haud ita witam agerent f ut nuncplerumque fidentus : 1070<br />

Quid siM quisque velft, nescùre, et quierere semper ;<br />

Commutare locumf quasi onus deponere possit.<br />

Elit sœpe foras magnis ex œdibus ille»<br />

lise domi quem perlaesumest, subîtoque rerentat;<br />

Quippe foris nihilo melius qui seniat esse. 107S<br />

Currit, ageos mannos, ad • fllam praeeîpltanter,<br />

AiiiIIIiiîïi teeteis quasi ferre ardentibus instans :<br />

Oscitat eitemplo, tetigit quom Hmlna vilhe;<br />

Aut abll in souiuum gravis t atque oblivia quierit :<br />

Aut etiam proprans urbem peit atque re?isit. 1080<br />

Hoc se qulsque modo fugit : at9 quem scilicetf ut fit t<br />

Efugere haud potis est, iugratiis faœret, etodlt;<br />

Proptetea, morbi quia causam non tenet aeger :<br />

Quam bene si ?ideat , jam rébus quisque relietls<br />

laturam primum studeat eognoscere rerum ; 1085<br />

Temporis aeterni quoniam 9 non unins borae 9<br />

Ambigilur status, in quo sit mortalîbus omnis<br />

JStas post iDortem, quœ restât quomquef manendo.<br />

Denlquetantopere in <strong>du</strong>biis trepidare prklls<br />

Quae mala nos subigit ¥itai tantâ cupido? 1090<br />

Certe equidem Ënis vitae mortalibus adstatf<br />

Bec defitari letun pote9 quin obeanus.<br />

Praeterea vorsamur ibidem atque iosumus usque;<br />

Nec nova mrmêû procuditur «lia ?oluptas :<br />

Sed, <strong>du</strong>m abest t quod a? émus, id eisuperare f idetor 10S5<br />

Cetera; post Miud9 quom eoiitigit iUud9 afennit;


jours loctrtalos <strong>du</strong> sort que nous amènent les<br />

Jfwrs à venir, et des hasards qui accourent avec<br />

eux , et de la fin qui nous menace*.<br />

D'ailleurs, en prolongeant ta vie, tu n f ôtes rienà<br />

la <strong>du</strong>rée de ta mort, et tu ne peux entamer ce<br />

néant, ou prvenîr à être moins longtemp sa<br />

proie. Yis donc, et que devant toi mille siècles se<br />

couchent : cette mort n'en demeurera pas moins<br />

éternelle; et il y aura un aussi long assoupissement<br />

pour l'homme qui a éteint sa vie avec le<br />

soleil d'hier, que pour cet autre qui a disparu il y<br />

a des mois, il y a des années.<br />

OVBE IV.<br />

Je parcours les sentiers des Muses qui ne sont<br />

point encore battus, et que nul pied ne foule.<br />

J'aime à m f approcher des sources vierges, et à y<br />

hoîre; j'aime à cueillir des leurs nouvelles, et<br />

à me tresser ujie couronne brillante là où jamois<br />

une Muse ne couronna le front humain : d'abord,<br />

parce que mes enseignements touchent à de grandes<br />

choses, et que je vais affranchissant les<br />

coeurs <strong>du</strong> joug étroit de la superstition ; ensuite,<br />

parce que je fais étinceler un vers lumineux sur<br />

un sujet obscur, et que je revêts tout des grâces<br />

poétiques. Ce n'est pas sans raison. Les médecins,<br />

pour engager les enfants à boire la<br />

repoussante absinthe, commencent par en<strong>du</strong>ire<br />

les bords <strong>du</strong> vase d'un miel pur et doré, afin que<br />

El «lis aequa tenet vital semper hianteis :<br />

Posteraque, in doblo esi» fortunam quam vehat actes;<br />

Quîdf e ferai nobis casps, quive cxîtus instet.<br />

Hec prorsuin, vitam <strong>du</strong>cundo, demimus hiliim 1100<br />

Tempo» <strong>du</strong> mortis; nec delibrare valemns,<br />

Qoo minus esse dit pussions morte pererntei.<br />

Frouide, licet quoi vis vivend© condere seela,<br />

Mors «terna tamen nihilomintis illa manebit :<br />

Mm minus ille diti jam non erit, ei hodierno 1105<br />

Luminequi finem vital fecif f et ille»<br />

Mensibus atque annis qui multis occidit ante.<br />

LIBER IV.<br />

A?ia Meri<strong>du</strong>m peragro loca 9 nnllias ante<br />

Trita solo : jnvat Integros accedere fonteis,<br />

Atque baorire ; juvatque mmm decerpere tores 9<br />

iMigœmqiie meo capitf petere inde coroiam,<br />

Uwie prias nnlli velarint tempora Mnsae,<br />

Prinmm , quod magnîs doceo de rébus 9 et aretis-<br />

Bdipumm animos nodis eisolrere pergo :<br />

Peinde, quod obseura de re tam lucida pando<br />

Cannina» Mosapo eontlngens cuAetalepore :<br />

Id qooqœ enîm non ab nulla ratione videtor ;<br />

Nain ¥eliiti puerais absinlliia tetra medentes<br />

Quoni dare conantur9 prias oras, pocula tirenm*<br />

dmiiipuit meMs <strong>du</strong>tai lavoqtie liqiiore,<br />

UJOMECI.<br />

DE Là NÀTUBE DIS CHOSES, L1V. IV.<br />

10<br />

ii<br />

leur âge imprévoyant se laisse prendre à cetteillusion<br />

des lèvres, et qu'ils avalent ce noir<br />

breuvage, Jouets plutôt que victimes <strong>du</strong> mensonge;<br />

car ils recouvrent ainsi la vigueur et<br />

la santé. De môme, comme nos leçons paraissent<br />

amères à ceux qui ne les ont point encore, savourées,<br />

et rebutent la foule, j'ai voulu, empruntant<br />

la voix harmonieuse des Muses, les dorer en<br />

quelque sorte <strong>du</strong> miel de la poésie : j'essaye de<br />

retenir ton âme suspen<strong>du</strong>e à nos vers, jusqu'à ce<br />

que toute la Nature lui apparaisse, et qu'elle<br />

sente l'importance de nos études.<br />

Tu sais déjà ce que sont les éléments de toutes<br />

choses, et sous combien de formes diverses<br />

ils tourbillonnent d'eux-mêmes, en proie à une<br />

agitation éternelle; tu as vu la nature des âmes,<br />

et à quoi tient leur énergie quand elles sont<br />

ajustées aux corps,, et quels déchirements les<br />

font retomber en atomes : maintenant abordons<br />

ce qui a essentiellement trait à ces matières* 11<br />

existe des objets que nous appelons images. Espèces<br />

de membranes enlevées à la surface dm<br />

corp8,-elIes voltigent çà et là dans les airs, elles<br />

assiègent nos veilles, elles épouvantent nos<br />

cœurs même <strong>du</strong>rant la nuit, alors que nous<br />

apercevons des spectres étranges, et les fantômes<br />

de ceux qui ont per<strong>du</strong> le jour : horribles visions,<br />

qui nous arrachent souvent aux langueurs <strong>du</strong><br />

sommeil. Ainsi ne va pas croire que ce soient<br />

là des âmes échappées <strong>du</strong> Styx, des ombres qui<br />

Ut puerorum aetas improvida lndificettir<br />

Labrorum tenus; Interea perpotet amariim<br />

Absinthi laticein,deceptaque non capiatur;<br />

Sed potins, tali a tactu recreata» valescat :<br />

i§<br />

Sic ego nuncy quoniam liaec ratio plerumqiie videtur<br />

Trislior esse, qtilbus non est tractata, retroqne<br />

¥olgus abhorrât ab bac; volai Cibi suaviloqueDtf<br />

Carminé Pierio ratîonem exponere nostram,<br />

Et quasi Musa» <strong>du</strong>lei contingere nielle ;<br />

Sifjbi forte animant tali ratione leeere<br />

M<br />

Versîbus in nostris possem, dnm percipis omnem<br />

Naturam rerom, ac persentis utilitatem.<br />

Sed quoniam doctti , cinctaram exordia rerum<br />

Qualia slnt 9 et quam variis distantia formis<br />

Sponte sua volitent , œterno percita motu ;<br />

Quoqiie modo possint res ex hi§ qmmqm creari :<br />

4<br />

îi<br />

âlcpe animi quoniam docui natnra quid essai 9 .<br />

Et quibus e rébus cum corpore comta vigeret,<br />

Qoove modo distracta rediret in ordia prima :<br />

m<br />

Pane agere incipiam tibî , quod vebementer ad bas res<br />

Attinet, esse ea, qu» reniai simulacre voeamus ;<br />

Quae, quasi membimm siimm© de corpore reram<br />

Dereptœ, volitant ullro citroque per auras ;<br />

Atque eadem, nobis vigilantibus obvia, oienlës ,<br />

,3S<br />

Terrificant 9 atque in somnis f quom saepe figuras<br />

Contuimur. miras, mmulmmqm lucecarentumi<br />

Quae nos horrifice y lanpenteis siip sopore f<br />

Eidernnt : ne forte animas Aclifronte retmur<br />

§<br />

40


te<br />

errent parmi les vivants; ou que la mort laisse<br />

subsister une partie de nous-mêmes, une fois<br />

que la double nature des esprits et des corps<br />

meurt éparpillée en ses propres atomes.<br />

Je répète dooc que les a sembtages exhalent<br />

à leur cime des apparences, des ligures déliées,<br />

qui en sont comme les membranes, et on peut<br />

dire les écorces ; car elles ont un aspect et une<br />

forme semblables au corps qui a répan<strong>du</strong> ces<br />

iottantes images.<br />

Elles ne se dérobent point aux intelligences les<br />

plus épaisses, surtout puisque le monde des<br />

sens nous offre mille corps qui émanent : les uns<br />

jaillissant épars des assemblages en ruines,<br />

comme la fumée que jette le bois, ou la vapur<br />

<strong>du</strong> feu ; les autres, tissu fin et serré, comme ces<br />

rondes tuniques de peau que les cigales ôtent un<br />

Jour d'été, et ces molles enveloppes qui se détachent<br />

à ieur de corps <strong>du</strong> veau naissant, et la<br />

robe que la couleuvre laisse sur les épines où<br />

•elle glisse : car tu vois souvent les buissons enrichis<br />

de ces dépouilles que le vent agite. Si<br />

le fait a lieu f toute surface doit envoyer aussi<br />

de subtiles images. Ces lourds débris tombent-ils<br />

des êtres, plutôt que de ines émanations? Pourquoi?<br />

Tu demeures bouche close. Surtout puis<br />

que la cime des assemblages, pleine de corps imperceptibles,<br />

peut les rejeter sans détruire leur<br />

ordre, leur forme, leurs traits, et beaucoup plus<br />

vite j car leur petit nombre diminue les obstacles,<br />

et ils sont rangés en tête.<br />

Oui, certes, nous voyons bien des êtres qui<br />

Effiigere, aot ombras ioler vif os •olltars;<br />

Neve aiiquid nostri post mortem posse relinqui9<br />

Quom corpus simitl atque animi natara, peremta,<br />

lu sua discessum ckileriat primordia quaeque. 45<br />

Dico iftilur, rerum cfïîgias tenueîsque iguras<br />

Millier âb rébus f summo de corpore, eorum<br />

Quœ quasi raetnbranae vel cortex nomîiiûinia est,<br />

Quod speciern ac formant simitemgerît ejus imago 9<br />

Qiiojtisqpomque cluet de corpore fusa iragari. 50<br />

M Ncet hinc quamvis hebell eognoscere corde;<br />

Principio9 qooniiiii initiant in rébus apertis<br />

Corpora res moite, parlim diffusa aolote,<br />

Roboraceu fumum railtuni9 ignesqiie faporem;<br />

El parlim contenta magis condensaque9 tit olloi 65<br />

Quom teretas ponant tonicas aestate elcadœ,<br />

Et vitolei , quom membranas de corpore summo<br />

Nascentes miilunt; et item quom lubrica serpent<br />

Eiuit in spinis vestem ; nam saepe Tldemus<br />

Ollorum spoliis ?epreis volifantibiis auctas. SO<br />

Qme quoniam iuntf tenuis quoque débet imago<br />

âb rébus niitti, summo de corpore rerum.<br />

Nain quur oUa eadant mugis , ab rebisque recédant ,<br />

Qnam qii» tenoia sunt y liiscundi est nulla potestas ;<br />

Prœsertïm, quom sint io summis eorpora rébus 05<br />

lliita minuta , jaci quae possitit ordine eorum 9<br />

Quo Aierint, il formai strfire ftpram;<br />

LUCRECE.<br />

soulèvent et chassent leur matière , non-sentiment<br />

<strong>du</strong> fond de leurs entrailles 9 mais encore<br />

des superficies telles que la couleur. Ainsi font<br />

habituellement ces voiles jaunes, bruns et rouges,<br />

qui, éten<strong>du</strong>s sur les mâts et les poutres dans<br />

nos vastes amphithéâtres, y font bouillonner la<br />

vague de leurs plis tremblants. Toute rassemblée<br />

<strong>du</strong> cirque qu'ils dominent, et tout ce qui en est la<br />

parure, les grands, les dames, les immortels, si<br />

colorent, et semblent ondoyer d'un éclat mobile.<br />

Mieux on ferme les abords, les barrières, et<br />

mieux on intercepte les feux <strong>du</strong> jour, plus on<br />

augmente le charme riant des teintes qui baignent<br />

la salle.<br />

Or9 puisque ce fard émane de la surface des<br />

toiles, il faut que tous les corps lancent aussi de<br />

frêles images : car elles sont aussi dardées par<br />

la surface.<br />

Yoîci déjà quelques traces certaines de ces<br />

formes partout répan<strong>du</strong>es, minces contours qui<br />

demeurent séparément invisibles.<br />

En outre, lepérfumf la fumée, la vapeur, et<br />

toutes les essences analogues, jaillissent éparses<br />

des assemblages, parce que, soulevées <strong>du</strong> fond,<br />

elles arrivent au jour par des voies tortueuses<br />

qui les brisent, et que les embouchures par où<br />

elles tâchent de sortir, une fois chassées, ne sont<br />

pas droites. Mais la couleur, écorce ine que jettent<br />

les surfaces, ne trouve rien qui la puisse<br />

déchirer, étant à nu9 et comme sur le front des<br />

êtres.<br />

Enin, ces images que les miroirs, les ondes<br />

Et multo citius 9 quanto minus in<strong>du</strong>pediri<br />

Pauca queunt t et sunt in prima front© locata.<br />

Pam certe jacéreac perciri mnlta fidemus, 7ê<br />

Non solum ex alto penitusque, ut diiimus ante,<br />

Yerum de summis ipsum qnoqne saepe colorem :<br />

Et folgo faciunt id lutea russaque vêla f<br />

Et ferrugina 9 quom 9 magneis intenta tliealreis 9<br />

Per malos volgata trabesque, trcmentia luclant. 71<br />

Plamque ibi eonces6om ca?eai subter et omnem<br />

Scenalem speciem, ptrum matrumque Deoremqiie,<br />

leftcJiiBf , copwtque suo luitare colore :<br />

Et quanto drcum mage sunt inciusa theatri<br />

Moeiîa, ttim magis liœc intus 9 perftaaalepore, SO<br />

Omnia corrident correpta luce iiei.<br />

Ergo lintea de summo quom corpore fuctim<br />

Mittunl, eftigiiis quoque debent mittere tenueis<br />

Mes quœqne ; ex summo quoniam jaculantur utrsque.<br />

Sunt igitur Jâfïi formarum ?estigia certa » 85<br />

Quœ ? ulgci volitant, subtili prsdita fllo,<br />

lec singillalim possunt sécréta fideri.<br />

Prœterea , ornais odb§§ y fumus f yapor,, atque aliae res<br />

Consimiles t ideo diffus» rebns abondant,<br />

En alto quia y <strong>du</strong>m veniunt extrinseetis , ortae f<br />

Scin<strong>du</strong>ntur per iter llexum ; nec recta ?iarom<br />

Ostia sunt 9 qtia conten<strong>du</strong>nt exire coortœ.<br />

AI contra 9 tenuis lummi membrane colont<br />

Si


et toute surface brillante nous offrent, étant<br />

semblables aux corps, doivent provenir de formes<br />

qui en émanent. Car pourquoi tombe-t-il des<br />

êtres mille débris échappés de leur matière sensible,<br />

plutôt que de fines émanations! Je le répète,<br />

ta demeures bouche close. Il existe donc<br />

de subtiles images9 ayant la forme plus que la<br />

nature des corps, Invisibles quand elles sont<br />

éparses, mais quiv incessamment foulées par<br />

mille chocs f rejaillissent ensemble <strong>du</strong> miroir aux<br />

yeux. Vols-tu un antre moyen qui leur permette<br />

de subsister, et de repro<strong>du</strong>ire tous les êtres!<br />

Apprends ici de quelle fine matière se composent<br />

les images : surtout puisque leurs germes<br />

sont mille fols plus écartés de nos sens, plus imperceptibles<br />

que les êtres qui commencent à<br />

franchit les bornes de la vue. Mais d'abord examine,<br />

sous une forme palpable, la délicatesse<br />

des éléments de toutes choses : quelques mots<br />

y suffisent.<br />

Déjà, parmi les êtres, il y en a de si menus<br />

que le tiers de leur corp ne se verrait pas. Que<br />

penses-ta donc que soit un intestin, le globe de<br />

l'œil on <strong>du</strong> cœur, les membres, les articulations ?<br />

Quelle petitesse! Songe maintenant aux atomes<br />

qui doivent être la base de leur esprit et de leur<br />

âme : vois-tu comme tous sont fins et grêles?<br />

Les corps qui exhalent de piquantes odeurs f<br />

l'absinthe ai goût affreux f le panace, la rude<br />

aurone et la triste centaurée, à la moindre<br />

secousse que tu leur imprimes, éveillent une<br />

Qoom fadtar » nihil est f qnod eam dlscerpere possit'j<br />

In promtu quoniam est 9 In prima frente locata. 95<br />

Postremo épecoiis in aqtia, splendoreque in omni t<br />

Quaeqnoroqiie apparent nobis simulacre, oecesse eslf<br />

Qoandoquidem simili specie sont praedifa rerum 9<br />

Esse in îwaginibiis missîs consistera eorum.<br />

Htm qunr olla cadaot magis, ab rebusqwe recédant 100<br />

Corpora f tes multœ qoœ mitlnnt corpore aperto,<br />

Qoam qu« tenula sunt y liiscundi est nulla potestas.<br />

Sont ifptar tenues formarum dissimilesque<br />

Effigies, singtllatîm quas cenere nemo<br />

Quom possit, tameo t assî<strong>du</strong>o crebroqoe repulsn 105<br />

ieject», reddont speculorum ex npquore vlsum ;<br />

Mec ratione alia sertart posse Tidentur<br />

Tanlopere, ni slmiles reddantur quoique ligur»<br />

Hune apf quant tenui natura coistet imago ,<br />

Percîpe; et in primis » quoniam primordia tantum 110<br />

Sunt inf rm nostros seisus, tantoque minora y<br />

Qoatn qo» primum oculei cœptant non posse toeri.<br />

lune tamen , id quoque uti conformem 9 eiordia reram<br />

CQDetaram quant sint sublilia, percipe paueis.<br />

Prinmin, animal» sint jam prlim tantula, ut liorom 115<br />

Tertia pars nnlla possit ratione iriderl.<br />

fforam intestinum quodfis quale esse putan<strong>du</strong>m est?<br />

Quldcordîsglotius, autocuki? qwid membra? qoid arias?<br />

Qnantnlt sunt? qnM! praterea» primordia qiweqie,<br />

Vide anima iMpe **ni courte! natara necessnm eslf 120<br />

DE LA NAT11E DES CHOSES, LIV. IV.<br />

Idée encore vive de ces apparences qui errent à<br />

milliers de mille façons, dépourvues d , énerglef<br />

d'action sensible, et dont la petitesse, relativement<br />

aux corps, esl Inexprimable : aucune langue<br />

ne, peut en rendre compte.<br />

Mais ne va pas croire que ces Images vagabondes<br />

soient toujours la dépouille des êtres. Non ;<br />

il en existe qui, spontanément éclosesf s'établissent<br />

elles-mêmes dans la région céleste nommée<br />

les airs, levêtues de mille formes, elles nagent<br />

à la cime des nues, essences iuides qui changent<br />

Incessamment d f aspectf et dont les .contours<br />

se plient à mille ressemblances. Les exemples<br />

sont faciles. Vois grossir un amas de nuages qui<br />

troublent la face riante <strong>du</strong> monde, caressant les<br />

airs de leur molle agitation. Tantôt il semble que<br />

des fantômes de géants traversent le ciel, et<br />

prolongent au loin leur ombre ; tantôt de vastes<br />

<strong>mont</strong>agnes, et des rochers qui tombent de leurs<br />

fanes, précèdent le soleil ou flottent derrière :<br />

puis vient un monstre qui traîne, qui amasse de<br />

nouveaux orages.<br />

Bisons maintenant avec quelle facilité, quelle<br />

vitesse les images se forment, et leur écoule*<br />

ment, leur chute, leur fuite perpétuelle des êtres.<br />

Il <strong>mont</strong>e toujours, à fleur de corps,, une substance<br />

que dardent les assemblages, et qui, ar*<br />

rivant aux choses extérieures, traverse les mies,<br />

surtout le vêtement; mais que les aspérités <strong>du</strong><br />

roc ou la <strong>du</strong>re essence <strong>du</strong> bols, quand elle les<br />

heurte, déchirent et empêchent de renvoyer ai-<br />

Nonne ?Ides, qnara sint subfllk quamqtie minuta?<br />

Frœterea, quœquomqiie sue de corpore odorem<br />

Eisplraatacreni, panâtes» abslnlliia telra><br />

Abrotoneique grates, et trislla cenlaurea :<br />

Quorum unumquodfis leviter si forte cîebls, 121<br />

Quin potios noscas rerum simulacre ?agare<br />

M «lia modis mollis» nulla vi, cassaque sensu :<br />

[Quorum quantula pars sit Imago, dicere nemo est<br />

Qui possit y neque eam ralionem reddere dietis.]<br />

Sed » ne forte putes ea demum sola vagari', 13§<br />

Quœquomque ab rébus rerum similaera reee<strong>du</strong>ntf<br />

Sunt etiam 9 qiue sponte sua gignunlur» et Ipsa<br />

Constitpuntur in fane codo 9 qui dicitur aer :<br />

Qu», mollis formata modis , sublime feraitur,<br />

Nec speciem mutare suam liquentia cessant f<br />

6?<br />

135<br />

Et quojusque modi formarum vortere in oras.<br />

Ut nubeis facile ùtter<strong>du</strong>m concrescere in altum<br />

Cernimus, et mundî speciem fiolire sereatm,<br />

Aéra mulcenteis motu : nam siepe ppntum<br />

Ora ¥oIare ?identur9 et umbram <strong>du</strong>cere late| 140<br />

Inter<strong>du</strong>m magni <strong>mont</strong>es a?olsaque saia<br />

Montibus anteiref et solem succédera propter ;<br />

Inde alios tratiere atque in<strong>du</strong>cere bellua nimbus.<br />

Nunc ea» quam facili et céleri ratione gerantur,<br />

Perpetuoque iuanl ab rébus f lapsaque cédant. 1 êè<br />

Semper enim summum qiiMquid de rébus abundat «<br />

Quod |aeuleutur; et hpe9 alias qunm perreait iu rtt9<br />

/


ft<br />

cime forma. SI die ne rencontre que des matières<br />

brillantes» compactes, et en tête le.miroir, il ne<br />

se passe rien de semblable : car elle ne peut les<br />

franchir comme des étoffes; et, avant de la rompre,<br />

le corps uni a soin de la dérober à sa perte.<br />

De là ce rejaillissement des images qui nous<br />

frappent. Si rapide, si imprévu que soit le choc<br />

<strong>du</strong> miroir que tu poses devant un être quelconque<br />

, tu vois apparaître la forme : reconnais<br />

donc le flux perpétuel des surfaces qui envoient<br />

de minces tissus, de frêles images. Aussi ces<br />

formes naissent-elles en foule dans un court<br />

espace, et il est juste de leur accorder une<br />

prompte origine. Il faut que la moindre <strong>du</strong>rée<br />

fasse tomber <strong>du</strong> soleil un torrent de lumière,<br />

pour emplir incessamment la nature : la même<br />

raison exige que chaque moment emporte des<br />

corps mille simulacres éparpillés de mille façons,<br />

de mille côtés divers; car, en quelque sens que<br />

nous tournions le miroir, les objets se repro<strong>du</strong>isent<br />

avec leur couleur et leur forme.<br />

Souvent la pureté limpide <strong>du</strong> ciel est troublée<br />

si vite par un désordre si vaste, si épouvantable,<br />

que toutes les ténèbres semblent abandonner<br />

le Styx, et remplir les profondes cavernes<br />

des airs.: tant les nuages amassent une nuit<br />

lugubre, tant les sombres fantômes de la peur<br />

apparaissent et planent sur nos têtes 1 Mais leurs<br />

images» que sont-elles, relativement à eux-mêmes?<br />

Qui peut le calculer ou le dire?<br />

LUCRÈCE.<br />

Tranfiit, ut in primis veslem : sed » ubi aspera saia<br />

à ut in maleriam ligni per?enitf ibi jara<br />

Sciniitur, ut nnllnm slmulacrum reddere possit 150<br />

Atqnom, splendida qnae constant, opposta fnernnt f<br />

Densaque, ut in primis spéculum est!; nihilaccidithorum:<br />

Ham neque, u(i?estem 9 possunt transite, neque ante<br />

ScindI, quâiii memlnit laefor prœstare aalutem.<br />

Quapropter fit, ut bine nobis simulacrare<strong>du</strong>ndent : 155<br />

Et » quamils subito f quovis in tempore, qoamqne<br />

leiii contra spéculum portas, apparat imago :<br />

Perpetoo fluere ut noscas e corpore sommo<br />

Textoras remm tenuais, tenuelsque figuras.<br />

Ergo multa bref i sptio simulacra geruntur, liû<br />

Otmerito celer fais rebtis dicatur origo.<br />

Et quasi multa bre?i sptio submitlere débet x<br />

Lomina sol y ut prpetuo sint omnia plena :<br />

Sic ab rebns item simili ratione, necesse est,<br />

Teroporis in puncto reriim simulacra ferantor 165<br />

Multa raodismultîs in cunctas undique parteis :<br />

Quandoquidem, spéculum quoquomqne obfortimus oreis»<br />

les ibi respondent sinilli forma aKque colore.<br />

Prarferea, modo qnom foerit liqtiidissima cœlt<br />

.Tempesias» parquât» subito fit turbida fede 170<br />

UiMUque, lit! tenebras omneis Acberunta rearis<br />

Uqiitae t et maguas cœli complesse cavernas.<br />

Usque adeo, tetranimbornm nocte coorta,<br />

Impendent atrœ Formidînis ora superne :<br />

Maintenant le vol rapide qui empile les Ima*<br />

gesf et leur agilité à fendre la vague des aîrs, à<br />

dé?orer un long espace dans un court intervalle,<br />

de quelque côté que leur essor divers les pousse,<br />

nous inspirent quelques vers dont le charme<br />

surpasse le nombre, comme un souffle harmonieux<br />

<strong>du</strong> cygne remporte sur le vaste cri dont<br />

les grues parsèment le vent à la cime des nuages.<br />

D f abord f on peut remarquer souvent que les<br />

essences légères, et qui ont pour base de -fins<br />

atomes, sont agiles. Vois, par exemple, la lumière<br />

<strong>du</strong> soleil et sa vapeur chaude. Leur vitesse<br />

tient aux imperceptibles germes dont elles sont<br />

faîtes. Ils se chassent eux-mêmes, ils nhésitent<br />

point à franchir les vides de Pair : un choc les<br />

poursuit» les excite; car le rayon succède<br />

vivement au rayon, les éclairs aiguillonnent et<br />

perpétuent la fuite des éclairs. Par la même raison<br />

, il faut que les images puissent traverser<br />

en un moment des espaces incommensurables ;<br />

tout le dé<strong>mont</strong>re : leur petitesse, ce mobile qui<br />

assiège, qui bat, qui pusse leurs derrières; et<br />

enfin le tissu si maigre de ces émanations si libres<br />

de pénétrer tous les assemblages, et comme<br />

de filtrer entre les pores <strong>du</strong> vent.<br />

Quoi! des atomes enfouis que rejettent les<br />

entrailles des êtres, comme la lumière <strong>du</strong> soleil<br />

et sa vapeur chaude, m'absorbent qu'un point<br />

de la dorée, quand on voit leurs Ilots se répan-<br />

Qui possit, neque eam rationem reddere dlctis.<br />

Nunc âge, quaro céleri motu simulacra ferantur»'<br />

Et quae mobilïtas ollis, trananlibusauras,<br />

fteddita slt, lougo spatio nt bre?is hora teratur,<br />

li quem qoapque locum divorso numine tendit f<br />

f 80<br />

Suatidicispotius, quam nwltis, fersibus eilam :<br />

Partus ut est ejenî melior canor, illegrunm quain<br />

Clamor, in aelberifs dispersus nubibus auatri.<br />

Priocipio, persœpe leveis res, atqne mimitis<br />

Corporibus stanteîs » celereis licet esse ?idere. i 83<br />

In quo jam génère est solis lui f et ?apor ejus ;<br />

Propterea, quia suit e primas facta roînutis :<br />

Quœ quasi cu<strong>du</strong>ntur, perque aeris intervallum<br />

Non <strong>du</strong>bifant transire, sequenti conclta plaga :<br />

Suppeditatur enim confestim lumine lumen y<br />

Et quasi protelo stîmulatur fulgure fnlgur.<br />

Quapropter simulacra pari ratione necesse est<br />

Immemorabile per spalium transcurrere posse<br />

Temporis în puncto : primum f quod parvola causa<br />

l m<br />

Est procul a tergo qnae proveliat atque propellat :<br />

Peladef quod usque acleo texture prœdita rara<br />

Mittuntur, facile ut quastis pnelrarequeant res,<br />

Et quasi permanarc per aeris interttllum.<br />

Prœterea, si, qu* penituscorpiiscula rerum<br />

if s<br />

El altoque foras mittunturf §olIs uti lm<br />

âc ¥tpor9 haee puncto cernuntor lapsa diei<br />

Per totnm ciel spatium dlffundere seseï<br />

ton<br />

QmwmM quantula pars ait imago » ileere nemo est 175 m Perque Totare mare m terras, eœliimqaa ripnf


êm dam toute reten<strong>du</strong>e, envahir la terre, les ondes,<br />

et baigner les h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel : tant leur<br />

essor est prompt, et leur aile légère! Mais alors<br />

ceux qui occupent la cime, prêts au départ, une<br />

fois livrés à un élan que nul obstacle ne retarde,<br />

combien ne doivent-Us pas aller plus vite, plus<br />

loin, et franchir un espace plus vaste, dans cet<br />

intervalle que met un rayon de soleil à dévorer<br />

les cieux!<br />

Voici un exemple plus frappant encore de<br />

cette rapidité qui entraîne les images. Dès que<br />

tu exposes le cristal des eaux à la face riante<br />

des nuits étoilées, aussitôt les astres, lambeaux<br />

étiacelants <strong>du</strong> globe, répondent au miroir. Voisin<br />

dès lors avec quelle promptitude leur image<br />

tombe des régions célestes aux régions de la<br />

terre î Je le répète donc, ces merveilles nous obligent<br />

à reconnaître des émanations qui frappent,<br />

qui harcèlent les yeux, et qui sont un écoulement<br />

perpétuel des mêmes assemblages. Le froid<br />

émane des eaux courantes; la chaleur, <strong>du</strong> soleil ;<br />

et<strong>du</strong> bouillonnement des vagues, un sel qui ronge<br />

les murailles autour de la plage. Mille sons divers<br />

ne cessent de flotter au vent. Enfin, une vapur<br />

au goût salé attaque nos lèvres, quand<br />

nous sommes au bord de la mer ; et l'absinthe<br />

qu'on délaye, qu'on mélange devant nos yeux,<br />

nous blesse de son amertume. Tant il est vrai<br />

que toute chose vomit une matière flottante qui<br />

se répand de toutes parts, en tous sens : ni<br />

trêve ni repos qui interrompe le flux des êtres »<br />

CJuod super est ; nbi tara volueri levitate feruntar :<br />

*]ukt? qim saut igilur Jam prima freinte parait, 205<br />

Quomjaciuritur9 et emissum res euîla moratur,<br />

Quone vides eilius debere et longius ire ;<br />

ilulljpleiqiie loci spalium transcurrere eodem<br />

Tempore » quo solis pervolgaot iumiiia cœlum ?<br />

#<br />

Hoc elkm in primis spécimen verum esse vtdetur, 2 10<br />

Quam céleri motu rerum simulacre ferantur :<br />

Qnod, situai acprimuni sob clin splendor aquai<br />

Ponitor, extemplo, eœlo slellantesereno,<br />

Sidéra respondent in aqua radianUa mundi.<br />

Janine ? ides igîtur» quant puncto tempore imago 9<br />

DE Là NATURE DES CHOSES, LIT. IV. 69<br />

215<br />

iEtheris ei or» in terraram aecidït oras?<br />

Qaa re etiam atqtie etiam mira fateare necesse est<br />

Corpora, quie ferlant ocutes^ vîsumque lacessant,<br />

Perpetnoque Huant certis ab rébus oborta ;<br />

Frigos ut a lu?ils, calor ab sole, aestus ab undit 320<br />

jCquorisf exesor mœrorumlitora circuai :<br />

Nec vari» cessant voces volitare per auras :<br />

Penique in os saisi venil hnoior ssepe sapons f<br />

Quom mare vorsamur propter; dilutaqtie contra<br />

tjiiooa tulmur mïseeri absintliiitj tangltamaror. 225<br />

Usqne adeo omnibus ab rébus res'quteque fluenter<br />

Yertur, et in cunctas dimittitur undiqiie partei&;<br />

Kec mora, nec reqnies inter datur ulla fluundi<br />

Perpetoo qoonlam sentimns f et omnia semper<br />

Ctrnere, odorari licct9 et sentfre sonart. 230<br />

puisque nos organes jsont toujours en éveil, et<br />

que toujours* ils peuvent voir, ou sentir, ou en«r<br />

tendre mille retentissements.<br />

En outre» com me nos doigts, maniant une forme,<br />

dans les ténèbres, la reconnaissent pour la même<br />

qui se voit à la blanche lumière <strong>du</strong> jour, une<br />

cause semblable doit émouvoir le tact et la vue.<br />

Mais alors, si nous explorons la nuit un carré<br />

qui nous affecte, le jour peut-il envoyer à nos<br />

regards autre chose que son image carrée? Les<br />

images sont donc le germe de la vue ; rien de<br />

plus clair, et sans elles tous les corps demeurent<br />

invisibles.<br />

Je dis maintenant que ces images tourbillon*<br />

nent et jaillissent éparses de tous côtés; mais<br />

les yeux seuls étant capables de voir, il arrive<br />

que là où le regard se tourne, mille corps y<br />

donnent avec leur couleur et leur forme. La<br />

distance même nous est révélée par les images,<br />

qui ont soin de marquer leur intervalle ; car,<br />

à peine dardées, elles battent et foulent les airs<br />

qui sont entre nos yeux et elles. Ce courant<br />

glisse tout entier sur nos prunelles, les balaye<br />

en quelque sorte, et passe. Voilà comment nous<br />

apercevons toutes les distances : l'abondance <strong>du</strong><br />

vent que chassent les images, la longueur <strong>du</strong><br />

souffle qui effleure nos yeux, est la mesure do<br />

leur écartement. Admire l'extrême vitesse de ces<br />

opérations, qui <strong>mont</strong>rent à la fois de quelle nature<br />

sont les êtres, et à quel intervalle.<br />

Ne sois pas étonné de voir les corps nous ap-<br />

Preterea t quoniam manibus traef ata figura<br />

In tenebris quœdam cognoscittir e^se eadem f quai<br />

Cernitnr in lace y et claro candore; necesse est<br />

Consimili causa tactum, vîsumque moveri.<br />

Nunc igitur, si quadratum tentamus f et id nos 23S<br />

Commovet in tenebris; in lucï quae poterit res<br />

âccideread speciem, quadratanïsi ejosimago?<br />

Esse in imaginibus quapropter causa vîdetur<br />

Cernnndi, naque posse sine hte res ulla vider i.<br />

Nunc ea, quae dico» rerum simulacre feruntur 240<br />

Unilique » el in cunctas jacluntur didita parteis ;<br />

¥erum, nos oculis quia solïs cernere quimus,<br />

Propterea it, uli, speciem quo vortimus, omnea<br />

les ibi eanf contra ferknt forma atqtie colore.<br />

Et, quantum qupque ab nubis res absit, imago Ma<br />

Eflicit ut fideamus» et internoscere curât.<br />

Nam, quom mMtuf9 eitemplo procudit agifquo<br />

Aéra f qui inter se quomque est acutosqiia lecatus;<br />

Isque îta per ntstras acies perlabitur omnis9<br />

Et quasi pertergil pupillas f atque lia transit. 2S0<br />

Propterea fit, utl fideamos quam procul absil<br />

les quœque; et quant» plus aeris ante agitatur,<br />

Et nostros oculos perterget loagior aura»<br />

Tara procul esse magîs res-qtiœque remota videttir.<br />

Scilicet haec summe céleri ration© gerantur, 2ài<br />

Quale sit, utvideamus; et una9 quam procul absit.<br />

Ulud in iiis Kbus minuit mumbite hafatndiw e»t«.


70 • LOCEÈCE.<br />

prattre, quand les images qui nous frappent<br />

ne sont point isolément visibles. Battus par un<br />

vent qui se déchaîne peu à peu, inondés par un<br />

froid aigu, avons-nous coutume de sentir tour à<br />

tour les premiers atomes <strong>du</strong> froid ou <strong>du</strong> vent?<br />

Non, ils agissent en masse : nous les voyons<br />

heurter nos membres, comme si nous en<strong>du</strong>rions<br />

le choc de quelque matière sensible. Nos doigts,<br />

quand ils rencontrent une pierre f ne touchent<br />

que la surface» que la couleur, écoree fine : estce<br />

donc la couleur qui les affecte! non, ils sentent<br />

la <strong>du</strong>reté enfouie dans les entrailles de la<br />

pierre.<br />

Sache maintenant pourquoi les images se peignent<br />

au delà <strong>du</strong> miroir; car, évidemment, elles<br />

semblent fort reculées. Ouï, comme de véritables<br />

corps nous apparaissent derrière nos portes, qui<br />

laissent le champ ouvert au regard, et lui fontapercevoîr<br />

mille choses éloignées <strong>du</strong> seuil. Deux airs,<br />

deux courants prolongent ainsi la vue. Nos yeux<br />

reçoivent d'abord le vent qui est en deçà des<br />

portes, ensuite les portes elles-mêmes qui arrivent<br />

de chaque côté, ensuite les atteintes <strong>du</strong> jour<br />

extérieur, et un second air que suivent les objets<br />

réels de cette vue lointaine. De môme, sitôt que<br />

le miroir décoche son image pour atteindre nos<br />

organes, elle bat et refoule les vents intermédiaires,<br />

longue colonne qui se fait sentir avant elle.<br />

Mais à peine le miroir nous frappe-t-il, que nos<br />

propres images, déjà échappées, y arrivent, y<br />

échouent; et, rejaillissant àpos yeux, elles précipitent,<br />

elles roulent un autre tourbillon, et nous<br />

le <strong>mont</strong>rent avant de se faire voir elles-raênries.<br />

Yoilà comment elles paraissent si écartées do<br />

miroir. Je le répète donc, nos adversaires ne<br />

peuvent crier merveillef de voirie rejaillissement<br />

des images à la surface <strong>du</strong> miroir expliqué<br />

par les deux airs; car ils assignent au même fait<br />

la même cause.<br />

Mais pourquoi le miroir représente-t-ïl à gau»<br />

che le côté droit de nos membres? Parce que les<br />

images, quand elles pgnent et heurtent la surface<br />

polie, ne reculent pas sans altération. Elles<br />

se retournent pour fuirf comme si on appuyait<br />

sur un piller de bois un masque de terre qui ne<br />

fût point encore sec, et que la face, demeurée<br />

pure, quoique refoulée par le choc, vint se peindre<br />

derrière : tu verrais aussitôt ce qui occupait<br />

la droite passer à gauche, ce qui était à gauchi<br />

envahir la droite. '<br />

Souvent aussi les images, renvoyées de miroir<br />

en miroir, offrent cinq on six fois la même ressemblance.<br />

Toute reculée, tout enfouie que soit<br />

une chose, fût-elle de travers, elle peut encore<br />

jaillir de sa retraite profonde sons les rayonnements<br />

obliques de plusieurs glaces, qui la font<br />

apercevoir dans la salle : tant les Images étîncellent<br />

de miroir en miroir! Celles qui émanent de<br />

gauche rebondissent à droite; puis, elles m<br />

tournent de nouveau, et reprennent le même sens.<br />

Quur ea, qu» ferlant octilos simulacre, tideri<br />

Penrenit, ac nostros oculos rejecta remit :<br />

Singula quom neqtieant, res ipsœ perspiciantur.<br />

Atque ilium prœ se propelleii aéra iolvit,<br />

Ventus enim quoqiic paullatim quom verberat, et quom %êO El facit » ut priuihune9quam se, videamus: toque<br />

Acre Huit Aigus, non primant quainque soleuius<br />

Distare a speculo tactum semott videtur.<br />

Particulam venti seolire* et frlgoris ejus»<br />

Quare etiam atquç etiam minome mirarier est par 2if<br />

Sed magis unrorsum : lierîque periude • idemua<br />

Ollïsf quse red<strong>du</strong>nt speculorum en «pore flsiitii<br />

Corpore tutn plagasin iiostro, tamquam alîquœ res Aeribus biais; quoniam tm confit ulraque.<br />

Verberet, atque soi det sensum corporis extra. !IC5<br />

Pracierea, lapidem digîto quom tiiadimtis, ipsttm<br />

Tangimusextremum sa*i, summuniquecolorem:<br />

Nec senlimws euro taeto $ verum magis ipsani<br />

Durîtiem peniluê saxi sientimufi In alto.<br />

. Hune âge, qnur ultra spéculum vIdeatur imago, 270<br />

Percii>e; nam certe penitus remota videtur;<br />

Quod genus olla f fori* quai vere transpiciuntur,<br />

Janua quom per se transpectum pwebel aperium f<br />

Huila facitque foriseï œdibuti iitvideanliir :<br />

1s quoque enim <strong>du</strong>plici geminoqtie fit acre visus. 275<br />

Primiis enim cilra postais coucernitur aer :<br />

Inde fores ipsas ttextrà tevaque seqnuntur :<br />

Post extraria lux ©eulos |ierliiiget, et aer<br />

Aller, et olla » loris qu» f ère traiwpiciuntiir.<br />

Sic f ubi se primuin speculi prujecit imago , 280<br />

Dura ?enit ad nostras actesf procudit agitque<br />

Aéra f qui inter se quomqtie est oculosque locatus :<br />

Et fatit» ut prius banc omnem seirtire queamns, ppuin,<br />

Quam spéculum : sed, ubi in spéculum quoque sensimus<br />

Continue a nobis in euin » quai fertur, imago 2S&<br />

Mime ea, quae nobis membrorum dextera fais est»<br />

In speetilis fit, uti lœ?a fideator» m quod<br />

Planiliem ad speculi veniens quom offendil imago f im<br />

Non contorlitur incolumis; sed recta retrorsum<br />

Sic elidilur, ut si quis , prius arida quam sîl<br />

Crelea persona, allidal piii»?e trabife :<br />

Atque ea continu® 9 rectam si Croate figurait!<br />

Servet, et élisant rétro sese eiprimat ipsa, 300<br />

Fiet ut, ante octilos fuerit qui deiter, hic Idem<br />

HUDC sit te?us, et a te?o sit mutua débiter.<br />

Fit quoque, de speculo in spéculum ut tradatur imago :<br />

Quinque, etiam set f otfieri simulacra suerint.<br />

Nam quaequoraque rétro t parte interiore » latebit, 305<br />

Inde tamen, quanifis forte penitusqoe remola,<br />

Omnia, per ieios adJtus e<strong>du</strong>ctaf licebtt<br />

Pluribus base speculîtiideantur in œdibus esse ;<br />

Usqueadeo e speculo îa speeiilin translucel imago ;<br />

Et, quom teva data est f It rursumut deitera fiât : 310<br />

Inde rétro ruraum redit et oooTortit codera,<br />

Quin etiam» quaeqiioroque ktuscula sunt spectilortin<br />

âssimiii lateris ileiura praedita nottri;


Bien plus, tout miroir à facettes recourbées<br />

comme le flanc humain renvoie sais intervertir<br />

; soit que les images, promenées de facettes en<br />

facettes» nous arrivent après une double conversion;<br />

soit que» dans le trajet, elles roulent sur<br />

elles-mêmes, instruites par la courbure <strong>du</strong> miroir<br />

à nous tourner la face.<br />

Les Images semblent aussi marcher avec nous f<br />

suivre nos pasf imiter nos gestes. Yoici pourquoi.<br />

Dès que tu abandonnes un coin <strong>du</strong> miroir,<br />

aucune no put en rejaillir : la nature voulant<br />

que toutes émanent et rebondissent à angles<br />

égaux*<br />

Ni» yeux redoutent et fuient la vie des corps<br />

éclatants. Le soleil aveugle même ceux qui osent<br />

le regarder en face : tant il a de force f tant les<br />

Images que sa hauteur précipite violemment à<br />

travers un ciel pur heurtent et bouleversent le<br />

frêle tissu des yeuxl Et puis, souvent un vif<br />

éclat brûle le regard, parce que mille germes de<br />

feu y sont contenus, et blessent les yeux ou<br />

ils pénètrent.<br />

En outre, tout est jaune pour un homme tourmenté<br />

de la bile, parce que son corps vomit une<br />

fouie de piles atomes, qui rencontrent les images;<br />

et aussi, parce que Pœil est mêlé de<br />

ces germes dont le reiet contagieux imprime sa<br />

pâleur à toutes choses. Dans les ténèbres f nous<br />

apercevons ce que le jour éclaire : voici pourquoi.<br />

Aux noirs brouillards de fair environnant<br />

qui assiège, qui occupe d f abord les con<strong>du</strong>its<br />

Beitera ea propter nobis simulacra remiUunt :<br />

Ait quia de specylo in spéculum traesfertur imago» 315<br />

Inde ad nos» elisa bis, ad volât; auteiiamquod<br />

Creontagltor» qtiom venit imago : propterea quod<br />

Flexa figura docct specult convorticr ad nos.<br />

Iwfogredi porro pariter simulacra, pedemqae<br />

Poiicre, nobiscum credas, gestumque imilari j 3*20<br />

Propterea quia, de speculi quaparte recédas*,<br />

Contimio nequeunt illbic simulacra re?orti :<br />

Omnla quandoquidem cogitnatura referri,<br />

Ac resilîre ab rébus» ad œqtios reddita flexus.<br />

Splendida porro oculei fugitant, vitantque toeri ; 325<br />

Sol etkm oecat, contra si tendere pergas :<br />

Propterea quia vis magna est ipsîusy et aile<br />

Aéra per purum graviter simttlacra feruntur.<br />

Et feriunt ocnlos» turbantia composituraa.<br />

Pneterea splendor, quiqoomque est acer, a<strong>du</strong>rii 330<br />

S»pe oculos; ideo, quod semina pos^idet ignîs<br />

Huila, dolorem oculis quae gignunt iosinuando.<br />

Lurida prœterea fiunt, qu&qiiomque tucntur<br />

Arqoatei ; quia lurorisde corpore eorum<br />

Semina mutta fluunt » simulacris obvia remm ; 33S<br />

Mullaqoe sunt ociilis in eorum denique inixta,<br />

Qu* eontage sua palloribus timnia pingunt.<br />

E tencbrîs autem » quae sont in luoe » tuemur§<br />

Propterea quia, quom propior caliginis aer<br />

Aler inlt ocoloi prioiv cl possedit apertos f<br />

310<br />

DE LA NâTUEE DES C10SES, LIY. IV. fi<br />

ouverts de l'œil, succède tout à coup une lumineuse<br />

blancheur, un vent qui nettoie pour ainsi<br />

dire les yeux, et dissipe les sombres vapeurs <strong>du</strong><br />

premier souffle ; car il est mille fois plus agile f<br />

plus fin, plus énergique. Dès que sa lumière remplit<br />

et ouvre les sentiers que bouche le vent obscur,<br />

les images qui s'épanouissent étalées au<br />

jour le suivent, et-harcèlent la vue. Du grand<br />

jour au contraire, les yeux ne peuvent agir sur<br />

les ténèbres, parce que le vent épais et sombre,<br />

qui arrive le second, emplît les pores, obstrue<br />

les voies, et arrête le mouvementées images que<br />

sa nuit emprisonne.<br />

Pourquoi les tours carrées des villes, que nous<br />

examinons de loin, nous semblent-elles rondes!<br />

Parce que, de loin, tous les angles se <strong>mont</strong>rent<br />

obtus ; ou, pour mieux dire, ne se voient pas.<br />

Leur impression, leur coup expire, sans atteindre<br />

le foyer de notre vue : car l'abondance di<br />

l'air que traverse leur image les soumet à un<br />

choc perpétuel qui les éroousse f les rend insensibles;<br />

et alors ils nous apparaissent comme<br />

des amas de pierres arrondies, moins distincts<br />

pourtant que les véritables corps à forme ronde<br />

que tu as sous les yeux, et dont ils ne présentent<br />

que les vagues esquisses.<br />

On dirait même que nos ombres bondissent<br />

au soleil, et, attachées à nos traces, imitent nos<br />

gestes : si on pouvait croire que <strong>du</strong> vent obscur<br />

fût capable de suivre les pas et de repro<strong>du</strong>ire<br />

les mouvements, les attitudes des hommes. Car<br />

Insequitur candens confestim lud<strong>du</strong>saer,<br />

Qui quasi purgat eos , ac nigras discutit ambras<br />

Aeris iillus : nam multls partibos liic est<br />

Mobilior» multisqoe minutior» et mage pollens.<br />

Qui sîmul atque vias oculortim luce replevit, 34#<br />

Atque ptefecil, qtias anle obsederat alcr ;<br />

Continuo remm simulacra adaperta sequuntiir»<br />

Quœslta sunt in luce» lacessunlque, ut videamus.<br />

Quod contra faccre in tenebris e luce nequimus ;<br />

Propterea quia poslerior caliginis acr 35§<br />

Crassior insequitur,qui cuncta foramina completf<br />

Obsiditque vias oculorum 9 ne simulacra 9<br />

Possînt ullarum rerum contecta moveri.<br />

Qiiadratasque procul lurreïs quomcernimusurbîi,<br />

Propterea it, uli videantur saepe rotundœ » 35S<br />

Anplus obtnsus quia longe cernitur omnis ;<br />

Sive etiam potïus non cernitur, ac périt ejus<br />

Plaga, nec ad noslra acles perlabitur Ictus;<br />

Aera per muittim quia d nm simulacre feruntury<br />

Cogit bebescere eu m crebris ofTen&ibus aer. 3ê§<br />

llocf ubi siiffiigît sensum simnl angulns omnis f<br />

Fit, quasi ut ad tornum saiorum slructa tuantur :<br />

Mon tamen, ut coram qua? sunt f vereque rotunda;<br />

Sed quasi aditmbratïra paulluro simolata videnlur.<br />

Umbra videtur item nobis in sole moveri 9<br />

Et vestigit nostra sequif gestumque imitant<br />

Aera si crédit, privatum lundi© 9 potM<br />


n<br />

LUCiÈCE<br />

rien ne forme ce que nous avons coutume de<br />

nommer ombre f sinon un air privé de jour. Ouï,<br />

ta lumière <strong>du</strong> soleil abandonne tour à tour cha*<br />

que point <strong>du</strong> sol, où notre marche lui fait obstacle;<br />

puis, elle revient emplir la place que nous<br />

avonsquittée. Voilà comment il se fait que les mêmes<br />

ombres paraissent errer toujours à la suite <strong>du</strong><br />

corps. En effet, puisque les rayons étincelants ne<br />

cessent de se répandre f pour se dissiper ensuite f<br />

semblables à une laine dévidée dans le feu, il<br />

est naturel que la terre soit aussitôt vide que<br />

pleine de ce Ilot lumineux, qui balaye les sombres<br />

nuages.<br />

Et pourtant je suis loin de reconnaître que les<br />

yeux se trompent. Il ne leur appartient que de<br />

voir où sont les lumières, les ombres. Mais ces<br />

lumières sont-elles toujours les mêmes, ou non?<br />

Ces ombres passent-elles d'un lieu à un autre?<br />

sont-elles plutôt ce que'nous avons dit? Il faut<br />

que ton intelligence, que ta raison en décide.<br />

Les yeux ne peuvent approfondir la nature des<br />

choses : ainsi, ne va pas leur imputer la faute<br />

<strong>du</strong> jugement.<br />

Le vaisseau qui nous entraîne dans sa course<br />

paraît immobile ; tandis que ceux qui demeurent<br />

à la rade» nous croyons les voir passer, et<br />

voir fuir à la poupe les collines, les plaines que<br />

rase notre vaisseau, emporté sur les ailes de ses<br />

voiles.<br />

11 semble que tous les astres dorment attachés<br />

à la voûte des airs, et tous obéissent à un mouvement<br />

perpétoel : car ils se lèvent, et ils gagnent<br />

un coucher lointain f après que leur globe<br />

Indiigredt » motus bominum gestumque scquentcm :<br />

Bfam nihil esse polest aliud, nîsî lumlûe cassus<br />

Aer» id, quod nos umbram perliibere suemus. 370<br />

Nimirom, quia terra locis ei ordiiie certis<br />

Lumine privatur solis, quaquomqiia meantes<br />

Officimus : repletur item, quod liquimusejus.<br />

Propterea fit, uti videatur, qoae fuitumbra<br />

Corporis» e regione eadem nos usque séquoia : 376<br />

% Seraper en Ira nova se rariiorum lutnlna fun<strong>du</strong>nt f<br />

Primaque dispereunt, quasi in ignem lana traliatur.<br />

Propterea faclte et spoliatar lumine terra t<br />

Et repletur item, nigrasqoe sibi abluit umbras.<br />

Nectamen hic oculos falli concedimus liilnm : 380<br />

Nara, quoquomque loco sit lux atque umbra, lueri<br />

Olloroui est : eadem vero sint lumina; necne,<br />

Umbraque, quie fuit hic, eadem nom traiiseat illuc;<br />

An pilas liai, paullo quod diiimus aille;<br />

Hoc animi demum ratio discernera débet, 385<br />

Nec possunt ocuteî naturam noscere rernm<br />

Proinde» animi vitium hococalisadngere nolL<br />

Qua vehirnur navif fertur,;quom stare ?idetur|<br />

Quœ manet in statione, ea prœter crediinr ire :<br />

Et fugere ad puppim colles, caropeique videntctr, 390<br />

Quos agimus praeter navem, velisque volamu».<br />

Sidéra eessare, iBtheriis allia cavernis,<br />

resplendissant a mesuré les cieux. Le soleil et la<br />

lune partagent aussi leur immobilité apparente,<br />

quoique les faits eux-mêmes en attestent k<br />

marche.<br />

Entre ces <strong>mont</strong>agnes qui apparaissent au loin9<br />

jaillissant des gouffres humides, une lotte s'ouvrirait<br />

un libre passage : et pourtant leurs cimes<br />

enchaînées n'offrent à l'oeil qu'une lie immense.<br />

Les enfants voient tourbillonner les salles et<br />

bondir les colonnes, quand ils cessent de tourner<br />

sur eux-mêmes : illusion si forte, qu'ils ont<br />

peine à croire que tout l'édifice ne les mentes<br />

pas d'un écroulement.<br />

Sitôt que la nature se met à faire jaillir la<br />

pourpre de ses feux tremblants, et la dresse sur<br />

les <strong>mont</strong>agnes ; ces <strong>mont</strong>agnes, on dirait que le<br />

soleil les couronne f les touche, les brûle luimême<br />

de son lambeau : elles dont nous éloignent<br />

à peine deux mille jets d'arc, souvent<br />

même cinq cents courses de javelots! Mais, entre<br />

le soleil et elles, de vastes océans se déploient<br />

sous les vastes campagnes des airs, et il y a un<br />

intervalle de mille régions, que mille peuples occupent<br />

avec mille races de bêtes sauvages.<br />

Un amas d'eau, profond d f un seul pouce, vientil<br />

à séjourner entre les pavés de nos rues? il laisse<br />

nos yeux se précipiter dans le sol, avec un essor<br />

aussi vaste que les gouffres <strong>du</strong> ciel ouverts sur<br />

nos têtes ; et il nous offre, sous la terre, le merveilleux<br />

spectacle des nuages, <strong>du</strong> firmament, et<br />

<strong>du</strong> corps que ses profondeurs recèlent.<br />

Passes-tu un ieuve? arrête la fougue de ton<br />

Cuncta ? Mentit r; et assi<strong>du</strong>o sont omnia motu ;<br />

Quandoquidem longos obitus exorta rcvisunt,<br />

Quom permensa stio sunt cœlum corpore claro : 3SS<br />

Solque pari ratlone mapere et lona Yidetur<br />

le stalione; eaf qtiae ferri resiudicat ipsa.<br />

Eistanlesqiie preeul medîode giirgite moulest<br />

Classibus inter quos liber palet exittis; luge us<br />

Insula conjyociis tamen ex Iiis on a Yidetur. 400<br />

Àtria vorsarl, et circunicursare columnœ,<br />

Usque adeo fît uti puerais vidcantur, ubi ipsei<br />

Desieruiit vorti, vix ut jam credere possinl,<br />

Non supra sese ruere omnia tecta minari.<br />

Jamque rubrum tremulis jubar ignibus erigcre alte 405<br />

Quom cCsptat natura , supraque eitollere mouteis<br />

Quos libi tum supra sol <strong>mont</strong>eis esse videtiir,<br />

Comminus ipse suo contingens fervi<strong>du</strong>s igni f<br />

Vix absunt nobis missus bis mile sagittae ;<br />

Vix etiam cursus qtiingentos sœpe vcruti. 4 to<br />

Inter eos solemque jacent îmmania ponti<br />

iEquora, substrata œtberieis ingentibus oreis :<br />

Interjectaque sunt terrartim milia mnlta »<br />

Quae variae retineit gentes et secla f eranim.<br />

At conjectus aquae, digitum non altior unum, 41S<br />

Qui lapides inter ststit, per strata fiarum »<br />

Despectuiu pnebet sub terras impcle tanlo,


cheval, et détourne le regard vers les ondes rapides<br />

: ee cheval immobile, tu le vois emporté<br />

de travers par ne force qui le pousse vivement<br />

contre la pente de l v eau ; et, de quelque côté que<br />

tu jettes les yeux, tout partage cet élan» et semble<br />

lotter de la sorte*<br />

Vois ce portique qui allonge ses lues symétriques,<br />

et repse debout sur une lie de colonnes<br />

égales. Si 9 <strong>du</strong> faite , tu eiamines toute cette Ion-*<br />

peur, elle se ré<strong>du</strong>it en un cène dont le sommet<br />

diminue peu à peu : le toit gagne la base, les<br />

cêtés se joignent, et aboutissent à la mince et<br />

imperceptible arête <strong>du</strong> cône.<br />

Sur mer, un nocher croit apercevoir dans les<br />

ondes et le berceau et la couche <strong>du</strong> soleil, qui<br />

vient y ensevelir sa lumière. Oui, parce que la<br />

vue ne rencontre que les lots et le ciel. Tu ne<br />

peux donc imputer aux sens aucune faiblesse.<br />

Bans le port, les hommes sans expérience de la<br />

mer ne voient que des navires aux agrès boiteux<br />

heurter et fendre les ondes. Car la partie des rames<br />

qui dépasse le sel humide des lots est<br />

droite, droite comme le haut <strong>du</strong> gouvernail ; mais<br />

toute celle qui entre, qui plonge dans le fluide,<br />

courbée, tor<strong>du</strong>e, semble rejaillir horizontalement,<br />

et, ainsi détournée, flotte presque sur la<br />

cime des vagues.<br />

La nuit, alors que de légers nuages traversent<br />

le ciel » emportés par le vent, les fanaux étificelants<br />

<strong>du</strong> monde paraissent aller contre les^nues<br />

â terris quantum cœli patet altus hiatus ;<br />

Kubilaiesplcere» et cœlumut vîdeare videra, et<br />

Corpora mirande sub terras abdita ccoJo. 410<br />

Denique, ubi in medio nobis equns acer obturait<br />

Flumine, et in rapidas amnis dispeximns undas ;<br />

Stantis ecpï corpus transforsum ferre videttir<br />

Vis, et in advorsum flumen contrudere raptim :<br />

Et f quoquomque oculos trajedmus, omnia lerri 4^5<br />

£t fluere assioiili nobis ratione videntur.<br />

Porficusœquall quamvh est denique <strong>du</strong>ctti t<br />

Stansque in perpettmm paribus auffulta colnrania,<br />

Loup, tamen parte ab somma quom Iota videttir,<br />

Paullatini trahit angusti fastîgia coni 9<br />

DE LA NATUBE BIS C10SES, LIV. IV.<br />

430<br />

Teda solo jungeis, atque omnia deitera tereis;<br />

Bouée in obscuram coni con<strong>du</strong>xit acumen.<br />

In plago nantais, ex midis ortus 9 in midis<br />

Sol it oti videatur oblre et condere lumen;<br />

Qnîppe ubi nil aliod nisi aquam oœlumque tuentur : 435<br />

He leviter twmlm Jabefactari undique sensus.<br />

At maris ignareis in porln clauda ?identur<br />

Navigia aplostris, fractas obnitïer undas :<br />

?lam quaeqaomque supra rorem salis édita pars est<br />

Remomin9 recta est ; et recta snperne guberna : 440<br />

Quae demersa liquore obeunt » réfracta ?identor<br />

Omit contorti, auraomque supina revorti ;<br />

Et itËesa prope in suninio fiuitare liqnoit.<br />

itraqiiiper oodom ttim ventel nubila portant<br />

Tempère noctunM>f quom spleudida signa Yideiitui 445<br />

que domine leur essor, et contre la voie qui<br />

toute raison leur impose.<br />

Si nos doigts, appliqués à un seul œil, le tressent<br />

en dessous, ils affectent le sens, au point<br />

que la vue semble doubler tout ce que nous apercevons.<br />

Elle douMe nos lustres couronnés de<br />

flammes resplendissantes ; elle double les meubles<br />

féconds de nos appartements ; elle double<br />

le visage des hommes au double corps.<br />

Enfin, quoique le doux abattement <strong>du</strong> sommeil<br />

enchaîne nos membres, ensevelisse nos corps<br />

dans ira calme profond, il nous semble pourtant<br />

que ces membres veillent et remuent. Aveuglés '<br />

par la nuit obscure, nous croyons voir le soleil<br />

et la lumière <strong>du</strong> jour. Enfermés dans un étroit<br />

espace, nous gagnons des cieux, des mers, des<br />

fleuves;, des <strong>mont</strong>s nouveaux, et nos pas dévorent<br />

les campagnes. Mille retentissements peuplent<br />

cet austère silence qui enveloppe la nuit, et<br />

mille réponses jaillissent de nos lèvres muettes.<br />

Une foule de choses étranges nous apparaissent<br />

encore, qui cherchent à entamer le crédit<br />

de nos sens. Tains efforts 1 la plupart des illusions<br />

tiennent aux conjectures que nos intelligences<br />

y ajoutent, et qui établissent comme vu ce<br />

que ne voient pas les sens. Car on a bien <strong>du</strong> mal<br />

à dégager un fait palpable des incertitudes que le<br />

concours rapide <strong>du</strong> jugement y mêle.<br />

Enfin, un homme qui nous croit incapables<br />

de rien savoir ignore lui-même si on peut cou-<br />

Labier advorsum nimbos, atque iresuperne<br />

Longe aliam ii pariera, quam quo ratlone ferotifar.<br />

At f si forte oculo manus uni subdita', snbter<br />

Pressît euro ,quodam sensu it » uti fideanlur<br />

Omnia 9 qui» tuiniur, lerl tum bina tuundo ; 4Sê<br />

Bina lucernarum florentialumina iainmis f<br />

Blnaque per totas œdeia gemlnare supellex:<br />

Et <strong>du</strong>pllces hominum faciès 9 et corpora bina.<br />

Denique* quoro suafi devinxit merobra sopore<br />

Somnus, el in somma corpus jacet omoe quiète, 4iS<br />

Tum vigilare tamen nobis ac membre mo?ère<br />

Nostra • identur ; et in noctis caligine cœca<br />

Cernera censemus aolem lumeoqtie diurnpm ;<br />

Coictusocpe loco cœlum, mare, lutnina, <strong>mont</strong>eis<br />

Mntare, et campos pedlbus transire vldemur ; 46§<br />

£t sooitus audire f se?era silentia noclis<br />

Undique qiom constant ; et reddere dicta tarantes.<br />

Cetera dégénère hoc mîrande mutta videmus ,<br />

Quae violare idem quasi sensîbos omnia quoerunt :<br />

Nequidquam ; qtioniam pars horiim maxima fallit 465<br />

Preptar opinatus animi, quos addimus ipseï »<br />

Pro fisis «t sint, quae non sont sensibu* visa.<br />

Nam nihilœgrius est, quam res secernereapertas%<br />

Ab <strong>du</strong>biis y animus quas ab se protimis abdit.<br />

Denique f ml sciri si quis putat, id quoque nescitf 47i<br />

An sciri possit quo se nil scire fatetor.<br />

liane igitur contra mittam contendere causant t<br />

Qui capiteipae suo ia alatult vestigia mm.<br />

fi


74<br />

LUCUÊCE.<br />

mitre le fait sur lequel il appuie son ignorance.<br />

Je rejette tout débat avec un fou qui marche la<br />

tête renversée. Pourtant, je lui accorde cette notion.<br />

Encore demanderai-je par quel hasard lui,<br />

qui ne voit aucune réalité dans les choses, a su<br />

approfondir la nature <strong>du</strong> mot savoir et <strong>du</strong> mot<br />

ignorer* Quel instinct lui a donné le sentiment<br />

<strong>du</strong> vrai, <strong>du</strong> faux? et à quelle marque distinguet-ii<br />

ce qui est incertain ou sûrî<br />

Tu apercevras bientôt que la connaissance <strong>du</strong><br />

vrai a son germe dans les organes, que le témoignage<br />

des sens est irrécusable. Car il nous faut<br />

un guide, dont la bonne foi et le jugement âiergique<br />

suffisent au triomphe <strong>du</strong> vrai sur le faui.<br />

Or, qui peut inspirer une foi plus vive que<br />

les sens? Est-ce la raison qui ose combattre<br />

leurs avis, elle qui serait fille de leurs écarts,<br />

elle qui leur doit toute son existence? Si les organes<br />

mentent, la raison entière devient un<br />

mensonge. Les oreilles sont-elles capables de reprendre<br />

les narines, le toucher de reprendre les<br />

oreilles? Le toucher lui-même sera-t-il gourmande<br />

par les saveurs de la bouche, démenti par les<br />

narines, confon<strong>du</strong> par les yeux? Non, je ne le<br />

crois pas. Ils ont tous reçu leur puissance distincte,<br />

leur énergie propre. Donc il est- nécessaire<br />

que les êtres mous t brillants ou glacés 9<br />

nous paraissent tels; il est nécessaire que la<br />

couleur aux mille nuances, et les qualités jointes<br />

à la couleur, affectent un sens à part : à part,<br />

comme le goût qui travaille la bouche, comme<br />

le berceau des odeurs , comme le berceau <strong>du</strong><br />

Et tamen hoc qwoque uli concédant scire, at id ipsiittt<br />

Qmmmm 9 quom in rébus veri ni! vident ante, ISS<br />

tilde sciât » qtild sit scire, et nesdre vicîssim :<br />

Motitiam veri qu« res falsique crearit;<br />

Et <strong>du</strong>bium certo quœ res diffërre probarit.<br />

Invenies primis ab sensibus esse creatam<br />

Xotitiam.verit neque sensus posse refelli ; 4S§<br />

Mam majore fide débet reperirier illud9<br />

Sponte sua veris quod possit vlncere falsa.<br />

Quid majore fide porro f quam sensus , haberi<br />

Débet? an ab sensu falso ratio orta valebii<br />

Dicere eos contra f quae tota ab sensibus orta est ? 485<br />

Qtiei nisi sont ?ereï , ratio qnoque falsa it émois.<br />

an poterunt oculos aures reprehendere? an aurais<br />

Tactus?an hune porro tactum sapor arguât oris?<br />

An eonfutabunt nares 9 œuleive refincentP<br />

Non,utopïnor, lia est: nam seorsum quoiquepotestas 490<br />

Divisa est; sua vis quoique est : ideoque necesse est,<br />

£t9 qpiod molle sit et geli<strong>du</strong>m fervensve, videri;<br />

Et seorsutn ? arios renim sentlre colores 9<br />

Et qoaequooiqoe coloribu* siot conjnocta 9 necesse est.<br />

Seorsis item sapor oris habet vin», seorsits odores 405<br />

Ntscuntur, seorsum sonitas; ideoque necesse est,<br />

Kon possint alios aliei convincere sensus.<br />

Mec porro poterunt ipseî reprehendere mm §<br />

son. ainsi les organes sont incapables de surprendre<br />

mutuellement leurs fautes; incapables<br />

aussi de se corriger eux-mêmes, puisque notre<br />

foi en eux doit être toujours égale. Ainsi toutes<br />

leurs conjectures sont éternellement vraies.<br />

Si la raison ne peut démêler pourquoi une<br />

masse, carrée de près, serobb ronde de loin,<br />

il vaut mieux encore, blessant la raison, assigner<br />

des causes mensongères à cette double<br />

forme» que de voir les choses évidentes nous<br />

glisser des mains, entamer ainsi la base de nos<br />

croyances, et arracher les fondements sur lesquels<br />

reposent la vie, le salut des hommes. Oui,<br />

leur raison ne croulera pas toute seule, leur<br />

existence même va tomber en ruine t s'ils n'osent,<br />

sur la foi des sens, éviter les précipices et<br />

tous les objets à fuir, pour embrasser les objets<br />

contraires» Ne vois donc que des flots de paroles<br />

inutiles dans toutes les attaques préparées contre<br />

les sens.<br />

En architecture, si on emploie d'abord une<br />

règle fausse, si l'équerre trompeuse s'écarte de<br />

l'angle droit, et que le niveau pèche <strong>du</strong> moindre<br />

côté, il faut que tout le bâtiment soit de<br />

travers, incorrect, vicieux, affaissé, penché,<br />

sans aplomb, sans harmonie : quelques endroits<br />

sembleront aspirera une chute, bientôt essuyée<br />

par la masse, que trahissent les erreurs fondamentales<br />

<strong>du</strong> plan. De même tout jugement, né<br />

de sensations fausses, ne peut être que faux et<br />

vicieux.<br />

Maintenant, pour expliquer de quellefafon les<br />

Jîqua ides quonîam debeblt senipr haberi :<br />

Proînde, quod itiquoqueesthisvisunitenipore, veremeiC<br />

Et, si non poterit ratio dtssolvere causam, soi<br />

Quur ea , quae fuerint jtntlm quadrala v procul sint<br />

Visa rotunda ; tamën prawtat rationis rgentem<br />

leddere inendose causas utrinsque figurae,<br />

Quam manibus manifesta suis anittere qtioquam ; 505<br />

Et ?iolare fidem prlmara, et convellere tota<br />

Fundamenta, quibus niiatur fila saliisque.<br />

Mon modo enltn ratio ruât ornais» ?ita qtioqtie ipsa<br />

Concidatettemplo, nisi credere sensibus ausis9<br />

Procipiteiaque locos vi tare 9 et calera» qnœ sint s m<br />

In génère hoc fugîunda; sequi9 contraria quae sïni<br />

011a tibi est iptur irerboruin copia cassa<br />

Omnls, qu«, contra sensus instructa, parala est.<br />

Denique, ut în fabrica, si prava est régula prima,<br />

Normaque sifallax rectts regionibus exit y<br />

sis<br />

Et libella aliqua si ex parti claudicat Mlum ;<br />

ûiîiîîia niendose fîeri -atque obstipa, necessun est »<br />

Pravat cubantia, prona t supina9atque absona tecta;<br />

Jam ruere ut quaedam videantur telle, ruantque<br />

Prodila judiciis fallacibus omnia ptimïs ; 5t§<br />

Sic igitur ratio tibi reruin prava, necesse est,<br />

Falsaque sit, falsis quaequomque ab seasibus orta est.<br />

NuncaMei sensus quo facto quisque »ê» rem


antres sens eiercent chacun leur sensibilité propre<br />

Y nous avons déblayé la route.<br />

D'abord le son et la voix se font entendre<br />

dès que leur corp se glisse dans nos oreilles, et<br />

va heurter le sens : car il faut bien admettre la<br />

nature corporelle de la voix et <strong>du</strong> son 9 eux qui<br />

ébranlent nos organes. Aussi écorchent-ils souvent<br />

le gosier, et la feite*<strong>du</strong> cri irrite-t-elle les<br />

artères. Voici pourquoi. Lorsque les germes de la<br />

voix, déchaînés trop abondamment pour des issues<br />

étroites, se mettent à fuir, ils comblent les<br />

embouchures de la gorge, qui deviennent rauques<br />

f et endommagent les voies par où ils gagnent<br />

les airs. Or, pour nous blesser, il est<br />

incontestable que le son et la proie veulent être<br />

des essences corporelles.<br />

Et puis tu sais que de matière nous Atent, et<br />

que de nerfs, que de vigueur usent les conversations<br />

soutenues, allongées, depuis les feux naissants<br />

de l'aurore jusqu'aux ombres de la nuit<br />

obscure : surtout quand les cris accompagnent<br />

ce fox de paroles. Ainsi la voix forme nécessairement<br />

un corps, puisque de longs discours<br />

appauvrissent notre substance.<br />

Les oreilles ne reçoivent pas des atomes de<br />

même forme, quand gronde le sourd éclat des<br />

trompettes mugissantes, ou la conque recourbée<br />

des barbares; où sçrpentent de rauques bourdonnements;<br />

et lorsque, dans les vallées de rHélicon,<br />

un cygne tourmenté par la mort roule le<br />

lot plaintif de sa voix mélancolique?<br />

Les sons arrachés de notre corps f et que nous<br />

SenUit, haud quaquam ratio scraposarelictaest.<br />

Princfpiô 9 audîtor soties et von omnis, in aureis<br />

lisûwata suo peptilere ubi corpore sensum.<br />

Gorpoream quoque enim vocem eonstare faten<strong>du</strong>m est ,<br />

Il aonitniii; quoniam possuni impellere sensus*<br />

Prepterea radil fox fauceis saep; facitque<br />

Asperiora foras gradient arteria clamor.<br />

Qoippe per angustum, lurba mAjore^coorta,<br />

Ire forts ubi coopèrent primordia f ocum<br />

Stilket, expletis quoquejanua redtlilur oris<br />

lança f lis ; et ïter bedit qua ?ox il in auras.<br />

Haud igiliir <strong>du</strong>bium, quin voces verbaqu« constant<br />

Corporels e prineiplls» ut federe possint.<br />

Nec te falÛt item 9 quid corporis anferat, et quid<br />

Detrahat et bomiouin nerflsac ?iribus ipsis<br />

Perpétuas sermo, nigrai nocUs ad utnfaram<br />

Airoraeper<strong>du</strong>etus ab «oriente nitore;<br />

Pneseftiai, si cum surnino est claroore profosus.<br />

Erp eorpoream TOcem constate necesse est »<br />

Holta toquées quoniam amlttit de corpore partem.<br />

Née simili pénétrant aureis primordia forma»<br />

qmm y^ depresso graviter stibmurmure mugît,<br />

Et retocat raueum rétro cita bàrbara bombum ;<br />

VaHibus et eycnei f nece tortei » ex Helieonis<br />

Ho» liquidai» tollunt lugubri vocequerelam.<br />

iasce fgitur penitus toces, quom corpore nostro<br />

DE LA NATU1E DES CHOSES, LIV. IV.<br />

525<br />

530<br />

535<br />

540<br />

545<br />

envoyons par la bouche, notre languet mobile<br />

ouvrière de la parole, les articule, et l'inflexion<br />

des lèvres concourt à les façonner. La rudesse<br />

de la voix tient à la rudesse de ses éléments, et<br />

sa douceur est engendrée par les plus doux atomes.<br />

Si un court espace sépare le berceau de la voix<br />

<strong>du</strong> lieu où elle vole, les paroles elles-mêmes<br />

doivent être claires, et les articulations distinctes;<br />

car la voix garde ses inflexions, elle giirde<br />

sa forme. Mais si elle parcourt un trop long intervalle,<br />

l'abondance de Pair confond nécessairement<br />

les mots, ej bouleverse la voix qui le'fend de son<br />

ailel II en résulte que tu peux entendre le bruit,<br />

et non distinguer le sens des paroles : tant le son<br />

arrive confus et embarrassé!<br />

En outre, souvent un mot, échappé <strong>du</strong> héraut,<br />

frappe les oreilles de tout un peuple. Une<br />

seule voix est donc éparpillée tout à coup en<br />

mille voix, puisqu 9 elle se distribue à mille organes,<br />

et y imprime des mots aux formes nettes, au<br />

retentissement distinct. Une partie de ces voix,<br />

qui ne rencontrent pas les oreilles mêmes, passent<br />

et eipirent sans fruit, disséminées au vent.<br />

D'autres» heurtant une masse solide, pierres<br />

rebondissantes, envoient un son qui nous abuse;<br />

car il n'est que limage d'une parole.<br />

Une fois éclairé sur ce point, ami, tu peux te<br />

rendre compte, tu peux expliquerait! autres pourquoi,<br />

dans les solitudes, les pierres renvoient<br />

eiactement et la forme et Pordre des mots, lorsqu'on<br />

cherche ses compagnons égarés sous l'ombre<br />

Kxprimimos, reetoque foras emittimasore, 550<br />

Mobiiis articulât verborum daedala linguaf<br />

Formaturamque labrorum pro parte figurât.<br />

Asperitas autem vocis fit ab asperitale<br />

Prineipiorani, et item ïmwor bevore creatur. 554<br />

Hoc, ubi non longum spalltiinest, utide una profecta<br />

Perveslal vox quaeque » necesse est verba quoque ipsa<br />

Plane exaudiri 9 discernique articulatira :<br />

Serrât enfin formaturam f serf atque figurant.<br />

At si interpositum spatium sit longius aqoo 9<br />

Aéra per muitum confond i werba necesse estf<br />

îi<br />

5ê§<br />

Et eonturbari vocem, <strong>du</strong>m transvolatauras.<br />

Ergo fit, sonitnm ut possis senlire f neque ollam<br />

Internoscere» ¥erboram sentenlia qnœ sit t<br />

Usque adeo eonfosa ?enit ?ox inque pedita.<br />

Pmeterea f verbum saepe unum perciet aureis 5ê§<br />

Omnibus in populo f missum prœconls ab orc.<br />

la muitas igitur voces vox uoa repente<br />

Diffugit , in prif as quoniam se dividit aureis f<br />

Obsignans formam verhisclaruroque sonorem.<br />

At , qu« pars vocum non aureis incidit ipsas 9<br />

if •<br />

Praetertata périt frustra, diffusa pr auras :<br />

Pars solideis allisa, lapis rejecta» sonorem<br />

Reddit, et inter<strong>du</strong>m frastratur imagine ?erbi.<br />

Quœ» bone! qtiom videas, rationem reddere possff<br />

Tute tibi alque alieis, quo pacto per loca sola 5?5<br />

y"


î§<br />

des <strong>mont</strong>agnes, et qu'une voix retentissante<br />

appelle leur troupe dîsprsée. J f ai enten<strong>du</strong> même<br />

six ou sept paroles rejaillir d'un endroit à qui on<br />

en jetait une seule : tant elles se multipliaient à<br />

bondir de collines en collines I<br />

Les peuples voisins de ces lieux y# font habiter<br />

les satyres et les nymphes. Ils parlent aussi<br />

de faunes ; et tous affirment que leurs bruissements<br />

nocturnes f leurs ébats folâtres troublent<br />

le morne silence des bois* Et des cordes harmonieuses<br />

y résonnent, avec ces douces plaintes<br />

que répand la flûte sous le doigt <strong>du</strong> chanteur, et<br />

les enfants des campagnes sont avertis au loin,<br />

lorsque Pan secoue la couronne de pin, rempart<br />

de son front qui tient à moitié des bêtes f et que<br />

sa lèvre recourbée, volant sur des pipeaux ouverts<br />

f épanche les intarissables accords de sa<br />

muse champêtre. Que de prodiges, à les entendre!<br />

Craignant de paraître relégués dans une<br />

solitude que les dieux mêmes abandonnent, ils<br />

forgent de merveilleuses histoires; ou bien un<br />

autre motif les guide : car les oreilles des hommes<br />

ne sont que trop avides de fables.<br />

Au reste f ne sois pas étonné si de tel endroit<br />

qui arrête la vue, qui nous dérobe les corps visibles,<br />

il nous arrive des sons assez éclatants pour<br />

fatiguer nos oreilles. Nous apercevons bien des<br />

hommes qui causent à travers les portes fermées.<br />

Oui, parce que la voix franchit sans blessure des<br />

issues tortueuses ; mais les images s f y refusent.<br />

Elles se déchirent, à moins de couler tout droit,<br />

LUC1ÈCE.<br />

Saxa pares formas verborum ex ordine reddant »<br />

Palanteis comités quom <strong>mont</strong>els loter opacos<br />

Quacrimus, et magna dlspersos voce ciemns.<br />

Sex etiam, aat septem f loca ?idi reddere voees f<br />

UûâiB quom jaceres : ita colles collibus ipsei 580<br />

Verba repuisantes iterabant dicta referri.<br />

llaec loca capripedes Satyros Mympbasque tenere<br />

Finitumei fingunt, et Pannes esse loquuntur,<br />

Quorum nœtifago strepitufludoquejocântif<br />

Aflirroanl volgo taciturna silentia rumpi ; 585<br />

Chordarumque sonus leri <strong>du</strong>lceïsqiie querelas,<br />

Tibia quas fundit digitis pulsatacanenlum :<br />

Elgenus agricolumlaie senliscere, quom Pan,<br />

Pinça semiferî eapttlsvallaminaquassaeâ,<br />

Uiico sœpe labro ealamos percurrit bianteis, 590<br />

Fistula sylvestrem ne cesset funderc musam.<br />

Cetera de génère hoc raonstra ac portenta loquiinlur,<br />

Ne loca f déserta ab Difisqiioque, forte putentur<br />

Sula tencre; ideo jactant iniracula dictis :<br />

Aut aliqua ratione alia <strong>du</strong>cuntur; ut omne 595<br />

Htimanum genus est avî<strong>du</strong>m nimis auricularum.<br />

Quod superest, non est miran<strong>du</strong>m, qua ratione<br />

Per loca qua nequeuntoculei res cernere apertas,<br />

Haec loca per voces veniant, aureisque lacessant :<br />

Colloquium clusls foribus quoque sa*pe videmus : 600<br />

Nimîruro, quia ?ox per fie ta foramina renitu<br />

Incoluniis transire potest, siinulacra rcmilattl ;<br />

comme dans les près <strong>du</strong> verre que fend le vol<br />

des moindres apparences.<br />

En outre, la voix se distribue de tous côtés,<br />

prceque le son engendre le son. Aussitôt qu 9 il<br />

éclate, il se multiplie, comme l'étincelle de feu<br />

va s'éparpiller en mille étincelles. Aussi la voix<br />

remplît-elle tout aux alentours, même les enfoncements<br />

cachés, que son éclat ébranle. Ai contraire<br />

les images, à peine dardées, volent en<br />

droite ligne. Voilà pourquoi l'œil est incapable<br />

de franchir les barrières, tandis que le son extérieur<br />

nous arrive. Encore la voix, émoussée quand<br />

elle perce les murs, est-elle confuse quand elle<br />

gagne nos oreilles; et on voit que le retentissement<br />

nous frappe plus que les mots eux-mêmes.<br />

Les instruments <strong>du</strong> goût, le palais et la langue,<br />

sont d'un mécanisme plus compliqué et<br />

d'une explication plus rude.<br />

D'abord, nous sentons un goût dans la bouche<br />

lorsque nos dents expriment le suc de la<br />

nourriture, comme une main qui presse et dessèche<br />

une éponge imbibée d'eau. Les matières<br />

exprimées circulent ensuite dans les interstices<br />

<strong>du</strong> palais, dans les voies tortueuses et les mille<br />

pores de la langue. Alors, pour peu que les sucs<br />

flottants aient des germes lisses, leurs douces atteintes<br />

caressent mollement toutes les fibres sous<br />

les voûtes humides et ruisselantes de la bouche.<br />

Les autres, au contraire, piquent et déchirent les<br />

organes où ils jaillissent, suivant la mesure de<br />

leur aspérité.<br />

Perscin<strong>du</strong>nlur enim f nisi recta foramina tranant :<br />

Qualia sunl vitri , species quae transvolat omais»<br />

Prœterea, parteis in cunctas diftditur ¥oi f<br />

êoS<br />

Ex aliis aUœ quoniam gîgnuntur; ubi nam<br />

Uissiluit semel in rnultas, exorta quasi ignis<br />

Saepe solet scintilla suos se spargere in igneis :<br />

Ergo replentur loca vocîbus 9 abdita rétro<br />

Omnia quae circum fuerunt, sonituque cientur. 61§<br />

Ât simulacra vis de reetis omnia ten<strong>du</strong>nt9<br />

Ut sunt missa semel : quapropter cernere nemo<br />

Sœpta supra potis est, at ¥œes accipere extra.<br />

Et lames ipsa quoque hœc, <strong>du</strong>m transit clusa viarumt<br />

Vox obtunditur, atque aureis confusa pénétrât ; 615<br />

Et sonitum polios f quam ?erbaf audlre videmur.<br />

Hoc 9 qui sentimus sac OUï 9 lingot atque palaturo<br />

Plusculum babent in se rationis 9 plus opersrqtie.<br />

Principio, sucum sentimus in ore, cibom quom<br />

Bîan<strong>du</strong>ndo exprimimus : ceu plenani spongiam aquai 630<br />

Si quis forte manu premere ac siccare cœpit.<br />

Inde, quod exprimimus, per caulas omne palali<br />

Diditur, et rara per pleia foramina lingiiœ.<br />

Hoc, ubi tefîa sunt manantis corpora suci »<br />

Suaviter attîngunt, et sua?iter omnia tractant f<br />

If umida Imgaal circum sudantk templa ;<br />

Al contra pungunt sensum lacerantque coorta»<br />

Quanto quaeque inagis sunt asperilate repteta.<br />

Deindc, voluptas est t sic© fine palat! *•<br />

en


Ensuite, les jouissances <strong>du</strong> goût finissent au<br />

palais : une fois que les sucs 9 descen<strong>du</strong>s par la<br />

gorge, coulent épars dans les membres, aucune<br />

volupté ne les accompagne. Et peu importe la nature<br />

des aliments qui vont enrichir ta substance,<br />

pourvu que les matières absorbées se cuisent,<br />

que tu puisses les distribuer au corps, et entretenir<br />

dans ton estomac le cours des humeurs digcstives.<br />

Maintenant expliquons pourquoi le suc nourricier<br />

agit diversement sur divers êtres ; pourquoi<br />

un corps amer et repoussant, au goût des uns, ne<br />

laisse pas de sembler exquis à d'autres ; pourquoi<br />

enfin ces différences, ces oppsitions si vives<br />

, que les uns trouvent un aliment où les autres<br />

voient un poison énergique. Ainsi le serpent,<br />

atteint de notre salive, dépérit et s'achève luimême<br />

de ses propres morsures; ainsi l'ellébore,<br />

poison mortel aux hommes, accroît l'embonpoint<br />

des chèvres et des cailles.<br />

Veux-tu en démêler la cause? Rappelle-toi ce<br />

que nous avons dit plus haut sur les mille combinaisons<br />

qui enchaînent les atomes dans les êtres.<br />

Or, comme tous les animaux qui se nourrissent<br />

oit mille différences extérieures f et que la coupe<br />

des membres, la surface qui borne leur assem­<br />

DE LA NATIÏEE DES CHOSES, LIV. IV.<br />

blage, tient à leur espèce, les germes doivent *<br />

avoir la même condition, la même variété de<br />

formes. Et si les germes diffèrent, il est indispensable<br />

que les ouvertures, les canaux que<br />

nous appelons des pores, varient dans tous les<br />

membres, et jusque dans le palais et la bouche :<br />

Qoora ?ero deorsiim per faoceîs praeeipitavît » 630<br />

Nulla voluptas est,<strong>du</strong>m didilur ornais in trios.<br />

Sec refert quidquam, quo f ictii corpus alatur,<br />

Duramodo» qtiod capiâs, concoctum diderepossis<br />

Ârtuboâ 9 et stomaetii humecttim servare tenorcni.<br />

lune alieis aJius qui sit cibus 9 ut f idaamus , §35<br />

Espediam : quareve, alieis]quod triste et amarum est t<br />

Hœ tamen esse allas possil per<strong>du</strong>lce videri :<br />

fantaque in fils rebusiistantïa diffèritasque est,<br />

Utf qood ails clkisest, alieis fuat acre veuenum.<br />

Est itaque t ut serpent 9 homiais qu» tacta sali?Is f<br />

640<br />

Disperit, ic sese roan<strong>du</strong>ndo CôEICJI ipsa.<br />

Praeterea » nobis ?eratram est acre venenum ;<br />

ât capreis adlpes et cotnralcibiis auget.<br />

Id quibus ni iat rebus eognoscere possis,<br />

Prindpio memliiisse deeet, qu« diximus a nie, 645<br />

Semina mulUmodis in rebus mixla leneri.<br />

I^rro iimnes» quaeqiiofnqueeibittti captant, animantes,<br />

Ut sont dlssuiilles extrinseeus, et generatiin<br />

ÈtHma membromm cireimcaesura cœrcet ;<br />

Prolnde et semintbos constant » varianlque figura. §50<br />

Seminaquom porrodistant, differre nceesseest<br />

Mer f alla» fiasque, foramina qtisa parliibemiis»<br />

Omnibus in membris9 et in ore ipsoque palato.<br />

Este minora igitur qnsedam majoraqtie debent;<br />

Esse trlquetra alieis, alieis quadrata nceesse est : §55<br />

les uns doi¥ent être plap étroits, les autres plus<br />

larges; il existe nécessairement des carrés et des<br />

triangles, des ronds, et mille polygones de mille<br />

sortes. Ne faut-il pas, en effet, que la combinaison<br />

et le mouvement des atomes Yarie la structure<br />

des pores, et que les ouvertures soient modifiées<br />

par le tissu qui les enveloppe? Donc, lors»<br />

que tu vois un mets exquis pour les uns et amer<br />

pour les autres, sa douceur tient aux atomes qui<br />

roulent, caressants et lisses, dans les con<strong>du</strong>its <strong>du</strong><br />

palais; au lieu que les acres impressions <strong>du</strong><br />

même corps accompagnent les formes rudes et<br />

les crocs aigus dont il perce la gorge.<br />

Cet exemple nous amène facilement à expliquer<br />

toutes choses. Ainsi, lorsqu'un débordement<br />

de la bile a provoqué la fièvre, ou qu'une<br />

autre cause déchaîne la fougue <strong>du</strong> mal 9 tout le<br />

corps est aussitôt bouleversé, tous les éléments<br />

se déplacent ; il en résulte que les atomes dt<br />

nourriture, jadis appropriés au sens» ne lui conviennent<br />

plus, et qu f il s f accommode mieux des<br />

autres, qui, en y pénétrant, sont aptes à causer<br />

un sentiment amer. Car les deux espèces se combinent<br />

dans la substance <strong>du</strong> miel » comme nous<br />

te Pavons souvent <strong>mont</strong>ré plus haut<br />

A présent écoute de quelle façon les odeurs<br />

gagnent et frappent les narines : je vais le dire.<br />

D'abord, il faut des corps innombrables qui<br />

roulent, qui vomissent le flot de mille parfums §<br />

et tu dois admettre que les odeurs sont partout<br />

émanées, partout jaillissantes, partout répan<strong>du</strong>es.<br />

Mais leur affinité pour les êtres varie<br />

Multarotunda, modismullismultangiilaqiiœdam.<br />

Namque figorarnm ratio ut motusqoe reposcunt f<br />

Proinde foraminibus debent differre figura; »<br />

Et variare ?iœf proiodeac textura cœrcet*<br />

Hoc 9 ubi quod sua?e est alieis » alieis it amarum » 660<br />

1111 » quoi suave est» lœvissima corport debent<br />

Contractabillter caillas intrare pilai! :<br />

At contra » quibus est eadem res intus acerba»<br />

Aspra nimirum pénétrant hamataque fauceis.<br />

Nune facile est en his rebus cognoscere qmeque. 865<br />

Quippe, ubi quoi febrîs, faïti suprante, coortâ est»<br />

âut alîaratione aliqna est vis eicita morbi;<br />

Perturbatur ïbi jam Mura corpus, et omnes<br />

Coramutanlur ibi posilnrae princjpiorum :<br />

Fit» prfys ad sensumquae corpora convenîebant, s?0<br />

Nunc non conveniant ; et cetera sint maps apta 9<br />

Quœ penetrata queunt sensum progignere acerbtim.<br />

Utraque enim snnt in meilis commiita sapore;<br />

Idqtiod jam supera tibisœpe ostaodimus ante.<br />

Nuuc âge y quo pacto nareis adjectus odoris §73<br />

Tangat» agam. Primum» res mnltas esse ner.esse est 9<br />

Uiicle flueas ?ol?al tarins se luetus odorum ;<br />

Etiuere» et mitU volgo» spargique» putan<strong>du</strong>m est<br />

Ternm alieis alius niagis est animantibus aptus 9<br />

Dissimileis propter formas ; ideoque per auras §§§<br />

Meilis apes » quant is longe 9 <strong>du</strong>contorodore;


ÎS<br />

LUC1ECE.<br />

tomme les formes élémentaires; et voilà pur- ,<br />

quoi, ai sein des airs, le miel attire de si loin<br />

les abeilles, et un cadavre les vautours ; pourquoi<br />

tes cWens1 une fois leur nez subtil au vent,<br />

nous guident sur la trace des bêtes au pied fourchu;<br />

pourquoi enfin les prdiennes <strong>du</strong> Capitale,<br />

les oies au blane plumage, éventent la pste<br />

lointaine des hommes.<br />

Ainsi tel odorat, donné à tel être, le con<strong>du</strong>it<br />

vers sa nourriture propre, le rejette loin <strong>du</strong><br />

noir poison ; et cet instinct conserve toutes les<br />

espèces vivantes.<br />

Quant aux odeurs mêmes qui vont assaillir les<br />

narines, il se peut que les unes aient un essor<br />

plus vaste que les autres ; mais aucune ne court<br />

aussi loin que le son, que la parole, ni surtout<br />

(ai-je besoin de le dire?) que les images qui frappent<br />

les yeux et provoquent la vue. Car elles<br />

marchent errantes et lourdes ; et encore loin <strong>du</strong><br />

but elles expirent peu à peu, éparpillées sur la<br />

molle vague des airs. Pourquoi! D'abord, elles<br />

s 9 arrachent péniblement aux entrailles des êtres.<br />

Car les odeurs ne débordent, ne fuient point<br />

à la cime: toutes les substances le prouvent,<br />

alors que rompues» que broyées, que minées par<br />

le feu, elles jettent de plus fortes exhalaisons.<br />

Ensuite, tu peux voir que leurs atomes sont<br />

moins fins que ceux de la parole; car elles sont<br />

exclues des murailles, que percent aisément la<br />

voix et le son. De là vient qiie le corps odorant<br />

lui-même nous offre moins de facilité pour découvrir<br />

son asile : ses impressions se glacent, à<br />

force de traîner dans les airs, et ne volent point<br />

Yolturieique cada?tribus : tura issa feraram<br />

Uogtila qoo tulcrit gressum , permissa casiim vis<br />

Ducit ; et humanum longe prsesentil odorem ,<br />

Momulldartim arcis serfator, candidns anser. 685<br />

Sic alieis aliiis nidor datos ad sua quemque<br />

Fabula <strong>du</strong>cit f et a tetro resilire Teneno<br />

Cogit ; coque modo ser?ailur seela feranim.<br />

Hic odor îpse igiiur9 nareis qiïlqtioiiique lacessli,<br />

Est alio lit possit permitti longpus aller : §90<br />

Sed tamen haud quisquaoi tam longe fer far eorum f<br />

Quam sonltus, quam TOX ; mittojam diceref quam res9<br />

Qtm ferlant ocuiorum actes, Tisumque lacessunt ;<br />

•Errabtm<strong>du</strong>s enim tarde venit t ac périt taie<br />

Paallalim, faciles distractus in aeris auras. §95<br />

Ex alto primum quia TîX emittitur ex re ;<br />

•Ham penitits fltiere atque recédera rébus adores<br />

'Significat, quod fracta magis redolere videntur<br />

Omnia, quod cootrita 9 quod ignl collabefacta.<br />

Deînde f fidere licet majorîbus esse creatum 700<br />

Principiis, quam TOX; qiianiam per saiea saepta<br />

: Non pénétrât, qua mx vulgo soiitusque feruntur.<br />

IJuare etlarii quod olet9 non tam facile esse tîdebis<br />

lotestigare» in qua sît reglone locatum :<br />

Befrigescit erJm eotietando plaga per auras ; 705<br />

Mm faida ad seosuni decurrant 9 iirntia rerara.<br />

au sens avec de nouvelles toutes ebauies. aussi<br />

les chiens, souvent égarés, vont-ils quêtant à la<br />

piste.<br />

' Bu reste, cela ne se voit que dans les parfums<br />

ou dans le monde des saveurs. Toutes les couleurs<br />

ont-elles un rapport si harmonieux avec<br />

tous les organes, que les unes ne soient plus douloureuses<br />

à voir que les autres?<br />

Bien plusf dès que le coq, chassant la nuit au<br />

battement de ses ailes» appelle le jour de sa voix<br />

éclatante, les lions agiles sont incapables de lui<br />

tenir tête f de le regarder en face : tant ils songent<br />

alors à la fuite I Oui, prce que la substance<br />

<strong>du</strong> coq renferme certains atomes qui, une fois<br />

dardés à Fœil des lions, percent les fibres, et y<br />

causent une douleur assez vive pur abattre ces<br />

fiers courages. Et pourtant les mêmes atomes<br />

ne blessent^aucun homme : soit que nos jeux<br />

les repoussent, ou que, trouvant à leur entrée<br />

même des issues libres, ils ne puissent endommager<br />

far un long séjour aucune partie des<br />

organes.<br />

Poursuis, et vois maintenant la nature des impressions<br />

, la source des idéei^qui arrivent aux<br />

intelligences : quelques mots suffisent.<br />

J'affirme d'abord que toute sorte d'images<br />

errent à milliers de mille façons, et de toutes<br />

parts, en tous sens : images si déliées, que leur<br />

rencontre dans les airs suffit pour les attacher<br />

ensemble, comme les feuilles d'or, ou les fils<br />

d'araignée. Car les formes qui envahissent les<br />

yeux, qui harcèlent la vue, sont bien moins<br />

délicates que leur tissu, à elles, qui entrent par<br />

Errant saepe canes flaque, et westigk qnœrtmt.<br />

Nec tamen hoc solis in odoribus atque saporom<br />

In génère est : sed item speries rertim atque colores<br />

Non ita con?eniunt ad sensus omnibus omnes 9<br />

71 i<br />

Ut non sint alieis qiia3dam magis acrïa ?isn.<br />

Quin eliam plluray noctem eiplodentibus ails»<br />

Auroram ciara consuetum voce Tocare,<br />

Nenu queunt rapidei contra constareleones,<br />

lnque tueri : ita continuo meminere fagat 71 i<br />

Nimirum, quia saal gaiiorum in corpore quasdam<br />

Semîfîa 9 qtue, qtiom siint oculeis immissa leonum f<br />

Pupittas interfodinDt, acremque dolorem<br />

Prœbent, ut lequeant contra <strong>du</strong>rare frroces ;<br />

Quom tamen hœc nostras actes lil laedere possint : 72§<br />

Aul quia non pénétrant, autquod peueioallbos ollels<br />

Eiiias ex oculis liber datury in remorando<br />

Liederc ne possint et uila lumina parte.<br />

Nune âge » quae moveant animnm res f acclpe ; et onde f<br />

Quœ ? eniunt f Tentant in mentem, percipe paucls. 725<br />

Principio Iioc dicof rerum simulacre fagarl<br />

Multa modls multis in cunctas andiqoe partais<br />

f ennia ; quae facile inler se juuguntur In anris »<br />

Obtia quom Tentant ; ut aranea bricteaque auri.<br />

Quipp etenim malto magis haec sont tenuia texte, 73#<br />

Quam qme preipiunt oenlot, TisoinqDe taotsiiint ;


tous les vides <strong>du</strong> corps f qui ébranlent la iue<br />

matière des âmesf et qui provoquent leur sensibilité.<br />

Aussi voyons-nous apparaître "des centaures,<br />

et des formes de scylles, et des gueules de cerbères<br />

f et les fantômes des morts qui oit leurs ossements<br />

sous la terre. Ces apparitions tiennent<br />

aux images partout répan<strong>du</strong>es, et dont les unes<br />

naissent spontanément au milieu des airs 9 dopt<br />

les antres échappent à tous les assemblages, ou<br />

qui sont un effet bizarre de ces espèces réunies.<br />

Car il est impossible que les images de centaures<br />

soient faites de matière vivante, puisque la<br />

matière ne créa jamais un tel monstre; mais<br />

quand une forme de cheval rencontre par hasard<br />

la forme des hommes, elles se joignent sans<br />

peine f comme nous avons dit plus haut , à cause<br />

de leur fine nature, de leur tissu imperceptible.<br />

Toutes les apparences <strong>du</strong> même genre naissent<br />

de la même façon; et comme tu as vu que ces<br />

images déliées sont aussi mobiles que légères,<br />

un seul de leurs coups ébranle facilement nos<br />

intelligences, qui ont elles-mêmes une légèreté et<br />

une finesse merveilleuses.<br />

Ce fait que Je rapporte, veux-tu en apprécier<br />

la justesse? Écoute, Si nous apercevons les mêmes<br />

choses a\ec l'esprit et Pœil, Il faut bien que<br />

tous deux soient affectés de même. Or, tu sais que<br />

ies lions, par exemple, ne m'apparaissent qu'à<br />

Faide d'images qui vont assaillir mes yeui ; tu<br />

le vois donc, mon intelligence sera également frappée<br />

de ces apparences de lion9 ou de tout autre<br />

corps | qui sont aussi nettes pour elle que pour<br />

Corporis haec qimmmm pénétrant per rara, deitque<br />

Tonnera anitni natorarointits, mmumque lacessitnt.<br />

Centaures itaque et Scyllarum membra ?iiemus,<br />

Cerbereasque caution fanceis » simulacraque eorum, 735<br />

Quorum morte obita telliis amplectitiir ossa :<br />

Ouine geous, quoiiani passim simulacra feruntur,<br />

Partim sponte sua qnœfiunt aère in ipso,<br />

Partira quae Tariis ab rébus quomquc recédant»<br />

El quae eonficiunt ex honim facla figtiris. 740<br />

Nam cerle m TîVO Centaori non it Imago ;<br />

Huila fait quoniamfalis nalura animai :<br />

Veram nbi equi alque hominis casu convenit imago ,<br />

tferescit facile extemplo, quod diximus anle 9<br />

Propter snbtilem naturam et tenuia texta. 745<br />

Calera de génère hoc eadem ratione creaiitur :<br />

Qrae qooru mobiliter somma levltate ferunlur,<br />

Ut prias osteodi, facile uno comraovet ictu<br />

Quxibei sua animum nobis subtîfis imago :<br />

Tenu» enfan mens est et mire mobilis ipsa. 750<br />

Bacc ieri f ut roemoro» facile liinc cognoscere possis ;<br />

Qaateaos hoc simîle est illi, quod mente vîdemiis,<br />

âtqueocnliSi simili ieri ratione necesseest.<br />

Hone iglter» docui quoniam me forte leonom<br />

CerMrepersimulacra9or4iIosqu2Bqoomqiielaoa8Stiiit'; 755<br />

Sein Ucetp menton simili ratione mo?eri<br />

DE LA NATURE DES CHOSES, LIV. IV.<br />

les yeux; seulement f elle reçoit de plus fines<br />

images.<br />

De même, quand le sommeil s'est répiu<strong>du</strong>daas<br />

nos membres, les intelligences ne veillent encore<br />

que pour essuyer ces mêmes fantômes, qui assiègent<br />

nos ireilles : au point que nous croyons être<br />

sûrs devoir un homme qui a échangé la vie pour<br />

la mort, et qui appartient à la terre. La Nature<br />

nous impose ces illusions, parce que tous les sens<br />

dorment engourdis au fond des membres, et ne<br />

peuvent combattre le mensonge par la vérité*<br />

En outre, la mémoire languit abattue par le<br />

sommeil, et ne dément pas nos âmes, lorsque<br />

cette proie de la mort et de la tombe leur apparaît<br />

encore vivante.<br />

Au reste» ne sois point émerveillé devoir que<br />

les images se meuvent, et agitent avec harmonie<br />

leurs bras et le reste des membres ; car le<br />

sommeil nous offre de ces formes mobiles. Voici<br />

comment. Les images, tour à tour évanouies et<br />

remplacées par de nouvelles formes aux attitudes<br />

nouvelles, semblent avoir changé de gestes.<br />

Oui, leur succession doit être fort rapide : tant<br />

leurs pieds sont agiles, leurs sources abondantes,<br />

et tant la moindre <strong>du</strong>rée sensible voit jaillir de<br />

ces parcelles, qui alimentent leur fugitif assemblage<br />

!<br />

Il faut encore résoudre mille questions, éclaircîr<br />

mille points, si on veut expliquer nettement<br />

les choses.<br />

On demande, surtout, pourquoi nos esprits<br />

forment tout à coup les idées que nos caprices<br />

leur imposent. On demande si les images, escla-<br />

Per simulacre leoniim, cetera f qua» videt aeqiie,<br />

Mec minus 9 alque oculei : nisi quoil mage tenuia cerniL<br />

Nec ratione alïa, qnom somnus membra profudit f<br />

Mens animi vlgîlal f nisi qua simulacra lacessunt 760<br />

Hœc eadem noslros anlmos, qnie, quora vigilamos ;<br />

Usqne adeo» cerle ut videamur cernere cura, quem,<br />

Beddita vita, Jam mors et terra potita est.<br />

Hoc ideo fieri cogit Nalura, quod omnes<br />

Corporis olTcctel sensus per membra qiitescunt, 76$<br />

Née possunt falsum ?erls convînecre rébus.<br />

Praeterea, meminisse Jacet, languctque sopore;<br />

Nec dissentit» eum mortîs letique polilum<br />

Jam prîdem f quem mens vivum se cernere crédit<br />

Quod superest, non est miram 9 simulacra mo?erî, 770<br />

Brachîaque în numerutn jaclare et cetera membra :<br />

Nam fit» ut in somnis facere lioe Tideator imago.<br />

Hoc, ubi prima périt, alioqne est altéra nata<br />

Inde statu , prior hic gestum mutasse videtnr.<br />

Scilicet id fieri céleri ratione putari<strong>du</strong>ra est : 77S<br />

Tan ta est mobilitas 9 et rerum copia tanla f<br />

Tantaque sensiblli qiiofisest tempore in «no<br />

Copia particularum, ut possit suppeditare.<br />

Multaque in lils rébus quœruotur, multaque nobis<br />

Claran<strong>du</strong>m est, plane si res exponere a?émus. 7M<br />

Quseritur in prlniis, quart, quod quoique libido<br />


su<br />

LUCHttZ.<br />

•es di notre volonté f accourent à son premier<br />

appel; et sit dès que les ondes, la terre, le ciel<br />

enfin, ou les assemblées, les pompes, les festins,<br />

les batailles, nous font envie, la Mature nous apprête,<br />

nous foirait au moindre mot toutes ces images.<br />

Et encore faut-il songer que dans la même<br />

région, dans le même lieu, les autres imaginations<br />

évoquent mille pensées contraires!<br />

Quoi! les spectres, enfants de nos rêves, qui<br />

joignent à un pas harmonieux la souplesse des<br />

membres, la souplesse des bras tour à tour agités<br />

, et qui vont sous nos yeux répétant ces gestes<br />

que leur pied accompagne, savent-ils donc<br />

bondir avec artî Errent-ils alors, pour que la<br />

nuit favorise ces doctes ébattements? Ou bien<br />

en est-il des images comme des proies, et nos<br />

sens embrassent-ils à la fois une série dont les<br />

intervalles nous échappent, quoique la raison<br />

admette leur existence? Sans doute. Voilà pourquoi<br />

nos yeux rencontrent toujours et partout<br />

des images toutes prêtes ; voilà pourquoi, tour à<br />

tour évanouies et remplacées par de nouvelles<br />

formes aux nouvelles attitudes», elles semblent<br />

avoir changé de gestes.<br />

Mais leur essence fine, pour être nettement<br />

aperçue, veut des intelligences attentives.<br />

Aussi toutes les images se perdent, hormis<br />

celles que nous évoquons nous-mêmes. Or, nous<br />

sommes toujours prêts et enclins à voir les choses<br />

qui ont rapport à nos idées ; elles nous apparaissent<br />

donc.<br />

Venerit, eitemplo mens cogitet ejus M ipsum.<br />

Anne voluntatein noslram slmulacra îumîm ;<br />

11,siinul ac volumus,nobis occurril imago?<br />

Si mare f si terrain, cordi est » si ienique cœlum , 785<br />

Conventus hominom f pompam, coutivia, pupas;<br />

Cmnia sut» verbone créât natura paratqoe?<br />

Quom praenertim aliete eidem in regione locoque<br />

Longe iissisnilcis anirnus res cogitet omneis?<br />

Qnid porro, in numeruro procédera quom simulacre 790<br />

Cernîmiis in soumis, et moMa membra movere;<br />

Mollia mobititer quom altérait braehia mittunt,<br />

Et répétant ocalis gestum pede convenieoti ?<br />

Scilicel arte madent simulacre y et docta vaganturf<br />

Nocturne facere wtpossint in tempore ludos? 7SS<br />

an magis illud enl ?erum y quia tempore in uno9<br />

Consentirons id, ut quom toi emittitur una,<br />

Tempora multa latent»ratio quae comperit esse?<br />

Propterca fit, jti quo?is in tempore quœqtie<br />

Praesto siiit simulacra locos in quosque parata : 800<br />

Tanta est mobilitas, et rerum copia lanla :<br />

Hoc» ubi prima périt, alioque est altéra nata<br />

liide statu, prior liic gestiim mutasse videtur.<br />

El, quia tenniasont, nlsi quae contendit, acute<br />

Cernerenon potisestanimtis; proinde omniat quae sont<br />

Praeterea, pereant9 niai quae ei sese îpse paravlt 806<br />

Ipse parât sese porro , spcralque futuram,<br />

Ut ?iiett quod eonsequitur, rem qnamque : fit ergo.<br />

Ne vois-tn pas que nos yeux même, quand<br />

ils envisagent un corps délié, se préparent et se<br />

fixent? autrement, la vue ne saurait être perçante.<br />

Et encore remarques-tu que, faute de<br />

tourner leur attention sur mille choses apparentes<br />

, nos intelligences les voient dans un éternel<br />

et profond éloignement. Émerveille-toi donc<br />

ensuite, si toutes les images nous échappent,<br />

hormis celles dont la pensée nous absorbe!<br />

Souvent alors nous agrandissons démesurément<br />

les formes» et nous courons de nous-mêmes au<br />

piège des illusions.<br />

Souvent aussi les images qui se renouvellent<br />

ont changé de seie : nous avions une femme<br />

dans les bras, et tout à coup nous y apercevons<br />

un homme 1 Leur igure 9 leur âge subit encore<br />

mille vicissitudes, que le sommeil et le défaut<br />

de mémoire travaillent à rendre moins étranges*<br />

Il est ici un système vicieux et faux 9 que tu<br />

dois éviter avec horreur et fuir avec effroi.<br />

Oui, garde-toi de croire que le lambeau des<br />

yeux étincelle tout exprès pour la vue; que le<br />

pied sert de fondement à la colonne flexible ém<br />

jambes, ain que nos pas allongés dévorent la<br />

route; que les bras, vigoureux assemblage de<br />

muscles 9 et les mains , ces deux ministres <strong>du</strong><br />

corps, furent destinés à satisfaire tous les besoins<br />

de la vie.<br />

Toutes ces fausses interprétations de la Nature<br />

bouleversent la raison. Le corps ne renferme<br />

point un seul organe qui naisse pour nous ser-<br />

Nonne vides 9 oculoseiam, quom, tenuïaquœsunt,<br />

Cernere cœperunt f contendere se atqtie parare ; 810<br />

Nec sine m ieri posse, ut œrmmm acute f<br />

It tamen in rébus quoque apertis noscere possis 9<br />

Si non advortas aniinum 9 proinde esse, quasi omni<br />

Tempore semotum Aierit longeque remotum.<br />

Quurigitur miram est, animus si cetera perdit 9<br />

81S<br />

Praeter quam quibus est in rébus deditusipse?*<br />

Bëmlêf auopinamur de signis maxuma part Is,<br />

Ac nos in fraudera in<strong>du</strong>imos frustraminis ipsei.<br />

Fit quoque f ut inter<strong>du</strong>m non suppeditetur imago<br />

Ejusdem generis ; sed femina 9 qus fuit ante 810<br />

In manibus, vir uti fa<strong>du</strong>s videatur idesse ;<br />

Aut alia %% alla faciès aetasque sequatur :<br />

Quod ne miremur9 sopor atqtie oblivia curant.<br />

Illud in bis rébus vitium vehementer inesse<br />

Ifïugere,- errorem vitareque pnemetuenter, 825<br />

Lumina ne facias oculoram clara creata 9<br />

Prospicere ut possimus; et, ut proferre fiai<br />

Proceros passus 9 ideo fastigia posse<br />

Surarum ac fetninum , pedibus fundata » plicari :<br />

Braclik tuai prro y validis m apta laeertis, Hi<br />

Esse manusque datas , utraqoe a parla mînistras ,<br />

Ut facere ad vïtaro possemus quae foret usus.<br />

Cetera de génère hoc 9 kter quœquomque pretântur»<br />

ûrania pervorsa prapostera sunt ratione :<br />

Niiideoquoniamnatumestin€oiforefututi ^ ,§3*


wir;maist uue fois né, cbaeony trouve sou<br />

emploi. Voyait-on f avant que le flambeau des<br />

yeux fût allumé? discourait-on » avant de posséder<br />

une langue! Non f ce fut elle qui vint longtemps<br />

avant la parole; les oreilles existaient<br />

déjà , que nul retentissement ne se faisait entendra;<br />

tous les membres enfin ont dû, ce me<br />

semble, précéder leur usage : donc , il leur est<br />

impossible de croître pour notre service*<br />

Au contraire, ces batailles où la main seule<br />

déeMrait les corps, ensanglantait les membres,<br />

furent de beaucoup antérieures au vol des flèches<br />

étîiicelantesj et la Nature poussa les hommes à<br />

éviter les blessures, avant que Fart n f eût ajouté<br />

au bras gauche le rempart d 9 un bouclier.<br />

Abandonner le corps fatigué au sommeil , est<br />

chose bien autrement vieille que les molles étoffes<br />

de nos lits ; et on étancha ta soif f avant que la<br />

coupe ne prit naissance.<br />

Oui 9 on peut admettre que nous ayons imaginé,<br />

en vue de leur usage, toutes les choses<br />

suggérées pr les enseignements de la vie pratique.<br />

Mais les autres f qui ont commencé par<br />

naître» nous ont découvert ensuite leur utilité;<br />

et parmi elles nous distinguons surtout les organes<br />

f les membres. Je le répète donc 9 il est<br />

impossible que tu oses les croire formés à titre<br />

de serviteurs utiles.<br />

Pourquoi nous étonner encore si la nature<br />

physïqqe de tout animal est avide de nourriture?<br />

Ne sait-on pas que les assemblages perdent mille<br />

flots de matière pr mille débordements? Les<br />

Possemas; sed 9 quoi natum est» M procréât usum.<br />

Bfec fuil ante videre oculorum lumina nata;<br />

Mec dlclis urare pois 9 quam Hngna créait est :<br />

Sed potius longe dogme preecessit origo<br />

Sennonem ; mottoque croate sunt prius aures 9<br />

Quam SODUS est anditus ; et omnia denique membra<br />

ânte ftiere, il opinor, eorutn quam foret nsiis :<br />

Haid igitur potuere utundi crescere causa.<br />

At contra conferr© manu certamina pupœ,<br />

Et factrare arlus f fiedareque membra crtiore y<br />

DE LA NATURE DES CHOSES, LIV. IV. 81<br />

840<br />

845<br />

Asie fuit multn9 quam incida tela volarent :<br />

Et votons vitare prias Nalara cocgît»<br />

Quam daret objectum parmai teva par artem.<br />

Sciicet et fessum corpus niandare qoietî f<br />

Molto anliquius est 9 quant lecli mollis strata : 850<br />

Et sedare 8iim prius est, quam pocola , natum.<br />

Iteciptur possnnt ulundi cogoila causa<br />

Cmlier, ex usu qu« sont vîtaque reperta :<br />

Olla quidam seorsum, suit omnia quœ prius ipsa<br />

Itta y dedere stm post notitiam utilitatls ; 855<br />

Quo génère in primis sensus et membra miemm,<br />

Qoare etîam atqueetiam procul est9 ut credere posais,<br />

UfiîtâUs ob ôfficiurfî ptuisse creari.<br />

Uod item IMHI est miran<strong>du</strong>m, corporis ipsa<br />

Qiod natura dbumqiierit quojusque animantis. 860<br />

Quippe etooim tuera atque recédera corpora rébus<br />

UPOtÉCE.<br />

animaux surtout 9 eux que le mouvement agite»<br />

Les sueurs arrachent et emportent une foule de<br />

germes profondément enfouis ; une foule sont<br />

exhalés par nos bouches haletantes de fatigue.<br />

Ces pertes appauvrissent le corps, et minent toute<br />

la substance des êtres : épuisement que la douleur<br />

accompagne. Yoilà pourquoi ils absorbent<br />

la nourriture qui, éparpillée dans les vides, étaye<br />

les membres, ranime les forces, et comble le<br />

gouffre de la faim ouvert dans les muscles et les<br />

veines. De même, le breuvage circule dans tous<br />

les endroits qui implorent son humidité : ces<br />

mille tourbillons de vapeur chaude qui embrasent<br />

nos estomacs f un fluide bienfaisant les dissip<br />

f les éteint comme <strong>du</strong> feu ; et il empêche<br />

leurs desséchantes ardeurs de consumer nos<br />

membres. Ainsi la soif haletante, balayée par ce<br />

flot, abandonne le corps; ainsi on apaise le cri<br />

de la faim.<br />

Mais comment se fait-il que nous puissions} à<br />

notre gré, nous jeter en avant, ou imprimer au<br />

corps un mouvement oblique! quel agent a coutume<br />

de pousser une masse si lourde? Je vais le<br />

dire : toi, écoute mes proies.<br />

Les apparences de la marche s'offrent d f abord<br />

à notre esprit qu'elles ébranlent, je l'ai dit, je le<br />

répète. La volonté agit alors ; car elle ne se met<br />

jamais à fœuvre avant que les intelligences exak<br />

minent ce qu'elles veulent, et ce premier aperçu<br />

est une image. Ainsi donc, une fois que la résolution<br />

de partir, de marcher, agite l'esprit9 il<br />

frappe aussitôt la vive essence des âmes par toute<br />

Milita modis multis doeui : sed plurima debent<br />

Ëx animalïbus; hœc quia sunt eiercita motu :<br />

Multaquejier sudorem ex alto pressa feninliir ;<br />

Multa pr m cihalantur, qnooi languida anhelant. lié<br />

Bis igitur rébus rarescit corpus , et omnis<br />

Subrultur natura : dolor quam consequitor rem.<br />

Propterea,capitnr cibus, ut suflulckt artus 9<br />

Il reereet tirais inter datas; atque, patenta»<br />

Per membra ac venas , ut amorem obture! e<strong>du</strong>ndi. I7i<br />

ffumor item discedit in omnia, quai loca quomque<br />

Poscunt taoraorem : glomemtaqiie multa vaporis<br />

Corpora, que stomacho praebent incendia nostro 9<br />

Dissiipat adf eniens lîqiîor» ac restinguît, ut ignem ;<br />

Urere ne possit câlor ampiius tri<strong>du</strong>s artus. S75<br />

Sic igitur tibi anhelt sitis de corpore nostro<br />

Âbluitur; sic eipletur jejuna eupido.<br />

Kunc9 qui fiât, utî passus proferre qneaimis,<br />

Quora volumus f vareque daturn sit membra moi*ère ;<br />

Et quae res tantum boconeris protrudere nostri 8S0<br />

Corporis insuerit, dicam : tu percipe dicta.<br />

Dico, animo nostro primum simulacra meandi<br />

Accidere 9 atque animum pulsare 9 ut diiimus ante :<br />

Inde voluntasfit : neque enim facere incipitullam<br />

Kemquisquam » quam mens pro?idit, quid telll» ante : SSi<br />

ldy quod profidet9 lies rei constat imago,<br />

Ergo, animns quom sese ita commovet, ut velit ire,


82 LUCRÈCE.<br />

(a masse, dans les articulations et les membres :<br />

contact facile, puisque les deux substances<br />

sont enchaînées* L'âme , à son tour, attaque le<br />

corps; et voilà comme, peu à peu , toute la machine<br />

s'émeut et s f ébranle.<br />

D'ailleurs, ces ébranlements amaigrissent le<br />

corps; etïl faut bien que l'air, essence toujours<br />

mobile, gagne les ouvertures, inonde les vides,<br />

et circule dans les moindres partiesde notre substance.<br />

Tu vois doncque deux-mobiles nous emportent,<br />

comme le vent et la voile chassent les<br />

navires.<br />

Ici encore ne va pas crier merveille, parce<br />

que des corps imperceptibles roulent un corps<br />

énorme, et que nos lourdes masses tournent à<br />

leur gré. Le vent, fluide subtil et maigre, précipite<br />

bien avec de vastes efforts de vastes navires;<br />

et, si impétueux que soit leur essor, une<br />

seule main les con<strong>du</strong>it, un seul gouvernail leur<br />

Imprime mille détours. Armées de grues et de<br />

poulies, les machines remuent et enlèvent sans<br />

peine des fardeaux immenses.<br />

Maintenant, de quelle façon le doux sommeil<br />

verse-t-il le repos aux membres, etchasset-il<br />

les inquiétudes de nos poitrines? Je veux<br />

l'exposer en quelques vers, dont le charme surpasse<br />

le nombre. Un souffle harmonieux <strong>du</strong><br />

cygne l'emporte sur le vaste cri dont les grues<br />

parsèment le vent à la cime des nuages : toi, apporte-nous<br />

de fines oreilles et un esprit perçant,<br />

afin de t'épargner mille révoltes contre nos paroles<br />

, et cette aversion, cette horreur pour la<br />

loque gredi, feritextemplo f quae in corpore loto<br />

Fer membra atque arltis animai dlssita vis est :<br />

£l facile est factumy qtioniam conjuneta leneitir. 890<br />

Inde ea proporro corpus petit,, atque ita tota<br />

Paullatim moles protruditur atque movetur.<br />

Prasterea, tum rareseit quoque corpus f et aer<br />

Scilicet» ut débet, qui seinper mobilis exstat,<br />

Per patefacta venit, peaetcatqtie foramina largos ; 895<br />

Et cJîspergltfir ad parteis ita quasque minutas<br />

Corporis ; bic igitur rébus fit titrimqtie <strong>du</strong>abus,<br />

Corpus ut » ac na\is velis ventoque, feratur.<br />

Mec tamen illud in bis rébus mirabile constat,<br />

Tantula quod tanlum corpus corpuscula possint 900<br />

Contorquere, et ©nus totum convortere nostrum.<br />

Quippe etenîm veotus, sublili corpore tennis,<br />

Trudit agens oiagnam magno utolimine navem;<br />

Etmanus una régit quant©?Is Impete euntem;<br />

Atque gubernaclum contorquet quolubet «oum : 905<br />

Multaque per trocbleas et tympana pondère magno<br />

Commovet» atque levi stistollit machina nixu.<br />

Nunc quibus ille modis somnus per membra quictem<br />

Irnget, atque animi curas e pectoresolvat»<br />

Suavidicis poilus» quam mollis, versibus edam ; 910<br />

Parvus ut est cycoi mclior catior, ille gruuin quam<br />

Clamor, in a?lheriis dispersus nttbibus austri.<br />

Tu mibï da tenueis aureis, anintumque sa^acent :<br />

vérité, qu'inspire le fol aveuglement ie ses propres<br />

erreurs.<br />

D'abord le sommeil a lieu quand les âmes se<br />

décomposent au sein des membres, et qu'une<br />

partie de leur essence a été vomie au dehors,<br />

tandis que l'autre se ramasse, se concentre dans<br />

les profondeurs de la masse. Alors, alors enfin<br />

nos membres paraissent déliés et flottants. Car II<br />

est incontestable que le sentiment est dû au travail<br />

des âmes ; et à peine le sommeil y met-il empêchement,<br />

que nous devons croire les âmes<br />

bouleversées, chassées de leur asile. Non pas<br />

tout entières : autrement le corps demeurerait<br />

engourdi par les glaces éternelles de la mort,<br />

faute de garder une parcelle de leur substance<br />

cachée dans les organes; feu qui dort enfoui sous<br />

un monceau de cendres, étincelle qui rallume<br />

ie sentiment au fond des membres, invisible<br />

foyer qui jette tout à coup la flamme.<br />

Mais la cause de ce nouvel état, et la source<br />

de ce bouleversement des âmes, de cette langueur<br />

<strong>du</strong> corps, je vais te les découvrir ; ne me<br />

laisse pas jeter mes paroles au vent.<br />

La surface des corps essuyant par son voisinage<br />

le contact des airs, elle doit être battue,<br />

ébranlée de mille coups : aussi la peau f et même<br />

des écailles ou un cuir épais, enveloppent-ils presque<br />

tous les assemblages. De même, la respiration<br />

expose leur intérieur à un choc, quand ils<br />

aspirent ou rejettent le souffle. Ces deux atteintes<br />

que la masse subit à la fois, cet ébranlement<br />

qui re<strong>mont</strong>e par des canaux imperceptibles jus-<br />

Ne fieri negites, quaedîeam, posse, rctroque<br />

Vera repulsanli discedas pectorc dicta : Ois<br />

Tutemel in eulpa quom sis, neque cernere possis.<br />

Principio, somnus fît, ubi estdistracla per arlus<br />

Vis anims; parlimque foras éjecta recessïl,<br />

Et parlîm contrusa magis concesslt in allum :<br />

Dlssolvuntur enlin lum demtim membra, fluuutqne. 920<br />

Nam <strong>du</strong>blumnon est, animai qoin opérasit<br />

Sensas hic in nobis ; quem quom sopor impedît e«^t<br />

Tum nobis animam perturbatam esse putan<strong>du</strong>mest,<br />

Ejectamqoe foras ; non omnem ; namque jaccret<br />

Jsterno corpus perfosum frigore leti, 9ÎS<br />

Qwippe ubi nulla lalens animai pars remaneret<br />

In membris, cinere ut roulia latet obrulus ignis ;<br />

Unde reconflari sensus per membra repente<br />

Possit, et ex ignî caeco consurgere flamma.<br />

Sed» quibus bœc rébus novilas confletur, et unde 930<br />

Perturbari anima, et corpus languescere possit,<br />

Expédiant : tu fac, ne venteis wrba profundam.<br />

Priocipio » externa corpus de parte uccessum est »<br />

Aeriis quoniam vicinum tangiturauris,<br />

Tundier, alqueejus crebro pulsarier ictu : 935<br />

Proptereaque, fere res omîtes aut corîo sunt »<br />

Aut etiatn conebis, aut callo» aut cortice tectœ.<br />

lnteriorent ettam partent spirantibus aer<br />

1 Verberat hic idem, quom <strong>du</strong>citur, atqnereflatur.


que vers les éléments et la base même de notre<br />

substance, rainent peu à peu les membres» Car<br />

les atomes de l'esprit et <strong>du</strong> corps se troublent, se<br />

déplacent » et font que les âmes nous échappent<br />

en partie , que le reste va se cacher au fond des<br />

êtres, ou, éparpillé dans la masse, ne peut y rester<br />

uni et fournir sa part au mou?ement vital »<br />

les réunions comme les voies étant interrompues<br />

par la Nature. Le sentiment, que ces révolutions<br />

étouffent, gagne les profondeurs <strong>du</strong><br />

corps. Tout appui manque sous nos organes : la<br />

défaillance nousprend,et une langueur générale<br />

des membres. Les bras, les paupières tombent ;<br />

les jarrets succombent à un lourd affaissement,<br />

et la vigueur se brise.<br />

Ensuite nos repas amènent le sommeil, parce<br />

que la nourriture nous affecte comme l'air,<br />

quand elle circule dans nos veines. Et même<br />

cet assoupissement des hommes rassasiés ou<br />

las a mille fois plus de pesanteur. Car les atomes,<br />

rompus de travail f essuient de vastes bouleversepents<br />

; et ce désordre veut que nos âmes se jettent<br />

plus avidement au fond des membres, que<br />

leur fuite soit plus abondante, que mille déchirements<br />

intérieurs les éparpillent encore davantage.<br />

Les choses qui nous attachent même quand<br />

elles sont acccomplies, les occupations qui absorbent<br />

et exercent le plus nos intelligences, le<br />

sommeil a coutume de nous les imposer encore.<br />

Les avocats plaidentf et interprètent les lois; les<br />

généraux engagent et affrontent les batailles;<br />

Quare utrimque secus quom corpus vapolel, et quont 940<br />

Perveniant plagœ per part a foramiua nobis<br />

Corporls ad primas parteis f elementaque prima ;<br />

Fit quasi paullatîni nobis per membre ruina:<br />

Contnrbantur enini positurae prineipiorum<br />

Corporîs atque anîmi ; sic» ut pars inie animai 945<br />

Eliciatury et iiitrorsum pars abdita cédai;<br />

Pareeiiana , distracta per artus 9 non queat esse<br />

Conjoncta inter se, neque motti mutua fungi :<br />

Inter cuira saepil ratas nature fiasque ;<br />

Ergo sensos abit 9 mutatis motibus 9 aile. 95û<br />

Et9 quonkro non est, quasi qtMMi suffulciat artus,<br />

Débile it corpus, laaguesctiiitque omoia membre;<br />

Brachia y palpebraeqae cadant, poplitesque eubanli<br />

S*pe lama submittunlur, viresque resul?uit.<br />

Beindecibum sequitursomniu, quia, qum facitaer, 955<br />

H«c eadem eibns 9 in jmm <strong>du</strong>m diditur omneis,<br />

Eflifal : et molto sopor lie gravissamus exstat 9<br />

Quem satnr, tut lassas copias ; quia plurima tum m<br />

Corpora contorbant, mago© contusa labore.<br />

Fit ralîone eadem conjectu s parte animai 960<br />

Altior, atque foras ejeclus largtor ejos ;<br />

El di?isior inter se ac distractior intus.<br />

El, quo quisque fere studio defunctus adbœret ,<br />

Aut quibus in rébus multum sumus ante moratei,<br />

Alquc in ea ratione âni eonteota magis meus ; 965<br />

In soumis eadem pkrttmqoe videmor obire :<br />

DE LA NATURE DES CHOSES, UV. IV.<br />

les marins soutiennent une guerre déclarée par<br />

les vents ; et nous aussi, un doux travail nous<br />

enchaîne : toujours, toujours interroger cette<br />

Nature, que nous exposons toute nue dans la<br />

langue de nos pères !<br />

* Tous les arts, comme tous les penchants,<br />

nous fixent ainsi, et peuplent nos rêves de leurs<br />

illusions. Vois les hommes assidûment occupés<br />

<strong>du</strong> théâtre plusieurs jours de suite : lors même<br />

que ces images ne frappent plus leurs sens avides,<br />

il est rare que leur intelligence ne garde pas des<br />

ouvertures libres, par où elles savent y re<strong>mont</strong>er.<br />

Ouï, <strong>du</strong>rant quelques jours les mêmes prestiges<br />

assiègent leurs regards, et jusque dans<br />

leurs veilles ils croient apercevoir des corps<br />

bondissants» des membres agiles et souples. Ce<br />

pur accent des lyres, des cordes à la voix harmonieuse,<br />

leurs oreilles le boivent encore. La<br />

même foule leur apparaît avec toutes les pompes<br />

resplendissantes de la scène.<br />

Tant la volonté, le goût et la nature <strong>du</strong> travail<br />

habituel ont de force, non-seulement chez<br />

les hommes, mais encore chez les bêtes! Le<br />

sommeil qui abat les membres <strong>du</strong> coursier généreux<br />

, empêche-t-il que la sueur et une haleine<br />

précipitée ne marquent ses brûlants efforts pour<br />

disputer la palme? Les barrières semblent ouvertes,<br />

et pourtant il repose.<br />

Que de fois les chiens <strong>du</strong> chasseur, mollement<br />

assoupis, remuent tout à coup les jambes, aboient<br />

soudain, et aspirent à plusieurs reprises les tirs,<br />

Caosidiceî causasagere et compooere leges ;<br />

In<strong>du</strong>peratores pugnare ac proeliaobire:<br />

lautae eontraetum cum ventis degere bellum ;<br />

H os agere hoc autem f et laturam qu»ierere reram S7§<br />

Semper, et inventara patris exponere cliartîs.<br />

Cetera sic studk atque artes plerumqtie tidentur<br />

f n somnis animes homiium frustrata tenere :<br />

Et qoeiquomque dies muitos ex ordine ludds<br />

Assi<strong>du</strong>as dederint opéras, plerumque viderais, 975<br />

Qtiom jim desUteruntea sensibus usiirpare,<br />

Reiicuas tauten esse im in meule gatenteis ,<br />

Qua possiût eadem rerum simulacra fenïre.<br />

Per muitos itaque olia dies eadem obrorsaitur<br />

Ante oculos, etiam vigilantes ut f ideaitur 9$o<br />

Cernere sallanteis, et molia membre movenleisi<br />

Et citharae liquidai» carmen cbordasque loqueoteis<br />

Auribus aceipere ; etconsessem cernere eumdem,<br />

Scenaiqtie simul varios splendere décores.<br />

Usque adeo magni refert studium atque voluntas ; 985<br />

Et qiiibus in rébus consuerînt esse openlel<br />

Hon horoines solum 9 sed vero animalia euncta.<br />

Quippe videbis equos fcrteîs f quom membra jacebunt<br />

In somnis, sudare tamen spirareque semper,<br />

Et quasi de palma summas coateudere vireis f<br />

Aut quasi carceribus patefactis sape quiète.<br />

¥enantumqae canes in molli saepe quiele<br />

Jactant crura tamen subito, vocesque repaie<br />

s.<br />

if &


S4<br />

LUCRECE.<br />

comme pour y saisir la trace des bêtes 1 Déjà Les hommes altérés se voient ai bord de fleu­<br />

éveillés, ils poursuivent encore mille fantômes ves, de sources ravissantes, que leur gosier ab-#<br />

de cerfs, ils les voient abandonnés à la fuite; sorbe presque tout entières. Que de fois un en­<br />

puis enfin ils reviennent à eux, et secouent fant, enchaîné par le sommeil, a cru lever sa<br />

ces douces illusions. Les jeunes dogues, race robe devant un réservoir, un bassin I et le flot<br />

caressante, habituée au logis, tressaillent, et ar­ impur, jaillissant <strong>du</strong> corps, souille les étoffes resrachent<br />

vivement leur corps de la terre, comme plendissantes que fournit Babylone.<br />

si des traits, des visages nouveaux inquiétaient Puis, quand les vives humeurs de sa jeunesse<br />

leur vue. Plus le germe des images est ride f commencent à bouillonner dans les pores, que<br />

plus elles doivent irriter le sommeil.<br />

Les oiseaux de mille couleurs partent tout à<br />

la sève croit et mugit avec les ans f mille formes<br />

venues de mille corps extérieurs lui offrent, mes­<br />

coup la nuit, et agitent las bois sacrés de leur sagères lascives, de beaux visages, de fraîches<br />

aile retentissante, lorsque des vautours sem­ couleurs, qui ébranlent et irritent les organes<br />

blent leur apporter la guerre* les batailles, au sein tout gonflés de semence, qui suppléent à mille<br />

de leur mol &ssoupissement| et voler à leur pour­ douces opérations, qui excitent de longs épansuite.chementsf<br />

et qui ensanglantent la robe des vier*<br />

De même DOS intelligences, accoutumées à de ges.<br />

vastes enfantements, exécutent et soutiennent Elles vont solliciter le fluide générateur an<br />

ie grandes choses jusque dans nos rêves. Les fond de nos membres Y je le répète, sitôt que les<br />

rois emportent des villes, on les prend, ils en- années mûrissent les forces ; et, comme les orgapgent<br />

la mêlée, ils poussent le cri des malheunes divers sont harcelés par divers mobiles, la<br />

ceux égorgés sur place. Mille autres combattent, semence des hommes ne fermente que sous des<br />

à qui leurs blessures arrachent des gémissements; Influences humaines. À peine renvoyée de ses<br />

ou, comme si leurs membres palpitaient sous la demeures, elle traverse les membres, les articu­<br />

dent des tigres, des lions cruels, ils remplissent lations , tout le corps enfin, et se ramasse dans<br />

tout de lamentations. Beaucoup révèlent alors de les nerfs qui lui sont affectés. Là, elle frappe les<br />

terribles mystères, et dénoncent leurs propres organes mêmes de la génération. Irrités par elle,<br />

attentats. Beaucoup essuient la mort. Beaucoup les organes se gonflent; ils aspirent à rejeter ce<br />

croient tomber de hautes <strong>mont</strong>agnes sur la terre : qui provoque leur fatal emportement, et nos âmes<br />

leurs corps frissonnent épouvantés, et au réveil tendent vers le corps qui les a blessées d'amour.<br />

leur âme, frappée de vertige, se remet à peine Oui, elles gagnenthabituellement la source même<br />

des émotions soulevées par ces tempêtes de la <strong>du</strong> coup : notre sang inonde les douces enne­<br />

chair.<br />

mies qui nous frappent, et, vaincues dans nos<br />

ilitttmt, et crebro redocnnt narihua auras»<br />

Ut vesligia si tcneant intenta ferarom ; 995<br />

Eipergeficteique sequuntorinania saepe<br />

Cerforom simulacre, fugae quasi dedita cernait;<br />

Dooec disenssis redeant errurilms ad se.<br />

A! y consueta domu , catutoram blinda propage<br />

Discuter© et corpus de terra corripre instant ; f 000<br />

Proinile quasi ignolas faciès atque ora tuantur.<br />

Et9 quo qu«quc m^gis suit aspera seminiorattt f<br />

Tarn magis in soumis «idem sae?Ire necessum est.<br />

At variœ fugfrint votnem, pinnlsque repente<br />

Solicitant DivDm noeturao tempore lucot 9<br />

l 005<br />

Accipitres somno in leai si prdia pugoasqna<br />

Edere suit persectantes tiswpe volantes.<br />

Porro, homioam mentes» magnls qua» motibns e<strong>du</strong>nl,<br />

Mapa itidem sœpe in aoranis faciuntqiie gcruntqne.<br />

leges expugnant, capiuniur, prœlia miscent ; 1010<br />

Tollunt clamorem, quasi si jugulenttir ibidem»<br />

Multei dèpugnant, gemitusque doloribus e<strong>du</strong>nt;<br />

Et quasi panlberœ morsa sae?î?e leonis<br />

Mandantur, magnis claraoribus omnia comptent.<br />

Maltei de magnis per somiium rebu* loquuntiir : 1015<br />

Indicioque soi facti pers«pe fuere.<br />

Multei mortem obeunt : multei, de <strong>mont</strong>ibnsaltis<br />

fît quel précipitent ad terram, curpore toto<br />

Exterreitur ; et ex somoof quasi mentibu* capiei f<br />

Vin; ad se redeunt, permute! corporis aestu. 10î6<br />

FJuraen item sitiens aut fonlem propter amœnum,<br />

Assîdet, et totum prope faucibua occupât amnem.<br />

Pureî guêpe lactun propter ac dotia curta t<br />

Somno detinctei , credant se eitolers •estem ;<br />

Totius humorein saccatum corpari% fns<strong>du</strong>nt » io?S<br />

Quom labylonica, magnifie© spleniorc, rigantnr.<br />

Tum f qnibus aetatis fréta primitus însiniiantur,<br />

Semen ubi ipsadies membris matura créatif t<br />

Conveniunt simulacre forîs e corpore quoque,<br />

Muntia praeclari voltus pulchrique coloris 9<br />

i oM<br />

Qui ciet Irritons loca turgida semine multo ;<br />

Ut f quasi Iraiisactis sœpe omnfbu 9 rebu f f profundant<br />

Fiiimiais ingenteïs Éoctu§f •esteonque cruentent.<br />

Sollicitator id In nobis, qood diiinms ante,<br />

Semeii ; a<strong>du</strong>lla aetas quom primum roborat arlus. 103J<br />

Mamque alias aiiud res commovet atque laeessit ;<br />

Ei liomine humaoum semen ciet una hominis fis :<br />

Quod si ni « I atqiie suis ejactum mêïbmemî$<br />

Pcr membra atque artus decedit «irpore toto,<br />

lu loca coofcnieiis nerroriim certa ; cîetqae i oli<br />

Continuo parteis genitaleis corporis ipsas :<br />

Irritata tnmmî k>€â semine 9 Stqne •olunias<br />

Ejïcere id 9 quo se contendit dira libido ;


DE Là NATURE DES CHOSES, LIV. IV.<br />

liras, elles sont accablées de sa pourpre jaillissante!<br />

Ainsi donc un homme, percé des ièches de<br />

Yéeus que lance soit un enfant à la molle beauté,<br />

soit une femme qui darde l'amour par tous ses<br />

membres, court aux êtres qui le blessent, avide<br />

de joindre, de mêler à leur essence les lots de<br />

ses voluptueuses écumes ; car le désir fougueux<br />

est un pressentiment de la jouissance. Yoilà ce<br />

que nous entendons par Vénus, ce que nous avons<br />

uommé Amour. Yoilà comment il épanche dans<br />

nos âmes cette goutte de volupté, qui tourne sitôt<br />

en inquiétudes glaciales, puisque les êtres chéris,<br />

dans leur absence, nous laissent de vives images<br />

et un doux nom toujours retentissant à nos<br />

oreilles.<br />

Mais on doit fuir ces images, écarter de soi<br />

tout ce qui alimente de folles envies, détourner<br />

le cours de son intelligence, répandre sans choix<br />

une sève trop abondante, loin de la retenir, enchaîné<br />

par un seul amour, et de fomenter un<br />

germe de soucis, de tourments inévitables. Car,<br />

une fois nourrie, la plaie s'aigrit et s f enracine :<br />

chaque jour augmente nos fureurs, appesantit<br />

nos misères, à moins que de nouveaux coups<br />

n'étourdissent les premières blessures, à moins<br />

que de fugitives, de vagabondes amours ne les cicatrisent<br />

encore fraîches, ou que nous puissions<br />

tourner ailleurs les mouvements de nos âmes.<br />

Un homme qui évite l'amour, ne renonce point<br />

à sa douce moisson. Au contraire, sans essuyer les<br />

peines, il recueille les fruits. Car, évidemment,<br />

Idque petit corpus mens, ufide est, saitcia amure.<br />

Manque omiies plerauiqueca<strong>du</strong>iit in volnus; etollatn 1045<br />

Emkat in partent sanguis , tiode icimur ictu :<br />

Ët9 ri eomminus est» liostem raber occupât humur.<br />

Sic fgMnr, Venerls qui telis accipit ictus »<br />

Site puer metubris muliebribus IIUDC jaculattir,<br />

San routier, toto jactans e corpore amorem ; 1030<br />

Uode feritor, en tendit, gesûlque coire,<br />

El jacere humera» in corpus de corpore <strong>du</strong>ctum :<br />

Namqne ?oluptatem prœsagit multa cupldo.<br />

ItacJVenus est nobls ; bine <strong>du</strong>etum est nomen Amoris :<br />

Ëinc olla et priroom ¥eaeris <strong>du</strong>lcediois in cor 1 dàS<br />

SUlla?il gotta f et successit frigida cura.<br />

Nam y si abest y quod âmes » prœsto simulacra tamen sutit<br />

lllim» et nomen <strong>du</strong>lce obf orsatur ad aurais.<br />

Sed fogitare decet sinuilaera, et patola a morts '<br />

Absterrere sibi ; atque alio con?«tere mentem » ! OGO<br />

Et jacere humorem conjectum in corpora qiucqtie.<br />

Net retkiere 9 semel coniorsum umïui amure 9<br />

Et sert are sibi cura» certumque dolêvem.<br />

Ulcus eniai ilfescil et iiifeterascîl aluado,<br />

Inqiedtes gliseit fiaror». atque «raina gra?escil, it>C5<br />

Si non prima novis ccioliirbes volnera. piagis-,<br />

Volpvagaque Yagus Venere aiite récent» cures,<br />

Aut alio possis airimi tradticere moitié.<br />

Sec Ycneris fractn caret is, qui ? liât amoreut}<br />

les pures voluptés attendent plutôt les âmes saines<br />

que de misérables fous. Aui heures mêmes de<br />

la possession, les amants promèuent1 égarent de<br />

mille côtés leurs flottantes ardeurs : leurs yeux,<br />

leurs mains ne savent de quel trésor jouir avant<br />

les autres ; ils pressent violemment les charmes<br />

ou ils fondent; ils blessent un faible corps, et<br />

leur dent fatigue ces lèvres meurtri» de leurs<br />

baisers. Tant leurs jouissances sont imparfaites,<br />

tant un aiguillon caché les anime contre tous les<br />

appas qui engendrent et soulèvent ces rages<br />

amoureuses ! Mais Vénus amortit la douleur au<br />

sein <strong>du</strong> plaisir, et y mêle la douce volupté qui<br />

combat les morsures.<br />

Hélas 1 on espère que la source même de nos<br />

ardeurs put en éteindre les flammes : espoir que<br />

la nature dément et repousse. Cette passion est la<br />

seule dont une jouissance complète redouble les<br />

embrasements et la fougue terrible. La nourriture,<br />

le breuvage que nos membres absorbent,<br />

y envahissent des places fixées ; aussi apaise-t-on<br />

facilement cet amour <strong>du</strong> paîn et des ondes. Mais<br />

la beauté, la fraîcheur, notre corps ne peut en<br />

jouir que par des formes légères ; et encore le vent<br />

nous dispute ces maigres espérances. Ainsi, dans<br />

le sommeil, un homme brûlé de soif cherche<br />

vainement un fluide capable de rafraîchir ses<br />

membres : il ne boit que des images jaillissantes ;<br />

il a beau se tourmenter, un torrent inonde ses lèvres,<br />

et il a soif encore 1 Telle, dans l'amour,<br />

Vénus se joue des amants par de stériles images.<br />

Leurs yeux ne peuvent se rassasier <strong>du</strong> corps qui<br />

SS<br />

Sed potius, qu» sunt sine pœaa,oommoda stmiL 1§7§<br />

Naai certe pura est saoeis magis iode vuloptas,<br />

Quam miseras : etenbn potrandf tempore ia ipso<br />

Fluctuât incertis erroribus ardor amntuoi :<br />

Mec constat, qufd primumoculis manibuaque fruantor :<br />

Quod petlere, premimt arete ; faciontqiie dolorem 1075<br />

CorporiSi etdeuteis illi<strong>du</strong>nt sœpe labelleis,<br />

Osculaque aflligunt, quia non est pura toluptas :<br />

Et stimule! subsunt, quel insligaot Isedere id ipsum f<br />

Quodquoraque est, rabies ondeolbegermina surguut.<br />

Sed leviter peenas frangît Venus inter amorem i §»n<br />

Blaidaque refrénât raorsus admixta ?oluptas.<br />

Nanique ia m spes est, unde est ardorls origo,<br />

Restingui quoque posseab codent corpore flammam :<br />

Quod ierî contra totum nature répugnât ;<br />

IJnaqiie res haec est 9 quojus quo plurima liabemusy I osa<br />

Tarn magis ardeseit dira cupecHne peetus.<br />

ffam cibus atque liunmr menibris assumitur intus :<br />

Quae quonlim certas imssuat obsidere partais,<br />

Hoc facile eipletuir laticum ûrtigunique cupido :<br />

Ex bomiûis fero lacie puleliroque colore f 090<br />

Nil datur in corpus pr»ter simulacra fruiindiim<br />

Tenula; qmm ?eol»spes rapta est saape miselfa.<br />

Utbibere iasomiiis siliens quom quœrityel liiunor<br />

Non daturf trdorani qui ineinbris stinguere possil;<br />

Sed laticum sÉnulaera ptiltJ'ustimqiie laboralv MiPi


§6 LUCRÈCE.<br />

les enchaîne, ni leurs mains arracher une par­ continuellement la pourpre, fatiguée de boire les<br />

celle de ces molles beautés f où elles errent irrésolues.<br />

sueurs amoureuses ; les richesses bien acquises de<br />

nos pères ne sont plus que rubans et parures, ou<br />

Enfin, quand les membres enlacés cueillent la se convertissent en robes brodées par Scio et<br />

douce fleur des jeunes amours, que les corps tres­ Àlinde. Les festins étincelant de riches étoffes,<br />

saillent aux approches des jouissances, et que la de mets exquis, les jeux, les débauches, les<br />

déesse va ensemencer le champ maternel, ces odeurs, les couronnes, les guirlandesf on les<br />

étreintes sont encore plus avides : ils confondent prodigue; mais ai vain. Un goût amer empoi­<br />

leur haleine, leurs bouches humides, que presse sonne la source même <strong>du</strong> plaisir, et les fleurs ca­<br />

la dent fougueuse. Vnins efforts I ils ne peuvent chent des épines : soit que les remords aiguil­<br />

entamer ces charmes, ou engloutir et répandre lonnent ces existences oisives, et ruinées par les<br />

leur corps dans le corps adoré. Car on voit que voluptés impures; soit que des mots équivoques,<br />

leurs âmes brûlent et essayent de le faire : tant lancés par une femme, percent nos âmes épri­<br />

ils aiment les nœuds étroits de Vénus, sitôt que ses, et y demeurent, y couvent en traits de feu ;<br />

leurs membres amollis fondent aux ardeurs <strong>du</strong> ou que ses regards nous semblent trop mobiles,<br />

plaisir! Enfin, les sucs irritants jaillissent des trop occupés des autres, et nous révèlent une<br />

nerfs où ils sont-amoncelés ; la fougue se calme, pridie dans un sourire.<br />

mais pur un instant : bientôt les emportements Encore ces maux accompagnent-ils un amour<br />

renaissent, et la même fureur agite les hommes, heureux et sans partage. Que sera donc un amour<br />

qui essayent de toucher au but où ils aspirent. sans espoir ni aliment! Ouvre les yeux, et tu<br />

Hélas 1 ils ne trou vent aucun moyen qui dompte aprcevras des tourments innombrables. Aussi<br />

le fléau f et une blessure cachée les ronge dans vaut-il mieux y pourvoir de la façon enseignée<br />

ces incertitudes.<br />

plus haut, et entrer en garde contre tout appât.<br />

Ajoute que la fatigue dévore les nerfs, etamène Car éviter les pièges est chose plus facile que<br />

le dépérissement ; ajoute que nous passons la vie de se dérober aux lacs, une fois pris, et de rom­<br />

sous le fouet des autres. Cependant les fortunes pre les nœuds puissants de Vénus.<br />

s'écroulent, on engage ses biens; le devoir lan­ Et pourtant, quoique saisi et enlacé, on peut<br />

guit, et la réputation frappée chancelle. Car on échapper au fléau, si on ne se met pas en tra­<br />

brille de parfums, et <strong>du</strong> riant éclat des chaussuvers soi-même, si on ne ferme point les yeux sur<br />

res de Sicyone ; de grandes émeraudes aux ver­ les vices de cœur ou les imperfections physiques<br />

tes lumières sont emprisonnées dans l'or; on use de celle qui enflamme nos désirs. Car la plupart<br />

In lîiedloque sltit torrent! Rumine potans ;<br />

. Sic in amore Vernis slmulacris ledit amantei*;<br />

Nec satiare queunt gpeetando corpora coram,<br />

lec manlbtts qtiidquam tenereis abradere membres<br />

Possunt » errantes incerteî corpore toto. fl 00<br />

Deolque quom f membris collatis, flore frutratur<br />

iEtatis, jam quom pracsagit gandia corpus y<br />

Atque in m est Venusf ut nauliebria consent ar?aï<br />

Afligtitit avide corpus, jungunlque salivas<br />

€>ris, et inspirant, pressantes deatibus ora, II 05<br />

Nequidquam; quoniam niliil Inde abradere possunt»<br />

Nec peoetrare et abire in corpus corpore tolo ;<br />

Nam facere interdiim velle, et certare videntor,<br />

Usqtie adeo cupide in ¥eneris compagibus hœretit*,<br />

Membre voluptatis <strong>du</strong>m vi labefacta liquescunl. 1110<br />

Tandem, ubi se erupit nervis conjecta ctipido t<br />

Parva fil ardoris violent! pausa parumper ;<br />

Inde redît rabies eadem, et furor ille revisit,<br />

~ Quom sîbi 9 quod copiant ipsei f conûngere quaerunt;<br />

Mec reperire9malum id possunt quaemacliiiia vincat : t i 15<br />

Usque adeo incertei tabescunt volnere caeco.<br />

Adde, quod absumunt nervos, pereuntque îabore :<br />

âddef quod alterius sub ntitu degilur aetas.<br />

Labitur interea res, et vadimonia fiunt ;<br />

Langueut officia, atque argrotat fama vacillai» ; 1120<br />

Unguentaet pulcra in pcdibus Sicyonia rident<br />

Bciiicet; et grandes viridi cum luce smaragctei<br />

Auro inclu<strong>du</strong>ntnrf teriturqtie tliafassioa veslis<br />

Assi<strong>du</strong>e, et Venerl» sudorem exercila |>otal :<br />

El faene parla patrum fi a ni anademala 9 mitrae ; îîlb<br />

Interdiim inpallam, atque Alidensia, CIliaque tortunt.<br />

Exlmia veste et victu convivia, ludei 9<br />

Pœula crebra, ungiienta, eoronae » serta paranter ;<br />

Nequidqtiam ; quoniam raecîio de fonte leporum<br />

Surgit amari aliquid , quod in ipls florlbos angat : 1130<br />

Aut quom conscios ipse aiimus se forte remordet»<br />

Desidiose agwe œtatem, lustrisque perire ;<br />

Antqiiod inambiguo verbtim jaculala reliquit;<br />

Quod eupido aflixum eordi, vivescit, ut ignis :<br />

Aut nimium jactareoctiios » aliumte tueri 1135<br />

Quod putat, in voltuqtie videt vestigia risus.<br />

Atque in amore maie liœe proprio summeque secundo<br />

Inveeiuntur : in advorso vero atque inopi sunt,<br />

Prendere quae possis f oculomm lumlne aperto,<br />

Innumerabilia : ut melius ?igilare sit, aute 1 14G<br />

Quadocui ratione, cavereque» ne îlliciarls.<br />

Nam vitare, plaps in Amorti ne jaeiamiir,<br />

Non ita difficile est» qtiam captum retibus îpsis<br />

Elire, et valïdos Venerisperriimpere nodos.<br />

Et tamen implicitnsquoque possis, inqoe pediliis, 1145<br />

Effogere infestiim, nîsi tute tibi obvins obsfes,<br />

Et pr&lermittas animi vitiaomnia primnm,<br />

Ùl quae corpori* stuit ejus f quam perpetis f ac ris.<br />

Nam faciutit domines ptcrun>qiie, cupidine caecei »


des hommes, dans leurs transports aveugles, imaginent<br />

et accordent aux femmes mille beautés<br />

qui ne sont point à elles. Vicieuses ou difformes f<br />

elles leur paraissent éblouissantes de charmes,<br />

et dignes des plus éclatants hommages. Et ils se<br />

raillent les uns des autres. « Apaisez Vénus, qui<br />

vous afflige, de ces honteuses apours, » disentils,<br />

les malheureux, sans voir leurs propres et<br />

lamentables infortunes!<br />

De noires amantes sont dorées comme le miel.<br />

Infectes et sales, elles négligent la parure. Louches<br />

, elles ont, comme Pallas, un œil au flottant<br />

aror. Sèches et roides, ce sont des biches; imperceptibles<br />

naines, de véritables Grâces, élégantes<br />

merveilles; énormes colosses, de majestueuses<br />

et imposantes beautés. Elles bégayent, et<br />

prient mal : doux embarras! Elles ne soufflent<br />

mot: aimable pudeur! Elles sont impétueuses,<br />

bavardes, insoutenables : quel feu pétillant 1<br />

Tombent-elles de maigreur, elles sont adorables<br />

de flnesse ; sèchent-elles de la toux, elles ne sont<br />

que languissantes. Un co'rps massif, aux larges<br />

appas, devient une Cérès allaitant Baochus. Un<br />

nez camus rappelle les Sylvains, les Faunes, et<br />

de grosses lèvres sont le trône <strong>du</strong> baiser. Faire<br />

le dénombrement de toutes ces illusions, est<br />

chose trop longue.<br />

Supposons même que tous les charmes éclatent<br />

sur leur visage, que tous leurs membres exhalent<br />

Vénus. Mais elles ne sont point uniques;<br />

mais on a bien vécu avant de les connaître ; mais<br />

elles partagent les vils besoins des plus immondes.<br />

Hélas! elles sont infectées par elles-mêmes,<br />

El iribuaat, ea quie non saut lieis commoda ?cre. i 150<br />

Muhimoilis igilur pra?as torpeisque videmns<br />

Esse in deliciis, stiramoque In honore vlgerc.<br />

Atque alios aliei Irrident f Veneremque suadent<br />

Ut placent, qnoniam fedoaflïetenturaiïiore;*<br />

Kec sua respkitiot misera raala maxuma saepe. 1155<br />

• Kigra psXixpooç est ; immoiida ac fetida, &xo9|&oc°<br />

Cssla, IIoXAnikov* nenrosa et lignea, Aopxic*<br />

Panrola, pumilio, Xapitwv jxîa, tota meriim sal;<br />

Magna atque imraanls, xaxânkrfciç » plenaqtic honoris;<br />

Ualba, loqoi non qult? TpowXtÇer muta, pudens est ; t lût)<br />

At flagrans, odlosa, loqnacula, AapMékm fit;<br />

'Ioxyàv ipwpiviov tum fit, qnoin viverc non qnit<br />

Prae maeie; pa&vJi fero est, jam mortua tiissi;<br />

At gemina et roammosa, Ceres est ipsa ab laccho;<br />

Simula » SCXIQV^ ac Satvpa est ; labïosa, f CXi^to. 1165<br />

Cetera de génère hoc, longum est, si dlcere coner.<br />

Sed tamen eslo jam qiiantotIs orls honore,<br />

Quoi Vcneris membris vis omnibus exoriattir ;<br />

Nempe aliae quoqtie sunt : nerope hac sine Tiximus aille :<br />

Nempe eadeoi facit,et srimus facere omnia turpeis; 1170<br />

Et miseram tetris se suffit odoribus ipsa,<br />

Qoam famulae longe fngltant» furtimque cachinnant.<br />

ât lacruroans c&clustis.amator limina sacp©-<br />

DE LA NATU1E DES C10SES, LIV. IV. 87<br />

et leurs femmes en déroute se cachent pour éclater<br />

de rire.<br />

Cependant un adorateur rebuté inonde leur<br />

seuil de larmes, de fleurs, de guirlandes, de<br />

parfums, et imprime de lamentables baisers à<br />

ces portes orgueilleuses. Enfin il entre; maïs,<br />

au passage, le moindre souffle blesse-t-il ses<br />

narines ? prompt à fuir, il cherche des prétextes<br />

honnêtes ; ces plaintes, longtemp méditées et<br />

jaiilies <strong>du</strong> cœur, expirent à ses lèvres : il voit et<br />

accuse sa démence, lui qui enrichissait une<br />

mortelle des biens que sa nature lui refuse. Nos<br />

déesses le savent. Aussi enveloppent-elles d f un<br />

épais rideau ces coulisses de la vie, quand elles<br />

veulent nous retenir, nous enrôler sous les bannières<br />

amoureuses. Vains efforts ! Arrêtent-elles<br />

la pnsée, qui va illuminer ces mystères et dépister<br />

ces ridicules ? Elles ont beau être gracieuses<br />

, adorables : on ne se résigne point à faire la<br />

part des infirmités humaines.<br />

Au reste, leurs soupirs ne sont pas toujours<br />

de Voluptueux mensonges, quand elles enlacent<br />

et rivent leur corps au corps des hommes, et que<br />

leur bouche ruisselante pompe le baiser sur nos<br />

lèvres. Non, elles obéissent souvent à leur instinct,<br />

et, avides de joies communes» elles nous<br />

excitent à fournir la carrière des amours. Pourquoi<br />

les oiseaux, les bêtes sauvages, les génisses,<br />

les brebis, les juments, succombent-elles aux feux<br />

<strong>du</strong> mâle, sinon parce que leurs corps eux-mêmes<br />

brûlent, fermentent, débordent, et aiment à<br />

repousser les coups de son ardeur bondissante?<br />

Ne vois-tu point, ô Memmius, des êtres que<br />

Floribus et sertis operit, posteisque superbos<br />

Unguit amaracino, et foribus miser oscula Agit. 1175<br />

Qaeiti si f jam Immissmn 9 lemlmîmt offenderit mm<br />

Ufiâ modo 9 causas abeuntli qiiacrat honestas;<br />

Et meditata din eadat9 alte suntta, querela :<br />

Stultitiaque Ibi sedamnet, tribuisse quod illi<br />

Plus videal, quatn roortali concédera par est. i 180<br />

Née Vénères nostras hoc fallit; qiio magis Ipsœ<br />

Omnia summopere hosvite postsceniacelant,<br />

Quos retinere volunt, adscriptosque esse in araore;<br />

Neqoldquam : qnontam tu anlmo tamen omnia posscs<br />

Protrahere in lncem, atque omneis inqiiirere risus : 118i<br />

Et, si belto animoest et nom odîosa. ficissîm 9<br />

Pnetermittcre humaneis eoncedere rébus.<br />

Nec millier sempr icto snspirat ainore ;<br />

Quie eomplexa vlri corpus cum corpore jungit,<br />

Et tenet assuetîs liiuiMotans oscula labris. 11Dû<br />

Nani facit m anlmo-siepe;. et communia qnœrcns<br />

Gainlia f sollicitât spatium deenrrere arooris.<br />

Nec ratione alk volucres» armenta, feneque,.<br />

Et pecudes, etequae, maribus stibsidere possent,<br />

Si non, Ipsa qnodollorum sobat» ardet abtwdaits 1195<br />

Natura, et weoerem salienlum beta retractant.<br />

Nonne vidas-,. Mernini, quos mutua saepe folaptas-


us<br />

les jouissances communes enveloppnt des mêmes<br />

iMBudSj au prix des mêmes tortures I Ainsi, dans<br />

nos carrefours, les chiens qui aspirent à rompre<br />

leur union f et qui dirigent leur ardent et ¥igoureux<br />

effort en sens contraire» demeurent assujettis<br />

pries fortes chaînes de Vénus. Affronteraientilscesmaux,<br />

si un appas connu, une volupté mutuelle<br />

ne les attirait au piège qui les tient enlacés?<br />

Je le répète donc 9 les jouissances se partagent.<br />

Et lorsque Vénus mêle nos semences, que les<br />

femmes aspirent et engloutissent vivement le<br />

germe dps hommes f la ressemblance <strong>du</strong> fruit<br />

avec les mères ou les pères tient à la sève qui<br />

domine. Mais les enfants que tu vois unir et<br />

fondre sur un même visage les traits de chaque<br />

parent, naissent de leur matièref de leur sang<br />

à tous deux : car les deux semences que Vénus<br />

aiguillonne jaillissent entre-choquées par de mutuelles<br />

ardeurs, qui concourent à rendre leurs<br />

batailles égales.<br />

Il put arriver même que ces enfants ressemblent<br />

à un aïeul f ou soient les vives images de<br />

leurs premiers ancêtres. Voici pourquoi.La substance<br />

des époux recèle sous mille combinaisons<br />

mille germes, héritage transmis de pères en pères,<br />

et qui vient de la souche. Vénus emploie ces<br />

purs atomes à diversiier les figures, à repro<strong>du</strong>ire<br />

les traits et même la voix, la chevelure des<br />

làmUlea, essences qui ont une base déterminée<br />

tout comme nos visages, nos corps et nos membres.<br />

La sève paternelle travaille donc à la race<br />

Tinxit, ut in viuclis oommonibus eicrucientur?<br />

In tri? iisquom sœpe canes , discedere a? cales t<br />

Bi?orsei , cupide summis ex ?iribu 9 ten<strong>du</strong>nt 9<br />

LUCBÈCE.<br />

1200<br />

Quoni interea talidis Venerii compagibus hterent?<br />

Qood facerent nanquam f ni§i mutua pudk nossent;<br />

Quae jacere in fraudem possent, vinctosque tenere.<br />

Quare ettam atque etiam 9 ut dieu, est eommnni' voluptas.<br />

Et eommiscendo quom semine forte ?irili 1205<br />

Femkâ mm mulxitsubita ?i, corripuitque;<br />

Tiim similes matrum materno semine fiant,<br />

Ut ptribus patrio : sed , quos otrlusque figura*<br />

Iss§ f ides juxtim t miscenteis volta parentuni,<br />

Corpore de patrio m materno sanguine crescunt y<br />

1210<br />

Semina quom 9 Veneris stimulis excita per artus»<br />

Obvia conflixit conspirant mutnus ardor;<br />

£t neque utrnm supers?it eorum y nec superatum est.<br />

Fit quoque, ut mter<strong>du</strong>m slmileseislslere a?orutn<br />

Possin t 9 et référant proatorum sœpe figuras ; 1215<br />

Propterea, quia multa modisprimordia eioitis<br />

Miita suo celant in corpore sœpe parentes y<br />

Que patribus patres Ira<strong>du</strong>ni a stirpe profecta.<br />

Inde Venus varia pro<strong>du</strong>cit sorte figuras;<br />

Majorimque refert vollus weesque eomasqiie : 1220<br />

QomdoqoideHi nihilo minus hwc de semine cerlo<br />

fiant, qoam fades el eorpora membraque nobia<br />

El muliebre oritur patrio de semine seclum 9<br />

Ma|«i0f«e mares exffetunt corpore cretei.<br />

des femmes, et <strong>du</strong> corps des mères il ne jaillit<br />

que des hommes; car si tout enfantement suppose<br />

les deux germes, encore la ressemblance<br />

<strong>du</strong> fruit marque-t-elle le suc qui abonde da?ao-<br />

' tagi : ressemblance si àîlatante, soit chez les<br />

enfants des hommes, soit chez les rejetons des<br />

femmes.<br />

Il est faux que la puissance divine 9 refusant<br />

à quelques hommes le germe créateur, et une<br />

douce famille qui les salue <strong>du</strong> nom de père9<br />

condamne leurs tristes jours à une Yénus stérile.<br />

La pluprt le croient ; et, désespérés, Ils Inondent<br />

les autels de sang, Ils y entassent les offrandes<br />

f pour que des sucs abondants fécondent les<br />

épouses. Mais Ils fatiguent en vain les dieux et<br />

les oracles; car la stérilité résulte de leur germe<br />

trop épais, ou trop clair et trop fluide. Trop clair,<br />

il ne demeure pas attaché aux réservoirs :il fond,<br />

recule, se perd, et avorte. Trop épis, il jaillit à<br />

flots compactes, et on ne le darde pas assez loin :<br />

il ne peut se glisser au but ; ou même, quand il<br />

perce les voies, ce germe se mêle difficilement<br />

au germe des femmes. Oui 9 aux concerts de<br />

Yénus, l'harmonie des organisations diffère. Tel<br />

homme charge mieux tel sein que les autres, et<br />

une femme ne reçoit pas de tous le fardeau qui<br />

appesantît ses membres. Beaucoup ont langui<br />

paresseuses sous de nombreux hymens , et trouvent<br />

ensuite des époux qui les fécondent, qui<br />

les enrichissent des joies de la maternité. Et les<br />

hommes chei qui de fécondes épouses demeu-<br />

Semper enim p&rttis <strong>du</strong>plid de semine constat : 12?5<br />

atque, utri stmite est magis id, quodquonique creatur,<br />

Ejus faabet plus parte œqua, quod cernere possis,<br />

Site f Iram sabotes» site est muliebris origo.<br />

Mec ditîna satura genitatan nuraina quoiquam<br />

âbsterreiit » pater a gnatis ne <strong>du</strong>lclbus onquam 1230<br />

âppdletur, et ut aterili Venere exigat «fora ;<br />

Quod pieramque putant; et muito sa&guine niœsteî<br />

Consprgtmtaras; adolentque altaria donis»<br />

Ul gravidas reddant nores semine largo,<br />

Pequidquam Divom nurnea sorteisque fatigant : f ril<br />

Nam stériles limium erasso sunt semine partim f<br />

Et liquido prater jastum tenuique vicisshn.<br />

Tenue, loeis quk non polis est affigere adhœsum,<br />

Uquilur extemplo, et retocatum cedit abortu.<br />

Crassius liic porro f quoniam concretius œquo 12 îû<br />

MitUtur, aut non tam prolixo pro?olat ictu 9<br />

Aut penetrare locos «que neqult t aut penetratum<br />

M^m admise<strong>du</strong>r muliebri semine semen :<br />

Ham multom harmoniie Veneris difTerre videntur ;<br />

Atque alias aliei comptent magis y ex aliisque i 2-\ê<br />

Suscipiunt dm pon<strong>du</strong>s magis f inque gravesciiaL<br />

vEt multe stériles Hy menais ante fuerunt<br />

Pluribus9 et nactae post sunt tamen y onde puellos<br />

Susdpere» et partu possetit ditescare <strong>du</strong>lei;<br />

Et y quibus ante domi fecundœ sa^pe nequisseiit 12éQ<br />

Uiores preref inventa est olieis quoque conipar


aient stériles rencontrent à peine des natures<br />

analogies, que des enfants croissent, doux appui<br />

autour de leur vieillesse.<br />

Tant il importe que les deux germes opèrent<br />

un mélange créateur, qne les sues luides se marient<br />

auxsucs épais 9 et les épais aux luides ! Ici 9<br />

le choix des aliments qui nous soutiennent est<br />

fort grave; car les uns épaississent dans les<br />

membres la sève qui est amaigrie 9 délayée<br />

par les autres. 11 faut même regarder comment<br />

tu organises la douce volupté. On croît généralement<br />

que les animaux 9 les quadrupèdes nous<br />

offrent le modèle des attitudes les plus fécondes :<br />

car une fois les poitrines à plat et le rein exhaussé<br />

, les canaux pompent aisément la sève.<br />

Yénusne demande point aux femmes un mouvement<br />

élastique. Mon ; elles empêchent et contrarient<br />

la conception, si leurs joyeux bondisse*<br />

ments répondent aux coup des hommes, si, de<br />

toute la force de leur poitrine assouplie par l'amour,<br />

elles aspirent le lot qui doit les rendre<br />

fécondes. Elles ôtent le soc égaré <strong>du</strong> sillon,<br />

elles écartent <strong>du</strong> but le jet créateur. Aussi nos<br />

courtisanes exploitent-elles ces agitations, tant<br />

pour éviter le doux fardeau et ne pas tomber<br />

enceintes, que pour assaisonner leur venus infâme.<br />

Mais nos épouses ont-elles besoin de ces<br />

raffinements î<br />

11 arrive parfois que, sans intervention divine<br />

ni lèche de Vénus, une femme sans beauté inspire<br />

de lonp amours. Sa con<strong>du</strong>ite, des mœurs<br />

faciles, et un soin eiquis de sa personne, nous<br />

Maton, ut postent gnatis mtmire senectam.<br />

Usqoe adeo magni refert, ut semiua pssint<br />

Setttiitibtis commkceri genitaliter apta 9<br />

Crasêaque coiveoiant liquidais; ai liquida crasseis. 1255<br />

âtque in m refert, quo fictu vita colatur :<br />

Namque iliis rébus conereseunt semina membriSp<br />

Atqoe aliis e&temiantiir, tabentque vici sslm.<br />

Et qoibus ipsa modis traclelur blanda ?oluptas 9<br />

Id quoque permagni refert ; nam more ferarum, 1260<br />

Qnadropcdnmque magis ritu pleramque patanlur<br />

Concipere mores, quia sic loca sumere possunt»<br />

Pectoribws posîlls» sublat» semina Itwtbis.<br />

Kec molles ©pu* sou! motus uioribus liilum :<br />

Nain mulier prohibet se eoodpere» atqne répugnât, i 265<br />

Chmibos ipsa liri Venerem si beta retractet,<br />

âtque eiossato ciet omni pectore fluctus :<br />

lidt enim sakam recta reglone flaque<br />

Yomeris, atqne locîs avortit semlols ictum :<br />

Mqoe, soa causa consuerunt scorta mm en 9 1270<br />

le complerentur crebro, gravidieque jacerent;<br />

Et simol ipsa Tirets Venus ut concinnior esset :<br />

Conjugibos qtfod aiî nostreis opus esse f idelur.<br />

lec dit Initus inter<strong>du</strong>m, Yenerisque sagitûs,<br />

Détériore it ut forma muliercula ainetur s 1275<br />

Htm hdt ipsa suis Inter<strong>du</strong>m femina faclis,<br />

MorîgerI^|iie modis, cl mimdo corpore culia,<br />

DE LA NATU1E DES CHOSES, LIV. ?.<br />

S9<br />

habituent facilement à passer nos jours avec elle.<br />

En général, l'habitude est Intermédiaire de<br />

l'amour : car, si faibles que soient des coups éternellement<br />

répétés, ils domptent enfin et ruinent<br />

les êtres. Ne vois-tu pas que les moindres gouttes,<br />

tombées des nues f creusent le roc où leur humidité<br />

séjourne?<br />

LIVRE V.<br />

Quel être put avoir au cœur des inspirations<br />

si hautes que ses accents répondent à la magni-<br />

Icence <strong>du</strong> sujet, à ses grandes découvertes? ou<br />

des paroles assez fortes pour eialter dignement<br />

le sage qui nous laissa mille biens inestimables,<br />

fruits de ses recherches, conquêtes de son intelligence!<br />

Aucun mortel f je croîs. Car si on veut<br />

un langage qui atteigne la majesté bien connue<br />

de ses œuvres, ce fut un dieu, oui, un dieu,<br />

illustre Memmius f celui qui le premier trouva ce<br />

plan de con<strong>du</strong>ite, maintenant appelé sagesse;<br />

celui dont l'in<strong>du</strong>strieuse pensée tira la vie de tant<br />

d'orages et de si épaisses ténèbres, pour l'établir<br />

dans un port si tranquille, au sein d'une lumière<br />

si éclatante!<br />

Compare ce bienfait à quelques vieilles inventions<br />

divines. Cérès apporta, dit-on, aux mortels<br />

les fruits de la terre; Bacchus it jaillir le<br />

nectar #es vignes : mais leurs dons étaient-ils<br />

nécessaires au maintien de la vie ? La renommée<br />

cite des nations qui vivent sans les posséder<br />

encore ; tandis que, sans un cœur pur, il leur<br />

Ut facile iosuescat secum vîr degere vltam.<br />

Quod superest, coosoetudo conciniat amorem :<br />

Nam » le?iter quam?is 9 quod crebro tunditur ictu 9 128§<br />

Vindtar id longo sptio tamen , alque îabascît<br />

Nonne ? ides, etiam guttas 9 ta saxa cadetiteis.<br />

Humons longo in spatio pertlindere saia?<br />

LIBER QOIMTUS.<br />

Quis polis est dignum pollentt pectore carmen<br />

Coudera pro rerura majestate Wsque reprtis?<br />

Quiste valet ferbls tautum, qui ingère laudes<br />

Pro méritas ejus posait, qui talia nobls,<br />

Pectore parta suo quaesitaque , pramia liquit ? s<br />

Nemo» ut opinor, erit, mortali corpore cretus.<br />

Ham si y ut ipsa petit majestas cognita rerum 9<br />

Dicun<strong>du</strong>m est f Beus ille fuitf Beus9 inclute Metnmi f<br />

Qui princeps vite raMonera infenit eam, quac<br />

Hune appllatur Sapientla ; quique per artem l o<br />

Fluctibus e tantis fitam tantisque tenebris<br />

lu tani tranquillo et tain clara luce loca?it.<br />

Confer enim divîna aliorum antiqua reparla ;<br />

Namque Ceres fertur fruges9 Liberque liqtioris<br />

Yitigeni latteem mortaibus tastiiulsse; t§<br />

Quom tamen lils possei sine rébus fita manere;<br />

Ut fania est, aliquas ttiitn nunc tivere genteis ;


90<br />

LUC1ECE.<br />

est impossible de bien vivre. Nouvelle raison de<br />

croire que ce fut un dieu, celui dont émanent<br />

ces douces consolations de la vie, répan<strong>du</strong>es chei<br />

les grands peuples, et qui maintenant encore<br />

charment les âmes.<br />

Si on met au-dessus les exploits d'Hercule,<br />

certes on s'égare loin de la vérité. Quel mal<br />

nous feraient aujourd f hui le lion de Némée et le<br />

gouffre de sa gueule immense , l'horrible sanglier<br />

d f Érymanthe, ou enfin le taureau de Crète f<br />

et le fléau de Lerne f cette hydre hérissée d f un<br />

rempart de couleuvres au dard empoisonné?<br />

Qu'aurions-nous à craindre de la triple poitrine<br />

<strong>du</strong> triple Géryon? Et les chevaux de Diomède,<br />

soufflant le feu par les narines, près de la<br />

Thrace, sur les côtes Bistoniennes, au pied de<br />

l'Ismare, nous gêneraient-ils si forff ainsi que<br />

les formidables griffes des oiseaux d'Arcadie,<br />

hôtes <strong>du</strong> Stymphale? Et le farouche gardien qui<br />

veille sur les pommes d'or étincelantes des Hespérides,<br />

ce serpent au regard terrible, au corps<br />

énorme, dont les replis embrassent le tronc de<br />

l'arbre, serait-il capble de nuire, relégué sur<br />

les plages de l'Océan, au bord de ces tristes mers<br />

où nul Romain ne se hasarde, et que le barbare<br />

même n'ose affronter!<br />

Tous les monstres semblables jadi3 étouffés,<br />

à défaut de vainqueur, existeraient encore; que<br />

pourraient-ils nous faire? Rien, que je sache. Car<br />

aujourd'hui même les bêtes sauvages pullulent<br />

à foison ici-bas ; elles agitent et peuplent de mille<br />

terreurs les bois, les hautes <strong>mont</strong>agnes, les fo­<br />

At bene non poterat sine puro pectore vif L<br />

Quo magis hic merito nobis Deus esse videtur;<br />

Ex quo nunc etiam, per magnas didita genteis, 20<br />

Bulcia permulcent anlmos solatia vilœ.<br />

Hcrctilîs antistare autem si racla putabis,<br />

Longîus a vera mullo ratione ferere.<br />

Quid Nemcœus enim nobis nunc magnus hiatus<br />

111e leonîs obessel, el horrens Arcadius sus? %5<br />

Denique quid Crelœ taures, Lernœaque pestis,<br />

Hydra, venenatis possel vallata colubris?<br />

Quldve Iripectora tergemini fis Geryonai?<br />

El Dîomedis equei, spîranles naribus igoera,<br />

ïliracen Bîstortlasque plagas atque Ismara propler, 30<br />

Tantopere oflicerenl nobis [unclsque timendœ<br />

Unguibus, Areadiœ volucres,] Stymphala colenles?<br />

Aureaque ilesperi<strong>du</strong>m servans fulgenlia mala,<br />

Asper, acerba tuens, immani corpore, serpens,<br />

Arboris aroplexus stirpem, quid deniqtie obesset, 35<br />

Oceanum propter litus pélagique severa,<br />

Quo neque noster adil quisquam, nec barbares audet?<br />

Cetera de génère hoc qute sont portenla peremla,<br />

Si non ?kla forent, quid tandem viva nocerenl?<br />

Nil, ut opinor ; ita ad satiatem lerra ferarum 40<br />

Knnc eliam scatit, et trepido terrore replefa est<br />

Per nemora ac tnonleis magnos sylyasque profundas :<br />

QUïB loca vilandi plerumque est nostra potestas.<br />

rêts profondes; mais ces Uctn, qui nous empêche<br />

de les éviter?<br />

Au contraire, si Ton n f a point un cœur pur,<br />

que de combats f que de périls il faut essuyer<br />

malgré soi 1 Quels soucis rongeurs, quelles inquiétudes,<br />

quels déchirements cause la passion 1 Que<br />

de craintes 1 Et l'orgueil, la débauche; l'emportement<br />

, que de ravages ne font-ils pas , ainsi que<br />

leluie, la paresse?<br />

Et un homme qui a dompté tous ces fléaux,<br />

qui les eitirpe <strong>du</strong> coeur avec les seules arma<br />

de la parole, ne sera pas jugé digne d'être mis<br />

au rang des dieux 1 Surtout quand cet homme<br />

nous parle toujours des immortels eux-mêmes en<br />

termes divins, et que sa voix nous découvre la<br />

nature des choses.<br />

Attaché à ses traces, je vais poursuivre mes<br />

raisonnements, et enseigner combien il est nécessaire<br />

que tous les êtres se bornent à une <strong>du</strong>*<br />

rée que fixent les conditions de leur existence,<br />

sans pouvoir enfreindre les lois immuables <strong>du</strong><br />

terop. Ainsi, en première ligne, nous avons<br />

trouvé la nature des âmes : elles se composent de'<br />

matières qui naissent avec nous, elles ne peuvent<br />

fournir sans atteinte de longues années ; et dans<br />

le sommeil, mille fantômes les abusent, puisque<br />

nous croyons apercevoir un homme qui a cessé<br />

de vivre.<br />

Pour achever, le développement <strong>du</strong> système<br />

me con<strong>du</strong>it à faire voir que le monde, amas<br />

de substance périssable, naît et succombe. Je<br />

dirai comment la rencontre des atomes a formé<br />

At nisi purgatum est pectusy qua pnelia nobis,<br />

Atque pericula sunt ingrates insïnuan<strong>du</strong>in !<br />

QuanUe tum scin<strong>du</strong>nt hominem cupedinis acres<br />

Sollicitum cura! quanteique perinde timorés !<br />

Quidve siiperbîa, spnrcitia ac petulantia, quanlas<br />

Elïîciunt cladeis? quid luius, desidîaeque?<br />

flaec îgitur qui cuncta subegerit, ex animoque<br />

Expulerit dictis» non armls, nonne decebit,<br />

Hune hominem numéro Difom dîgnarier esse?<br />

Quom bene prœsertitn multa ac diviûitns ipsls<br />

linmort&Iibu' de Diiis dare dicla suerit,<br />

Atque omnem rerum naturam pandere dictis.<br />

Quojus ego ingressus vesfigïa » <strong>du</strong>m ratione*<br />

Persequor ac doceo dictis, quo quaeque creata<br />

Fœdere sint, in eo quam sit <strong>du</strong>rare necessum,<br />

Nec validas valeant aefi rescindere leges.<br />

Quo génère in primis animi nalura reperta est»<br />

Nativo primom consistere corpore creta ;<br />

Nec posse incolumem magnum <strong>du</strong>rare per revoit) :<br />

Sed sïmulacra solere in somnis fallere mentent,<br />

Cernerequoni fideamnr euro, quem vite reliquit.<br />

Quod superestf nunc hue rationis detnlit orclo.<br />

Ut mibi mortali consistere corpore mun<strong>du</strong>in f<br />

Nativumque sïmul, ratio reddonda sit, esse :<br />

El f quibus itle roodis congressus materiai<br />

Fundarit terram, cuelum • mare s sidéra, solem ,<br />

45»<br />

50<br />

Ob


fe terre, le ciel, la mer, les astres, le soleil, et<br />

le globe de la lune ; quels sont les êtres qui ont<br />

existé réellement, et ceux que la terre ne porta<br />

jamais. Je dirai comment le besoin de nommer<br />

les choses accoutuma les hommes à un échange<br />

de paroles articulées, et comment fut insinuée<br />

<strong>du</strong>s les âmes cette peur des immortels, sainte<br />

barrière qui défend, par'tout le globe, les temples,<br />

les fontaines et les bois sacrés, les autels<br />

et les statues des dieux.<br />

J f cxpliquerai aussi par quelle force la Nature<br />

plie et gouverne la marche <strong>du</strong> soleil et les révolutions<br />

de la lime, pour t'empêcher de croire<br />

plis accomplissent librement et à leur gré leurs<br />

courses étemelles entre le ciel et la terre, qu'ils<br />

se prêtent eux-mêmes à la croissance des fruits,<br />

des animaux , ou qu'ils roulent sous une main<br />

divine. Car les hommes les mieux éclairés sur<br />

la fie paisible des immortels viennent-ils à s'étonner<br />

comment tout a lieu ici-bas, et surtout<br />

les phénomènes qui éclatent au-dessus de nos<br />

têtes dans les campagnes des airs, ils retombent<br />

aussitôt dans leurs vieilles superstitions, ils évoquent<br />

des maîtres impérieux, et leur attribuent<br />

la toute-puissance : pauvres fous qui ignorent<br />

pelle chose peut ou ne peut pas être,quelle loi<br />

borne la puissance des corps et leur trace de profondes<br />

limites.<br />

Au reste f pour que nous cessions de t'orrêter<br />

aux prémisses, examine d'abord les ondes, la<br />

terre,le ciel : leur triple nature, leurs trois corpsf<br />

6 Memmius, ces trois aspects si divers, ces<br />

trois vastes tissus, un jour livrera tout à la des-<br />

Lmiâïpe globum : tum, que tellure animantes • 70<br />

Eistiterint; et, qna? nulle sint tempore natae :<br />

Qio?e modo genus liuaiammi fartante loquela<br />

Coferit îiitêf se fesci per nomioa reram :<br />

Ety qiûbus illemodis Di?om metus insinuant<br />

Pectora, terrarum qui in orbi sancla tuetur 7§<br />

Fana, kcus9 lucos, aras9 sîmulacraque Difom.<br />

Prœterea , solis cursus lunseque meatus<br />

Eipeiiani qui vl fleetat Natura gubernans ;<br />

He forte ttaee inter cœlum terramque reamur<br />

Libéra sponte sua cursus lustrare pereitiels , 80<br />

Morîpra ad fmges augendas atque animanteis :<br />

Ni?e aliqua Difom fol?i ration® putemus.<br />

Sam beoe que didicere Deos securum agere œvoni,<br />

Si tamea intérêt mirantur, qua ration©<br />

Qnaeque geri possint, prasertim rébus in ollis » S5<br />

Quae supra capot aetheriis ccrnunlur in orisf<br />

Bfirsiis in antiqoas referantar religione»,<br />

Et dominos acreis adsdacunt , oinnia posse<br />

Qios miscrel cre<strong>du</strong>ut : ignarei » qtiid queat esse ,<br />

Qoid nequcat ; inita potestas denique qiioîqiiw 90<br />

Qoaoani lit rationef atque aile terminus Immm*<br />

Qaod sapèrent, ne te in promises plura moremor,<br />

Priocipio maria, ac terras, cœlumque tuere :<br />

Quorum uaturam triplieem, tria corpora* Memmi,<br />

DE Là Nâf UiE DES CHOSES, L1V. V.<br />

91<br />

truction ; et cette lourde machine <strong>du</strong> monde, demeurée<br />

tant de siècles inébranlable, s'écroulera.<br />

Il ne m'échappe pas combien c'est une Idée<br />

merveilleuse et neuve que la ruine future <strong>du</strong> ciel<br />

et de la terre, et combien j'aurai de peine à y<br />

ré<strong>du</strong>ire les intelligences. C'est ce qui arrive,<br />

quand on offre à l'oreille une vérité jusqu'alors<br />

Inconnue, sans pouvoir la mettre sous les yeux,<br />

ni la faire toucher <strong>du</strong> doigt, ces deux voies de la<br />

prsuasion les plus sûres, et qui aboutissent de<br />

plus près au cœur humain, au sanctuaire de la<br />

pensée. Je parlerai cependant : put-être les faits<br />

eux-mêmes viendront-ils appuyer mes discours;<br />

put-être verras-tu avant peu la Nature bouleversée<br />

sous les affreuses tempêtes <strong>du</strong> sol. Puisse la<br />

Fortune, qui gouverne tout, éloigner ce désastre!<br />

Puisse la raison, plutôt que l'événement,<br />

t'apprendre que le monde vaincu peut s'abîmer<br />

avec un horrible fracas!<br />

Maïs, avant que je ne révèle sa destinée par<br />

un oracle plus saint et plus infaillible que ceux<br />

que la Sibylle tire <strong>du</strong> trépied d'or et des lauriers<br />

d'Apllon, écoute de sages et consolantes paroles.<br />

Je neveux pas que, sois le frein de là superstition,<br />

tu ailles croire que la terre, le soleil,<br />

le ciel, la mer, la lune, essences divines,<br />

sont impérissables, et que pur cela tu invoques<br />

mille supplices contre le forfait épuvantable de<br />

ces nouveaux Créants, qui ébranlent avec leurs<br />

systèmes les remparts <strong>du</strong> monde, qui veulent<br />

éteindre le soleil, lambeau des airs, et qui impriment<br />

le sceau de la mort à des choses immor-<br />

Trais species tant dissimileis, tria talia testa, §S<br />

Uoa dies dabit exilie ; muitosque per mmm<br />

Sustentata, ruet moles et machina rouodi.<br />

Nec me animi failli f quam res nota miraque menti<br />

Accldat, eiitjum cœli terraqwe ftiturum;<br />

Fi quam difficile id milti sit pervincere dictis :<br />

Ut fit f ubi insolitam rem apportes auribus aote,"<br />

Mec tamen banc possis oculorum subdere f isu 9<br />

Mec jacere in<strong>du</strong> mmm ; fia qua munita fidel<br />

Proiuma fert hiimanum in pectus templaque mentis.<br />

loo<br />

Sed tamen efiabor ; dicteis dabit ipsa fidem res<br />

Forsitan ; et gra?iter, terrarum motibus ortis,<br />

Omnia conquassari in par?o tempore cernes :<br />

Quod procul a nobis fleetat Fortuna gubernans;<br />

Et ratio polios quam res persuadeat ipsa 9<br />

105<br />

Succidere horrisono posse omnia vicia fragore.<br />

Qua prius aggrediar quam de re fundere fata<br />

Sanctius 9 et multo certa ration© magis, quam<br />

Pythia* qu« tripode e Ptaœbi baroque profatur;<br />

Muila tibî eipediam doctis solatk dictk :<br />

1 iê<br />

Religione réfrénâtes ne forte rearisf<br />

Terras, et soIem9 ciBlum9 mare, sidéra 9 lunam<br />

Corpore difino, debere «tenu meare :<br />

Proptereaqtie pûtes, ritu par esse Gigantun<br />

Peldcre eos i»œnas immaiii pro scelere omDeis»<br />

lis


92 LUCBftX.<br />

telles. Àh! ne sont-elles pas bien éloignées de la<br />

nature céleste f bien indignes de figurer parmi<br />

les dieux, ces masses qui offrent plutôt limage<br />

d'une vie morte et insensible?<br />

Car il est impossible d'admettre que l'Ame et<br />

l'intelligence s'accommodent d'habiter un corps<br />

quelconque. De même qu'il ne peut y avoir un<br />

arbre dans i f went dans une partie <strong>du</strong> monde. Ces dieui, ni*<br />

turcs ines, et loin de 11 portée de nos sens, à<br />

peine nos intelligences les entretoient-elles. Ort<br />

écfaappnt au contact et à la rencontre des mains,<br />

ils ne peuvent rien toucher qui nous soit perceptible;<br />

car les êtres impalpables ne touchent point<br />

eux-mêmes. Ainsi leur demeure sera tout autre<br />

alr9 un nuage dans les lots salés 9 que les demeures humaines, et subtile comme leur<br />

un poisson vivant au sein des campagnes 9 <strong>du</strong> essence* Je te le prouverai f dans la suite, par de<br />

tang dans les veines <strong>du</strong> bois, ou des sucs dans la larges développements.<br />

pierre, mais que tout a un lieu distinct et fiie Dire que les immortels ont voulu disposer<br />

pour séjourner et croître : de même la Nature ne pour les hommes cette belle nature <strong>du</strong> monde,<br />

put enfanter un esprit sanscorp, un esprit purf qu<br />

qui eiiste loin <strong>du</strong> sang et des veines. Car, autrement<br />

) ces essences libres habiteraient fndistinctement<br />

la tête, les épaulesf le talon f et auraient<br />

coutume de naître dans un endroit quelconque<br />

, plutôt que de rester au fond <strong>du</strong> même<br />

corps, <strong>du</strong> même vase. Mais si9 dans ton propre<br />

corps, il est évident et sûr que des lois invariables<br />

fiient un lieu où existent et croissent séparément<br />

ton esprit et ton âme f à plus forte raison<br />

nieras-tu que leur assemblage puisse subsister<br />

loin <strong>du</strong> corps et de toute forme vivante f dans<br />

la poussière des glèbes, dans les feux <strong>du</strong> soseil<br />

f dans l'onde, dans les hautes campagnes<br />

des airs. Possèdent-elles donc une sensibilité divine,<br />

ces matières incapables même de recevoir<br />

les tressaillements de la vie ?<br />

Il n'est rien, non plus, qui autorise à croire<br />

que les saintes demeures des immortels se trou-<br />

9 il faut pr conséquent y admirer l'admirable<br />

ouvrage d 9 unemain divine! et la croire éternelle*<br />

impérissable; crier à l'attentat contre tout effort<br />

qui ébranle dans ses fondements ce que l'antique<br />

sagesse des dieux a établi jusqu'à la flo des âges<br />

pour les races humaines 9 et contre toute parole<br />

qui le tourmente f qui te bouleverse de fond en<br />

comble; Imaginer enfin et répandre toutes les fables<br />

de ce genre, Memmius, est une folie. Quoi !<br />

notre reconnaissance procure-t-elledoncà ces âmes<br />

bienheureuses et immortelles de grands avantages,<br />

qui ies excitent à travailler pour le compte<br />

des hommes? Quel attrait nouveau a pu inspirer<br />

si tard à ces existences si paisibles le désir de quelque<br />

changement? Ceux-là doivent aimer une position<br />

nouvelle, que leur ancien sort incommode;<br />

mais des êtres à qui le temp passé n 9 a fait au-<br />

I cune blessure dans le cours d'une vie lotissante,<br />

1 quel besoin eût allumé en eux cette passion de la<br />

Qoei raûone sua dlsturbenl rncenk mtindi $ tW<br />

Praedarumque velint eœli restinguere soient,<br />

Immortalia mortali sannone notantes :<br />

Qu« procul usque adeo il?ino ab nnniine distent f<br />

loque Deum luihero qo» sint indigna f ideri ;<br />

Rotitfam potins pnebere nt posse putentur, 125<br />

Qufd si! vital! motu sensaquetemotuni.<br />

Quïppe eteniiii non est » cum quofis corpore at esse<br />

Posse animi natura putetar consiliuiiiqoe :<br />

Sicut in œtber© non arbor, non sequore salso<br />

Nubes esse quennt, neque pisces ?ivere in artîs ; 130<br />

Hec cruor in lfenis, nequt saieis stieus liesse ;<br />

Certnm ac dlspositnin est, ut» quldqold crescat, et tosit :<br />

Sic animi natura nequit sine corpore oriri<br />

Sola» neque a nervis et sanguine longius esse,<br />

Quod si posset enim » multo prias ipsa animi fis 135<br />

In capite 9 mî humeris, aut imis ealdbns esse<br />

Posset» et innasci quarte in parte soleret,<br />

Quamde in eodem liomine atque in eodem vase manere.<br />

Quod quoiiam nostro quoqne constat corpore eertum »<br />

Dispositumque videtur, ubi esse et crescere possit 140<br />

Seorsnm anima atqne animus; tante magis inlcian<strong>du</strong>m f<br />

Totum posse extra corpus, fonnamque animale»,<br />

Putribus in gtebli terrarum, ant solis in Igoi,<br />

Ant in aqua <strong>du</strong>rait» ant altii aeiheris orte.<br />

Haui igitur constant divino praedita sensu, 115<br />

Qiiandoquldera nequeunt y iteliter esse animata.<br />

lllud item non est ni posas credere, sedes<br />

Esse Deum sanctas in œundi partîbus ullis :<br />

Tenais enim natura Deum f longeque remotâ<br />

Sensibus ab nostris y animi vk mente videtur.<br />

Quac quoniam mannum taetum suiuglt et ictum,<br />

Tactile nU nobb quod sitf contingere débet :<br />

Tangere enim non qoit, si tangi non Hcet Ipsum.<br />

Quart etiam sedes quoque nostris sedibus esse<br />

Disslmiles debent ; tenues, de corpore eoram.<br />

Quae libl posterius largo sermoue probabo,<br />

BIcere porro, liominum causa voluisse paraît<br />

Pnodaram mundl naturam 9 proptereaque<br />

Allaudabîle opus DIvom iaudare decere,<br />

Mîemumqm putare atque immortale futurum ;<br />

Mec fas essey Deum quod sit ratione Yetusta<br />

Gentibus bumaneis fundatum perpetuo aavo,<br />

Solicitai*© suis ulla ?i ei sedibus unqsam,<br />

Nec ?erbis vetare 9 et ab imo e^ortere summa ;<br />

Cetera de gênera Iioçiffingere et addere» Memitii 9<br />

iso<br />

155<br />

Desipre est; quid enim immortalibus atque beaieis<br />

Gratia mmîm queat largirier émolument! 9<br />

Ut mmîm quidquam causa gerere a^rediantur?<br />

Quid^e no?! potuit tanto posty ante quietos,<br />

lllicere, ut cuperent itoun mutare prlore»? 170<br />

Nâiîî pudere amm rébus debere ?idettir 9<br />

Quoi feteres obsunt : sed y quoi nlhil accidit aegri<br />

Tempore In anteaeto» quom puJcbre degeret awra,<br />

Quid potuit novitaMsamorem accendere tali?<br />

1 Anf credo, in tenebris fia ac mcwwe jaoclnt, 175<br />

isi<br />

lié


nouveauté? Est-ce que, par hasard, leur existence<br />

languissait dans les ténèbres et rabattement, jusqu<br />

9 au jour où brilla laieur naissante <strong>du</strong> monde?<br />

Pour nous, enfin, quel mal y aurait-il eu à ne pas<br />

naître? Car, une fois né 9 un être quelconque doit<br />

vouloir rester au monde, tant que les douces<br />

jouissances y retiennent son âme; maïs s'il n f a jamais<br />

goûté à cet amour delà vie, s'il ne fut jamais<br />

au nombre des vivants, que lui importe de<br />

n'être pas créé?<br />

Et le type de la création, et ridée même de<br />

l'homme, où ces dieux font-ils puisée? Comment<br />

ont-ils su et envisagé dans leur intelligence cequ'ils<br />

voilaient faire? Eussent-ils connu fénergie des<br />

atomes, et ce que pu vent leurs différentes combinaisons,<br />

san? la Nature qui â fourni son propre<br />

modèle? Car, depuis le terap immémorial que<br />

les atomes, battus par mille choesde mille sortes,<br />

et accoutumés à ni vif essor que leur poids aiguillonne,<br />

forment toutes les alliances, essayent tous<br />

les arrangements capables de féconder leur assemblage,<br />

il n'est pas étonnant qu'Us aient enln<br />

rencontré un ordre, établi un cours tel que celui<br />

où s f opère et se renouvelle aujourd'hui encore la<br />

grande masse des êtres.<br />

Pour moi, lors même que je ne connaîtrais pas<br />

les éléments des choses, rien qu'à voir le méca-,<br />

nîsme céleste, j'affirmerais sans crainte, je prouverais<br />

sans réplique que la Nature ne peut être<br />

fouvrage d'une main divine, tant elle a d'imperfections.<br />

4 D 9 abord, tout 1'espaee que le vaste tourbillon<br />

Dunee âilniit reram genitaiis origo?<br />

QfiMte mal! fuermt nobis non esse créai» ?<br />

Matas enim débet 9 quMpomqne est t velle wmmm<br />

M vite 9 douée retïaetrft bbnda voloptas :<br />

Qui nonquam vero vite gustavît amorem t<br />

DE LA NATURE DES CHOSES, LIV. V. •S<br />

t Su<br />

Mac fuit in numéro; quîd obest mm esseereatom?<br />

Eionplum porro gignundis rébus f et ipsa<br />

lotities horainum Bis onde est însita primum,<br />

QiM vellent feoere 9 ut Mirent animoqae viderait?<br />

Qoowe modo est raquant vis cognîta principioriiin 9 185<br />

Qaidqie iuter mm permutât® mêîm possent,<br />

Si non ipsa dédit spécimen ffatara ereandi?<br />

Manque ita TOultimodis multis primordia reram<br />

El înliiito jam tempore preite ptagis,<br />

Ponderlbusqoe suis consueruot coneita ferrl y<br />

190<br />

Ouintmodiaque cuire » atque omnia prtentare,<br />

Quaeqncunque inter se possint congressa creare;<br />

CI non sît mirum si in taleis disposeras<br />

Décideront quoque , et in taleis venere meattis 9<br />

Qualibos hoc rerum gerilnr nunc sutiima novando. 1§5<br />

Qwd si jam rerum Ignorera primordia qu« sint t<br />

Hoc lumen ex ipsis eœli raHoiIlms ausiro<br />

GoDfirmarey aliisqne ex rébus reddere multis;<br />

ffequaquam oobis dît luîtes esse pralam<br />

lataram rerum ; tanta stat praedita eulp ! 200<br />

Prindpio, quantum codi tegit fanpetus ingensf<br />

des deux enveloppe est avidement rongé par les<br />

<strong>mont</strong>agnes et les forêts des bêtes sauvages, ou<br />

envahi par des rocs et des marais immenses, et<br />

la mer enfin, large ceinture qui entrecoupe les<br />

terres. Les ardeurs brûlantes ou l'éternelle chute<br />

des frimas dévorent presque deux lones qu f elles<br />

ôtent aux mortels. Ce qui reste de terrain, la<br />

Nature, par sa propre énergie, le couvrirait de<br />

ronces, sans la vigoureuse résistance de l'homme,<br />

que les besoins de sa vie accoutument à gémir<br />

sur un infatigable râteau, et à presser, à fendre la<br />

terre de sa charrue. Si on ne retourne point avec<br />

le soc les glèbes fécondes, et qu'un "bouleversement<br />

<strong>du</strong> sol n'excite pas la végétation, elle ne<br />

peut jaillir toute seule dans les airs limpides.<br />

Encore souvent le fruit de nos pénibles travaux,<br />

alors que toute la plaine se couvre de feuilles et<br />

de leurs, est-ii brûlé aux feux trop ardents que<br />

le soleil verse des h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel, ou étouffé<br />

sous des pluies, des gelées inatten<strong>du</strong>es, ou ravagé<br />

par le souffla furieux et la tourmente des<br />

vents.<br />

Et la race terrible des bêtes sauvages f iéau de<br />

l'espèce humaine, d f où vient que la Nature m<br />

plaît à la nourrir et à l'accroître sur la terre et<br />

dans l'onde? Pourquoi les saisons nous apportent-elles<br />

des maladies? Pourquoi la mort erre-telle<br />

sur nos têtes, avant l'âge mûr pour la tombe ?<br />

Semblable au marin qu'ont rejeté les ondes<br />

cruelles, l'enfant demeure couché sur la terre,•<br />

nu, sans parole, dénué de tous les secours qui<br />

aident à vivre, sitôt que la Nature le vomit avec<br />

Inde avidam partem <strong>mont</strong>es ay 1?«que ferarara<br />

Possédera ; tenant rapes vasteque pludes<br />

Et mare, quod iate terraram distinet oras,<br />

Inde <strong>du</strong>as porre prop parteis fer?i<strong>du</strong>s ardor<br />

Assi<strong>du</strong>usque geli casus mortallbos aufert.<br />

Quod suprest arvIf tamen id aattirt sua vi<br />

Sentibusob<strong>du</strong>cat, ni vis humana résistât,<br />

Vitai causa p valido consulta bidenti<br />

Ingénier© f et terrain pressis prosdndere artlrls :<br />

Si non 9 feeundas vortaites vomere giebas 9<br />

Terraique solum subigentes, eimus ad ortus;<br />

Sprile sua nequeant liquidas eisistere in auras.<br />

Et tamen 9 interdira magno quœsita laboref<br />

Quora jam per terras frondent atque omnia florent f<br />

205<br />

110<br />

11 i<br />

Aiil niïïîlîs terre t fervoribus aetberius soi ,<br />

ânl subite perimunt imbres gelidœque prainœ,<br />

Flabraque ventorum violento turbine veiant.<br />

Praeterea y genus horriferum Pâtura feraram »<br />

Humanœ genti infestum 9 terraque marique 220<br />

Quur aUt atque auget? qour anni tempora morbos<br />

Apportant? quare Mors tmmatura vagatur ?<br />

Tum porro puer, ut saevis projeetus ab undis<br />

Navita, nu<strong>du</strong>s liumi jacel, Mans, indigus omni<br />

Vitali auxilio, quom primum in luminis oras 22ê<br />

Mixibus ex alto matois Natora profudit :<br />

Yagltuque locum lugubri complet, ut «puni est9


94<br />

LUCEÈCE.<br />

effort des entrailles maternelles au berceai de la<br />

lumière. 11 remplit les lieux de ses lipbres va­<br />

une croissance nouvelle. D<br />

gissements; et ii a bien raison, lui qui a tantde<br />

maux encore à traverser dans la vie 1 Mais les<br />

troupeaux divers, petits ou grands, et les bêtes<br />

féroces, croissent sans peine ; ils n'ont pas besoin<br />

de hochets, et aucun n'exige qu'une tendre nourrice<br />

lui bégaye des paroles caressantes; la température<br />

ne les oblige point à changer de vêtements,<br />

et il ne leur faut ni armes, ni hautes murailles,<br />

pour défendre ce qui est à eux, puisque<br />

la terre elle-même et l'in<strong>du</strong>strieuse Nature fournissent<br />

si abondamment à tous les besoins de tous<br />

ces êtres.<br />

D'abord, comme la substance de la terre, des<br />

ondes, et l'haleine légère <strong>du</strong> vent, et la brûlante<br />

vapeur <strong>du</strong> feu, qui composent évidemment la<br />

grande masse des êtres, sont elles-mêmes formées<br />

de matières qui naissent et périssent, on doit<br />

croire que le monde tout entier participe de leur<br />

essence. Car, lorsque nous voyons un ensemble<br />

dont les parties et les membres sont des corps<br />

nés et revêtus de formes mortelles, nous apercevons<br />

presque <strong>du</strong> même regard et la mort et la<br />

naissance de cet ensemble. Moi donc qui vois les<br />

membres énormes et les parties <strong>du</strong> monde se consumer<br />

et renaître, je puis être sûr que la terre,<br />

le ciel ont eu un commencement et auront une<br />

fin.<br />

Ici ne songe point à me reprendre, Memmius,<br />

quand je donne le feu et la terre pour des essences<br />

mortelles, que je ne crains pasde faire périr les<br />

airs, les ondes, et que je les ressuscite tous sous<br />

f abord f une partie de<br />

la terre, éternellement brûlée le mille soleils et<br />

battue de mille pieds, exhale des nuages de poussière<br />

et de légers brouillards, que le vent impétueux<br />

éparpille dans les airs. Une partie même des<br />

glèbes fond et retombe en eau sous les pluies; et<br />

les fleuves, en rasant leurs rives, les rongent. Mais<br />

tout corps qui alimente les autres répare bientôt<br />

ses pertes. Or, il est évident et Incontestable que<br />

la terre est à la fois le berceau et la tombe commune<br />

des êtres : il faut donc qu'elle s'use tour à<br />

tour, et s'enrichisse d'un nouvel accroissement.<br />

Pour croire les mers, les fleuves, les sources<br />

toujours pleins d'une onde renouvelée et jaillissant<br />

d'un cours intarissable, a-t-on besoin de<br />

paroles ? Les torrents qui roulent par toute la<br />

terre n'en sont-ils pas une preuve assez forte?<br />

Néanmoins des pertes empêchent que la matière<br />

fluide ne devienne trop abondante : soit que des<br />

vents orageux, balayant les flots, les appauvrissent<br />

» ou que le soleil, au faite des airs, entame<br />

leur tissu avec ses rayons; soit que la masse<br />

des eaux circule dans la terre, ce filtre qui<br />

ôte le sel empoisonné» tandis que les atomes<br />

purs re<strong>mont</strong>ent vers le berceau des fleuves, s'y<br />

amassent tous, et de là épanchent leur douceur<br />

nouvelle dans les campagnes, où la route, une<br />

fois tracée, guide le pas limpide des ondes.<br />

Parlons maintenant de l'air, et des innombrables<br />

vicissitudes que sa masse entière essuie<br />

d'heure en heure. Car toute essence, écoulée des<br />

corps, va s'engloutir au vaste océan des airs. Si,<br />

en échange, les airs ne rendaient aux corps une<br />

Quoi taolum in vite restet Iransire malorum.<br />

Al varia crescoit pecudes, armenta feraque :<br />

Mec erepitacillls opos est, nec quoiquam adlilbendaest 230<br />

Almœ nutricls Manda tique infracta loquela ;<br />

Mec ? arias quaerunt testais pro tempère cœli :<br />

: Denique, non armis opus est, non mœnibus altls 9<br />

~ Qtiei sua tuteutur ; quand® omnibus omnia large<br />

Tdlus ipsa prit Maturaque daedala rerum. 235<br />

. Princlpio, quoiiam terrai corpus et humor<br />

• Aurarumque levés auimae calideiquc ?apores »<br />

E qulbus haec rerum consister© suroma videtur,<br />

ûmnia natifo ac mortali corpore constant;<br />

. Débet eadem omnis mundi natura piitari. 240<br />

Quippe eleilim, quorum parteis et membra f Mêmes<br />

Corpore natif o in mertalibas esse figoris,<br />

Hœc eadem ferme mortalia cernirous esse »<br />

£t nativa simul : quapropter maiuma mundi<br />

Quom vldeam membra ac parteis censurais regigni ; 245<br />

Scire iicet, cœi quoque idem terraeque fuisse<br />

Principiale aliquod terapus, clademque futuram.<br />

lUud in bis rébus ne corripulsse rearis,<br />

llemmi , quod terram atque ignem mortalia stimsl<br />

Isse ; neque huuiorem iubîtâ¥i aurasque perire j 250<br />

Atque eadem gigni, rursusque augescere dixi ;<br />

Prinelpio, pare terrai nonnulla, perusta<br />

Solibus assi<strong>du</strong>ls, ratifia pulsata pe<strong>du</strong>m vl,<br />

Poiîerlsexfaâtat lebuiâtH lubeisque folaîileisf<br />

Qoas ? aidai loto cispergunt aère ? entei : îSS<br />

Pars eUam glebarum ad diluvien» rev ocator<br />

Iiribribus y et ripas radeatiâ Ëumîna ro<strong>du</strong>iit.<br />

Praeterea, pro parte sua, quodquomque alid auget,<br />

Reddilwr : et quoniam doblo procul esse videtur<br />

Omnlparens eadem rerum commune sepuknim, 260<br />

Ergo terra libi libatur, el auctt recrescil.<br />

Quod superest, humore novo marey flamiiia 9 fonteis,<br />

Semper abundare, et latices manare perennels 9<br />

Nil opus est verbis, magnus decursus aqtiarora<br />

Undique déclarât : sed primumy quidquîd aquai 26S<br />

Tollitur 9 io summaque it9 ut nikiil bumor abundet;<br />

Partim, quod validei 9 verrentes equora, ventei<br />

Deminuunt, radiisque retexens œlberlus sol;<br />

Partim, quod siibter per terras diditur omneis :<br />

Percolatur eoim f irus, retroque reroanat 270<br />

Materies bomoris, et ad caput amnibus omnis<br />

Convenir ; inde super terras Ûuit agmine <strong>du</strong>lei,<br />

Qoa via secta semel liquida pede detulit undas.<br />

âera mine Igitor dicaîii f quid eorporetoto<br />

Innumerabiliter privas mutatur in horas : î7$<br />

Semper enim y qQodquomque fluit de rébus, id omne<br />

Aeris ta mapum fcrtvr mire ; qui nisi a»! ra


mbstanee qui répare ces écoulements ruineux f<br />

tout serait déjà rompu et changé en air. Ainsi les<br />

corps necessentd 9 engendrer l'air, et l'air retourne<br />

perpétuellement à l'essence des corps, puisque<br />

nous ¥oyons chez tous un flux perpétuel.<br />

De même cette source féconde des torrents de<br />

lumière, le soleil, de ses h<strong>auteurs</strong>, arrose sans<br />

cesse le ciel de clartés toujours fraîches, et remplace<br />

Yifcment sa lumière par une lumière nouvelle<br />

; car ses premiers éclairs meurent aux lieux<br />

01 ils tombent. En veux-tu la preuve? Sitôt que<br />

des nuages viennent se mettre devant le soleil,<br />

et que leur interposition coupe pour ainsi dire<br />

les rayons <strong>du</strong> jour, toute la partie inférieure se<br />

dissipe à l'instant, et l'ombre gagne la terre <strong>du</strong><br />

côté-où se portent les nues. Cet exemple te <strong>mont</strong>re<br />

que les corps ont toujours besoin d'un éclat<br />

nouveau, que tout jet lumineux expire, et que<br />

rien ne put être vu au soleil, à moins que le<br />

berceau <strong>du</strong> jour ne fournisse continuellement<br />

à ses pertes.<br />

Bien plus, nos lambeaux terrestres, soleils<br />

des nuits, ces lampes suspen<strong>du</strong>es, ces torches<br />

étincelantes d'un vif éclat et grasses d f une<br />

épaisse fumée, s'empressent aussi, à Taide de<br />

la chaleur, de jeter lumière sur lumière. Leurs<br />

feux tremblants se hâtent, se hâtent toujours, et<br />

on ne voit pas de lieux entrecoupés sous une<br />

laeur interrompue : tant chaque rayon de feu<br />

succombe rapidement à une mort que précipite<br />

la naissance rapide des lammcs nouvelles! Aussi<br />

faut-il croire que le soleil, la lune, les étoiles<br />

dardent la lumière par des émissions successives»<br />

Corpora rétribuât rébus, recrectque luenteis,<br />

Omnia jam resoluta forent, et in aen vorsa.<br />

Ibod igltur cessât gigot de rebus et in res 280<br />

lecidere assi<strong>du</strong>e ; quoniam flucre omnia constat.<br />

Larges Item lîquldi fon§ lominïs, aetlierîiis solf<br />

Irrigâl assi<strong>du</strong>e eoelum caodore recenti ,<br />

Soppeditatque no?o confestim lumioe lumen.<br />

Nain primum quidquîd fulgoris disperit ei y<br />

DE LA. NATU1E DES CHOSES, UV. V.<br />

2S5<br />

# Quûquûinque accidit ; id licet Iiinc eognoscere possls,<br />

Quod, dorai ac primum nubes succedere soli<br />

Cœperc» et radios ïnter quasi rumpere lucis,<br />

Eitemplo inferior pars horum disperit omnis,<br />

Ternque inumbralur» quanimbei qaomque ferantur ; 290<br />

Ut noscai splendoie noto res semper egeref<br />

Et primum jactum fulgoris quemque perirej<br />

Née ratioie alla res posse in sole vider!,<br />

Perpetoo ni sippeditet lucis caput Ipsum.<br />

Quia etlaiii nocturne tibi , terrestria quae sunt, 205<br />

Lumlna, pendetites lyehnei, clarœque coruscis<br />

falgaribas, pingues multa fuligine tedaet<br />

Consiinill properant ratione » ardore ministre,<br />

Suppeditare noveoi lumen; tremere ignibus instant;<br />

Instant f nec loca lux intcr quasi rupta relinquit ; 300<br />

Usque adeo properanler ab omnibus ignibus ei<br />

feifuim céleri celcratur origine flamoue.<br />

95<br />

et que leurs premiers rayonnements ne cessent<br />

de se perdre, loin de les regarder comme des<br />

forces inaltérables.<br />

Enin, ne remarques-tu pas que les pierres<br />

elles-mêmes sont vaincues par l'âge? que les<br />

hautes tours s'écroulent, que* les rochers tombent<br />

en poudre?que la fatigue des ans mine les<br />

temples et les statues des immortels, sans que<br />

toute leur divinité puisse reculer le terme <strong>du</strong> de»»<br />

tin, ou aller contre les lois de la Nature?<br />

Ne voit-on pas tomber aussi les monuments<br />

des hommes? ils semblent aspirer eux-mêmes à<br />

ta vieillesse. Ne voit-on pas les rocs arrachés<br />

rouler <strong>du</strong> haut des <strong>mont</strong>agnes, incapables de<br />

soutenir et de braver le puissant effort <strong>du</strong> temps,<br />

même <strong>du</strong> temps limité? Car un déchirement subit<br />

ne jetterait point à bas des corps qui eussent<br />

demeuré jusque-là éternellement impassibles,<br />

sans que la tourmente des âges parvint à les<br />

rompre.<br />

Vois de toutes parts, vois au-dessus de nos têtes<br />

cet espace qui presse la terre de ses vastes<br />

embrassements. Suivant quelques hommes, ii engendre<br />

toutes choses et reçoit les débris des morts ;<br />

il est donc un amas énorme de substance, née de<br />

substance périssable. Car tout être qui accroît et<br />

alimente les autres diminue nécessairement ; et<br />

il augmente de nouveau, lorsque des corps y<br />

pénètrent.<br />

De plus, si la terre et le ciel n'ont pas eu d'origine,<br />

d'enfantement, et qu'ils aient vécu de<br />

toute éternité, pourquoi, avant la guerre de<br />

Thèbes et les funérailles de Troie, d'autres poètes<br />

Sic igitur solem» lunam , stellasque putan<strong>du</strong>m<br />

Ei alio atque alio lucem jactare suborlu 9<br />

Et primum quidquid iammarum perdere semper ; 305<br />

Inviolabilia haec ne credas forle vigere.<br />

Denlqoe, non lapides quoque Yïncî cernis ab aevo ?<br />

Non altas turreis ruere, et putrescere saxa?<br />

Non delubra Deum simiilacraqoe fessa fatisci?<br />

Nec sanctum numen fati protollere ineis 310<br />

Posse, neque adforsus naturae fcMera niti?<br />

Deniqne, non monimenta virum dilapsa videmus?<br />

Quaerere proporro sibi quomque senescere credas.<br />

Non ruere avolsos silices a <strong>mont</strong>ibus altis;<br />

Nec validas œvi f ireis perferre patique 31 :*»<br />

Finiii? neque colin caderent avolsa repente»<br />

Ex intinito quae tempore pertolerassent<br />

Omnia tormenta œtatis, privata fragore.<br />

Dentque, jani tuere hoccircum supraqoe, qood omnc<br />

Continet amplexu terrarom ; procréât ex se 320<br />

Omnia, quod queidam memorant » recipîtque peremta ;<br />

Totum natif uni mortali corpore constat.<br />

Nam, quodqoomque alias ex se res anget alilque ,<br />

Deminui débet; recrearï f quom recipil res.<br />

Praeterea, si nulla fuit genitalis origo 325<br />

Terrarum et cœli, semperque œteroa fuere ;<br />

Quur supra bcllum Thebanum it funera Trojœ


§6<br />

LUC1ÉCE.<br />

n'ont-Ils pas chanté d'autres exploits? Pourquoi<br />

tant de hauts faits ont-ils tant de fols péri? Et<br />

pourquoi les monuments éternels de la renommée<br />

n f en ont-ils pas gardé la leur?<br />

Quant à moi, je pense que l'univers est dans<br />

sa jeunesse, la Nature dans sa fraîcheur, et que<br />

leurs commencements ne datent pas de bien<br />

loin. Aussi voit-on quelques arts se polir encore<br />

de nos jours f et de nos jours encore suivre leur<br />

développement : c'est d'aujourd'hui que mille<br />

progrès enrichissent la navigation ; c'est d'hier<br />

que les musiciens ont inventé leurs douces harmonies.<br />

Enfin, le système de la nature, ce plan<br />

<strong>du</strong> monde, est une découverte récente; et on ne<br />

m f D'ailleurs, pour que les êtres soient éternellement<br />

<strong>du</strong>rables, il leur faut une matière solide<br />

qui brave les coups, et ne laisse pénétrer aucun<br />

germe de dissolution entre le tissu étroit des par*<br />

ties, comme les atomes dont nous avons indiqué<br />

plus haut la nature. Ils peuvent avoir aussi la<br />

même <strong>du</strong>rée que les âges quand ils échappent<br />

aux atteintes, comme le vide qui demeure toujours<br />

impalpable, qui ne reçoit pas la moindre<br />

blessure <strong>du</strong> choc ; et quand ils ne sont environnés<br />

par aucun espace libre dans lequel un corp<br />

puisse se dilater et se répandre, comme le tout<br />

universel, le tout impérissable, qui hors de soi<br />

ne trouve ni éten<strong>du</strong>e pour la fuite, ni atomes<br />

a trouvé qu'en cet âge, moi qui, le premier dont la rencontre, dont les assauts terribles vien­<br />

entre tous, ai su l'intro<strong>du</strong>ire dans la langue de nent le pulvériser. Or, nous avons vu que le<br />

nos pères.<br />

monde n'est pas une substance de nature solide,<br />

Si par hasard tu crois que les mêmes choses puisque le vide se mêle à tout assemblage. 11 est<br />

existaient jadis, mais que les générations humai­ encore moins un vide pur. 11 ne manque pas de<br />

nes ont succombé aux vapeurs brûlantes, que corps ennemis : <strong>du</strong> tout Immense jaillissent mille<br />

les villes se sont abîmées dans une grande tem­ tourbillons orageux qui peuvent entraîner la<br />

pête <strong>du</strong> monde, que sous des pluies continuelles chute de notre univers, ou lui apporter mille dé­<br />

les leuves dévorants ont inondé le sol, englouti sastres. Enfin, il a toujours des espaces, des<br />

les hautes murailles, tu n'en seras que mieux gouffres Inépuisables, pour y semer les débris de<br />

vaincu, et obligé d'admettre que la terre et le ciel ses remprts, pour y essuyer des attaques mortel­<br />

marchent aussi à leur perte. Car au moment où ces les. Donc, les portes de la mort ne sont pas fermé»<br />

fléaux, cespérilsépouvantables tourmentaient les au ciel, ni au soleil, ni à la terre, ni aux eaux pri>-<br />

êtres, si une cause de mort plus terrible se fût abat* fondes;non: ces gouffres b'éants les attendent,<br />

tue sur eux,ils eussent précipité au loin, dans un ouverts dans toute leur immensité.<br />

Immense désastre, leurs ruines immenses. Les -Tu es donc obligé aussi de reconnaître que<br />

hommes même, pourquoi se jugent-ils mortels, ces mêmes corps ont pris naissance. Car des<br />

sinon parce que des maladies les gagnent 9 eux substances mortelles eussent été incapables de<br />

qui ressemblent aux êtres déjà chassés de la vie braver éternellement, jusqu'à nos jours, l'irré­<br />

par la Nature?<br />

sistible force d'un temps Immense.<br />

Hon alias allei quoque res ce<strong>du</strong>ere poète?<br />

Quo tôt facto firum totlens eecidere ; neque usquim 9<br />

JStemeis fama monimenteis insite f dorent ? 330<br />

Venim9utopiiior9 hibet novitalem somma receasque<br />

Natura «lundi est; neque priiem exordia cepli<br />

Quare etitm quadam Donc artes expUuatar ,<br />

lune etiam aupscunt : nimc addita natipeis sunt<br />

Mnlta ; modo organkei mdieos peperere sonores : 335<br />

Deniqoet natura hacrarum raioque reprta est<br />

laper ; et hmc, primus cum primisipse repertus<br />

lime ego sum9 in patrias qui possim vortere vocea.<br />

Quod si forte fuisse antefaac eademomnia créais»<br />

Sêd periisse hominum torreoti secla • apore , 340<br />

Aut cecidf sse urbeis wagoo f examine mundi 9<br />

Antex imbribusassl<strong>du</strong>is exisse rapaeeis<br />

Per terras amieis, m oppida cooperuisse ;<br />

faute quique magie victus fateare oecesse est,<br />

Exitium quoqne terrarum eeetlcpe futurum. 345<br />

Nam f quoin res taillis morbls tantisque periclis<br />

Tentarentur, Ibi si tristior ineubuisset<br />

Causa y darent Me cladem mapasqoe rainas. t<br />

Mec ration© alla morlales esse fidemur<br />

Inter nos , nisi quod morbls «greseîmus ïidem , 350<br />

âtque ollei, quos a ïita Nalura rernoyIL<br />

Praterea, qmeqoomqne manent aeterna, necesstint est f<br />

Aut, quia sont solido cum corpore, respuere ictus,<br />

Mec penetrare pti sibi quidquam, quod queat ardas<br />

Dissociare intus partais ; ut materiai 3SS<br />

€orpora suDtf quoram naturam ostendimus ante :<br />

Aut ideo <strong>du</strong>rera œtatem posse per omnem,<br />

Plapram quia suit expertîa, aient inane est<br />

Quod manet iotactum , neque tb ictu fungitur hilum :<br />

Aut etiam , quia nolla loci ait copia circom y<br />

360<br />

Quo quasi res possint discedere dissoluique;<br />

Sicut summaram suinma est ateroa, neque eitra<br />

Qui locus est t quo dissiliant : neqlie corpora sunt, qoae<br />

Possint incideref et faUda dissolvere plaga.<br />

At neque, uti docui 9 solido cum corpore mundi 36S<br />

Hitura est 9 quoniam admixtum est in rebus inane ;<br />

Mec tamen est M înane; neque autem corpora désuni,<br />

Ex ininito qua possint forte coorta<br />

Cornière banc rerum violente turbine sominam,<br />

Aut aliam quaravis cladem importare pericli : 37i<br />

Hec porro natara loci, spatiumque profond! f<br />

Déficit 9 exspergî qtio possint moenia muidi;<br />

Aut alia qua?is possunt fi puisa périra.<br />

Haud igiter leti praclusa est janua cœlo,<br />

Nec soU terraque, neque altés aquori» uudeii 37â


Et puisque les vastes membres <strong>du</strong> monde engagent<br />

entre eux une lutte si acharnée 9 dans<br />

l'emportement d'une guerre impie; ne vois-tu<br />

pas que ces longues batailles peuvent avoir une<br />

in? lorsque9 par exemple, le soleil et toute sa<br />

vapeur chaude, buvant toutes les essences humides<br />

9 demeureront les maîtres. Et ils essayent<br />

de le faire ; mais jusqu'Ici leur effort n'a pu en<br />

venir à bout : tant les leuves ont d'abondance !<br />

Eux-mêmes, <strong>du</strong> profond abfme des mers, ils<br />

menacent tout d'un engloutissement. C'est en<br />

vain ; car les vents balaient et appauvrissent les<br />

lots, car le soleil, rayonnant à la cime des airs,<br />

entame leur tissu ; et ils espèrent dessécher toute<br />

l'eau, avant qu'elle touche au but de son entreprise.<br />

Respirant la guerre, et d'une ardeur,<br />

d'une force égale, tous s f acharnent à l'envi pour<br />

ces grands intérêts. Une fois, cependant, le feu<br />

a été vainqueur; une fois, dit-on, l'eaa régna<br />

dans les campagnes.<br />

Oui, le feu a vaincu et tout consumé au loin<br />

de ses embrasements, lorsque le vif et dévorant<br />

essor des chevaux <strong>du</strong> Soleil, égaré de ses routes,<br />

emporta Phaéton à travers les cieuxet les terres.<br />

Mais le père des êtres, le tout-puissant, ému<br />

d'une colère violente, et frappant tout à coup de<br />

la foudre cet illustre téméraire, le précipita de<br />

son char ici-bas. Le Soleil accourut au bruit<br />

de sa chute, releva l'éternel lambeau <strong>du</strong> monde,<br />

réunit ses chevaux épars, les attela encore tremblants<br />

, et ranima l'univers en reprenant sa course<br />

Sed patet inunani et vasto respectât biatti.<br />

Quare etiam natif a necessum est coiiteare<br />

liée mêem : neqoe enim9 raortali eorpore quae sont,<br />

li ininito jam tempore adhuc potuissent<br />

Immeiisi validas »?i contemoere vireis. .ISO<br />

DetApe» tantopere inter se quom raaxuma mundi<br />

Piigoent membra, pio oequaquam coacila bello ;<br />

lonne vides aliqoam longi eertaminis olleis<br />

Pusse dari Êmm ? Tel » quom sol et vapor omnis,<br />

Omnibus epotis bumoribus y eisuprarin t ; 3 85<br />

Quod fkere intendant, neque adhuc conata patrantur ;<br />

Tanttim suppeditant émues f ultroqoe mioanlur<br />

Omnia dihniare ei alto gurgite pooti !<br />

Requidqoann : qnimiam irerreates squora ventei<br />

Deminauttt, radisque retexens aettaerius sol ; 3W<br />

Et siceare prius eonfi<strong>du</strong>nt orania posée ,<br />

QQam Bqaor incepti possit contingere fîoem.<br />

Tantom spirantes aequo certamine bdlmm<br />

ifagnis de reluis inter se cernera certant ;<br />

Quom iemel interea ftorit superantior ignîs 9 395<br />

Etsemel, ut fama est, humor reparlt in ar?is.<br />

Ignis enim sapera?it f et ambens multa prussit »<br />

Avia qootn Fbaetbonta rapax wfa solis equorum<br />

£there raptairit toto terrasque per oraneis.<br />

At Pater ©mnipoteiis 9 ira tum percltus acri 9 100<br />

Naipiaiinuiii Pfaaethonta repenti fulminis ictu<br />

Deturbatit eqnii il ferrant; solque» eadenti<br />

l.W»ttS.<br />

Dl LA NATURE DES CHOSES, LIV. V.<br />

et son empire accoutumé. Telle est, <strong>du</strong> moins,<br />

la fable chantée par les vieux poètes de la Grèce;<br />

fable qui s'écarte trop de la vérité. Le feu triomphe,<br />

quand les atomes de sa matière jaillissent,<br />

des gouffres immenses, plus nombreux que les<br />

autres;"ensuite leur énergie tombe, vaincue par<br />

une force quelconque : sinon toutes choses péris*<br />

sent, dévorées au vent de la flamme.<br />

Ce fut de même que les ondes amoncelées eu*<br />

rent, dit-on, leur jour de victoire, lorsque tant<br />

d'hommes s'engloutirent dans les lots. Mais<br />

sitôt qu'une autre puissance écarta et mit en déroute<br />

cette masse d'eau soulevée de l'abîme,<br />

les pluies cessèrent, et les fleuves adoucirent<br />

leur emportement.<br />

Enfln, comment la rencontre des atomes attelle<br />

jeté les fondements de la terre, <strong>du</strong> ciel, des<br />

mers profondes, <strong>du</strong> soleil, et des courses de la<br />

lune? Je vais l'exposer avec ordre.<br />

Assurément ce n'est pas à dessein, ni avec<br />

intelligence, que les atomes se sont établis chacun<br />

à leur place; et ils n f ont pas concerté leurs mouvements<br />

réciproques. Mais, depuis le temps<br />

immémorial que ces corps élémentaires, battus<br />

par milliers de mille chocs, et accoutumés à un<br />

élan que leur poids aiguillonne, forment toutes<br />

les alliances, essayent tous les résultats de tous<br />

les arrangements possibles, il arrive que leur<br />

cours éternel et leur éternel essai de mille mouvements,<br />

de mille combinaisons, unissent enfin<br />

les atomes, dont les assemblages rapides de*<br />

» ûbvlua, aetenam suscepii lampda mandl ;<br />

Disjeetosque redegit eqaos, junxitque trernenttfis<br />

Inde siiiîiiî per lier recreâ¥it cuncta gober a a as;<br />

Scilicet, ut feteres Graium cecinere pœtae :<br />

Quod procul a fera nitnis est ratione repulsum.<br />

Igeis enim superare potest, ubi materiai<br />

Ex ininito soot corpora plura coorta :<br />

Inde cacîoal tires, aliqua ratione reflète i<br />

âut pereunl resf exustœ torreoibos auris.<br />

Humor item quondam cœpit superare coerlos 9<br />

Ut fama est, liomiiiuiii molles quaiido obruit undis.<br />

Iode y tibi vis y aliqua ratione atorsa , reeessll,<br />

405<br />

Ex ininito fuerat qoaaquomqne coorta » 41 i<br />

Consisteront imbres 9 et lumina vim rainuerunt.<br />

Sed 9 quibus file modis conjeetus materiai<br />

Fundarit terrain et cœlum pontique profunda,<br />

Solisf lunai cursus, ex ordine ponam.<br />

Ham eerte neqpe consilio primordia rerum 420<br />

Ordine se suo quœque sapei mente locarunt;<br />

Nec, quos quaeque dirent motus» pepigere profecto :<br />

Sed9 quia multa modis rnullis pimordia rerum f<br />

Ex inHnito jam tempore preila plagisy<br />

Fonderibusque suis oonsuerunt concita ferri v<br />

Omnimodisque coire» atqoe omnia perleotare,<br />

Qutequomque inter se possent congressa creare ;<br />

Prepterea fit, uti» magnum volpta per «vom»<br />

Omnigenos ccetus «I motus ecperiundo 9<br />

to<br />

41*


ss<br />

tiennent enfin la base des grands êtres, comme<br />

la terre, les ondes, le cielf et les espèces fixantes<br />

On ne voyait pas encore le disque <strong>du</strong> soleil, au<br />

•fol sublime et ruisselant de lumière. On ne<br />

voyait pas les flambeaux de l'univers immense,<br />

ni l'Océan, ni le ciel, ni la terre, ni l'air, ni<br />

enin aucune chose semblable aux choses d'aujourd'hui;<br />

mais un orageux désordre, et un<br />

amas confus. Bientôt les parties commencèrent<br />

i s'écarter, et les essences de même nature à se<br />

joindre : le monde se débrouilla; il eut ses membres<br />

distincts, il rangea séparément de vastes<br />

êtres, et y mêla tous les atomes chez qui la discorde,<br />

soulevant des batailles, troublait encore<br />

les intervalles, les directions, les rapports, la<br />

pesanteur, les chocs f les alliances f les mouvements,<br />

parce que leurs formes inconciliables et<br />

leurs traits divers empêchaient tout assemblage<br />

<strong>du</strong>rable, tout mouvement harmonieux. Ainsi les<br />

h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel jaillirent loin <strong>du</strong> sol ; ainsi le<br />

fluide des mers isola son immensité, et l'isolement<br />

purifia aussi les feux de Féther.<br />

Car,dans l'origine, les atomes déterre, essence<br />

lourde et embarrassée, s f amoncelèrent au<br />

centre, ou envahirent les parties basses. Plus<br />

leur enlacement fut vif et compacte, plus il exprima<br />

de ces germes dont se forment la mer,<br />

les astres, le ciel 9 la lune, le soleil, et la vaste<br />

ceinture <strong>du</strong> monde : toutes choses qui ont une<br />

semence beaucoup plus lisse, plus ronde, plis<br />

Tandem comreniant m , qo» cou?enta repente 430<br />

Magnarum rerum Sunt e&ordia sœpe»<br />

Terrai, maris et coeli getierisque animantiim.<br />

Hic neque tum solis rota eerni, lumine largo,<br />

Altivolans poterat; ncc mapi sldera mundi f<br />

Mec mare, oec corfuni, née éeniqiie terra, née aerf 435<br />

Biec similis lostre» rébus res ulla ?ideri ;<br />

Sed nova f empeste qnaedam moiesque eoorta.<br />

DifTugere iode loci parles empare 9 presque<br />

Ciiiii fiaribus jungi res 9 et discludere mun<strong>du</strong>m,<br />

Membraque divIdere 9 et maguas dispooere partais 440<br />

Orniiigenls e prineipiis; discordia quorum<br />

lnter?alla 9 lias 9 mmm% m , pondéra y plagas 9<br />

Concursus , motus eonturbat f pnelia miscens ,<br />

Propter dissimileis formas f ariasqtie figuras ;<br />

Quod non omnia sic poteraiit coojuneta maieref 445<br />

Hec motus inter mm dare coi?enienteis.<br />

Hoc est a terris altum secernere cceiura 9<br />

Et seorsum mare uti secretum humorque pateret ;<br />

Seorsos item purei secreteique aetberis ignei.<br />

Quîpp etenim primum terrai corpora quaeque 9 4S0<br />

Propterea quod erant gratia et perpleia, eoibant<br />

In medio 9 atque imas capiebant omnia sedeis :<br />

Qu», quanto magis inter se perpleia coibant,<br />

Tant rougis eipressereeay quae mare, aidera» soient,<br />

Lonamque efficerent , et magni muenia mundi. 455<br />

Omnia enim magis hœc e lœvibut atnue rotaodis<br />

LUC1ECE*<br />

fine que la terre. Aussi la terre poreuse et mat*<br />

gre laissa-t-elle jaillir d'abord atome par atome 4<br />

et <strong>mont</strong>er aux cimep, l'air, essence de feu, qui<br />

emporta mille feux encore d'une aile rapide.<br />

•Souvent, lorsque les herbes joignent aux perles<br />

de la rosée la pourpre <strong>du</strong> soleil et for de sa lumière<br />

matinale; que les lacs et les fleuves intarissables<br />

exhalent up léger brouillard; que la terre<br />

parait elle-même fumante, nous voyons toutes<br />

ces vapeurs, amassées dans les h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel,<br />

y étendre leur épis rideau. De même ce léger<br />

fluide de Fuir, une fois épaissi, devint une barrière<br />

qui emprisonna les êtres, et, répan<strong>du</strong> ai<br />

loin sur toute la face <strong>du</strong> monde, l'enveloppa<br />

toute de ses vastes embrassements.<br />

Ensuite vint la naissance <strong>du</strong> soleil, de la lune,<br />

des astres dont les globes roulent au milieu de<br />

fair, entre les deux extrêmes, et que ni la terre<br />

ni le ciel immense n'ont attirés à eux, parce qu'ils<br />

n'étaient ni assez pesants pour tomber au fond,<br />

ni assez légers pour jaillir dans les hautes campagnes<br />

<strong>du</strong> monde. Cependant ils occupent le milieu<br />

, essences vives qui s'agitent, et forment des<br />

parties animées de la masse. Ainsi, chez les<br />

hommes, quelques membres demeurent imnMH<br />

biles, tandis que les autres se meuvent*<br />

Ces matières une fois dégagées, la partie <strong>du</strong> sol<br />

où s'étend aujourd'hui la* plage azurée <strong>du</strong> vaste<br />

océan s'affaissa tout à coup, et creusa les gouffres<br />

de Tonde salée. De jour en jour, plus les bouillonnements<br />

de fair et les rayons <strong>du</strong> soleil, blessant<br />

Seminibus 9 multoque minoribu* sunt démentis 9<br />

Quam te 11 us : ideo per rara foramina terne<br />

Partibus erumpens, primus se stistutit «ther<br />

Ignifer, et multos secum levis abstulit igneis :<br />

Ion alla longe ralloue f ac sape videntus,<br />

Aitrea quom primum gemmanteis rare per liertas<br />

Maliitiîia rabent radiati lumina solis ;<br />

Eihalantque lac us nebulam lu? ieique perenne»;<br />

Ipsaque et inter<strong>du</strong>m tellus fa mare videtor :<br />

Omnia quie 9 sursnm quom conciliantur in alto,<br />

Corpore concreto subteiunt nubila cœium :<br />

Sic igitur tum se levis ac clifTusilis aether,<br />

Corpore concreto ciroitiidatus undique, saisit;<br />

Et late diffusus in omneis undique parteis y<br />

%m<br />

%m<br />

470<br />

Omnia sic avido complexe cetera sœpsîi<br />

Hune exordia sunt solis lunaeque sequuta, et<br />

loter utrasque globel quorum vortnntur in auris,<br />

QuaB neque terra sîbi adsci?if f nec mainmus ether ;<br />

Qnod neque tam fuerint gra?ia 9 ut depressa sederent 9<br />

Mec levia 9 ut passent per sommas iabier oras ; 47i<br />

Et tamen inter utrasque ite sunt 9 ut corpora ?ita<br />

Vorsent t et partes ut mundi totlus axstent :<br />

Quod gémis, in nobis quœdam licet in station©<br />

Membra manere 9 tamen quortl sint m 9 qns moveantiir.<br />

Mis igitur rébus retractis f terra réputé, 4 il<br />

Maxuma qua nune se ponti plap cserala tendit,<br />

ftueddit, et salso suffôdit gurgiti fossas ;


de mille coup la surface nue de la terref la<br />

chassent ,1a refoulent et l'amoncellent vers son<br />

centre f plus il arrache de son corps une sueur<br />

aroèref dont les flots enrichissent l'Océan et les<br />

campagnes ondoyantes ; et plus aussi elle rejette<br />

par milliers ces atomes de vent et de feu, qui<br />

forment de leur vol épais et dressent, loin de la<br />

terre, les dômes éblouissants <strong>du</strong> ciel. Les plaines<br />

s'abaissent, et la pente des hautes <strong>mont</strong>agnes<br />

grimpe dans les airs ; car il est impossible que<br />

les rocs éprouvent un affaissement f ou que toutes<br />

les parties descendent au même niveau. Ainsi<br />

la lourde masse <strong>du</strong> soi, épaississant ses atomes,<br />

s'affermit sur sa base; ainsi, en quelque sorte,<br />

toute la vase <strong>du</strong> monde tomba, pesante, vers le<br />

bas, et s'arrêta au fond, comme la lie.<br />

Alors la mer, alors le vent, alors le ciel même,<br />

le ciel resplendissant, demeurèrent purs, avec<br />

des atomes limpides, et une légèreté plus grande<br />

chez les uns que chez les autres. Le ciel, de tous<br />

le plus agile, le plus limpide, se répand au-dessus<br />

de la couche des airs ; et il ne mêle pas sa<br />

limpidité aux corps qui altèrent le souffle <strong>du</strong> vent.<br />

11 abandonne ces régions aux bouleversements<br />

ie la tourmente, au désordre, à l'inconstance de<br />

forage; tandis que lui-même mule ses vagues<br />

de feu d'un essor prompt et Invariable. Que le<br />

ciel puisse flotter avec enchaînement et harmonie,<br />

les eaux de la mer le proclament, elles qui<br />

bouillonnent sous un flux réglé, éternellement<br />

soumises à in cours éternellement uniforme.<br />

Chantons maintenant la cause <strong>du</strong> mouvement<br />

Impe dies quanta cireum niagis aetheris œstos,<br />

Et radki mïm cogebant uniMque terrant<br />

485<br />

Verberîbus erebris, extreina ad timina tpertam 9<br />

In meàm ttt propulsa suo condensa coiret ;<br />

Tam niagis expresses salsus de corpore sudor<br />

Àugebat mare maoando camposque natanteîs :<br />

Et tanto magis ©lia, foras elapsa y volabant 490<br />

Corpora milita vaporis et aerls f altaque cœli<br />

Densabant procul a terris fulgentia templa :<br />

Sïdebaot campei f crescebant inontibus altls<br />

Ascensus ; oeque enlna polerael subsidere sait 9<br />

Mec pariter tanlumdem mîmes soccumbere pries. 49J<br />

Sic igitur terrae concreto corpore-poii<strong>du</strong>s<br />

Coostitit» atque OIïIIIIS mmiéi quasi limas in imum<br />

Ooniuxlt gravis, et subsedit ftinditus, ul fœx.<br />

Inde mare, înde aerf Inde œtlier ignifer Ipse,<br />

Corporibus liquidis sunl omnia pura relïcta ; 500<br />

Et leflora aliis alla; et liquidîssimus aetlier,<br />

Atque levissimu8 aerias super in<strong>du</strong>it auras;<br />

ïfec liquidant corpus turbantibus aeris auras<br />

Commise!; sinit haec fioleulis omnia vorti<br />

Torbinïbus, sinit incerf is turbare procellis; I0S<br />

Ipse suos igiîeis certo fer! impete labens ;<br />

Nam modîce fluere alque uno posse alliera nixo v<br />

SigEilcat Ponto niarey certo quod luit «esta,<br />

Unum labundi conservai» usque tenorem.<br />

DE LA NàTÏÏEE DES CHOSES, L1V. V. ya<br />

des astres. D f abord f si c'est rénorme globe <strong>du</strong><br />

ciel qui tourne, il faut admettre que deux courants<br />

d'air extérieur le pressent à chaque pôle f<br />

le maintiennent et l'emprisonnent. L'un jaillit *<br />

d'en haut f et attaque les cimes où roulent et<br />

brillent les lambeaux éternels <strong>du</strong> monde;<br />

l'autre souffle <strong>du</strong> bas,-afin de soutenir le globe.<br />

Nous voyons les Ëeuves faire tourner ainsi les<br />

roues et les seaux des machines.<br />

II se peut encore que ces fanaux étincelants<br />

se meuvent au sein <strong>du</strong> firmament immobile : loit<br />

que les astres, lots bouillonnants de l'impétueux<br />

éther, enfermés et cherchant à ftiir, tourbillonnent,<br />

et agitent leurs feux errants par toute l'immensité<br />

de la voûte céleste; soit que l'air exté*<br />

rieur, débordant jene saison, pousse ses flammes<br />

à un mouvement circulaire; soit, enfin, que, libres<br />

de se traîner eux-mêmes vers les.aliments<br />

qui appellent, qui invitent leurs pas, ils dévorent<br />

çà et là tous les atomes de feu répan<strong>du</strong>s<br />

dans le ciel Établir au juste la manière dont ils<br />

se gouvernent ici-bas est chose difficile. Je me<br />

borne à enseigner tout ce qui peut avoir et tout<br />

ce qui a vraiment lieu, au sein <strong>du</strong> vide immense,<br />

dans ces mille mondes engendrés sous mille<br />

lois diverses; et je ne m'attache qu'à une exposition<br />

nette des causes nombreuses que l'univers<br />

put fournir au mouvement des astres. Parmi<br />

ces causes, néanmoins, une seule, comme toujours,<br />

doit assurer leurs révolutions : mais laquelle<br />

de toutes! voilà ce que ne peut décider<br />

sitôt un homme qui avance pas à pas.<br />

Motibus astroram IUIIC qiiae sit causa, canamus. 5ici<br />

Principio, magnus cœli si iwtittir orbis f<br />

Ex u traque polum prie premere aéra f nobis<br />

Dicun<strong>du</strong>m est, exlraquetenere, etcludere utrimque ;<br />

Inde alium supra iuere , atque intendere eodem 9<br />

Qiio volvunda micant «terni sidéra mundi ; 515<br />

Ast alium subter, contra qui sub?ehat orbem ;<br />

Ul Éuvios vorsare rotas atque haustra videtnus.<br />

Est etîam quoque, uti possit cœliim omne maiiere<br />

lu statione , tamen quoni lucida signa ferantur :<br />

Sive quod incluse! rapidi suât aetheris testas 9<br />

ô2G<br />

Quœrentesque viam cîrcumvorsantar, et igneis<br />

Passim per cœli volvunt imraania templa;<br />

Site âliûfide iuens aliquunde eitriosecos aer<br />

Vorsat agens igneis; sive ipsei serpere possuit f<br />

Quo quojusque eibus vocal atque invitât eunteis» 5U5<br />

Flammea per cœlum pascenteis eorpora passim.<br />

Nam quid in hoftmuDdo sit eorum , poutre certuni<br />

Difficile est : sed, quid possit iatque per omne<br />

la varffs mondisy varia ratiooe ereatis,<br />

Id dûceo; plurekque sequor dïsponere causas à30<br />

Motibus astrorum 9 quae poasint esse per omne :<br />

E quibus una tamen sit et kaec quoque causa necesse est»<br />

Quae vegeat motain signis ; sed y quae sit earam 9<br />

Prœcipre Iiaud quaquam est pedetentim progredientis.<br />

Terraque ut in medk mundi regiooe quiescat 9 ôJi


lit LUCRÈCE.<br />

Pour que la terre repoie, Immobile f au centre<br />

<strong>du</strong> monde, M faut que sa pesanteur diminue et<br />

s'évanouisse insensiblement; il faut que l'extrémité<br />

inférieure ait pris une essence nouvelle,<br />

étant unie et incorporée > depuis la naissance des<br />

âges, aux parties de l'air ou elle trouve sa base-<br />

De là vient qu'elle ne leur est point à charge,<br />

que les airs ne iéchissent pas sous elle. De même<br />

la membres d'un homme ne le chargent pas; la<br />

tête ne pèse point au cou9 et les pieds ne sentent<br />

pas le faix de la masse. Au contraire, tout poids<br />

extérieur qui nous est imposé nous incommode f<br />

fût-il beaucoup moindre que nous : tant il faut<br />

considérer ce que peuvent toutes choses! Ainsi<br />

donc la terre n'est point une étrangère, venue<br />

<strong>du</strong> dehors, et lancée tout à coup dans un air<br />

étranger pour elle. Également conçue dès l'origine<br />

<strong>du</strong> monde, elle en est une partie déterminée,<br />

comme tu vois que les membres sont une<br />

prtle de nous-mêmes-<br />

D'ailleurs, ébranlée soudain par un vaste coup<br />

de tonnerre, elle ébranle de son agitation tout<br />

ce qui est au-dessus d'elle. Or, pourrait-elle le<br />

foire, si elle n'était enchaînée aux parties aériennes<br />

<strong>du</strong> monde et au cîelî Oui, ces essences se<br />

tiennent et ont, depuis la naissance des"âges,<br />

les mêmes racines, les mêmes nœuds, les mêmes<br />

accroissements.<br />

legarde le corps humain : ce poids énorme<br />

n'est-il pas soutenu par la fine et vive essence<br />

de rime? C'est que tous deux sont unis et attachés<br />

ensemble. Et qui pourrait, d'un saut agile,<br />

Ivanescert paullatiiïi et decrescere pon<strong>du</strong>s<br />

Coovenit; atque allatn naturam subter liabtre»<br />

Ex inennte œ?o conjunctam atque imiter apt&ra<br />

Partibus aerieis mundi , quibus insita vif it.<br />

Propterea non est ooeri f neque deprimil auras ; 1*40<br />

Ut sua quoique homini uullo sunt pondère membra f<br />

Mec caput est oneri collo, née deaique tolum<br />

Corporis in pedibus pon<strong>du</strong>s sentiinus inesse.<br />

âlf quacquomqoe foris ventant, impostaque «obis'<br />

Pondéra sunt 9 laednnt perroulto sœpe minora : 6*5<br />

Usque adeo magni refert, quid quaeque queal res.<br />

Sic igllur tellus non esl aliéna repente<br />

Allala y atque aurais aliunde objecta aliénais;<br />

Sed pariter prima concepta ab origine mundi,<br />

Certaque pars ejus; quasi nobis mcmbra videnlur. 550<br />

Praeterea, grandi tonitrti concussa, repente<br />

Terra, supra se qiiie sunt, concutit omnia motu ;<br />

Qaod facere haud ulla posset ratlone, nisi essel<br />

Parlibos aerîis mundi cœloque revïncta ;<br />

Haut communibus inter se radicibus liœrent 9 555<br />

.El ineunte œvo conjuncla atque unlter aucta.<br />

Nonne vides etiam 9 quain tnagn® pondère nobis<br />

Susiieat corpus tenuissimi iris animai ;<br />

Pi'opterea quia tam conjuncta atque imiter aptaest?<br />

Deniqiie, jam sait» petnici tôlière corpus &H0<br />

CJifb potis est, nisi ?ls animaey qnsc membra gubeinat?<br />

soulever le corps, sinau Pâme vive qui gouverne<br />

les membres ?<br />

Yois-tu maintenant toute l'énergie d'une frêle<br />

nature, quand elle est jointe à un être pesant,<br />

comme l'air au sol, et l'âme au corps.<br />

Le disque et Tardent foyer <strong>du</strong> soleil ne peuvent<br />

être beaucoup plus grands ou beaucoup<br />

moindres que nos organes nous les <strong>mont</strong>rent.<br />

Car de si loin que les feux attirent encore nos<br />

regards, et envoient à nos membres Je «rafle de<br />

la vapeur chaude, tout l'espace que dévore le jet<br />

de lamme ne les entame point» et à l'œil la masse<br />

n'en est pas plus resserrée. Donc, puisque la<br />

chaleur <strong>du</strong> soleil et ses torrents de lumière parviennent<br />

à nos sens, et illuminent la terre, il en<br />

résulte que nous devons apercevoir aussi sa<br />

forme, ses contours, dételle sorte que la vérité<br />

ne permette ni de l'accroître, ni de l'appauvrir.<br />

Et la lune, soit qu'elle roule inondant Pespace<br />

d'un éclat emprunté, soit qu'elle darde la lumière<br />

de sa propre essence, ne marche point avec une<br />

plus vaste figure que son disque visible ne le fait<br />

juger à nos yeux. Car tous les objets qu'une vue<br />

lointaine saisit à travers une épaisse couche<br />

d'air, brouillent plutôt leur image qu'ils n'amoindrissent<br />

leur contour. 11 faut donc que la<br />

lune, qui nous offre une apparence claire et<br />

nette de sa forme, et qui dessine jusqu'aux<br />

traits de son visage, nous apparaisse dans toute<br />

sa grandeur à la cime des airs.<br />

Enfin, pour connaître tous ces feux qui éclatent<br />

dans le ciel, examine tous les feux de terre.<br />

Jamne vides quantum tennis nalnra valere<br />

Possit, ubi est eonjuncta gra?i euro corpore ; ut aer<br />

Conjunctus terreis, et nobis est anîmi vis?<br />

Nec nimio solis major rota, nec mînor ardor SâS<br />

Esse potest, nostris quam sensibus esse vldetur.<br />

Nam , quibus e spatiis qnonique îgoes lumina possuol<br />

MMcere, et cali<strong>du</strong>m membris alflare vaporem;<br />

Mi lïîïssus Ifltervailis de corpore librant<br />

Flammarumy nihil ad speciem est contractior ipk. 570<br />

Proinde, calor quoniam solis lumenque profusum<br />

Perveniunt nostros ad sensus, et loca fulgent ;<br />

Forma quoque hinc solis débet iluœque videri f<br />

Nil adeo ut possis plus y aut minus t addere vere.<br />

tuaacfne, site notbo fertur loca lumine lustrins» s?a<br />

Sivesuo proprio jaclat de corpore lucem;<br />

Quidquid id est, nihilo fertur majore igura y<br />

Quam nostreis oculeis 9 qua cernimus y esse videtur.<br />

Nam prius omnia f quae longe semota tuemur<br />

Aéra per multum , specie confusa fidentur, 5S§<br />

Quam minui filum ; quapropter luna necesse estf<br />

Quandoquidem claram speciem certamque Iguram<br />

Praebet 9 nt est ons extremis quomque notata,<br />

Quanta quoque est quanta, hinc nobis videatur in alto.<br />

Postremo 9 quosquomque vides hinc Mheris igneis 9 SS§<br />

Qnandoquidem f quosquomque in terris cernimus igneis $<br />

Dun tremor est clarus , <strong>du</strong>m ceinitur ardor eorum ,


Tant que leur éclat est net et leur flamme distincte<br />

, les contours ne varient guère que sous<br />

des accroissements ou des pries insensibles,<br />

quelle que soit la distance : tu peux en conclure<br />

que les astres diminuent ou augmentent à peine<br />

<strong>du</strong> plus faible f <strong>du</strong> plus insaisissable volume.<br />

Et ne fa pas crier merveille f de voir un soleil<br />

si étroit envoyer une lumière si vaste que ses<br />

écoulements remplissent les eaux, les terres, le<br />

ciel, et que tout soit baigné de son ardente vapeur.<br />

Car II est possible qu'au sein <strong>du</strong> monde<br />

entier ce soit Tunique et intarissable fontaine<br />

ouverte, d f où jaillissent les torrents de lumière,<br />

prceque de tous les endroits <strong>du</strong> monde tous les<br />

atomes de feu y réunissent » y amoncellent leurs<br />

lots épis, de telle sorte que cette mer brûlante<br />

déborde par. un seul canal. Ne vois- tu pas soutint<br />

un mince ruisseau arroser de larges prairies,<br />

engloutir les campagnes?<br />

11 se put encore que, sans avoir beaucoup de<br />

feu, le soleil envahisse fàir et le dévore de ses<br />

embrasemeûtsf si l'air est d'une nature complaisante<br />

f avide, et prompte à s'allumer au contact<br />

â f une Mble ardeur. Cest ainsi qu'on voit,<br />

au sein des moissons et <strong>du</strong> chaume, une étincelle<br />

répandre l'incendie.<br />

Peut-être même le soleil, autour des cimes que<br />

dore sa larop resplendissante, pssède-t-il un<br />

amas de feux dont les ardeurs cachées, sans se<br />

trahir pr aucun éclat, dardent la chaleur f et<br />

augmentent à ce point la force de ses rayons.<br />

Il n'y a pas, non plus, de voie directe et sim-<br />

Perpart um qnlddam inter<strong>du</strong>m mutare videbir<br />

Aliénai «tarai in prtem filon, quo longlusabsit;<br />

Sdre licet, perquam paoxillo posse minores 590<br />

Esse » vel exîgai majores parle brevîque,<br />

Ulttd item non est mlran<strong>du</strong>m, qua rations<br />

Tantales Die qoeat tnntom sol mittere lumen,<br />

Quoi maria» ac terras omoeiscœliimque rigando<br />

Compkat, et calido perfundat concta f apore. âiS<br />

Nain licet hioc mundi patefectnm totias unum<br />

Ltrgiioum fonteai scatere, atqueerumpere lumen;<br />

Ii omni aiando quia sic deoienta vaporîs<br />

tJndique coaTeniuot » et sic coupetus aorim<br />

Confiait, ex uno capite hic ut profiuat ardor. §00<br />

lonoe ? ides etiam, qnam laie parvus aq «ai<br />

Prata rigct fous inter<strong>du</strong>m, campisque re<strong>du</strong>ndei?<br />

Est etiam quoque f uti non magno sollâ ab igoi<br />

Aéra prcipitt calidis fervoribus ardor;<br />

Opportun» îta est si forte et idoueus aer, coj<br />

Utqueat acceudi» parvis ardorîbus ictus :<br />

Quoi gtnus, inter<strong>du</strong>m segetes sllpilamqui vidcmus<br />

Acddere ei uni scintilla incendia passim.<br />

Forsitan et rosea sol aile lampade locens<br />

Possfdeat ronlluro cœeis fervoribus îgnem 6I o<br />

Circam se, nollo qui ait fulgore notatus,<br />

itstifer» io tantum ndioram eiaugeat ictum.<br />

Met ratio solis simplex ac recta patescu f<br />

DE Là NATUBE DES CHOSES, LIY. f. 101<br />

pie pour expliquer commeut il va des régions<br />

de fêté au Capricorne, dont il tourne la froids<br />

barrière, et comment de là il ramène son char à<br />

la borne où le Cancer l'arrête ; et comment aussi<br />

on Yoit la lune parcourir en un mois ces espaces<br />

qui usent un an'de la marche <strong>du</strong> soleil. Non, Je<br />

le répète, une cause unique et simple n f est point<br />

assignée à ces merveilles.<br />

On peut surtout admettre, comme vraisemblables<br />

, les saintes opinions <strong>du</strong> grand Démocrite.<br />

Plus les astres sont voisins de la terre,<br />

moins ils sont emportés dans le tourbillon <strong>du</strong><br />

ciel. En effet, ce rapide et ardent essor languit<br />

et s'épuise vers l'extrémité inférieure : aussi le<br />

soleil reste-toi peu à pu en arrière avec les astres<br />

les moins hauts, étant lui-même bien au-dessous<br />

des étoiles resplendissantes ; et la lune encore<br />

davantage. Plus son humble révolution s'écarte<br />

<strong>du</strong> ciel, et incline Yers la terre, moins elle peut<br />

lutter de vitesse avec les lambeaux <strong>du</strong> monde ;<br />

et plus elle tourbillonne d'une course lente et<br />

molle, elle qui est inférieure au soleil, plus les<br />

astres qui roulent autour d'elle l'atteignent et (a<br />

dépassent II arrive de là quelle semble rejoindre<br />

d'un pas agile chacun des astres, parce que les<br />

astres reviennent à elle.<br />

Voici un autre fait possible. Des régions opposées<br />

<strong>du</strong> monde, s'élancent alternativement et à<br />

des époques réglées deux courants d'air, qui<br />

poussent le soleil des signes de Fêté aux froides<br />

carrières <strong>du</strong> Capricorne, puis le rejettent des ténèbres<br />

glacées de l'empire <strong>du</strong> froid aux demeir<br />

Quo pado aesif is e partibus JEgocerois<br />

Brumaleis adeat fleius; atque» inde reTortens,<br />

Canceris ut rortat metas ad solstttlakis :<br />

Luiaque mensibus id spatium vidcatur obîre,<br />

Aonoa sol in quo consumit teropora cursu :<br />

Non f inquam, simplex tteis rebus reddita causa est<br />

611<br />

Nam ieri f vel cum primis , id posse videtar, , MO<br />

Democriti quod sancta viri senteitia ponit :<br />

Qoaoto quœque magis sint terrai» sidéra propter,<br />

Tanto posse minus cum cœli turbine ferri;<br />

Mvanescere entra rapidis illias etacreis<br />

Imminui subter ?ireis ; ideoque relinqui *%%<br />

Paullatim solem cum p0ster^oribû , slgnis ,<br />

Inferiormoltam quodslt» quam fer vida signa :<br />

Et magis hoc lonam ; quanto demïssîor ejus<br />

Cursus abest procul a codo » terrësque propioquat»<br />

Tanto posse minus cum slgnis teidere cursum. CM<br />

Flaccidiore etiam quanto jam turbine fertur,f<br />

Inferior quam sol, tanto magis omnia sigua<br />

Banc adipiscunturclrcum, praterque feruntur.<br />

Propterea fit, ut baec ad slgnum 4podque revorti<br />

Mobilius videatur, ad banc quia sîpa revisunt^ *U<br />

Fit quoque, ut e mundi transvorsis partibusaer<br />

Altérais certo f uerè alter tempore possit,<br />

Qui queat «stivis solem dilrudere slgnis<br />

Brumaleia tt&qos ail flexnt ?eli<strong>du</strong>inquft rigniwi ;


102 LUC1ECE.<br />

res <strong>du</strong> feu et aui signes brûlants. 11 faut croire<br />

de même que la lune 9 que ces roulante! étoiles<br />

dont les vastes cercles embrassent de longues années<br />

» lottent d'une extrémité à l'autre sous la<br />

double et alternative impulsion de l'air. Ne remarques-tu<br />

pas que des vents opposés contrarient<br />

les nuages, et emportent diversement leurs<br />

couches amoncelées ? Pourquoi, dans l'immense<br />

tourbillon de i'éther, les astres seraient-ils moins<br />

capables de jaillir sous deux tempêtes opposées?<br />

La nuit enveloppe la terre de ses grandes ombres,<br />

parce que le soleil, après une longue marche,<br />

touche la borne <strong>du</strong> ciel» et, languissant, exhale<br />

ses feux épuisés par la route. amortis par la<br />

vague épaisse de l'air ; ou bien parce que la même<br />

force qui a soutenu le disque au-dessus de la<br />

terre le contraint à rouler sous elle.<br />

De même f à un instant fixé, Matuta con<strong>du</strong>it<br />

la rose et jeune Aurore dans l'empyrée f et ouvre<br />

les portes de la lumière : soit parce que ce<br />

même soleil qui était sous terre re<strong>mont</strong>e f et de<br />

loin s'empare <strong>du</strong> ciel f tandis qu'il essaye à l'embraser<br />

de ses rayons ; soit parce qu'à une heure<br />

déterminée il s'amasse habituellement des feux<br />

et mille germes ardents, qui fournissent au soleil<br />

une lumière toujours renaissante et fraîche.<br />

Ainsi Ton raconte que des hautes cimes de l'Ida<br />

brillent, à l'aube <strong>du</strong> jour, des flammes éparses<br />

qui s'amoncellent bientôt en un seul globe, et forment<br />

un disque.<br />

11 n'est rien pourtant qui doive te surprendre<br />

dans le concours si exact de ces atomes de feu,<br />

Et qui rejiciil gelidis ab frigoris umbris §40<br />

JSstifëras osque in partes, et fervida signa.<br />

El ratione pari limant stellasque putan<strong>du</strong>m est,<br />

Quœ voiront magnos in magnîs orbibusannos»<br />

àeribns posse altérais e partibus ire.<br />

Monne vides etiam dlforsis nubîla ventis 6 45<br />

Birorsasire in partels, infernasupernis?<br />

Qui minus olla qneant per magnos actlieris orbeis<br />

JMîbus inter se dlvorsis sldera ferri ?<br />

At nox obrnitingenti callgine terras,<br />

Aut, ubi de longo eursu sol ultima cœli 650<br />

fmpulit, atque suos efflavit langui<strong>du</strong>s igneisf<br />

CODCU8806 itère, et labefactos aère mnlto ;<br />

Aut quia sub terras cursum convortere eogit<br />

Vis eadem, supra quœ terras pertulit, orbem.<br />

Tempore item certo roscam Matuta per oras 655<br />

jEtheris Auroram defert, et lumina pandit;<br />

Aut quia sol idem sub terras il le revortens<br />

anticipai cialum f radiis accendere tentons ;<br />

Aut quia contenlunt ignés» et semîna multa<br />

Conlluere ardoris coiisuerunt tempore cerlo f<br />

660<br />

Quae faciunt solis nota semper lumina gigni.<br />

Quod genusy Idaeis fama est e <strong>mont</strong>ibus altis<br />

BIspersos ipeis orient! lumine cerni ;<br />

Inde coîre globum quasi in unumf etconficere orbem.<br />

Nec tamen illud in his rébus mirabile débet 665<br />

qui réparent féclat usé <strong>du</strong> soleil. Que de choses<br />

ne voit-on pas s'accomplir à époque Ixe dans<br />

tous les êtres! Le jour est marqué où les arbres<br />

leurîssent ; il est marqué le jour où ils dépouillent<br />

la leur. A jour marqué aussi Tige veut que<br />

les dents nous tombent, que l'enfant d'hier se<br />

couvre d'un tendre <strong>du</strong>vet, ieur de l'adolescence,<br />

et qu'une barbe molle s'épanche de sa joue. Enin<br />

la foudre, la neige, les pluies, les nuages, les<br />

vents, n'ont pas lieu à des époques trop incertaines<br />

de l'année. Car, une fois que les causes premières<br />

sont établies, que les effets suivent la<br />

même pente depuis la naissance <strong>du</strong> monde,<br />

tout arrive dans un ordre de succession invariable.<br />

Divers motifs permettent que les nuits entamées<br />

fondent sous la croissance <strong>du</strong> jour, et que<br />

la <strong>du</strong>rée lumineuse soit amoindrie par les envahissements<br />

de la nuit. Il se peut que le même soleil<br />

, traçant au-dessus et au-dessous de la terre<br />

des courbes inégales, découpe les campagnes de<br />

I'éther, et tranche le monde en deux parties Inégaiement<br />

éclairées ; mais le feu qu'il dérobe à<br />

Tune, il le reporte et l'ajoute à l'autre hémisphère<br />

, où il retourne : puis, enfin, il arrive au<br />

signe <strong>du</strong> ciel qui est comme le nœud de Tannée,<br />

puisqu'il enchaîne d'une égale <strong>du</strong>rée Féclat des<br />

jours et l'ombre des nuits. Car, entre le vent <strong>du</strong><br />

nord et le vent <strong>du</strong> midi f il est un point où le<br />

ciel tient à une même distance ces deux limites,<br />

grâce à l'inclinaison <strong>du</strong> cercle planétaire, ou le<br />

soleil dévore une année dans sa marche tral-<br />

Essey quod bsecignis tam certo tempore possint<br />

Semîna coniuere, et solis reparare nitorem.<br />

Multa fidemus enim, certo quae tempore lunl<br />

Omnibus in rébus; iorescunt tempore certo<br />

Arbusta, et certo dimittunt tempore florem :<br />

Mec minus in certo denteis cadere imperataetas<br />

Tempore, et impubem molli pubescere veste9<br />

Et pariter mollem malis demittere barbam.<br />

Fulmina postremo 9 nii 9 imbres 9 oublia , yeotei y<br />

Mon nimis incertis fiunt in partibus anni.<br />

Namque, ubi sicfueruntcausarum cxordia prima,<br />

Atqueita res muiidi cecidere aborigine prima,<br />

Consequiae quodquc est jamrernm ei ordine cerlo.<br />

Crescere ilemque dies licet, et tabescere noclets,<br />

670<br />

C7."i<br />

Et minui luces t quom sumant augmina noctes ; usa<br />

Aut quia sol idem9 sub terras atque superne<br />

Imparibus currens amfractibus, œtlieris oras<br />

- Partit 9 et in partais non «quas dividit orbem ;<br />

Et, quod ab allerutra deiraxit parte, reponit<br />

Ejus in advorsa tanto plus prie, relatus ; §85<br />

Bonec ad id signum coeli per?entty ubi anni<br />

No<strong>du</strong>s nocturnas exœquat Iucibu3 timbras :<br />

(Nam medio cursu iatus Aquilonis et Austri<br />

Bistinet œqnato cœlom discrimine metasf<br />

Propler sipiferi posituram totius orbis, ôSH<br />

Annua sol in quo contundit tempora serpent,


nuite9 et d'où il verse ses feux obliques sur les<br />

deux et les terres. Ainsi le dé<strong>mont</strong>re ce plan des<br />

humilies qui ont dépeint toutes les régions <strong>du</strong><br />

ciel, embellies de tous les astres rangés dans<br />

bar urire. —11 se peut encore que l'air f plus<br />

épais dans certaines parties, arrête l'éclat tremblant<br />

<strong>du</strong> soleil, qui peut à peine le fendre et<br />

gagner son berceau : voilà pourquoi les nuits<br />

d'hiver sont longues et paresseuses à ftiir, jusqu'à<br />

ce que le diadème étincelant <strong>du</strong> jour apparaisse!<br />

— Il est possible même que les saisons<br />

influent tour à tour sur la vitesse de ces brutants<br />

atomes qui amassent leurs vagues, et<br />

font jaillir le soleil à un point déterminé.<br />

La lune doit peut-être son éclat aux rayons<br />

<strong>du</strong> soleil qui la frappent. Aussi f de jour en jour,<br />

touraet-elle vers nous une surface lumineuse<br />

d'autant plus grande qu'elle s'écarte plus <strong>du</strong><br />

globe de l'astre , jusqu'au moment où, placée en<br />

face de lui 9 elle brille dans toute la plénitude de<br />

sa belle lumière, et, se levant radieuse et haute,<br />

elle le regarde se coucher. 11 faut ensuite que,de<br />

la même façon, elle retire pu à peu et cache sa<br />

lumière, à mesure que son orbite la ramène de<br />

l'autre bout <strong>du</strong> zodiaque vers les feux <strong>du</strong> soleil*<br />

Voilà ce qu'ils font de la lune, ces hommes<br />

qui ne voient en elle qu'un ballon roulant sous le<br />

disque solaire ; et, à ce point de vue, ils ont assurément<br />

la vérité dans la bouche.<br />

Mais qui empêche la lune de tourner avec sa<br />

lumière propre, et de fournir elle-même les diverses<br />

phases d'un éclat mobile? Car il peut y<br />

a?oirt un autre corp qui l'accompagne lottant<br />

ÛMkpo terras et cœloni lamine lu6trans ;<br />

Ut ratio déclarât eoram , qui loca cœli<br />

Onmia 9 disposais sigais oniata t notanint : )<br />

Aut , quia crassier est certis in partibus aer, 69§<br />

Sub terris ideotremulum jubar liaesitat igni y<br />

Mecpnetrare potest facile » atque emergere ad or lus;<br />

Propterea noctes biberno tempore long»<br />

Cessant, dwn reniât radiatwm insigne diei :<br />

âut etiam , quia sic altérais partibus anni 700<br />

Tardias et citîwi consieruntconfluere ignés,<br />

Quel facltiftt gotem caria desurgere parte.<br />

Loua pëtest 9 sois radis percussa » nitere ;<br />

loque dies majui lumen convortere nobis<br />

àd spedem , quantum solis seeedit ab orbe 9<br />

DE LA NATURE DES CHOSES, LIV. Y. 103<br />

705<br />

Donec mm contra pleno bene lumine fulsii t<br />

âtque orient obitus qu§ super édita mâîî :<br />

Iode minutatta rétro quasi eondere lumen<br />

Débet item» quant© prnplas jara solis ad ignem<br />

Labitor es alia signorum parte per orbem : 710<br />

Ut Êiciunt, lunam quel ingrat esse pilai<br />

Ckumimilem 9 cursusque vin» sub sole tenere :<br />

Propterea it9 uti ?ideantur dicere verum.<br />

Esteinii quare proprio cum lumine possit<br />

VoWer, et •arias spleodoris reidere formas. 7 i 5<br />

Corpus enïni licet esse' aliud , quod fertur et una<br />

auprès d'elle, et qui lui fasse obstacle, qui lui<br />

fasse ombre sous mille aspects : corps invisible»<br />

parce qu'il marche dépourvu de lumière.<br />

Elle peut rouler encore sous la forme d'une<br />

boule ronde dont la blanche lumière ne teint<br />

qu'une moitié jt la fois, et qui engendre sespha*<br />

ses diverses en faisant tourner son globe. D'abord<br />

elle dirige vers nous le côté enrichi d'une<br />

teinte de feu, et son œil immense, tout grand ouvert.<br />

Ensuite, elle retourne pu à pu et nous<br />

dérobe la face lumineuse de son orbe. Tel est le<br />

système que les Chaldéens de Babylone essayent<br />

d'opposer victorieusement à la science des astronomes<br />

: comme si les deux opinions qui luttent<br />

n'avaient pint'une vraisemblance égale, et<br />

qu'on osât embrasser Tune plutôt que l'autre.<br />

Enln, est-il donc impossible qu'une lune nouvelle<br />

soit enfantée chaque jour, avec une suite<br />

réglée de formes et d'aspcts divers, et que chaque<br />

jour la lune d f hier expire devant une autre<br />

qui natt de sa cendre et s'empara de son<br />

trône î On est forten pîne d'argumenter à feucontre,<br />

et " de faire triompher sa proie, lorsqu'on<br />

voit tant de choses s'accomplir avec tant<br />

d'ordre.<br />

Le Printemps accourt, et Ténus avec lui :<br />

messager <strong>du</strong> Printemps, à leur tête marche le<br />

Zéphyre ailé; sous leurs pas Flore, riante déesse,<br />

parsème au loin la route qu'elle Inonde des plus<br />

belles couleurs, des plus doux parfums; vient<br />

ensuite l'aride Chaleur, escortée de la pudreuse<br />

Cérès, et <strong>du</strong> souffle des vents étésiens. Puis arrive<br />

l'Automne : Évoé! Évoé 1 Bacchus l'accom-<br />

Labitar, omnimodis oceursans offideosque ;<br />

Mec polis est cerni y quia cassum lumine ferler,<br />

Vorsarique potest, globus ut si forte pilai<br />

Dimidia ex parti candenti lumine Unctus; 720<br />

Vorsandoque globum varianteis edere formas.<br />

Denique, eam partent y quœqtiomque est ignibusaueta 9<br />

Ad speelera sortit nobis , oculosque patentas :<br />

Inde minutatip rétro contorquet , et aufert<br />

Luciferam partem glomeraminis atque pilai : 7î5<br />

Ut Babyloilca Cbaldœum doctrina 9 refutans<br />

Astrakgoruiii artem, contra convincere tendit :<br />

Proinde quasi id ieri neqaeat » quod puguat uterque ;<br />

Aut minus hoc illo sit quur ampleetier ausis.<br />

Denique 9 quur nequeat semper nota luna ereari 9 730<br />

ûrdine formarum certo certisque iguris 9<br />

Inque dies prîtes abonni quœqne creala,<br />

Atque alla ilitisreparari in parte locoquej<br />

Difficile est ratiooe docere 9 et vîneere verbls :<br />

Ordine quom irideas tam certo multa ereari. 735<br />

It Ver, et Ternis; et» Yeris pranuntius f an tu<br />

Pennatusgraditur Zephyrus, vestlgia propter<br />

Flora quibus mater praesptrgens ante fiai<br />

Guncta coloribus egregiis et odoribus opplet :<br />

Inde loci sequitur Calor arides 9 efr cornes una 7 40<br />

Polverulenti Ceresv et Etes» flabra Aquilonini*.


104 LUCEÈCE.<br />

pagne. Puis les tempêtes jaillissent, et les vents<br />

orageux, le Vulturne à la voix retentissante, et<br />

l*Auster chargé de foudre. Puis, enfin, le solstice<br />

nous apporte les neiges, nous ramène les gelées<br />

engourdissantes, suivi bientôt de l'Hiver, et<br />

<strong>du</strong> Froid qui claque des dents. Faut-il donc t'émerveiller<br />

de voir la lune si exacte à naître , si<br />

exacte à mourir, puisque tant de choses ont lieu<br />

si exactement aux mêmes époques?<br />

Crois bien aussi que la défaillance <strong>du</strong> soleil et<br />

les obscurcissements de la lune prêtent à mille<br />

explications. Quoil tu demandes comment la<br />

lune peut nous exclure des feux <strong>du</strong> soleil, et<br />

comment elle lui voile la terre de son front sublime,<br />

qui oppose un disque aveugle aux rayons<br />

étincelants ; et tu ne crois pas que le même effet<br />

puisse venir d'un autre corps, qui roule éternellement<br />

privé de lumière!<br />

Pourquoi enfin ne pas admettre que le soleil,<br />

à des époques fixes, laisse tomber à peine ses feux<br />

languissants, et ranime bientôt sa lumière, quand<br />

il a franchi au sein des airs ces régions, ennemies<br />

de la fiamme, qui étouffent un momentses lueurs<br />

expirantes?<br />

Et si la terre peut à son tour ravir les clartés<br />

de la lune, en tenant le soleil plongé sous elle,<br />

tandis que l'astre des mois flotte dans son ombre<br />

épaisse et conique : pourquoi ne veux-tu pas<br />

qu'un autre corps se glisse sous la lune, roule prdessus<br />

le globe <strong>du</strong> soleil, et intercepte ses rayons,<br />

ses torrents de lumière?<br />

El même, si la lune brille d f nn éclat qui lui est<br />

Iode Auctumous adît t graditiir simul Efius E?an :<br />

Indt alte Tempestales, Venleique sequuntur ;<br />

Allitonans Volturaus, et Âuster fulmine pollens.<br />

Tandem Brama ni?eis alfert f pigromque rigorem 74§<br />

Beddit; Hyems sequitur," crepitans ac dentibus Aigu.<br />

Qno minus est mirom f si certo tempore loua<br />

Gignitor, et certo deletur tempore rorsus ;<br />

Quom fieri posrfnt tam certo tempore mulfa.<br />

• Solis item quoque defectus, lunœque latebras, 750<br />

Plurîbus e catisis fieri tibi posse putan<strong>du</strong>m est.<br />

Namf quur luna queat terrain secludere, poscis»<br />

Lumine, el a terris altum caput obstruera et »<br />

Ûbjidens caecum radiis ardentibus orbem ; -<br />

Tempore eodem aliud facere id non pusse pntetnr 755<br />

Corpus, quod cassum labatur lumine semper?<br />

Solque siios etlam dlmittere langui<strong>du</strong>s igneis<br />

Teropore quur eerlo nequeat, recreireque lumen f<br />

Quom loca prœleriit, flammeisinfesta, per aurasy<br />

Quac faciunt igneis ioterstlngui ttqne prîre? 7i0<br />

Ety quur terra queat lunam spoltare ?icissîm<br />

Lumine» et oppressons solem saper ipsa tenere,<br />

Menstroa <strong>du</strong>m rîgldas cosi perlabitur umbras;<br />

Tempère todem aliud nequeat succurrere fuuae<br />

Corpus, tel supra sois perlabier orbem f<br />

tjticxi radios interrpmpatlumenqoe profîisum?<br />

Ht fameo , ipsa sw% si fulget luna nitore y<br />

7ê5<br />

propre, l'empécheras-ta devoir ses propres langueurs<br />

dans certaines parties <strong>du</strong> monde, quand<br />

elle traverse les régions ennemies de sa propre<br />

clarté?<br />

J'ai maintenant expliqué par quelles lois tout<br />

s'accomplit dans le vaste azur <strong>du</strong> vaste monde :<br />

nous avons pu reconnaître quelle force, quelle<br />

loi pro<strong>du</strong>it les évolutions variées <strong>du</strong> soleil et les<br />

phases de la lune ; comment leurs feux, voilés tout<br />

à coup, expirent, et plongent la terre dans une<br />

nuit inatten<strong>du</strong>e; comment ils semblent fermer et<br />

ouvrir de nouveau leur oeil resplendissant, qui<br />

enveloppe le monde de sa blanche lumière. Je<br />

reviens donc à l'enfance <strong>du</strong> monde, à la tendre<br />

jeunesse de nos campagnes et j'examine m que<br />

leur fécondité naissante osa mettre d v abord au<br />

berceau <strong>du</strong> jour, et confier au souffle incertain<br />

des vents*<br />

La première espèce créée fut l'herbe et son<br />

verdoyant éclat dont la terre revêtit les collines;<br />

et dans toute la campagne, les prairies étincelèrent<br />

de ces vertes couleurs; et les différents<br />

arbres, une fois la bride lâchée, luttèrent de<br />

vigueur à pousser, et à se répandre dans les airs 1<br />

Gomme la plume, le <strong>du</strong>vet et le poil naissent<br />

d'abord sur les membres des quadrupèdes ou sur<br />

les corps à l'aile rapide, de même le sol encore<br />

vierge fit jaillir des herbes et des broussailles.<br />

Puis, il enfanta les êtres par milliers de mille<br />

genres, et sous mille combinaisons ; car il est<br />

impossible que les animaux de la terre soient<br />

tombés <strong>du</strong> ciel, ou sortis des gouffres salés.<br />

Quur nequeat certamundi languescere parte,<br />

Dum loca liiminibusproprieis intime* per eut?<br />

Quod superestf quoniam * magni per caeruto mundi 77û<br />

Qtia ieri quidquid posset ratione, resel? i ;<br />

Salis «Il varios cursus lunœque meatus<br />

Noseere possemns , que lis et causa cieret ;<br />

Quo?e modo soleant offecto lumine obîre,<br />

Et nec opinanteis tenebris ob<strong>du</strong>cere terras ; 775<br />

Quom quasi eenaifenl, et tperto lumine rursum<br />

Omnia eoovlsunt clara loca etndida îuce :<br />

Hune redeo ad mundi novitafeon et mollit terne<br />

Ar?a;no?o fétu qoid primum in luminis oris<br />

Tollere» et incerteis cre<strong>du</strong>nt commîttere Tenteis. 7So<br />

Princîpio, genus berbarum wiridenique nitorem<br />

Terra dédit circum colleis; camposque per Bmmh<br />

Florida fuberunt viridanti prata colore :<br />

Arboribusque datum est Tarieis eiinde per auras<br />

Crescundi magnum immissk certamen habenis. 7i5<br />

Ut pluma atque pilei primum setoque cretattir<br />

Quadrupe<strong>du</strong>m membrls et corpore pennipotentum';<br />

Sic nova tusn talus herbas viigultaque primum<br />

Sustulit : inde loci mortalia corda créa?it<br />

Multa modis multis, varia ratione coorta. 79*1<br />

Ifam neque de eœlo cecidisse animait possunt 9<br />

Hec terrestrta de saisis eiisse lacunis.<br />

Linquilur, ut merito materaum ooaten adtpfa


Aussi la terre mérite-t-elle bien le nom de mère<br />

commune, puisque tous les êtres sont nés de<br />

ta terre.<br />

AujourdTml encore, de la terre jaillissent une<br />

foule d'animaux, engendrés par ïm pluies et la<br />

chaude vapeur <strong>du</strong> soleil. Est-il donc étonnant<br />

que ses créations fussent plus abondantes, plus<br />

fastes, alors que l'air et le sol, encore jeunes f<br />

excitaient leur développement?<br />

Dans l'origine, la race ailée et les oiseaux de<br />

millecouleursquittaient l'œuf, éclos sous f haleine<br />

<strong>du</strong> printemps ; comme de nos jours, aux feux de<br />

l'été, les cigales dépouillent elles-mêmes leurs<br />

frêles tuniques de peau, ain de chercher la nourriture<br />

et la vie.<br />

Ce fut alors que la terre vomit ses premières<br />

générations humaines. La chaleur et l'humidité<br />

abondaient au sein des campagnes. Aussi, quand<br />

elles rencontraient un endroit propice, formaientelles<br />

des embryons d'abord enracinés auxlancs<br />

de la terre.'Et sitôt que les germes, à ce point de<br />

maturité , âge de la naissance pour les enfants,<br />

rompaient leur enveloppe, fuyant ces demeures<br />

humides, et altérés d 9 air, la Mature dirigeait<br />

vers eux les pores <strong>du</strong> sol, et le forçait à répandre<br />

de ses veines ouvertes un suc pareil au lait :<br />

ainsi, maintenant les femmes qui enfantent se<br />

gonflent de cette douce liqueur, parce que le<br />

torrent des sucs alimentaires joule vers les mamelles.<br />

Les enfants trouvaient leur nourriture dans<br />

la terre, leur vêtement dans la chaleur, leur<br />

couche dans répais et tendre <strong>du</strong>vet <strong>du</strong> gazon.<br />

Le monde, dans sa jeunesse, ne déchaînait<br />

encore ni les froids rigoureux, ni les ardeurs ex-<br />

Terra sit, a terni quoniam suât cincta creata.<br />

Multaque noue etiam eisistuit animalia terris,<br />

Imbribus et calido soifs concret! vapore.<br />

Quo minus est miram 9 si ta m siml plura eoorta<br />

Et majora, nova tellure atque ©thers, adiilta.<br />

Princîpfo» genos alituum varfequevolueres,<br />

O?a relînqnebant, exclus» tempore venio :<br />

PoUkulos ut nunc tereteis œstate cieadae<br />

Luiquunt sprinte sua » f icliira t vitamque pétantes.<br />

Tum tibi terra dédit primum mortalia secla ;<br />

Multos enfin ealor atque htimor superabpt In artis.<br />

Hoc, ubi qineque locî repo opportuna dabatur,<br />

Crescebant uteri terra radicibus aptei :<br />

Qoos obi tempore mattiro patefecerat mtm<br />

Infaotum, fiigleas humorem, aurasque pâtissais,<br />

Convortebat ibi ftatura foramina terra 9<br />

Et sucum venis cogebal fundere apertis,<br />

ConsimHefii iactls; sic ut nunc femina quœque»<br />

Qnom peperitf <strong>du</strong>lci repletur lacté t quod omis<br />

Impetus in mammas convortitur lie aliment!.<br />

Terra dbam paereis» vestem vapor, berba cubile<br />

Prebebat f multa et molli laougine abondais.<br />

Ai novitas moiidi nec frigora dora débat t<br />

Mae nimios sstus 9 nec magniê ?iribus auras :<br />

OE LA NATDIE BIS CHOSES, LW. f. tos<br />

795<br />

§00<br />

nos<br />

810<br />

81i<br />

œssïves, ni le souffle puissant des airs : tous ces<br />

féaux eurent aussi leur naissance! leurs accroissements.<br />

Je ie répète donc, elle porte justement ce nom<br />

de mère si bien gagné, la terre qui a enfanté la<br />

race des hommes 9 et qui , dans un espace presque<br />

Ixé, a répan<strong>du</strong> de son sein tous les animaux<br />

qui bondissent çàet là sur les hautes <strong>mont</strong>agnes,<br />

et les mille oiseaux de Fair aui mille formes diverses.<br />

Mais comme les enfantements doivent<br />

avoir un terme f elle s f arrête, semblable à une<br />

femme épuisée par l'âge. Oui ; car f âge bouleverse<br />

toute l'essence <strong>du</strong> monde, et il faut que<br />

toutes choses passent d f unétatà un autre. Rien<br />

ne demeure constant à soi-même : tout iotte,<br />

tout change sous les révolutions que la Nature<br />

lui impose. L'un s'en va en poussière, et succombe<br />

aui langueurs des ans; l'autre s'accroît,<br />

et sort <strong>du</strong> rang des choses viles. Ainsi, je le répète<br />

» fige bouleverse la face entière <strong>du</strong> monde;<br />

il faut que tout passe d'un état à un autre, et<br />

perde l'énergie qu'il a, pour acquérir une force<br />

qui lui manque.<br />

Bans ses laborieux efforts, la terre pro<strong>du</strong>isait<br />

aussi une foule de monstres, formes étrangesf<br />

assemblages de membres bizarres : comme Tan*<br />

drogyne, qui tient de l'un et l'autre sexe, écarté<br />

de l'un et l'autre. Des êtres manquant de pieds f<br />

dépourvus de mains ; des êtres sans parole ni<br />

bouche, des aveugles sans visage, se rencontrèrent<br />

; et des corps unis tout entiers par un enchaînement<br />

des membres, et qui ne pouvaient<br />

rien faire, ni aller nulle part, ni éviter le mal,<br />

ni prendre ce que leurs besoins voulaient<br />

Omnia enlm pariter eracunt, et robora snmtitti *<br />

Quart etiam atque etiam materaum notnen adepta<br />

Terra teiet merito 9 quoniam genus ipsa creavit 820<br />

H umanum , atque aoitmans prope certo tempore fudit<br />

Omne9 quod in magnls bacebatur monllbu* passif» :<br />

âeriasque simul folucres variantibu* formis.<br />

Sed f quia inein aiiquam pa<strong>du</strong>ndi debel baberef<br />

Destitit» ut millier, spatio defessa vetusto. 82â<br />

Mutât enlm mundi naturam toiles «tas 9 *<br />

El alloque alius status eicipere omnia débet ,<br />

Nec manet ulla sui similis res; omnia migrant,<br />

Omnia commutât Ifatura et vortere cogit.<br />

Namque aliud putrescit et aeto débile langue! ; H30<br />

Porro aliud Goncre&dt,eteconteinttbaseiiL<br />

Sic igitur Brandi naturam totius œtas<br />

Mutât, et ei aiio terram status eicipit alter :<br />

Quod potoit, nequeat; posiit, quod non tulit ante.<br />

Multaque tum tellus etiam portenta creare 83à<br />

Conata est9 mira fade membrisque coorta :<br />

ABdrog|û€ffiïit€riil«stB€CiilraîiiqiJ€,iilriiiîi|oereiS0tii!ii,<br />

Orba pe<strong>du</strong>m partira, manuum vi<strong>du</strong>ata ficisslm;<br />

Muta sine ore etiam, sine voltu emm reperta ;<br />

Tinctaqne membroram per totem corpus adbiesn 9 84 §<br />

Hee facere ut posseiit quidquam f nec cedert quoquani,


106 L1CEÉCE.<br />

fous les monstres et les phénomènes de ce<br />

genre f la terre les créa; mais en vain : la Nature<br />

coupa court à leurs accroissements, et les<br />

empêcha d'atteindre à la leur si désirée de Tige,<br />

de trouver leur nourriture, ou de se joindre par<br />

les douces choses de Ténus. Car, nous le voyons f<br />

il faut que mille détails concourent à permettre<br />

la repro<strong>du</strong>ction et la <strong>du</strong>rée des races : il faut<br />

d'abord qu'elles aient une pâture ; ensuite il faut<br />

qu'une semence fertile, répan<strong>du</strong>e dans les nerfs,<br />

puisse jaillir des membres qui se fondent; et que<br />

la femelle en<strong>du</strong>re les approches <strong>du</strong> mâle, et que<br />

l'harmonie des organes forme le noeud des jouissances<br />

communes.<br />

Aussi des espèces nombreuses ont-elles dû<br />

succomber alors, incapables de se propager et<br />

de faire souche. Celles que tu vois jouir encore <strong>du</strong><br />

souffle vivifiant des airs, la ruse, la forcef la<br />

vitessef les protègent et les conservent depuis la<br />

naissance des âges ; il y en a même beaucoup<br />

qui, par leur utilité, se recommandent à la vie<br />

éternelle, et se confient à notre garde.<br />

Dès l'origine, la race fougueuse des lions, espèce<br />

cruelle, fut défen<strong>du</strong>e par le courage; le renard<br />

par la ruse, le cerf par la fuite. Mais les<br />

chiens au sommeil léger, au cceur fidèle, et toute<br />

la génération des bêtes de somme, et les troupeaux<br />

chargés de laine, et la famille des boeufs,<br />

tous ces êtres, Memmius, s'abandonnèrent à la<br />

protection de l'homme* Car, a?ides de fuir les<br />

bêtes sauvages , ils vinrent y chercher la paix et<br />

une nourriture abondante, acquise sans trouble :<br />

Nec vitare malum, nec saimere quod volet usus.<br />

Cetera de génère hoc monstrm ac portenla creabat ;<br />

Neqnidquam; quoniani Matura absterruit auctum;<br />

lec potiiere eupitum œtatis langera florem 9<br />

845<br />

Nec reperire cibum, nec jwugi per Veneris re§.<br />

Molli, videmus, enim rébus concurreredebent,<br />

Ut propagande possint pro<strong>du</strong>cere secla : ,<br />

Pabula primum ul sint; geniiatia deùide per artus<br />

Semiia t quae possint membrb manare remïssis; 850<br />

Feminaque ut maribus coujiingl posait , tiabere<br />

Mutua9 qui nectaot inter se gaudia uierque.<br />

Multaque tum iateriisse animanlom secla necesse est9<br />

Nec potnisse propagande procudere proiem.<br />

Nam 9 quaeqtiomque vides vesci vilalibus auris , 855<br />

Ait dolus, aut virtos, aut denique moMMtas est<br />

Ei inculte mm garas Id lutata, réservant :<br />

Multaque suit 9 nobii ei utiUtate sua quae<br />

Commendata minent 9 tutelle tradita nostrse.<br />

Prlncîpio» genus acre teoniim-aflevaque secla 860<br />

Tutata est f irtiis, volpeis dolus ; ut fuga cervos.<br />

ât levisomna canum fido ctim peetore corda f<br />

Et genus omne, quod est ?elerino semine partum f<br />

Lanlgerawpe slmai pecudes9 et bucera secla ,<br />

Omnia sunt hominum tatete tradita y Memnii I 8§5<br />

Para cupide fugere feras» pacemque stquutœ<br />

Sun! et faurp si© «ne pabula parti labore :<br />

bienfaits dont nous payons leurs services. Ceux<br />

que la Nature privait de toute ressource, sais<br />

aucune force pour la vie indépendante, ni aucun<br />

don utile qui engageât les hommes à veiller sur<br />

le repos et la subsistance de leur espèce ; ceuxlà<br />

étaient la proie, le gain des autres, languissant<br />

abattus et enchaînés par un destin misérable<br />

, qui aboutissait à la mort où la Nature plongeait<br />

toute la race.<br />

Quant aux Centaures, ils ne vécurent Jamais,<br />

et ne peuvent jamais Tivre. Il est imposable<br />

que cette double nature, ce double corps, et cet<br />

. assemblage de membres hétérogènes qui combinent<br />

leur double puissance, demeurent en<br />

équilibre. Yoici de quoi convaincre les plus<br />

épaisses intelligences.<br />

Trois ans à peine révolus, le cheval impétueux<br />

est dans toute sa fleur ; mais non pas l'enfant<br />

: à cet âge, que de fois il cherche encore dans<br />

ses rêves les mamelles gonflées de lait ! Puis, sitôt<br />

que le cheval, au bout de ses forces, au déclin de<br />

ses années, voit défaillir ses membres languissants<br />

que la vie abandonne, alors seulement l'enfance<br />

fleurit aux approches de sa jeunesse, et in<br />

tendre <strong>du</strong>vet ombrage ses joues. Ne va donc pas<br />

croire qu'un homme mêlé à lasemencedi cheval<br />

robuste puisse engendrer un Centaure capable<br />

de vivre, ou des Scylles au corps à demi marin 9<br />

entourés de chiens furieux , ut tous les monstres<br />

pareils, dont les membres offrent une discorde si<br />

éclatante. Car ils ne gagnent ensemble ni la<br />

fleur des ans, ni la cime des forces, ni le terme<br />

Quae damus utilitatis eorom praemia causa.<br />

M, quels ml horum tribult Ratura , neque ipsa<br />

Sponte sua possent ut f itère, nec dire noliis 870<br />

Utilitatem aliquam, quare paieremur eorum<br />

Pr*sidio nostro paset genus , esseque tutum ;<br />

Scilicet h« alieis prœdae lucroque jacebant<br />

In<strong>du</strong>pedita suis fatalibus omnia vinclis,<br />

Doriec ad interitum genus id Matera redegit. 875<br />

Sed neque Centaorei fuerunt, nec tempore in «Ho<br />

Esse queunt; <strong>du</strong>plici natura et corpore bino<br />

Ex aiienigenis membris compacta potestas 9<br />

Hïnc illinc par vis ut non sic esse polissit :<br />

Id iicei filnc quamvis hebeti coposcere corde. êêê<br />

Prioeipio, circum tribus actis impiger annis<br />

Floret equus; puer liaud quaquam; quin siepe eUaio nunc<br />

Ubera mammaram in soumis laclantia quaeret.<br />

Post t ubi equum validai vires 9 setate senecta 9<br />

Membraque delciuot fugienti languida vita; 88*<br />

Tum demain, puerili œ?o florente, juvenlas<br />

Oflcit, et molli vestit lanugine malas :<br />

Me forte ei homine 9 et veterino semine «quorum 9<br />

Oonûeri credas Centauros posse, neque else :<br />

âut rablclis canibus sticcinetas, semimarinis 8%<br />

Corporibus Scjllas; et cetera de génère horutn,<br />

Inter se quorum dtscordla membra ?idemus :<br />

Quae neque (lorescunt panier, nec robora suniutil


DE LA NàtUEE DES CHOSES, L1V. V. 10?<br />

sont-ils incapables de naître enchaînés : loin de<br />

là, tous se développent à leur manière ; tous conservent<br />

les traits distincts, empreints <strong>du</strong> sceau<br />

ineffaçable de la Nature.<br />

La race humaine, alors éparse dans les campagnes<br />

, était beaucoup plus <strong>du</strong>re, comme elle<br />

devait l'être, enfantée par les <strong>du</strong>res entrailles de<br />

la terre. La charpente des os était plus vaste,<br />

plus solide; des nerfs plus robustes attachaient<br />

les muscles : l'homme n'était sensible ni aux<br />

surprises <strong>du</strong> froid ou de la chaleur, ni à la nouveauté<br />

des aliments, ni à aucun fléau <strong>du</strong> corps.<br />

Durant mille révolutions <strong>du</strong> soleil autour des<br />

deux, il traînait partout sa vie à la manière des<br />

bêtes errantes. 11 n'y avait pint encore de bras<br />

vigoureux qui maniât le soc recourbé, pint<br />

d'homme qui sût travailler le sol avec le fer,<br />

enfouir dans la terre de jeunes arbrisseaux, ou<br />

élaguer sous la faucille ie feuillage vieilli des<br />

grands arbres. Ce que leur donnait le soleil ou<br />

la pluie, ce que la terre répandait elle-même f<br />

suffisait, humble don, pur apaiser le cri de<br />

leur estomac. Le plus souvent, ils entretenaient<br />

leur corps sous les chênes aux glands fertiles,<br />

ces arbousiers que tu vois, <strong>du</strong>rant nos hivers,<br />

mûrir avec une teinte de pourpre, la terre les<br />

engendrait alors innombrables, et plus grands<br />

que les nôtres : enfin, dans sa fleur de jeunesse,<br />

le monde pro<strong>du</strong>isit encore mille choses, nourriture<br />

grossière, mais abondante pur les tristes<br />

humains.<br />

Les fleuves et les sources les invitaient à étancher<br />

leur soif; comme, aujourd'hui, les torrents<br />

do la vieillesse; la même Ténus ne les embrase<br />

ps : leurs habitudes diffèrent f et des mets semblables<br />

ne flattent point leurs organes f puisque<br />

les troupeaux à longue barbe s'engraissent de la<br />

ciguë, où l'homme ne trouve qu'un poison énergique.<br />

Et puisque, de tout temps, les flammes brilent<br />

et consument le corps fapve des lions, aussi bien<br />

que tontes les espèces formées ici-bas de sang et<br />

ie viscères, comment aurait-il pu y avoir un<br />

être9 triple corps à lui seul, lion par en haut,<br />

dragon par en bas, et au milieu ce que nous appe*<br />

Ions chimère, dont la gueule vomît <strong>du</strong> fond des<br />

entrailles une flamme dévorante ?<br />

Ainsi quiconque, ne s'appuyant que sur ce<br />

vain mot de nouveauté, avance que la jeunesse<br />

de la terre et la fraîche origine <strong>du</strong> ciel ouvraient<br />

les portes de la vie à de semblables animaux, est<br />

libre, par le même système, de nous conter mille<br />

fables. Qu'il affirme qu'en ce temps-là des fleuves<br />

d f or baignaient partout les campagnes, que<br />

tous les arbres pour fleurs avaient des pries ;<br />

ou bien que l'homme naissait avec un tel essor<br />

dans les membres qu'il puvait franchir la vaste<br />

mer de ses vastes enjambements, et de ses mains<br />

faire tourbillonner autour de sa tête le globe entier<br />

des cieuil Non, l'abondance des germes conte<br />

nus dans le sol, au moment où la terre lit jaillir,<br />

les premiers animaux, n'est pas un signe qu'il ait<br />

pu se pro<strong>du</strong>ire des êtres, mélangés, assemblages<br />

de membres divers. Car aujourd'hui même que les<br />

herbes de toute sorte, les fruits, les arbres pussent<br />

si abondamment de la terre féconde, encore t<br />

Corpribas 9 aecpe prficiunt «taie senecta ;<br />

Nec simili Venere ardeseuot f nec moribus unis 895<br />

Conveniunt; neqoe sunt etdem jocuada per arliis :<br />

Qoîppe wliem Mcat pinguescerc saepe cicuta<br />

Barbîgeras pcudes, homini quœ est aère venenum.<br />

Fkmma quidem vero quom corpra fulva leonnra<br />

Tarn soieat lorrere atque urere » quam genus omne 900<br />

Visceris in terris quodquomqsie et sanguinis eistet :<br />

Qui fieri ptiiit, triplici mm corpre et uea»<br />

Prima leo, postrema draco f média ipsa cliiaiaera f<br />

Qm foras acrera tiare! de corpre Hammam ?<br />

Qoare , etiam tellure nova cœloque recenti, 905<br />

Talîa qui iogil pttùsse animait gigni9<br />

fixas in hoc on® Dôfilalis Domine iuaoi ;<br />

Mnlla licet , simili ratione 9 effutiat ère.<br />

âurm tnm dicat pr terras flumina volgo<br />

Flmisse» et gemmis florcre arbusta suesse : iio<br />

lut kominein iaato membroruiii esse impete nalum f<br />

Trias maria alla p<strong>du</strong>m ntxus ut pandere posset,<br />

Et raaiiîbus totum clrcimi se vortere cœJnm.<br />

lam9 quoi multa fuere in terris semioa reram9<br />

Tempore quo primum tellus anlmalia fudit ; 915<br />

Mil lames est signl , miilas potuisse creari<br />

Ipler se peeudes, compactaque membra animantum :<br />

Propterea quia 9 quie de terris nanc quoque abondant!<br />

Herbarum gênera ae frages arbustaque laeta 9<br />

Non tamen infer se possunt compléta creari :<br />

Sed 9 si quœque saa ri lu procedit 9 et orones ?<br />

Fœdere naturœ eerto, discrimina servant.<br />

Et geotis humanum muito fuit illud in arris<br />

Burinst ni decuit» tellus quod dtiracréasse!;<br />

Et majoribus et solidis roagîs ossibus intus<br />

Fundattira ; validis aptum per viscera ner?is :<br />

Née facile ex œstu, nec frigore quod eapretur ;<br />

Nec noYitate cibî f née labi corpris ulla.<br />

Mnltaque pr cœlum solis ?olventia lustra<br />

920<br />

§25<br />

Volgiv ago vitam tractabaot more ferarlm. 930<br />

Nec robustus erat curvi moderator aratri<br />

Quiftquam 9 nec scibat ferro molirier aria,'<br />

Nec no?a defodere in terram vlrgulta, nequi altis<br />

Arboribus veteres decidere falrîbu' ramos.<br />

Quod ml atque inibres darleraaî, quoi terra crearat 935<br />

Sponte sua f salis id placabat pectora donum.<br />

Glandiferas inter curabant corpra quercus<br />

Pleruraque ; et, quœ nunc hiberao tempre cerni*<br />

Ârbala puniceo fîeri matura colore f<br />

Plurima tum tellus » etiam majora » ferebat : MO<br />

Multaque prœterea novitas tum ilorida mundi<br />

Fabula dira tulit 9 miseras mortalibus ampla.<br />

ât sedare sitini luviei fontesqle ?ocabant ;


108<br />

qui roulent des hautes <strong>mont</strong>agnes 'appitent au<br />

loin f de leur voix éclatante f les bêtes altérées.<br />

Et pulsf ils trouvaient dans leurs courses et<br />

in vahissaient les asiles champêtres des nymphes :<br />

là, elles déchaînaient leurs eaui jaillissantes,<br />

longs épnchements qui lavaient les rocs, les rocs<br />

humides, ruisselants de la tooisse verdoyante,<br />

ou qui d'un vif et bouillonnant essor allaient gagner<br />

la plaine.<br />

Ils ne savaient pas encore dompter les choses<br />

avec le feu, ni employer des peaux, et vêtir leur<br />

corps de la dépouille des bêtes : ils habitaient les<br />

bols, le creux des <strong>mont</strong>agnes, les grandes forêts;<br />

et ils cachaient dans les broussailles leurs membres<br />

incultes, obligés de fuir les coups <strong>du</strong> vent<br />

ou la pluie.<br />

Incapables de songer au bien commun, ils<br />

ignoraient entre eux l'usage des lois et des mœurs<br />

réglées. La proie que le hasard offrait à chacun,<br />

chacun s v en emparait, instruit par la Nature à<br />

se conserver et à vivre pour lui-même.<br />

Ténus, unissait dans ies bois les corps des<br />

amants ; car toute femme cédait soit à un penchant<br />

mutuelf soit au brutal emportement et à la<br />

passion furieuse de l'homme, soit à Tappas de<br />

ses dons : quelques glands, des arbouses, des<br />

poires choisies.<br />

Se fiant à la vigueur extraordinaire de leurs<br />

mains et de leurs pieds, ils poursuivaient les animaux<br />

féroces des bois; ils venaient à bout de la<br />

plupart, et ne se cachaient que pour en éviter un<br />

petit nombre. Pareils aux sangliers couverts de<br />

soies, quand la nuit les surprenait t ils étendaient<br />

LUC1ÈCE.<br />

Ut Dune <strong>mont</strong>ïbus a raagnîa decursus aquai<br />

daru* citât late dlieotia secla ferarnni.<br />

Denique, nota vageis, sylvestria templa tenebant<br />

Njmpbarum > quibus eicibaat taumori luenta<br />

Lubrica, proluvie larga lavere Itumida saxi ,<br />

Humlda saia super ?iridi stillantia muse© ;<br />

945<br />

Et partim piano scatere atqoeerampere camp.<br />

Nec<strong>du</strong>m res igni scibanttraetare, neque ttti<br />

Pellibns 9 et spoliis corpus veslire feraram ;<br />

950<br />

Sed nemora atque eavos <strong>mont</strong>as sfltasque colebaiit;<br />

Et frulices inter condebant squalida membra,<br />

Verbera ventorum vitare imbreisque coactel. 955<br />

Mec commune bonom poterant spectare, neque ullis<br />

Moribus inter se scibant nec kglbns uti.<br />

Qnod quoique obluleral praedœ forttina 9 ferebat ;<br />

Sponle sua sibi quisque valere el vlvere doetns.<br />

Et Venus in sjlvis jtmgebat corpora aroanlum :<br />

Cunciliabat enim vel mutua quamque eupido,<br />

Vel violenta f iri vis atqne impensa libido;<br />

Tel pretium y glandes atque arbata , vel pira lecta.<br />

Et mannum mira frétai virtute pedomque9<br />

960<br />

€onsectabantur sjrlvestria secla feraram 96S<br />

llissUibus saxis, et magno pondère clmm ;<br />

Multaque vincefaant, vitaba&t poca latebris :<br />

Sellgerêisque parts soibosfjlvestria tnembra<br />

leurs membres tout nus sur la terre, en s 9 invtloppant<br />

de rameaux et de feuilles.<br />

Et ils n f erraient point avec de grandes lamentations<br />

dans les campagnes, épouvantés et cherchant<br />

le jour et le soleil au milieu des ombres;<br />

mais silencieux, et ensevelis dans le sommeilf ils<br />

attendaient que le lambeau de l'aurore vint dorer<br />

le ciel de sa rose lumière. Car, accoutumés dès<br />

l'enfance à voir naître alternativement le jour et<br />

les ténèbres, ils n'avaient pas lieu de s'étonner<br />

qu'ils pussent le fairet ou de craindre qu'une nuit<br />

éternelle s'emparât <strong>du</strong> monde, lui étant à jamais<br />

la lumière<strong>du</strong> soleil. Ils étaient bien autrement inquiétés<br />

par les bêtes sauvages, qui rendaient souvent<br />

le repos fatal à ces tristes humains : chassés<br />

de leur demeure 9 ils se réfugiaient sous un<br />

abri de pierre, à rapproche d'un sanglier écornant<br />

ou d'un lion fougueux; et, pleins d'alarmes,<br />

au milieu de la nuit, ils cédaient à ces terribles<br />

hôtes leur couche de feuillage.<br />

Pourtant, alors, le troupeau des hommes ne quittait<br />

goèreen plusgrandnombrequedenos joursf an<br />

milieu des pleurs, la douce lumière de la vie. Sans<br />

doute chacun, plus exposé aux surprises des bêtes<br />

féroces, leur offrait une vivante pâture, consumé<br />

par leur dent, et remplissait les bois, |$s <strong>mont</strong>agnes,<br />

les forêts de lamentations, en voyant ses en*<br />

trailleseosevilies toutes vives dans une tombe vivante.<br />

Sans doute ceux que dérobait la fuite, le<br />

corps à demi rongé, et couvrant leurs plaies affreuses<br />

de leurs mains tremblantes, applaient<br />

la mort avec des cris épouvantables, et perk<br />

daient enfin la vie dans d'horribles convulsions,<br />

Miidabant terr», nœtuno tempore captei 9<br />

Circum se foliis ac frondibm involuentes.<br />

Nec plangore diem magno mhmqm par agros<br />

Quttrebant pvldei, plantes noctis in umbris;<br />

Sed tacitei respectabant somnoque sepultei,<br />

Dura rosea face sol inferret lumina cuelo.<br />

970<br />

A parvis qnod enim consuerant cernere semper,<br />

Alterno tenebras et lucetn tenipore gigni 9<br />

Non erat9 al ierl posset9 mlrarierunqaam,<br />

Nec dïfîdere, ne terras Kterna teneret<br />

Nox , in perpetoum detracto lumine sois :<br />

975<br />

Sed magis illud erat enrœ y quod secla ferarnm<br />

Infestam miserais ikelebant saepe quietem ;<br />

Ejecteique doino 9 fugiebant saiea tocta<br />

Spumigeri suis adventn validiqueleonis;<br />

Atque intempesta cedebant nocte pventes<br />

Mo<br />

Hospitibus sœveis instrata cubilia fronde. §m<br />

Nec nlmio tum plus9 quam unie, raortala secla<br />

Dtilcia iinquebant lamentis lumina vit».<br />

Unus enim tum qulsque magls deprensus eorum<br />

Fabula v iva ferais praebebat f dentibus baustus :<br />

Et nemora ac <strong>mont</strong>eis gemitu sfl?asque teplebat f<br />

Viva videns vivo sepliri viscera bisto :<br />

ât quos efTogium servant 9 corpore adeso9<br />

Poêterius tremilis super ukert tetrt tenentes<br />

990


DE LA NATURE DES CHOSES, LIV. V. ion<br />

faute de secours, faute de connaîtra ce que demandaient<br />

leurs blessures.<br />

Mais un seul jour ne livrait point à la destruction<br />

desmiliiersd 9 femmes par les cris et le geste; des bégaiements<br />

confus «primèrent qu'il était juste d'avoir pitié<br />

hommes rassemblés sousles éten­<br />

des faibles. Sans doute la concorde ne pouvait<br />

encore régner partout; mais la plupart, cœurs<br />

dards; mais les tempêtes des mers ne brisaient pas honnêtes, demeuraient idèles à ses lois : autre­<br />

«mire lesécueils les navires et leur équipage. Dément , l'espèce humaine eût déjà péri tout enchaînées<br />

par mille fureurs aveugles 9 stériles, imtière! incapable d<br />

poissantes, elles apaisaient innocemment leurs<br />

•aines menaces. Yainement aussi les ondes souriaient-elles<br />

sous le masque trompeur <strong>du</strong> cajme :<br />

leurs pièges ne sé<strong>du</strong>isaient aucun mortel, et la navigation,<br />

art fatal, dormait encore dans les ténèbres.<br />

Alors les membres succombaient aux langueurs<br />

de la disette ; aujourd'hui c'est l'abondance<br />

qui les plonp dans l'abîme. Jadis les hommes<br />

s'empoisonnaient eux-mêmes par ignorance;<br />

maintenant c'est un art d'empoisonner les antres.<br />

Puis, quand Ils eurent trouvé l'usage des<br />

cabanes, des peaux et <strong>du</strong> feu ; quand la femme,<br />

unie à l'homme, devint sa compagne ; que les<br />

chastes joies de la Yénus domestique leur furent<br />

connues, et qu'ils virent une famille née de leur<br />

sang, le genre humain commença dès lors à s'amollir.<br />

Le feu empêcha que les corps, déjà sensibles<br />

au froid, pussent l'en<strong>du</strong>rer aussi bien sous<br />

le toit immense des deux; l'amour diminua les<br />

forces; et les enfants, par leurs caresses, domptèrent<br />

aisément le coeur farouche des pères. Alors, *<br />

dans les habitations voisines, on se mit à lier amitié<br />

ensemble, et ne se faire ni injure ni violence :<br />

00 se recommanda les enfants et le sexe des<br />

f amener jusqu'à nous la série<br />

des générations.<br />

Bientôt ta Nature poussa les hommes à émettre<br />

des sons divers f et le besoin leur arracha des<br />

noms pour les choses : à pu près comme l'impuissance<br />

de sa langue ré<strong>du</strong>it l'enfant au geste y<br />

quand elle lui fait <strong>mont</strong>rer <strong>du</strong> doigt ce qui frapp<br />

ses yeux : car tout être sent bien qu'il peut user<br />

des forces de sa nature. Le jeune taureau 9 avant<br />

que des cornes ne viennent à lui poindre sur le<br />

front, attaque dans sa fureur et presse son en*<br />

nemi avec elles. Les petits des panthères f les<br />

lionceaux combattent déjà des ongles, des pattes<br />

et de la gueule, que les dents et les ongles sont à<br />

pine formés. Enfin, nous voyons toute la jeune<br />

race des oiseaux se couler à ses ailes, et leur demanderun<br />

appui encore tremblant aussi, croire<br />

que jadis un seul homme distribua les noms aux<br />

choses 9 et que ce fut pur les autres la source<br />

des mots, est une folie : pr quel hasard cet<br />

homme saurait-il désigner tous les corps de sa<br />

voix, émettre tous les sons de sa langue, tandis<br />

que les autres nous en ont paru incapables?<br />

Bailleurs, si les autres n'eussent pint échangé<br />

des proies, où donc en aurait-il puisé la con-<br />

Paloaas f borrîferîs secîbaat iroolbns Orcum :<br />

Denif 11e » mm vita pri?arant Termina sae?a » 99S<br />

Expertes opis , ignaros quid volnera vellent.<br />

Àt non multa vira» sub signis mlila <strong>du</strong>eta<br />

Uns dfes dabat exitio ; née turbida Ponti<br />

jEqoora tedebant navels ad sata, firosque :<br />

Bfec temere, incassum, frastra9 mare sœpe coortiim 1000<br />

Saevibat ; letiterqne minas ponebat inaneis.<br />

Nec poterat queinquam placidi pellacia Ponti<br />

SaMola pellicere in fraude» ridentibus aidis :<br />

Impmba natigiî ratio tum cœca jacebat.<br />

Tarn penona deinde dbi knguentia leto 1005<br />

Membre dabat ; contra mmc reram copia mersat.<br />

OUei imprudentes ipsel sibi s«pe ?enenam<br />

¥ergebant; noie dant allais solertius ipsei.<br />

Iode casas pngtquam ac peiîels ignemqie pararant,<br />

Et taulier, conjnncta viro » concessit in unum f 1010<br />

Castaqoe ptwate Venerîi eonnwbia lieta<br />

Cognita snnt f protemqiie ex se • idere creatam ; %<br />

Trnn genos httmanutti primum mollescere cœpiL<br />

Ignis enim coravit, ut alsia corpora frigug<br />

Non lia jam possent cœli sob famine ferre : 101$<br />

Et Taras imminiiit tirels; puereiqiie parentum<br />

HandiÉis facile iogeniom fregert superbum.<br />

Tune et amicitieiii cœperunt jungere habentes<br />

Finitiimei iater se , nec todere 9 nec fiolare ;<br />

Et pueras conmeiidarinit mnlklmqiie ae<strong>du</strong>n 1020<br />

Yocibus etgestu ; quom balbe signiicarent»<br />

Imbecîllorom esse sequommisererier ornât<br />

Mon tamen omnimodk poterat concorda gigni :<br />

Sed berna magnaque pars servabant fœdera castei;<br />

Aot garnis humanum jam tum foret omnepremtum, lOtt<br />

Nec ptuisset ad hoc pr<strong>du</strong>cere secte propago.<br />

AI f trios lingua sonitns Maturt subegil<br />

Mit tare, et utilitas eipressit nomina reniai :<br />

Non alia l#nge raûone atqie ipsa vldetor<br />

Pretrahere ad gestum pueros infant» liigtue ; I03i<br />

Quom facit , ut digito, quœ sint presentia, monstret :<br />

Sentit cuira vim quisque suam quod possit abuti.<br />

Cornua nata pries vitulo quam fronibus exstail,<br />

OlIIs iratas petit atque infeasas iaarguel :<br />

Al catulei paotherarani scymaeiqae leonum 103S<br />

Unguibtis ac pedibus jam lum morsique répugnant 9<br />

¥ix etiam quom supl dentés unguesque createi.<br />

Alitium porro geius aUs omne •idemus<br />

Mdere9 et a peimis tremulum petere au&iliatiim.<br />

Proiade 9 palare aliquem tum nomma distribuisse 1010 "<br />

lebos 9 et iode hommes didicisse icctbak prima,<br />

Desipre est : nam quur hic posset cuncta notare<br />

Yocibus 9 et ? arias sonitus emittere liiifi»,<br />

fempore eodem aliei facere id non quisse patentar ?<br />

Prieterea 9 si non aiei qnoque ?odbus usei f 04S<br />

Inter se fuerant 9 u&de insita notities est?<br />

UiHtas etiam 9 unde data est huic prima potettAsf


HO LUC1ÈCE.<br />

naissance? Le besoin même, le premier guide<br />

qui a di lui faire ¥oir et comprendre lïrbutde ses<br />

efforts, qui le lui a donné! Et puis, seul contre<br />

tous, avait-il la force de les soumettre! de les<br />

ré<strong>du</strong>ire, de leur apprendre malgré eux les noms<br />

des choses? Comment les instruire, comment<br />

engager ces intelligences sourdes au travail nécessaire?<br />

Eudes et impatients, les'hommes n'eussent<br />

jamais souffert qu'on leur fatiguât vainement<br />

l'oreille de sons inconnus.<br />

Est-il si merteilleux, après tout, que le genre<br />

humain, doué d'une voix et d'une langue si énergiques»<br />

marquât les objets de sons divers sous diverses<br />

impressions? Les troupeaux eux-mêmes,<br />

les troupeaux sans parole et les espèces sauvages<br />

ont bien coutume de pousser un cri différent et<br />

varié, quand la crainte, la douleur ou la joie les<br />

envahissent : le fait est clair, on peut aisément le<br />

reconnaître.<br />

Lorsque les molosses irrités grondent, et que<br />

le souple frémissement de leur vaste gueule met<br />

à nu leurs dents redoutables, leur rage ne découvre<br />

point ses armes menaçantes avec un son<br />

pareil à leurs aboiements, qui éclatent enfin et<br />

remplissent les airs. De même, quand ils se<br />

mettent à caresser leurs petits avec la langue,<br />

quand ils les agacent de leurs pattes, et que leur<br />

dent contenue les effleure comme pur les engloutir<br />

sous des morsures innocentes, le cri joyeux de<br />

leur tendresse ne ressemble ni à leurs plaintes<br />

quand ils hurlent dans la solitude, ni à leurs<br />

sanglots quand ils fuient, en rampant, les coups.<br />

Quid vellet facere, ut sciret, animoque riderai?<br />

Cogère item piureîs unos, rictosque doniare<br />

Non poterat, rerum ut perdiscere nomina relient ; 1050<br />

Mec ratione docere alla, suaderaque sordeis,<br />

Quid sit opus facto ; faciles neque ealro paterentur »<br />

Mec ratione ulla sibi ferrent ampliiis aureis<br />

Vocisinauditos sonitus obtundera frustra.<br />

Postremo, quid il liac mirabile tantopere est m t<br />

1055<br />

Si gémis tiumanum f cul rox , et lingua vigerel f<br />

Pro varto sensu ?arias res roce notaret ;<br />

Quom pecudes mut* » quoin denique secla feraram t<br />

Dissimileis soieaiit voces variasque ciere »<br />

Qaoni mêlas y aut dolor est ; et quom jam gaudia gliscunt ?<br />

Qiiippe etenim licet in rébus eognoseeré apertis. 1061<br />

Irritatacanum quom prima ai mapa Molossûm<br />

Mollia ricta fremynt, <strong>du</strong>ros nudantia denteis,<br />

Longe alio sonitu rabies districta minatur 9<br />

Et quom jam latrant, et rœibus omnia comptent. 1065<br />

At catulos blandequom lingua lambere tentant,<br />

âut ubî eos lactant pedibus morsuque petentes »<br />

Suspeosis teneros imitantur denUbus haustus,<br />

Longe alio pacte gannitu focis a<strong>du</strong>lant,<br />

Et quom desertei baubantur in aedibus » aut quom 1070<br />

Planâtes fugiuntf submisso eorpore , plagas.<br />

Denique non hinnitus item difTerre ridetur,<br />

On voit aussi que les hennissements <strong>du</strong> cheval<br />

diffèrent, alors que, dans la ieur de ses jeunes<br />

années, il bondit an milieu des cavales, frappé<br />

des aiguillons de l'Amour aux ailes rapides ; ou<br />

que ses larges naseaux frémissent au retentissement<br />

des armes ; ou que sans motif il hennit en<br />

agitant ses membres.<br />

Enfin, toute la race ailée et les oiseaux de<br />

mille couleurs, les vautours, les orfraies, les<br />

plongeons des mers qui cherchent leurs aliments<br />

et leur vie dans les Ilots salés, jettent à d'autres<br />

instants d'autres cris que ceux avec lesquels ils<br />

combattent pour leur nourriture, et se disputent<br />

une proie. La température même communique<br />

ses vicissitudes au chant rauque des antiques<br />

corneilles, et de ces bandes de corbeaux qui appellent<br />

, dit-on, les averses des nues, ou qui parfois<br />

implorent le souffle des vents.<br />

Or, si la différence des impressions force les<br />

animaux, quoique muets, à émettre différents<br />

cris, combien n'est-il point encore plus simple<br />

que les premiers hommes aient pu désigner par<br />

mille sons mille choses diverses?<br />

Ici, pour ne pas te faire tout bas une demande<br />

sans réponse, sache que, dans l'origine, la foudre<br />

vint apporter le feu aux mortels, et ouvrir<br />

la source des embrasements sur la terre. Car on<br />

voit bien des matières, ensemencées <strong>du</strong> feu céleste,<br />

vomir une flamme resplendissante, dès<br />

que le trait <strong>du</strong> ciel les allume* Néanmoins,<br />

quand la cime touffue des arbres, agitée par le<br />

vent, échauffe ses rameaux que heurtent les<br />

Inter equas ubi equus lorenti atate jurencus<br />

Pinnigeri sae?it calcaribus ictus âmorïs;<br />

Et freaiitam patuils sub naribusedit ad arma?<br />

Et quom sic alias concussis artubos bînnit.<br />

Postremo, genus alituum rartaque rolucres»<br />

Acclpltres atque mmîmgm mergeique maria»<br />

Fluctibus in salso vicia m ritamque patentes»<br />

Longe alias alio jaciunt in tempore iocesf<br />

Et quom de victu certant prœdaque répugnant.<br />

Et partira mutant cum tempestatibus mm<br />

Eaacisaaas caetas cornicum secla ?etusta<br />

Corforumque grèges; ubi aquam dicunturet imbreis<br />

1075<br />

I0KG<br />

Poscere, et inter<strong>du</strong>m tentos aurasque ¥ocare. ior><br />

Ergo9 si tariei sensus animalia cogunt9<br />

Muta laroen quom sint, varias emiltere ¥oces;<br />

Quanto morlaleis aiagis aequum est tam palaissa<br />

Dissimileis alia atque aiiaresfoce a a lare?<br />

lllud in lits rébus faailasae forte reqniras» 1090<br />

Fulmen detulit in terrain mortalibus ignem<br />

Primitus; inde omnis flammarum diditurardor :<br />

Multa videmus enim 9 cœlestibus insita Harnais»<br />

Fiilgere, quom cœli donarit plaga vapores.<br />

Et ramosatamen quom, fenUs puisa, vacUlans 109S<br />

usinât, in raaias incumbeni arboris arbor»<br />

Exprimitur, f aiidis citritus firibtis, igpis:


DE LA NATURE DES CHOSES, LIV. V.<br />

rameaux irnisins, la force <strong>du</strong> choe lui arrache<br />

des étincelles; souvent même, la flamme jaillit<br />

et bouillonne sous le frottement mutuel des<br />

branches. Voilà deux choses qui peu?eut avoir<br />

donné le feu aux hommes.<br />

Ensuite , le soleil leur apprit à cuire la nourriture<br />

f à l'amollir aux chaudes vapeurs de sa<br />

Ëamme; parce que, sous leurs yeux, mille<br />

fruits des campagnes s'adoucissaient, vaincus<br />

par les coups de son ardeur brûlante* Puis, de<br />

jour en jour, guidés par les intelligences supérieures<br />

et les têtes les plus fortes, ils modif aient<br />

leur subsistance et leur vie, à l'aide <strong>du</strong> feu et<br />

d'inventions nouvelles.<br />

Les rois commencèrent à bâtir des villes, à<br />

fonder des citadelles, boulevard et asile pour<br />

eux-mêmes. Ils divisèrent les troupeaux, les<br />

champs ; et ils tinrent compte, dans'ce partage,<br />

de la beauté, de la force et de l'intelligence. Car<br />

la beauté ûorissait alors, et la force pouvait<br />

beaucoup ; plus tard, la richesse fut imaginée,<br />

for découvert, et ils ôtèrent sans peine leur éclat<br />

à ceux qui étaient beaux et forts, puisque la vigueur<br />

et la beauté même s'attachent le plus souvent<br />

au parti <strong>du</strong> plus riche.<br />

Quand la saine raison gouverne les existences,<br />

•Ivre content de pu est un trésor inestimable :<br />

car à qui se borne , rien ne manque. Mais les<br />

hommes ont voulu être puissants et illustres,<br />

aln d'asseoir leur fortune sur une base impérissable,<br />

et de se ménager une vie tranquille au<br />

sein de l'opulence. Vain espoir I En luttant pour<br />

atteindre le faite des honneurs, Ils ont ren<strong>du</strong> la<br />

Emictt intérim!! iammai ferti<strong>du</strong>s ardor,<br />

Mutai dam ùitar se rtmei itirpesque terontur :<br />

Quorum utromque dédise potest mortalibus igaem. 1100<br />

laie dbum eoquere ac Ëammie mollira f apure<br />

Sol âocuit; quoniam mitescere multa videbant,<br />

Yerberibug radiormn tique aestu viete t per agros,<br />

loque àmê réagis lii f iclum vItamque priorem<br />

Commutare novîs moiistimbant rébus et igui 9<br />

i 105<br />

Ingenio quel prastabaat, et corde vigebant.<br />

ConderecœperanturbdSjarceinque locare<br />

Praesidium reges ipsei sibi perfuglumque;<br />

Et pecudes et agros difisere, atque dedere<br />

Pro fade qaojusque et tiribus ingenioque. 1110<br />

Nain faciès multom taluît, ¥iresqoe vigebant :<br />

Posterius res intenta est, auromque repertum,<br />

Quod facile et ¥alidë§f et pulcbreis demsit honorent.<br />

Dftitioris enini sectam plerumqne sequuntur<br />

Quamlobet et fortes et pulcbro eorpore cretei. 1115<br />

Quod si quis fera fitam ratloiie gubernatf<br />

Wf Itl» grandes horalnl sunt , ?ï?ère parce<br />

j£quo animo ; neqiie enira est traquant penuria parvL<br />

AI claros bomiiies foluerunt se atque potenteis ,<br />

Ut fundamento staMH fortuna maneret, 1120<br />

Et pkeiiem possent opuleotei degere fitam :<br />

Wcqiidqiain; quoniam, ad summum succédera honorent<br />

111<br />

voie périlleuse; et une fois à la cime, l'envie les<br />

frappe encore comme la foudre, et précipite leur<br />

grandeur humiliée dans le sombre Tartare. Aussi<br />

vaut-il mieux obéir en paix f f ue d'aspirer au<br />

gouvernement d'un empire et à la possession<br />

d'un trône. Laisse-les donc se fatiguer d'un effort<br />

inutile, et suer le sang à se débattre sur le<br />

chemin étroit de l'ambition » puisque l'envie f à<br />

l'exemple de la foudre» embrase les h<strong>auteurs</strong><br />

et tout ce qui dépasse le reste ; puisque ces hommes<br />

ne jugent que par la bouche des autres f et<br />

que leurs désirs naissent de faux récits plutôt que<br />

de leurs impressions mêmes ; éternelle folie de<br />

notre temps comme <strong>du</strong> temps à venir, comme <strong>du</strong><br />

temps écouté.<br />

Ainsi, quand on eut massacré les rois, on<br />

renversa dans la poussière l'ancienne majesté <strong>du</strong><br />

trône et l'orgueil <strong>du</strong> sceptre ; le brillant insigne<br />

des têtes les plus hautes roula ensanglanté tous<br />

les pieds de la foule, pleurant ses beaux honneurs<br />

détruits : tant on écrase avec joie l'objet<br />

d'une peur trop vivel<br />

Les affaires retournaient donc aux mains de<br />

la populace, de la dernière lie; chacun tirait à<br />

soi le pouvoir et le rang suprême. Bientôt quelques<br />

hommes instruisirent les autres à créer des<br />

magistratures, à étabMrledroit commun, à reconnaître<br />

des lois : car le genre humain, las d'une vie<br />

pratiquée sons l'empire de la force, et tout languissant<br />

de haines meurtrières, n ? aspiraît plus qu'à<br />

tomber dans l'étroite chaîne des lois et de la jus**<br />

tice.Oui, ces ardeurs de vengeance que la colère<br />

poussait au delà des bornes fixées maintenant<br />

Cédantes , fier infestum fecere fiai.<br />

Et laroen e siimrao t quasi fulmen , dejicit ictoa<br />

ifîfldk iDler<strong>du</strong>m contemtira in Tartan tetra : 1125<br />

Ut satius multo jam ait parère quietum y<br />

Quam regere imperio res telle, et régna tenere.<br />

ProInde sine, ineassum défasse! f sanguine sudent,<br />

ângustum per iter luctantes ambitionis :<br />

ïnvîtiiâ quoniam , ceu fulmine y summa tapèrent f f 3§<br />

Plerumqne» el qu» sunt allis magis édita quomque :<br />

Quandoquidem sapiunl alieno ei ore ; plunlque<br />

les ex auditis potius, quam sensibus Ipsis ;<br />

Mec magfs idnune est, neque erit moit quam fuit ante.<br />

Ergo , regibus oceîsis f sob?erse jacebat 1135<br />

Prislina majestas soliorum, et sceptra-superba;<br />

Et capitls summî praeelarum insigne cruentum<br />

Sub pedibus volgi magnum lugebat honorem ;<br />

Nara cupide conculeatur nimts ante raetutura.<br />

les itaque ad summam fmmm turbasque redibat ; 1140<br />

Iroperiura sibi quom ac suromatum quisque petebat.<br />

Inde magistratum partim docuerecreare;<br />

Juraque constituera y ut veUent iegibus uti.<br />

Nam genus humanum, iefessem vi colère ie?om 9<br />

EIL inimicitiis linguebat : quo migis ipsum f l IS<br />

Sponte sua eeciill sub ieges, arctaque jura.<br />

Âcrius ex ira quod enim se quisque prabat


112<br />

par des lois équitables, dégoûtèrent les hommes<br />

des mœurs violentes. Aussitôt la pur des châtiments<br />

empoisonne les jouissances de la vie: tout<br />

coupable se voit enlacer pr ses violences, ses<br />

injustices, qui retombent habituellement sur ce-<br />

Jui dont elles partent. Désormais le repos et le<br />

calme ne sont pas faciles à quiconque trouble,<br />

par ses attentats, raccord de la paix universelle.<br />

Il a beau tromper l'œil des dieux et des<br />

hommes, il ne doit ps compter sur un éternel<br />

mystère; car on dit que souvent des paroles,<br />

échappées dans les rê?es ou dans la ièvre <strong>du</strong><br />

mal, ont trahi bien des hommes, et mis en lumière<br />

des crimes longtemps cachés.<br />

Maintenant quelle cause a pu répndre les<br />

dieux chez les grandes nations, remplir les villes<br />

d'autels» et travailler à l'institution de ces solennités<br />

religieuses, qui de ne» jours sont en<br />

honneur dans les affaires et les circonstances<br />

Importantes! D'où naft aujourd f hui encore parmi<br />

les hommes ce pieux effroi qui élève sans cesse<br />

de nouveaux temples sur toute la face <strong>du</strong> globe,<br />

et qui oblige les peuples d'y courir aux jours de<br />

fête? Il est facile d'en expliquer la cause.<br />

La voici. Déjà les générations humaines, dans<br />

les rêves de leur esprit éveillé, et plus encore<br />

dans le sommeil, aperce valent des igures divines,<br />

éclatantes de beauté sous un étrange<br />

développement de la taille. Ces images, ils leur<br />

attribuaient le sentiment, à les voir agiter leurs<br />

membres, et jeter de superbes paroles en harmonie<br />

avec leur majestueuse beauté et leur<br />

vigueur immense. Et ils leur accordaient une<br />

LICIèCE.<br />

Ulchd » quant nunc concassai» est legibus aequîs ,<br />

Haiic ob rem est homines pertesum m colère aevom.<br />

Inde mêlas maculât pcBnaram prœniia vite : 1150<br />

Ctreumretit enim fis, tique injuria quemqoe;<br />

Atque» unie exorta est, ad eum pleromque revortit :<br />

Hec facile est placldam ae pacatam digère vilain 9<br />

Qui violât faciis communia fœdera paeis.<br />

El si fallit enim Divom genus humanumque y<br />

1 tS5<br />

Perpeluo tamen id fore clam difBdere débet :<br />

Quippe ubi se multei per soumit saepe loquentes,<br />

Ait morbo délirantes, protraie fferantur;<br />

Et éclata diu , in médium peccata dédisse.<br />

Munc, que causa Deum per magnas numina genteis<br />

Per?olgarit, et ararum comple?erit urbeis f<br />

ï 161<br />

Susciptendaque curarit solerania sacra 9<br />

Quae nunc in magnis florent sacra rebo f » locisque ; '<br />

Unde etiara nunc est raortalibis insitus faorror,<br />

Qui delubra Deum nova toto suscitât orbl 1165<br />

Terrarum f et festis cogit celebrare diebus;<br />

Non ita difficile est rationem reddere verbis.<br />

Quippe etenim jam tum Dtvom mortalia secla<br />

Egregias anfano faciei vigilante vldebant|<br />

Et raagiê in somma 9 mlrando corporis aictu. f 170<br />

Heis igitur sensnm tribuebant, propterea quod<br />

Membra movere vfdebantur, f ocesque snprbas<br />

vie éternelle f à cause de leur éternelle apprfttot<br />

sous une forme et une grâce inaltérable ; ou simplement<br />

parce que ces natures9 douées de forces<br />

énormesf ne leur semblaient point aisées à vaincre<br />

par une force quelconque. Aussi croyait-on<br />

leur sort bien plus heureux que le nôtre , puisque<br />

la crainte de la mort ne tourmentait aucune d'elles<br />

: et aussi parce que, dans le sommeil, on leur<br />

voyait accomplir bien des choses merveilleuses 9<br />

qui ne leur coûtaient pas la moindre fatigue.<br />

D'ailleurs, un ordre immuable présidait à<br />

l'arrangement <strong>du</strong> ciel et aui révolutions de l'année<br />

: témoin <strong>du</strong> fait, et incapable d f en pénétrer<br />

la cause, l'homme n'avait d'autre refuge que de<br />

remettre tout aux mains des immortels , et dt<br />

faire tout plier sous leur empire.<br />

11 leur donna le ciel pour séjour et pour temple,<br />

parce que c'est au ciel que nous voyons lotter la<br />

nuit et la lune, la tune et le jour, la nuit et ses astres<br />

mélancoliques, ces lambeaux errants, ces flammes<br />

volantes, et les nues, le soleil, les pluies , la<br />

neige, les vents, la foudre, la grêle, et ces frémissements<br />

rapides, et cette grande voix <strong>du</strong> tonnerre<br />

à la menace retentissante.<br />

0 misérable race des humains! quand ils ont<br />

imputé aux dieux de telles actions, quand ils<br />

leur ont prêté de si âpres colères, quelle source<br />

de gémissements ouverte pour eux-mêmes! Que<br />

de plaies pour nous, que de larmes pour nos des*<br />

cendantsl<br />

La piété ne consiste pint à être vue sans cesse<br />

tournant un front voilé devant une pierre f à<br />

s'approcher de tous les autels, à prosterner ion<br />

Mittere pro facie praeclara et viribns amplis.<br />

i£ternamqie dabant iritam, quia seinper eoram<br />

Suppeditabatur faciès 9 et forma manebat : 117i<br />

Et tamea ornnino, quod tantis vîribiis auetos<br />

Non temere «lia fi confina pusse putabant :<br />

Fortunisque Mm longe prœstare putabant,<br />

Quod mortis timor haud quenHfiiafii ^eiaret eoruin ;<br />

Et simul in somnis quia mulla et mira iridebant i ISO<br />

EfEcere 9 et nulum capere ipsos itide laborem.<br />

Praeterea, cœl raiones ordine certo<br />

Et varia annorutn cernebaat tenipora rorti ;<br />

Mec poterait quibus id fieret coposcere causis.<br />

Ergo prfugium sibi habebant onmia Divas f l Sa<br />

Trader® 9 et nUorum nuto facere omiia flecti.<br />

In «Bloque Deum sedes et templa incarnat 9<br />

Per co<strong>du</strong>m volvi quia noi et luma videtur,<br />

Lina, dies , et noi 9 et noctis signa se?era 9<br />

Noctivagaeque faces codi 9 lammieque volantes f<br />

11 M<br />

Nubîla, sol, îmbres, nii, veitel y fulmina, grande,<br />

Et rapide! fremitus, et murtnura magna minarim.<br />

Û genus infelk humanum I taia DIteii<br />

Quom tribuit focta, atque iras t^jongit teerbis.<br />

Qaantos tum gemitus ipsei libi , quantaque nobi* 11 m<br />

Volnera, quai lacramas peperere ftifaMirîbii 9 nostrm<br />

Née pietas ulla est vetotuni sœpe ?ideri


corps abattu sur la terre 9 à étendre ses mains<br />

offertes vers le sanctuaire des dieux, à inonder<br />

l'autel <strong>du</strong> sang des animaux 9 à enchaîner les<br />

vœux aux vœux ; non : celui-là est pieux, qui<br />

sait tout envisager d'une âme tranquille. Car<br />

lorsque nous examinons les h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel ,<br />

les dômes immenses <strong>du</strong> monde, les étoiles qui<br />

brillent clouées au firmament, et que la marche<br />

<strong>du</strong> soleil ou de la lune frappe notre pensée, alors<br />

s'éveille dans notre cœur une inquiétude jadis<br />

étouffée par d f autres tourments, mais qui cornmenée<br />

à relever la tête : y aurait-il par hasard<br />

une toute-puissance divine qui roulât sous des impulsions<br />

variées la blanche lumière des astres î<br />

Nos intelligences, si puvres de bonnes raisons,<br />

hésitent, et se demandent avec trouble : Le monde<br />

a-t-îl eu un commencement? Àura-t-il une fin,<br />

jusqu'à laquelle ses barrières et sa marche silencieuse<br />

peuvent résister à la fatigue? Ou bien,<br />

enrichi par une main divine d'une éternelle<br />

<strong>du</strong>rée, est-il capable de franchir éternellement<br />

les âges, et de braver le puissant effort de leur<br />

cours interminable?<br />

En outre, quel homme n'a point l'âme resserrée<br />

par la crainte des dieux, et les membres<br />

rampants sous la peur, alors que le sol, embrasé<br />

par les coup horribles de la foudre, bondit, et<br />

que dévastes retentissements prcourent le ciel?<br />

Les nations ne tremblent-elles pas? Et les rois<br />

superbes, ne les voit-on pas se coller avec effroi<br />

aux statues des dieux, craignant que l'heure<br />

formidable ne soit enfin venue d'expier quelque<br />

Voilier ad lapldem, atque ôraneig accéder© ad aras :<br />

Nec praenmbere fanon prostratum f et pandere patois<br />

Attte Demn delibra 9 laque aras sanguine multo 1200<br />

Spargere qnadrupeditm, nec votels nectere vota;<br />

Sed mage placata posse omnia mente tneri.<br />

Nam quom susplcraïus magni cœlestia mundi<br />

Templa super, stelllsque micantibus aetliera iium ;<br />

Et irenit in mentem solis 9 lunaeque viarum ; 1205<br />

Tnney aliisoppre^pa mails, in pectore cura<br />

ôlla qnoque eipargefaetum caput érigera infit :<br />

Ne qtue forte Deum nobls Immensa potestas<br />

Sil9 vario mota quae eandlda sidéra torset.<br />

Tentât eoini <strong>du</strong>bîam rnentem rationîs âges tas : 1210<br />

Ecquaenam fuerit mundi genilalis origo?<br />

Et simol , ecquae sit lois 9 quoad mœnia mundi<br />

Et lacîti motos hune posant ferre laborem?<br />

An , difinitus œterna dénata sainte 9 .<br />

Perpetuo possïnt mï labtntia tractu 9<br />

1215<br />

Immeosi validas tevi contemnere tirais,<br />

Praeterea, quoi non animus formidine BI?om<br />

Cootrahitur? quoi non eorrepunt membra pavore,<br />

Folmims horribili quom plaga torrida teins<br />

Contrerait, et magnum percorrunt murmura cœlum?<br />

Mon populei gentesque tremunt? regesque superbei 1220<br />

Comptant Diront pereulsei membra timoré,<br />

Ne qnod ob admissum fedet dictnmie superbe 9<br />

UJCftÉCE.<br />

DE Là NâTUBE DES C10SES, LIV. V. fis<br />

action infâme, ou quelque orgueilleuse parole?<br />

Et quand l'irrésistible force <strong>du</strong> vent, déchaînée<br />

au sein de Fonde, balaye sur la plaine des mers un<br />

général avec sa flotte, et ses puissantes légions f<br />

et ses éléphants, ne cherche-t-il point à désarmer<br />

par ses vœux les immortels? Sa tremblante prière<br />

n*appelle-t-elle pas le calme des vents et un souffle<br />

favorable ? (Test en vain : saisi par le rapide tourbillon,<br />

il n'en est pas molus emporté vers recueil<br />

mortel. Tant il est vrai qu'une puissance inconnue<br />

écrase les fortunes humaines, et semble fouler<br />

aux pieds les brillants faisceaux et les haches<br />

cruelles, qui servent de jouet à ses caprices I<br />

Enfin, lorsque toute la terre remue sous nos<br />

pas, que les villes ébranlées tombent, ou chancellent<br />

et menacent ruine, est-il étonnant que<br />

les générations humaines se rabaissent ellesmêmes,<br />

et souffrent ici^bas de grandes puissances,<br />

des forces merveilleuses, de ces dieux enfin<br />

à qui on laisse gouverner toutes choses!<br />

Mais achevons. Le cuivre» For, le fer, les<br />

masses d'argent ^ la pesanteur <strong>du</strong> plomb, furent<br />

trouvés dans les hautes <strong>mont</strong>agnes, là où<br />

de vastes forêts avaient péri sous lesembrasements<br />

<strong>du</strong> feu : soit que le ciel y eût dardé la foudre ; soit<br />

que les hommes, se livrant la guerre au fond des<br />

bois, eussent porté la flamme chez f ennemi, afin<br />

de l'épouvanter; ou .que, sé<strong>du</strong>its par la bonté <strong>du</strong><br />

terrain, ils voulussent s'ouvrir de grasses campagnes,<br />

et les rendre propres à leur nourriture;<br />

ou enfin que ce fût pour tuer les bêtes, et s'enrichir<br />

de leur dépouille. Car on fit la chasse à l'aide<br />

Pœnaram grave sit solvuidi tempus adactuni?<br />

Summa etiam quom vis violent! par mare venti I22§<br />

In<strong>du</strong>peratorem classis super seqiiora verrit,<br />

Cum validis pariter legionibus atque elepbantis ;<br />

Mon Divom pacem votis aditt ac prece quaesit<br />

Ymtomm pavï<strong>du</strong>s pacesanlmasque secondas?<br />

Hequidquam : quoniam , violento turbine saepe 1230<br />

Correptus, nihilo fertur minus ad varia ML<br />

Usque adeo res liumanas vis abrita qiiaedam<br />

Ûbterit ; et pulchros fascels s»?asque secoreis<br />

Proculcare, ac ludibrio slbi habera vïdetur.<br />

Denique 9 sub pedibus lelliis quom tota vacillât , 12.15<br />

Concussaeque ca<strong>du</strong>nt urbes9 <strong>du</strong>biieque minantur ;<br />

Qiiitl mirant f si se temnunt morialia secla,<br />

Atque potestates magnas 9 mlrasque rdiftqif unt +<br />

In rébus ?ireis Divom, quœ cuncta gubernent?<br />

Quod superest, IES atque tunnn femiroque repertum rst,<br />

Et simul argent! pon<strong>du</strong>s , plumbique potestas , 12 \ 1<br />

Ignis nbi ingenteis sjlfas ardore cremarat<br />

Montibas in magnis ; seu cœli fulmine misso ;<br />

Si?e quod f inter se bellum sylvestre gerentesf<br />

Hostlbus intolérant ignem f formidiiis ewgo ; 12i S<br />

Si?e qnod, in<strong>du</strong>ctei terrae bonitate» volebant<br />

Pandere agros pingueis 9 et pscua reddere rnra ;<br />

Sife feras intericeret et ditescere prœda :<br />

Ham fo?et atque igni prius est ?enariar ortuin 9<br />

s


11 j LUC1ÈCE.<br />

des fosses et <strong>du</strong> feu, avant qu'on n'eût des filets<br />

pou r entourer les bois, et des chiens pour les battre.<br />

Au reste, quelle que fût la cause de ces embrasements<br />

quif avec un bruit horrible, dévoraient<br />

les forêts jusque dans leurs racines, et dont les<br />

feux cuisaient en quelque sorte la terre, de ses<br />

veines brûlantes jaillissait in ruisseau d'argent<br />

et d f or, de plomb et de cuivre, qui s'amassait dans<br />

les cavités <strong>du</strong> sol. Plus tard les hommes, voyant<br />

la masse coagulée reluire sur la terre, l'enlevaient,<br />

saisis par le charme d ? un aspect brillant et lisse.<br />

Et comme ils la voyaient aussi empreinte de la<br />

même forme que les cavités dont elle portait la<br />

trace, il leur vint dans l'idée que, fon<strong>du</strong>e à la chaleur,<br />

elle saurait prendre toutes les apparences et<br />

courir d'un état à un autre ; qu f à force de la battre,<br />

il était possible d'en allonger le bout en pointes<br />

aiguës^ d ? une extrême finesse; qu'elle servirait<br />

ainsi d'armes ou d'instruments pour abattre les<br />

forêts, polir les matériaux, équarrir et raboter le<br />

bois, on le creuser, le percer et le fendre.<br />

On destinait d f abord au même usage for et<br />

l'argent, aussi bien que la robuste matière et fa<br />

dévorante énergie <strong>du</strong> cuivre; mais en vain: leur<br />

puissance fléchissait vaincue par l'effort, et ils<br />

étaient moins propres à essuyer la <strong>du</strong>re fatigue.<br />

aussi le cuivre fut-il estimé davantage; et for<br />

gisait à l'écart, à cause de son inutilité, lui dont<br />

le tranchant s'émoussait ai moindre choc. Aujourd'hui<br />

le cuivre est déchu à son tour, et Por<br />

lui a ravi ses premiers honneurs ; tant la révolution<br />

des âges change la destinée des choses! Celle<br />

Qiiatïi saepira plagis salttim, mmbmqm clere. 1250<br />

Qtjidquii id est, quaquomqoe ex causa flammeus irdor<br />

Horribili sonitu sylvas exederat altis<br />

Ab radicibus» et terrain peicoierat îgai;<br />

Manabat vents ferventibus 9 in loca lerrae<br />

Coneafa convenions 9 argent! riviis et aari ; 1215<br />

Mm item et plumbi : quœ y quora concret! vïdebant<br />

f osterius claro in terras splendere colore »<br />

Tollebaot, nilido captai lœvlqtie lepore ;<br />

Et simili formata f idebant esse figura t<br />

Atque lacunarum fiierant vestigia quoique.<br />

Tum penetrabat eos, posse haec f liqnefacla calore f<br />

Quamlubet in formam et faeiem decurrere reruro;<br />

Et proreiim quamvis in acuta ac tenuia posse<br />

Mucronnm <strong>du</strong>el fastigia procudcndo,<br />

1260<br />

Ut sibi tela parent f sy 1?asque et -caedere possiut f<br />

Materiem iaevare» dolarc ac radere tigna,<br />

Itterebrare etiam ac pertundere perque forare.<br />

Nec minus argento faeere haec auroque parabant9<br />

Quam ¥alidi primum violentis ?irlbus œris :<br />

Nequldquaoi ; quoniam cedebat vicia poteslas 9<br />

12§5<br />

f 270<br />

Hec poterant pariter <strong>du</strong>rum sufferre laborem.<br />

Mara fuit in pretio magis «s, aurumque jacebat<br />

Propter inulilitatem, bebeli mucrone retusuro;<br />

Hune jacet aes, aarum in summum successit honorem.<br />

Sic fokunda actas commutât lempora rerum :. 1275<br />

qui avait <strong>du</strong> prix ¥oit le terme de sa gtoire : une<br />

autre lui succède » et jaillît de la fange; plus enviée<br />

chaque jourf et brillante d'éloges que sa possession<br />

attire», elle jouit d'un merveilleux éclat<br />

parmi les hommes.<br />

Maintenant, comment la substance <strong>du</strong> fer futelle<br />

découverte? TIL peux sans peine, cher Meramius,<br />

le démêler toi-même.<br />

Les premières armes furent les mains, les ongles,<br />

les dents, et aussi des pierres ; des fragments<br />

d'arbres, des branches-; puis, quand on eut connu<br />

la flamme, le feu, on trouva bientôt le fer et<br />

le cuivre. Le cuivre précéda le fer: on l'employa<br />

d'abord, parce que la nature en est plus souple,<br />

et la masse plus abondante. On travaillait le<br />

sol avec le cuivre ; avec le cuivre on soulevait les<br />

tempêtes de la guerre, on semait au loin de larges<br />

blessures, on ravissait les troupeaux etleschaéip;<br />

car tout être nu et sans armes cédait facilement à des<br />

mains armées. Ensuite l'épée de fer s'intro<strong>du</strong>isit<br />

peu à pu ; la faux d'airain ne fut plus que la forme<br />

honteuse d'un instrument Impur : on se mit à<br />

déchirer les campagnes avec le fer f et le sort des<br />

batailles flotta sous des chances égales.<br />

On sut <strong>mont</strong>er en armes sur les flancs <strong>du</strong> cheval,<br />

plier son essor au frein, et combattre de la<br />

main droite, avant de se hasarder aux périls de<br />

la guerre sur un char à deux coursiers ; et on les<br />

attela par couples, avant de joindre deux couples<br />

ensemble, avant de bondir tout armé sur un char<br />

muni de faux. Puis les éléphants chargés de tours,<br />

monstres énormes qui ont pour main un serpent<br />

Quod fuit in pretio 9 it nollo denique honore|<br />

Porro aJiud soccedit, et e contemtibus exil,<br />

bique dies magis appetitar, loretque repertum<br />

Laudibus 9 et ntiro mortaleis inrter honore est.<br />

Nunc tibi » quo pacto ferri nature reperta 12»<br />

Sit f facile est ipsi per te cognoscere » Memmi !<br />

Arma antiqna mamis, ungnes dentesqiie tueront;<br />

Et lapides , et item, sylvarom fragmina, ramei;<br />

Et lamina atqne ignés postquam sunt cognita primum 9<br />

Posterius ferrî vis est aerisque repertiL 128&<br />

Et prîor œris erat, quam ferri, cognîtas UNI*;<br />

Quo facilis magis est nattira, et copia major.<br />

/Ere solum terrae tractabantf œreque belli<br />

Miseebaet fluciiis et volnera vasta serebant 9<br />

Et pecos atque agros adimebani ; nam facile olleis 1290<br />

Omnia cedebant armateis niida et inerma.<br />

Inde mfnutatim prœessE ferreus ensis f<br />

Vorsaque in obscœnum speies est falcis alienœ,<br />

Et ferro ccepere solum proscindere terra*;<br />

Exsequataque sunt crêper! certamina belli. 1295<br />

Et prîos est armattiro la eqtii conscendere costas,<br />

Et moderarier liunc frenis v deitraque figera,<br />

Quam bijugo cnmi belli tentare periela.<br />

Et b|jugom prius est9 quam bis conjungerebinoa,<br />

Et quam faleiferos armatum ascendere curras. 1300<br />

Inde bo¥es Lucas f tarrito corpore, tetros,


DE Là NATURE DES CHOSES, LIV. V.<br />

tatible, apprirent des Carthaginois à en<strong>du</strong>rer les<br />

blessures, et à répandre le trouble dans les vastes<br />

bataillons de Mars. Ainsi la triste discorde<br />

engendra fun après l'autre chaque iéau des<br />

nations en armes, et ajouta de jour en jour aux<br />

terreurs de la guerre,<br />

f On essaya même des taureaux pour ce fatal<br />

emploi; on essaya de laieer contre l'ennemi la<br />

rage des sangliers. Les Partàes en?oyèrent devant<br />

eux de formidables lions, avec des gardiens armés,<br />

maîtres terribles, qui devaient les gouverner et les<br />

retenir à la chaîne. Vain espoir! Échauffées parle<br />

carnage de la mêlée, ces bêtes farouches troublaient<br />

indistinctement les escadrons, secouant<br />

prtout leurs crinières effroyables; et les cavaliers<br />

ne pouvaient apaiser Time des chevaux épou-<br />

Yantés de leurs rugissements, ni les tourner<br />

avec le frein contre l'ennemi. Les lionnes furieuses<br />

bondissaient de toutes parts : elles attaquaient<br />

en face ceuj| qui venaient à elles, saisissaient par<br />

derrière ceux qui y pensaient le moins, et les enlaçaient<br />

pour les abattre f pur les vaincre de<br />

leurs coup, en s'attachant à eux par d'irrésistibles<br />

morsures et des griffes recourbées. Les taureaux<br />

jetaient en Pair ceux de leur pari, et les écrasaient<br />

ensuite ; leur corne labourait le lanc et le<br />

ventre des chevaux, et ils soulevaient la terre<br />

dans leur fougue menaçante. Les sangliers<br />

tuaient aussi leurs alliés sous leurs dents vigoureu^<br />

ses, baignaient de leur propre sang les traits,<br />

les traits rompus sur eux-mêmes, ett pleins de<br />

ÂB§&lmmmf MM docuerent volnera Pœnei<br />

Sufferre, et magnas Martis turbare catertas.<br />

Sic alid ei alio pperît discordia tristis t<br />

Horribile humaaels quod gentibus esset in armls f<br />

1305<br />

loque «lies belli terrorisas addiditaugmen.<br />

TentaruDt etlam tauros in mœnere belli,<br />

Experteicfie sues satos sont mittere in hosteis;<br />

Et vaidos Partfaei prie se misère boues 9<br />

CMm diietorfibiis armêtis sevisque magistris , 1310<br />

Qnei mnderatm hek possent, viuelisque lenere :<br />

Nequidquam; quoniam» permiitaciede clientes»<br />

Turbabant mwd nullo discrimine formas t<br />

Terrilicas capitum qualientes uadiqie cristas :<br />

lac poterant équités frémi tu perterrita equorum 1315<br />

Pectora molceref et freois convortere in hosfeis.<br />

Irritata le» Jaeiebait corpora sattti<br />

Unique, et advorsum venlentibus ora petebant;<br />

Et nec opinanteis a tergo diripiebant f<br />

Deplexœque dabaot in terram volnere vietos, I3S0<br />

Morsims affixae validis atque unguibus mets,<br />

lactabantque sios taurei f pedibusque terebant ;<br />

Et latera ac ventres hauribant subter equorum<br />

Comibus, et terram minitanli meote ruebant.<br />

Et validis sodos caedebant dentibus aprei 9<br />

Tela iofracta son tmguentes sanguine saevei,<br />

(lu se fracta §uo tiognentes sanguine tela 9]<br />

Pewnixtasque dtbant equiium peditumqMe ruinas.<br />

1325<br />

115<br />

rage, semaient au loin les débris confus des cavaliers<br />

et des fantassins. Vainement les chevaux<br />

se détournaient-ils pour fuir la dent meurtrière,<br />

ou se dressaient-ils en frappant Pair de leurs<br />

pieds : tu les aurais vus, le jarret coupé, s'abattre!<br />

et couvrir la terfe de leur chute pesante. Lés animaux<br />

même qui 4 semblaient le mieux domptés<br />

avant la guerre s'échauffaient dans faction par<br />

les blessures, les cris, la fuite, les alarmes, le<br />

tumulte, et il était impossible d'en ramener au*<br />

cun ; toutes ces espèces de monstres se dispersaient<br />

: aujourd'hui encore, que de fois les éléphants,<br />

maltraités par le fer des batailles, s'enfuient,<br />

après avoir donné à leurs maîtres mille<br />

preuves de leur colère I<br />

Yoilà ce que faisaient les hommes; mais je ne<br />

puis me résoudre à croire que leur intelligence<br />

fût incapable de pressentir et de voir quel mal<br />

affreux devait en rejaillir sur eux tous : ou bien<br />

affirme que c'est là un aveuglement commun à<br />

ces mille mondes engendrés sous mille lois diverses,<br />

plutôt que de le restreindre à un seul<br />

globe déterminé. Ils agissaient de la sorte,<br />

moins dans l'espoir de vaincre , que de fournir<br />

à Pennemi un sujet de larmes, en périssant<br />

eux-mêmes, quand ils se déiaient de leur nombre,<br />

ou qu f ils manquaient d'armes.<br />

On forma le vêtement avec des nœuds, avant<br />

de le tisser : le tissu vint après le fer, puisque<br />

e'est à Paide<strong>du</strong> fer qu'on prépare la toile, et<br />

qu'on ne put obtenir autrement ces rouleaux st<br />

Blam transvorsa feras eilbattt dénis adactus<br />

Jumenta y aut pedibus ventes erecta petebant : 1330<br />

Nequidquam; quoniam ab nervis suecisa videras<br />

Conctdere, atque grifi terram consternere casa,<br />

Si quos aufe domi claiïîifas salis esse putabant,<br />

Effenrescere cernebaiit in rébus aguncÉs 9<br />

Volneribus 9 damore 9 fuga , terrore 9 tumultu : 1331<br />

Nec poterant uHam partem re<strong>du</strong>cere eorum ;<br />

Diffugiebateiiin varium genus omne ferarum9<br />

Ut nuiic sœpe boves Luc» 9 ferra maie mactœ 9<br />

Hiffagiaat f fera iacta suis quora multa dedere.<br />

Sic fuit ut facerent ; sad vlx ad<strong>du</strong>cor, ut ante 1340<br />

Non quierintaniino prœsentire atque ?ideret<br />

Qaiiïi commune malum lerel fœ<strong>du</strong>mque futurum :<br />

Et magts id possis factum cootendere itt orani 9<br />

la warlis mundis, varia raliaaa creatii,<br />

Quam certo atque uno terrarum quolubet orbi. 1J'i 5<br />

Sed facere id non tam vinciindisp folaeranl,<br />

Quamdare quod gemerent bostes, ipseique perire,<br />

Quei numéro diffidebaot, armlsque vacabant.<br />

Neiilis ante fuit ?estis 9 quam textile tegmen :<br />

Textile post ferrum est ; quia ferro tela paratur ; 1350<br />

Mec ratione alla passas! tam lœvia gigni<br />

Insllia ac fusei t radie! scapeique sonantes.<br />

Et fecere ante viras lanam Hatura coegit,<br />

Quam muliebre genus; Dam longe praestat in artef<br />

Et solertius est multo genus omne virile : 13S1<br />

s.


118 LUCliCE.<br />

polis, ces navettes» ces fuseaux et ces verges retentissantes.<br />

La Nature força les hommes, avant la race des<br />

femmes, à travailler la laine ; car le sexe mâle<br />

remporte de beaucoup par Fart et f in<strong>du</strong>strie.<br />

Puis enfin f sous les reproches des austères laboureurs,<br />

Ils abandonnèrent cette tâche aux<br />

mains de la femtfhe, pour essuyer eux-mêmes de<br />

robustes travaux, pour en<strong>du</strong>rcir leurs bras et<br />

leurs membres à la <strong>du</strong>re fatigue.<br />

Le modèle de l'ensemencement et l'origine de<br />

la greffe leur vinrent encore de la Nature, cette<br />

mère de toutes choses- Les baies et les glands<br />

tombés sous les arbres fournissaient, aux époques<br />

voulues, un essaim de jeunes rejetons :<br />

de là, ils se plurent à confier aux branches des<br />

souches étrangères 9 et à enfouir de nouveaux<br />

arbustes dans le sol des campagnes.<br />

Puis ils essayaient tour à tour mille formes de<br />

culture pour leurs doux sillons, et ils voyaient<br />

les fruits sauvages de la terre s'adoucir à force<br />

de soins et de tendres ménagements. Chaque<br />

jour, ils repoussaient les forêts vers la cime des<br />

<strong>mont</strong>agnes, et les obligeaient de céder la basse<br />

région à la culture, afin é'avoir aux flancs des<br />

collines et dans la plaine des prairies, des lacs,<br />

des ruisseaux, des moissons, de joyeux vignobles,<br />

et afin qu'une ligne d'oliviers au feuillage<br />

d'aïur pût interrompre la vue çà et là, répan<strong>du</strong>e<br />

sur les h<strong>auteurs</strong>, les vallées ou les plaines,<br />

ainsi, de nos jours, tu aprçois mille grâces<br />

variées dans les campagnes , où notre main parsème<br />

le doux ornement des fruits 9 et que des<br />

arbres fertiles bordent de leur riante ceinture.<br />

Agricohe innée vit» ?ortert mmm ;<br />

Ut muliebribiis M manibus concédera vëllent,<br />

Atque ipsei priler <strong>du</strong>rum sufferre laborem y<br />

Atque opère in <strong>du</strong>ra «lararenl membrs manusqtte.<br />

AI spécimen sationis , et inrilionis origo 13§0<br />

Ipsa fuît rerum primum Natora creatrii ;<br />

Arboribos quoniam hmem glandesque ca<strong>du</strong>cs<br />

Tempestifa dabant pulloram examina subler;<br />

Undeetiam lubitum est stirpîs committere rameis9<br />

Et nota defodere in terrain virgulta per agros. 1365<br />

Inde allant atque allant eultoram <strong>du</strong>lcls agelli<br />

Tentabaot; fructusqaa feras mansoeseare terra<br />

Cerncbant indolgendo, blandeqne colundo :<br />

toque dies magis in <strong>mont</strong>era saccedere sjlfas<br />

Cog6bant,*infir&qae locum concedefe cultcâs : 1370<br />

Prata»lacusf rivos9 Begetes, viaetaqne teta,<br />

Colllbus et campis ut baberent; atque olearum<br />

Cserula distinguais Inter plap currere posset,<br />

Per tumulos et cou?alleis camposque profusa.<br />

Ut nunc esse f ides tari® distincts lepore 1375<br />

Omnia; quae, pomis interslta <strong>du</strong>leibus, ornant y<br />

Aibustisque tenent felicibus obsita eircum.<br />

At liquidas a?ium wmm fmitarier ore<br />

Ante fuit multo, quarn faevia carmina cantu<br />

Imiter avec sa bouche la voix limpide des oiseaux,<br />

fut en usage parmi les hommes bien avant<br />

ces accords qui soutiennent un vers harmonieux<br />

, et charment les oreilles. Le sifiement <strong>du</strong><br />

Zéphyre dans le creux des roseaux, leur enseigna<br />

d'abord à enfler des chalumeaux agrestes et<br />

vides. Ensuite, peu à peu, ils apprirent ces douces<br />

plaintes que répand la flûte sous le doigt <strong>du</strong><br />

chanteir ; la flûte, inventée au fond des bois<br />

inaccessibles, des grandes forêts, sous les ombrages<br />

des <strong>mont</strong>agnes, dans les solitudes des pasteurs,<br />

et au sein des célestes loisirs.<br />

Yoilà comme la marche des années dévoile<br />

successivement tous les arts, et comme l'intelligence<br />

les fait jaillir au berceau de la lumière.<br />

Ces inventions flattaient leur âme, et les<br />

ravissaient, quand ils étaient assouvis de nourriture;<br />

car tout plaît alors* Souvent, couchés ensemble<br />

sur l'herbe molle, près d'un ruisseau,<br />

à l'ombre d'un grand arbre, ils goûtaient à peu<br />

xde frais toutes les jouissances <strong>du</strong> corps ; surtout<br />

lorsque la saison était riante, lorsque le printemps<br />

émaïllait de fleurs les vertes prairies. Alors<br />

venaient habituellement les jeux, les conversations<br />

, les doux éclats de rire ; la muse des champs<br />

régnait alors. Alors enfin une gaieté folâtre les<br />

invitait à ceindre leur front et leurs épaules de<br />

couronnes tressées, de fleurs et de feuillage, à<br />

s'avancer sans mesure, en remuant lourdement<br />

leurs membres, et à frapper d'un pied retentissant<br />

cette terre, leur mère commune: delà naissaient<br />

les rires, les joies bçuyantes, parce que ces<br />

jeux étaient choses nouvelles, et partant merveilleuses.<br />

Ils veillaient même, et se consolaient<br />

Conceiebrare bombes poaaeot f aareisqae jov are, 13S§<br />

El Zepliyri , cava per calamoram 9 sibila primum<br />

Agrestes docuere cavas îaflire cicutas.<br />

Inde mioutalim dolceis didicere querelas»<br />

Tibia quas fundit9 digitis pulsata eaneolum,<br />

Atia per nemora ac §yl?as sattusqoe reperta f f 3i$<br />

Per loca pastorum déserta , atque otia dla.<br />

Sic uaum quidquid paallatiro protrahit «tas<br />

In médium, ratioque la lurainis croit mm.<br />

Hœc animas olleis mulcebant atque juvabant<br />

Cum satiate cibl ; nam tum sunt omoia cordi. 1390<br />

Sacpe itaque inter se, proatr&td in gramme molli,<br />

Propter aquïe ri?unif sub ramis arborîs alte,<br />

Mon magnîg opibus jocuode corpora habebtnt :<br />

Praesertlm» quom tempestas ridebat, et aitni<br />

Tempora plngebant viridanteis floribus lierbas. !3§5<br />

Tuin joca9 tum serm#p tum <strong>du</strong>lces esse cachinnei<br />

Consuerant : agrestis enim tum musa vigebat.<br />

Tum caput atque bumcros plexis redimirecoronis,<br />

Floribus et foliis9 laseivia lœta mooebat :<br />

âtque extra numerum procedere, membra ntotenteis 1I0§<br />

Duriter, et <strong>du</strong>ro terrain pede pellere matrem :<br />

Unde oriebantur risusf <strong>du</strong>lcesquecachinnei;<br />

Omnia quod nova tum magis liœc et mira vipbant.


in sommeil per<strong>du</strong> en tirant mille sons de leur<br />

voix, en la pliant à mille accords, et en promenant<br />

sur les chalumeaux une lèvre recourbée.<br />

Transmises jusqu'à nous f ces habitudes charment<br />

encore les veilles; et peut-être sait-on<br />

mieux distinguer la mesure : mais on ne recueille<br />

point de son art une jouissance plus vive que<br />

celle goûtée jadis pr la race sauvage des enfants<br />

de la terre.<br />

Car tant que nous ne connaissons rien de plus<br />

agréable f ce qui est sous notre main nous plaft<br />

entre toutes choses, et nous semble la plus belle<br />

de toutes. Puis une découverte nouvelle, toujours<br />

lameaieure,fiit tort aux anciennes, et change nos<br />

impressions sur elles. Ainsi nous vint la haine <strong>du</strong><br />

gland ; ainsi furent abandonnées les premières<br />

couches, amas de gazon et de feuilles. La peau<br />

déchut à son tour, on méprisa ce vêtement des<br />

bêtes; et pourtant je doute qu'on en eût trouvé<br />

l'usage, sans allumer l'envie : le premier qui le<br />

porta <strong>du</strong>t rencontrer la mort au sein des embûches;<br />

sa dépouille sanglante périt arrachée par<br />

des mains avides, et on ne put en recueillir les<br />

fruits.<br />

Alors ce fiirent des peaux de bêtes f aujourd'hui<br />

c f est Por et la pourpre qui tourmentent de<br />

mille soucis la vie des hommes, et la fatiguent<br />

de guerres : aussi, à mes yeux, la faute qui pèse<br />

sur nous est-elle plus grave; car, sans les peaux,<br />

le froid était un épouvantable supplice pour le<br />

corps nu des enfants de la terre; mats pour nous,<br />

quel mal y a-t-il donc à ne point avoir un vêtement<br />

de pourpre tissu d'or, hérissé de broderies,<br />

pourvu que nos étoffes grossières soient capa-<br />

Kt liplantibus hinc aderant solatia somno y<br />

Ducere multinnodls foces» et lectere cantus; . 1405<br />

Et supra calamos uneo pereurrere labre ;<br />

Unde elkîîi vigiles nune Iiaec accepta tuentur, '<br />

£1 iiifBieris servare genou diclicere; neque liilo<br />

Majore interea capiont <strong>du</strong>lcedine fnictum »<br />

Quam sylvestre geous capiebat terrigenarum. 1410<br />

Nam» quodadestpraesto, nlsi quid cognoYimus ante<br />

Soaviiis, in primis plaçât y et potière fidetur ;<br />

Posteriorque fera meliorresolla reperla<br />

Perdit et immutat sensus ad pristioa quaeqiie.<br />

Sic odlum cepit glandis ; sic olla rellcta 1415<br />

Strata cubilia sunt lierbis et frondlbus aucta.<br />

PeKlis item cecidit, vestis contemla ferlai ;<br />

Qaam reor invidia tali tune esse repertom f<br />

Ut letum iosidiis9 qui gessit primiis, obiret;<br />

El taroen inter eos distractam f sanguioe multo » 1410<br />

Disperiisse ; neqne in ftuclum convortere qiiisse.<br />

Tanc igiturpelles, nunc auram el purpura curis<br />

Exercent homînuni fitam, belluque fatigant;<br />

Qno magis in nobi§9 ul optnor, culpa resedit :<br />

Frigos mlm niidos sise peiUbus eicruciabat 1425<br />

Terrigiiiis ; at nos oil laedit veste carere<br />

Purpuretp afque aart signisque rigentibus apta;<br />

DE Là NATUEE DES CHOSES, UV. ?. HT<br />

blés de nous garantir! Ainsi la race des hommes,<br />

sans cesse travaillée par de vaines agitations,<br />

consume la vie en soins inutiles ; et cela , parce<br />

qu 9 elle ne connaît aucun terme à la possession f<br />

et que la vraie limite <strong>du</strong> plaisir lui échappe. Voilà<br />

ce qui insensiblement a poussé nos existences<br />

jusque sur les gouffres humides ; voilà ce qui a<br />

soulevé les vastes tempêtes de la guerre.<br />

Toujours éveillés sous le dôme mobile des<br />

deux immenses f le soleil et la lune? par la révolution<br />

de leurs feux f <strong>mont</strong>rèrent aux hommes le<br />

cercle que parcourent les années f et Tordre invariable<br />

dont l'invariable loi gouverne toutes<br />

choses.<br />

Déjà on vivait sous le puissant abri des tours,<br />

et la culture se partageait le sol en morceaux<br />

distincts.<br />

Un essaim de voiles couvrait la mer, lorissante<br />

<strong>du</strong> commerce des parfums. On It des traités f<br />

on eut de secourables alliances. Les poètes se<br />

mirent à chanter et à transmettre les belles ae»<br />

tions ; la découverte des lettres ne re<strong>mont</strong>ait guère<br />

plus haut. Aussi f de tout ce qui fut avant elles,<br />

notre siècle ne peut rien apercevoir, à moins qui<br />

la raison ne lui en découvre quelques traces.<br />

Les navires, les instruments de la culture,<br />

les murailles f les lois, les armes, les routes, les<br />

vêtements, en un mot toutes les commodités de<br />

la vie, comme aussi toutes ses délices, les vers,<br />

la peinture, fart in<strong>du</strong>strieux des statues : tout<br />

nous fut enseigné de jour en jour par une lente<br />

civilisation et par l'expérience d'un génie infatigable,<br />

mais qui avance pas à pas.<br />

Ainsi la marche des années découvre succès-<br />

Dum plebeia tamen sit , quœ defendere possit.<br />

Ergo hominum genos incassum frastraque laborat<br />

Semper, el in curis consomit Inanib«8«?om : 1430<br />

Mimiram t quia non eopovit f quae sit habendi<br />

Finis t et oronîio quoad crescat vera ?oliiplas :<br />

Idque roinutatim vitam provexlt in allum9<br />

Et belli magnos commovit funditus testas.<br />

Al f igiles mundi magnum et forsalile templum 1431<br />

Sol et lima sao lustrantes lumine circum<br />

Perdocuere hommes âooortim tempori vorti ;<br />

El certa ratione geri rem alque ordine certo.<br />

Jam ?alidis saeplel degebanl turribus Bvom ;<br />

Et divisa colebatnr discretaque tellus. 141a<br />

Tiim mare velivolis florebat propter odores :<br />

Auxîlia ac socios, jam pacte foedere , liabebant<br />

Carminibus quota res gestas cœpere pœtae<br />

Tradere; née multo priu 9 sunt elementa reperla.<br />

Propterea y quid sit pries actum» respicere aefas !Mà<br />

Mostra neqnil9 nist qtia ratio veslîgia monstrat.<br />

Navigia t atque agri culturel y mœnia t leges 9<br />

Arma» vias, yeateb, el cetera de génère liorum,<br />

Praemia 9 delicias quoque vite f onditas omnels ,<br />

€armina , picluras ac dœdala »gna t poiitus f 4ii<br />

Ususet impigr» tinul eiprienii m«tii


118 LUCRÈCE.<br />

sivement les choses , et la raison les fait jaillir<br />

ai berceau de la lumière. Ainsi l'homme voyait<br />

augmenter peu à peu l'éclat des arts, qui atteignaient<br />

enln à leur cime resplendissante 1<br />

LIVRE VI.<br />

La première ville qui a répan<strong>du</strong> chez les misérables<br />

humains les fruits nourrissants de la<br />

terre, c'est la fameuse Athènes : c f est elle qui<br />

renouvela leur existence, qui la soumit à des<br />

lois ; c'est elle enin qui leur apporta les douces<br />

consolations de la vie f le jour où elle enfanta<br />

cet homme chei qui on a trouvé une intelligence<br />

si haute, cet homme dont la bouche fut autrefois la<br />

source de toutes les vérités, et qui, maintenant<br />

éteint, grâces à ses divines découvertes, voit sa<br />

gloire antique, semée par toit l'univers, s'élever<br />

jusqu'aux deux 1<br />

Quand cet homme remarqua que les mortels<br />

avaient acquis presque tout ce que demandent<br />

les besoins de leur subsistance, et tout ce qui<br />

peut asseoir leur vie sur une base tranquille :<br />

l'abondance des richesses, l'autorité des honneurs<br />

€t de la gloire, l'éclat que donne la bonne renommée<br />

des enfants ; et que néanmoins les angoisses<br />

dévoraient leur âme au fond de ses retraites<br />

: il comprit alors pourquoi ils éclataient<br />

in ces furieuses et tristes lamentations ; il comprit<br />

que le vase, gâté lui-même, corrompait aussi<br />

tous les biens extérieurs répan<strong>du</strong>s et amoncelés<br />

Paullatim docuit pedetentim progredienteis.<br />

Sic unum quidquid paullatim protrahit œtas<br />

lu médium y ratioque in luminis erigit or as.<br />

Panique alid ex alîo darascere corde videbant 1455<br />

Arllbos f ad summum donec venere deumen.<br />

LIBER VI.<br />

Primœ frugtparos fétus mortalibus aegrels<br />

DidMerunt quondam prœelaro Domine Athen» ;<br />

Et recreaterunt vitam, legesque rogarunt;<br />

Et primic dederunl solatia <strong>du</strong>leia vite ,<br />

Quora genuere flrmii, ttlï eu m corde reperlum, 5<br />

Omnia veridico qui qiiondara ex ©re profudit ;<br />

Quojus et eislïncti, propter difina reperta,<br />

Divolgata vêtus jam ad cœluragloria fertur.<br />

Nam quom f Idit hic, ad f ictum quae flagilat ususf<br />

Omnia jam ferme mortalibus esse para la f<br />

Et per quaft-possent vitam consistera tutam ;<br />

Difltiis hommes, et honore et laude poienleis»<br />

âfluere, atque bona natoruin excellere fama;<br />

Nec minus esse domi quoiquam tamen aniia cordi,<br />

Atque animi ingratis vitam vexare querelis : 15<br />

Causam f quœ infeslîs cogit saevire querelis ,<br />

Intellegit ibi; vitium vas efficereipsum,<br />

Ôœaîâqiie iUius vitio corrumpier întas,<br />

10<br />

dais ses taies; Il y aperçut tantôt comme des<br />

éclats ou des fentes qui lui étalent à jamais le<br />

moyen de se remplir, et tantôt II le lit empoi*<br />

sonner de son goût amer tout ce que son intérieur<br />

avait reçu.<br />

11 puriia clone les âmes, en y ¥§rsant la vérité<br />

de ses lèvres : il mit des bornes au désir et<br />

à la crainte; il nous eiplfqua la nature <strong>du</strong> bien<br />

suprême que nous cherchons tous, et nous <strong>mont</strong>ra<br />

le sentier le plus court, la route la plus directe<br />

, pour y atteindre ; il nous apprit quels<br />

sont les maux attachés partout aux essences<br />

mortelles, maux qui jaillissent et accourent de<br />

mille façons, soit par un effet <strong>du</strong> hasard, soit<br />

pr une force que déchaîne la Nature, çt<br />

enin quelles portes il contient de leur fermer,<br />

11 prou?a aussi que souvent les hommes roulent,<br />

au fond de leurs poitrines, un torrent de vaines<br />

et lamentables inquiétudes- Car, de môme que<br />

les enfants tremblent et que tout les effraye dans<br />

la nuit afeugte, de môme nous sommes assiégés,<br />

au grand jour, de terreurs aussi fausses que cel*<br />

les que les enfants timides se forgent au sein des<br />

ombres. Or, pour dissiper cet effroi des âmts<br />

et ces ténèbres, il ne suffit pas des rayons <strong>du</strong><br />

soleil y ou des traits éblouissants <strong>du</strong> jour : il faut<br />

la raison, et un examen lumineux de la Nature*<br />

Aussi me vois-tu plus ardent à suivre la chalut<br />

de mes enseignements.<br />

Tu as appris que les dômes <strong>du</strong> monde sont pé*<br />

rissables, que la substance <strong>du</strong> ciel naît et meurt,<br />

Quae collata fcriset commoda quomque feutrent :<br />

Partial, quod <strong>du</strong>rant pertusumque esse fitlebat, 20<br />

Ut nulla posset ration© explerier unquam ;<br />

Faillis y quod tetro quasi eoispurcare gapore<br />

Omnia cernebal, quœquomque receperat iatus.<br />

Veridicis igitur purgafit pectara dictis,<br />

Et inem statuit cupedlnls atque iimorîs ; %*<br />

Eiposuitqne, bonum summum y quo tendimus otiwes,<br />

Quid foret : atque viam monstravit Iramite parte* t<br />

QUE possemus ad id recto çontendere cursu :<br />

Quidve mali foret in rébus mortalîbu 9 passim ;<br />

Quod fluerel naturali tarleque ?olaret 30<br />

Seu casu, seu vi f quod sic Matera parasse! ;<br />

Et qulbua e portis occurrl quoique deceret :<br />

Et gênas litimaiiuui frustra plerumque proba?it<br />

Tolverecuraruui tristeisin pectore fluctua.<br />

ffam veluti puerel trépidant, alque omnia crois 3S<br />

lu tenebris metuuat, sic nos in luce timemus<br />

lnter<strong>du</strong>m, nihilo.qu» sunt metuunda magis r qnaro<br />

Quae puerel in tenebris pavitant, finguntque futura.<br />

Hune igitur terrorem animi tenebrasqueyneeesse est<br />

Mon radiei solisf nec lucida tela diei 40<br />

Discutiant, sed Naturae species, ratioque;<br />

Quo magis inceptum pergam perlenere dictis.<br />

Et quoniam docui9 IïIHIIJï morlalia templa<br />

Esse, et nati?o consistere corpore coelum;<br />

Et f quaequomque in eo ûunt t flerique iiecesse est, 4â


que tous les êtres qui se forment on doivent se<br />

former dans son enceinte, tombent en dissolution<br />

: écoute maintenant le reste de mes pa^<br />

rôles, toi dont les applaudissements m'excitent à<br />

re<strong>mont</strong>er sur un char déjà illustré au vent de la<br />

gloire, ain que de nouveaux obstacles se convertissent<br />

encore pour moi en une faveur nouvelle.<br />

Les autres phénomènes que les mortels aperçoivent<br />

ici-^bas et au ciel ? en tenant leurs âmes<br />

suspen<strong>du</strong>es par l'effroi , les humilient sous la<br />

crainte des dieux f les abaissent et les courbent<br />

vers la terre 9 prci que (Ignorance de la cause<br />

les obUgeà foire hommage de l'effet à la puissance<br />

des immortels et à leur accorder un plein empire<br />

sur les choses dont ils ne peuvent démêler<br />

l'origine, et que pour cela ils imputent à une<br />

intervention céleste. Car les hommes même<br />

qui sont bien éclairés sur la vie paisible de ces<br />

immortels, viennent-ils à s'étonner comment<br />

tontes choses peuvent avoir lieu, et surtout<br />

celles qui éclatent sur leurs têtes dans les campagnes<br />

des airs, ils retombent aussitôt dans<br />

leur vieille superstition, ils évoquent des maîtres<br />

impérieux, Ils leur attribuent la toute puissance<br />

: pauvres fous, qui ignorent ce qui peut<br />

on ne peut pas être, et comment l'énergie des<br />

corps a un terme, une limite profonde et infranchissable!<br />

Aussi errent-ils, emportés par<br />

leur aveuglement.<br />

.Si tu ne rejettes point de ton âme, si tu ne<br />

chasses pas bien loin ces Idées qui outragent les<br />

dieux, et qui sont étrangères au calme de leur<br />

existence, leur majesté sainte que tu auras amoin­<br />

DE LA NATUEE DES CHOSES, LIV. VI. 1!»<br />

Pteraque dissoif i ; qt§« restait » prdpe, porro ;<br />

Quindoquidem semel insignem mmcmèete curram<br />

ITeotosuni eibortas plaudens, mate uforanta rursu»<br />

Qiae fœrinl, sirit placato conforta fetore.<br />

Cetera, que ieri in terris «Bloque tuentor 50<br />

Morilles t patidit quoro pendent mentîbu* seepe 9<br />

EfBriont animos htiraitds formidine Di?om,<br />

Pepressosque prenttint ad terra» ; propterea quod<br />

Ignorant» cattsarum conferre Deoram<br />

Cogit ad imperinm res, et concédera regnum ; 55<br />

Quorum operam causas imita ration® fiiere<br />

Possuot, acier! ditlno nuraine rentnr.<br />

Nam , bene quid iidicere Deos securum agere »?om ,<br />

Si tamen interea mirantur, qui ratione<br />

Qtueqne geri possint 9 prssertim rébus in oliis y<br />

Que supra eaput œtherîis cerauntur in oris,<br />

ftwsus in antiqnas rdoruntiirreligîones,<br />

Et dominos acrels adsdscunt, omiiia poss§<br />

Quos miserei cre<strong>du</strong>nt; ignare! 9 quid queat esse,<br />

QuM neqaeat : flotta potestas ieniqie quoique §5<br />

Qtiaïaai sit rat feue t atque allé terminus haerens :<br />

Qoo magis errantes caeca ratione fertmtiir.<br />

Qu« nisi respuis ex animo t longeque remlttis<br />

Dis indigna potare aUcraque pacit eoriimi<br />

Pdifaatt Deum per te tiin lumina sancta 70<br />

60<br />

drie t'épouvantera de mille apparitions. Non que<br />

ces hautes puissances ne soient inviolables, non<br />

que leur ressentiment couve de terribles vengeances<br />

: mais toi-même, toi qui es libre de reposer<br />

en paix, tu t'imagineras qu'ils roulent dans<br />

leur sein les lots orageux de la colère; tu Rapporteras<br />

jamais un cœur tranquille au sanctuaire<br />

des immortels ; et ces images que leurs membres<br />

sacrés envoient à nos intelligences, comme des<br />

messagères de la beauté divine, ton âme ne<br />

pourra les accueillir avec une paisible sérénité.<br />

Vois quelle sera désormais ta vie. Pour écarter<br />

de nous ces maux à l'aide de la plus éclatante<br />

sagesse, outre les mille vérités déjà parties<br />

de ma bouche, il en reste mille encore, qu'il faut<br />

embellir de l'élégance des vers. Je dois rendre<br />

compte des affaires d'en haut et <strong>du</strong> ciel ; je dois<br />

chanter les tempêtes et la foudre resplendissante*<br />

leurs effets, et la cause de leur emportement:<br />

de peur que, tremblant et hors de toi, tu ne partages<br />

le ciel en diverses régions, et que tu ne<br />

t'inquiètes d'où le feu ailé a pris l'essor, où il<br />

s'est tourné ensuite, comment il a franchi les enceintes,<br />

et comment il en a dérobé sa lamme<br />

victorieuse ; phénomènes que les hommes, faute<br />

-d'en apercevoir la cause, attribuent à la puissance<br />

divine*<br />

Oh ! tandis que je hâte ma course vers la blanche<br />

marque assignée pour terme à ma carrière,<br />

ouvre-moi le chemin, Muse ingénieuse, ÔCalllope,<br />

toi qui délasses les hommes et charmes<br />

les dieux f ain que j'aille sur tes pas cueillir<br />

avec gloire une couronne immortelle.<br />

Saepe obérant : mm f qoo violari summa Deum fis<br />

Posât f ut ei ira pœnas peter© imbibât acreis ;<br />

Sed quia tute tibi 9 placida ciim pace quietas 9<br />

Constitues saignes irarum volvere inclus;<br />

Née dekbra Deam placido mm pectore adibis : 75<br />

Nec, de eorpre quassanctoaimulacra feruntur<br />

In mentais Iiominum difinœ nuntia formas,<br />

Suscipere h®c animi tranqnilla pace valebis.<br />

Inde màem licet, qnalis jam ?ita sequatur ;<br />

Quam qnidem ut a lofais ratio verisaima longe 80<br />

iejiciat, qnamquam suit a me multa profecta,<br />

Multa tamen restant, et sirnt oroanda politJs<br />

Verslbus 9 et ratio superum colique teaenda ;<br />

Sunt tempestateset fulmina dira caaeiîda;<br />

Quid faciant f et qna de causa quomque ferantur ; 85<br />

Me trépides f oœl ditisls partibus amens 9<br />

Unde volais ignis pervenertt, aut in utraip se<br />

Vorterit hinc partem ; quo pacte per loca saspta<br />

Insinuaril f et hinc dominatos ut eitulerit se.<br />

Quorum operam causas nulla rations videre 90<br />

Posimnt, ac ieri difino lurauie reotur.<br />

Ta mihï, suprême praescripta ad candida calUs<br />

Oorrenti 9 spalium praernonstra 9 caliida Musa 9<br />

€aliope9 requies bominumv Divomque voluptas :<br />

Te <strong>du</strong>ce 9 ut insigni capiaip cum laude coronam. i à


120 LUCRECE.<br />

D'abord, le tonnerre ébranle la voûte azurée<br />

<strong>du</strong> ciel, quand les nuages qui volent à 1a cime<br />

<strong>du</strong> monde sont entrechoqués* par le combat des<br />

vents. Car le retentissement ne part jamais des<br />

régions sereines ; mais les endroits où les nues<br />

lottent en bataillons plus épis frémissent ha-<br />

'bituellement sous de plus vastes murmures.<br />

En outre, les nuages ne peuvent être ni des<br />

masses aussi denses que les pierres et le bois, ni<br />

des essences aussi fines que le brouillard et la<br />

fumée légère. Sinon ils devraient, comme la<br />

pierre, tomber sous l'accablement de leur poids<br />

inerte ; ou, comme la fumée, dépourvus de consistance,<br />

ils ne pourraient emprisonner la froide<br />

neige et les averses de la grêle.<br />

Us jettent aussi, dans les plaines immenses <strong>du</strong><br />

ciel, un son preil au craquement de ces voiles<br />

ten<strong>du</strong>es dans nos larges amphithéâtres, et balancées<br />

entre les mâts et les poutres. Quelque<br />

fois la nue s'emporte, déchirée par un souffle<br />

impétueux, et imite l'aigre cri <strong>du</strong> papier : sorte<br />

de bruit qu'on reconnaît encore dans les éclats<br />

de la foudre, de même que celui d'une étoffe suspen<strong>du</strong>e<br />

ou d'un feuillet qui s'envole, et que les<br />

'coups <strong>du</strong> vent font tourbillonner et gémir dans<br />

les airs*<br />

Car 11 arrive parfois que les nuages, ne pouvant<br />

su heurter de front, se côtoient plutôt, et,<br />

dans leur essor contraire, se rasent les lancs<br />

tout <strong>du</strong> long. De là vient qu'un son sec froisse<br />

l'oreille, et se prolonge interminable, jusqu'au<br />

moment où les nues se dégagent d'une région<br />

trop étroite.<br />

Principio f tonitru qoaiuittir caerula codi ,<br />

Propterea, quia concurrent y sublime volantes,<br />

Mimm nulles f contra pugnantibu* ventis.<br />

Mec it enim sonitus cuelî de parte serena;<br />

¥erumf ubiquomqwe magis densosunt agmioe nubes, 100<br />

Tarn magis hinc magno fremilus it murmure sœpe.<br />

Prœterea f neque tam condense corpore aubes<br />

Essequeunt, quam suit lapides ad ligna ; neque autem<br />

Tam tenues 9 quam sent nebulœ fumeique volantes.<br />

Mam cadere aut'brito deberent pondère pressas , I0&<br />

Ut lapides; autt ul fumut, constare nequirent,<br />

Née cohibere niteis gelidas et grandiiils imbreis.<br />

Dant etiam SDiilum paluli super œquora mundi f<br />

Carbasus ut quondam, magnels intenla theatreis,<br />

Dat crepitum , malos inter jactata trabeisqtie. 110<br />

f ti ten<strong>du</strong> ni perscissa furii petulantibus auris 9<br />

£1 fragileis soutins cbarlaram commeditatiir;<br />

Id quoque enim genus in tonitru cognoscere possis :<br />

Aat abi snspensam ïestem cliartasve volanieis<br />

¥erberlbus f entei voreant , planguntque par auras. 115<br />

Fil quoque enim inter<strong>du</strong>tii, non tam conçurrare nubes<br />

Fronibus adtorsis possint» quam de latere ire»<br />

Dûrono motu radentes corpora tractim ;<br />

Ari<strong>du</strong>s unde aureis ierget sonus ile y diuque<br />

lucitur, exierunt donec regkmibi» arctia. i 20<br />

• 11 est un autre motif pour fie la Nature tressaille,<br />

bondissant au formidable eboc <strong>du</strong> tonnerre;<br />

pour que, soudain rompue, la vaste barrière<br />

des abîmes de ce monde semble voler en<br />

éclats- Que de fois un vent impétueux f amoioelant<br />

ses orages f s'engouffre tout à coup dans les<br />

nuesf y demeure captif! et là, ses tourbillons<br />

bouleversent tout de plus en plus f et creusent le<br />

milieu en épaississant les bords. Puis f enfin f la<br />

masse ébranlée cède à sa violence, à ses assauts<br />

furieux f et un horrible craquement annonce sa<br />

fuite retentissante. Qui s'en étonne! La moindre<br />

vessie, gonflé© d'air, jette comme lui un si»<br />

bruyant par une explosion soudaine.<br />

On explique autrement encore le brait <strong>du</strong><br />

vent qui souffle à travers les nuages. Car on voit<br />

souvent marcher des nuages hérissés de mille<br />

branches, de mille aspérités. Ils retentissent<br />

alors comme, dans les épaisses forêts que traverse<br />

l'haleine <strong>du</strong> Caurus, sifflent les feuilles et résonnent<br />

les rameaux.<br />

Quelquefois même l'emportement d'un souffle<br />

irrésistible perce le nuage, et le crève en l'assaillant<br />

de front. Ce que peuvent les vents làhaut<br />

, l'expérience nous l'enseigne ici-bas sur la<br />

terre, oè ils sont plus modérés, et où cependant<br />

ils emportent les arbres les plus hauts, et les dévorent<br />

jusqu'au fond de leurs racines.<br />

Il y a aussi des flots dans les nuages ; et en se<br />

brisant ils poussent un long murmure, comme<br />

les fleuves profonds ou la vaste mer, déchirée<br />

par le bouillonnement de ses vagues.<br />

Le même fait a lieu lorsque le brûlant essor<br />

Hoc etlam pacto, tonitru coneussa fldentur<br />

ûmnîa saepe gra?i tremere » et ditolsa repente<br />

Maxuma dissilubsecapaeismœnia mundi;<br />

Quom subito validi ?enti collecta preeella<br />

Bfubibus intorsit sese, cooclusaque ibidem 9 12S<br />

Turbine ?orsante magis m mugis undique nnbem 9<br />

Cogit, IIil fiât splsso c&fi eorpore cirent»,<br />

Post y ubi commovit vis ejus 9 et irnpetus acer,<br />

Tum perterricrepo sortit» dat missa fragorem.<br />

Em ininim, quom plena anim» ?esienta parva IM<br />

Sœpe ita dat pariter sonHuni 9 displosa repente.<br />

Est etiam ratio, quom rentei nubila perflant,<br />

Ul sonitus faclant ; etenim ramosa videmus<br />

Nubila saepe modis multis atque aspera ferri.<br />

Seilicet ut crebram syîwaœ quota flamina Cauri 135<br />

Perflant, dant sonitnm frondes, rameique fragorem.<br />

Fit quoque f ut inter<strong>du</strong>m validi vis incita venti<br />

Perscindat nnbeui, perfringens impete recto.<br />

Nain , quid possit M Halos, manifesta docet res<br />

Hic y ubi lenior est » m terra , quom famen alta 140<br />

Arbnsta evol? ens radicibus haurit ab imis.<br />

Sunt etiam luctus per nubila, quei quasi murmur<br />

Dant in frangundo graviter; quod item lit in altis<br />

Fiuntinibus magnoque mari , quom frangitur sstn.<br />

Fit quoque, ubi t niibe innubem fis iacidit ardent 14S


de la foudre tombe de nuage en nuage. Si l'eau<br />

abonde chez le dernier qui reçoit la flamme, il<br />

la noie aussitôt avec un cri épouvantable : tel,<br />

mu-sortir de Wfoornaise ardente 9 le fer incandescent<br />

siffle, dès que nous le plongeons tout ptès<br />

de là dans une onde glacée.<br />

Si f au contraire f le nuage qui reçoit le feu est<br />

aride, il brite, et un vaste fracas accompagne<br />

un embrasement subît. Àinsi'la flamme se répand<br />

au sein des <strong>mont</strong>agnes à la chevelure de lauriers ,<br />

et y promène sous les tourbillons <strong>du</strong> vent sa<br />

course dévorante. Car il n f est rien que le feu<br />

pétillant consume avec un bruit plus terrible que<br />

l'arbre de Delphes, consacré à Phébus.<br />

Souvent, enfin, le craquement sonore de la<br />

glace et la chute de la grêle font retentir les profondeurs<br />

des grandes nuées : car lorsque le Yent<br />

les entasse 9 ces <strong>mont</strong>agnes de nuages, étroitement<br />

condensées, se brisent enflu et tombent,<br />

mêlées de grêle.<br />

L'éclair brille quand le choc des nuages en<br />

arrache mille semences de feu, ainsi que le caillou<br />

frappé par le caillou ou par le fer; car alors<br />

aussi la lumière jaillit, et la flamme répand d'éblouissantes<br />

étincelles.<br />

Mais le bruit <strong>du</strong> tonnerre gagne Foreilie après<br />

que l'œil a vu l'éclair, parce que les impressions<br />

de Touie sont moins agites que celles de la vue.<br />

Veux-tu t'en convaincre? Regarde de loin un<br />

homme qui abat sous le double tranchant de la<br />

hache les vains accroissements d'un arbre : tu<br />

aperçois le coup avant que le son ne fende les<br />

airs. De méme9 l'éclair nous frappe avant que le<br />

Fulminis : haec, molto si forte liumorerecepil<br />

Ignem y COHUDOO magpo clamore trucidât ;<br />

Ut calidis caideiis ferrume foroacibus olim<br />

Stridit f ubi in gdidom propter demersimus imbrem.<br />

Arîdlof porro si nubes aceipit ignem y<br />

DE LA NATliE DES CHOSES, LIY. VI. I2t<br />

1 §0<br />

Uritor ingenti sonilu , succensa repente :<br />

Lauricoaios ut si per <strong>mont</strong>eis flamma vagelur,<br />

Turbine fentorum combureis impie magoo.<br />

lec res alla magis f quam Phœbi Del pli ici lieras<br />

Terribili sonitu t flamma crépitante, creraatur. 155<br />

Denique, saepe gelimultus fragor, atque ruina<br />

Grandiras, in magnis sonftum dat nubibos alte :<br />

Yoitos enim quom confercit, franguntur, in arctura<br />

Concrète! » <strong>mont</strong>es nimborumf et grandine mixtei.<br />

Fîilgil item 9 nubes îgnis quom semina multa 160<br />

Eieussere suo concursu ; ceu lapidem si<br />

Percutiat lapis 9 aul ferrum : nam turo quoque lumen<br />

Exsililf et claras scintillas dissupat îgnis.<br />

Sed tonitrum fit ait post auribus accïpiamus,<br />

Folgere quam cernant oculei 9 quia semper ad ttirels 165<br />

Tardiuiad?eniant9 quam fisuin quae mmemî res,<br />

Id Iket bine etiam cognoscere ; caadere si quem<br />

Ancipiti fideas ferro procul arborîs auctum t<br />

êMM it ut œmas ietum 9 quam plap per auras<br />

tonnerre nous arrive, quoique l'un parte avec<br />

l'autre, et naisse de la même cause, <strong>du</strong> même<br />

choc.<br />

Peut-être, si les nues dorent l'espace d f une lumière<br />

à l'aile rapide, si la tempête darde un vif<br />

et ondoyant éclat, faut-il l'imputer au vent qui<br />

s'empare d'un nuage, et qui, à force de s'y rouler,<br />

comme tu Tas vu, le creuse en épaississant<br />

les bords. Mais sa propre agitation l'échauffé;<br />

car la brûlante vitesse <strong>du</strong> mouvement allume<br />

toutes choses, et on voit une balle de plomb,<br />

qui va tourbillonner au loin, se fondre. Ainsi<br />

embrasé, à peine a-t-il fen<strong>du</strong> la sombre nuée,<br />

qu'il éparpille, en les arrachant pour ainsi dire<br />

de force, les semences dé feu qui engendrent<br />

l'éblouissant éclair de la foudre. Le bruit vient<br />

ensuite, moins prompt à solliciter nos oreilles<br />

que ces images qui frappent au seuil de notre<br />

vue. Tout ceci a Heu, quand des nuages épais<br />

dressent et amoncellent leurs hautes cimes avec<br />

un merveilleux essor.<br />

Et ne te fais point illusion, parce que d f ici-ba§<br />

tu vois plutôt leur éten<strong>du</strong>e, que la hauteur où<br />

ces moneeaux jaillissent. Ef aminé les nues im<br />

que le vent les emportera, semblables à des<br />

<strong>mont</strong>agnes qui se croisent dans les airs; ou lorsque,<br />

sous le calme profond des vents, tu apercevras<br />

ces <strong>mont</strong>s immenses entassés les uns sur<br />

les autres, et pressés par ceux qui dorment au<br />

faite : alors tu en connaîtras la masse énorme ;<br />

Alors tu verras des espèces de cavernes, bâties<br />

de rocs suspen<strong>du</strong>s. Une fois que, déchaînant<br />

leur tempête, les vents les ont remplies, indi-<br />

Det sonltum ; sic fulgorem quoque cernimus antet 170<br />

Quam topitrum acdpimui, priter qui mittitur igni<br />

Et simili causa, concursu natus eodem.<br />

Hoc etiam pacto, folueri loca lumine tinguunt<br />

Nubes f et tremulo tempestas iinpte fulgit :<br />

Tentus nbi intasit nubem9 et ?or$atus ibidem 175<br />

Fecit, ut ante9 ca?am9 docui, spissescere nubem;<br />

Mobllllale sua fenrescit, ut omnia nmtu<br />

Percalefacta fides ardescere; plumbea mm<br />

Glans etiam long© cursu vol?unda lïqiiescit ;<br />

Ergo fer?i<strong>du</strong>s hic, nubem quom perscidit ttram y 180<br />

Dissupat ardoris, quasi per vîm expressa, repnte<br />

Semina 9 qua faciunt nictantia fulgura flammae ;<br />

Inde sonus sequitur ; qui tardius allicît aureis,<br />

Quam quœ prveniunt ©culorum ad limina nostra.<br />

Scilicel hoc densîs il nubibus f et simul alte 186<br />

Exslracils tliis alias super impte miro.<br />

Hec tibi si! fraudï9 quod nos inferne fidemus<br />

Quam sint lata magis9 quam sursum eistructa quid eisteot.<br />

Contemptator enim9 quom9 moitîbusassimilata,<br />

Mubila porlabunt vente! transvorsa pr auras ; 10(1<br />

Atit ubi pr mapos <strong>mont</strong>eis cumulata tidebis<br />

Insupr esse aliis alla, atque urgueresupertâ<br />

In statione locata, sepultis undique ventis ;


123<br />

LUCRÈCE.<br />

pues contre la nue qui les emprisonne^ ils éclatent<br />

en vastes murmures, et grondent comme des<br />

bêtes farouches dans leur cage : ils poissent à<br />

ebaqiie bout x de la nuée de longs frémissements ;<br />

ils vont tourbillonnant partout à la recherche<br />

l'une issue ; ils arrachent mille germes de feu<br />

<strong>du</strong> flanc des nuages f ils les amassentf ils roulent<br />

un torrent de flamme dans le creux de ces<br />

fournaises, et enfin, rompant la nue, ils s'échappent<br />

au sein d'une lumière resplendissante.<br />

Une des causes qui attirent sur la terre l'éclat<br />

doré de ce feu vif et limpide, Mentaux, atomes<br />

brûlants dont les nuages contiennent nécessairement<br />

une foule; car lorsqu'ils n'ont aucune hu»<br />

midité, ils étincellent presque toujours d'une couleur<br />

de lamme. Et il faut bien, en effet, que la<br />

lumière <strong>du</strong> soleil leur fournisse de quoi gagner<br />

cette rougeur et vomir le feu. Aussi 9 lorsque les<br />

impulsions <strong>du</strong> vent amassent, resserrent et pressent<br />

les nuages, elles en expriment ces germes<br />

qui débordent, et font éclater à nos yeux les<br />

couleurs de la lamme.<br />

L f éclair brille encore, quand les nuages s'appauvrissent<br />

trop au sein des deux. Car si, dans<br />

leur marche, le vent les ouvre, les dissout à<br />

coups légers, il entraîne forcément la chute des<br />

atomes qui engendrent l'éclair ; et l'éclair part,<br />

sans que de noires alarmes, ni le moindre retentissement,<br />

ni aucun tumulte, raccompagnent<br />

Quant à l'essence qui est la base de la foudre,<br />

ses coups même, la trace de ses embrasements,<br />

la forte vapeur que ces marques exhalent, tout<br />

enin la proclame; car tout indique que c'est<br />

ïum poterls magnas moles cognoscerc eornni y<br />

Speliuicasque velut 9 suis peudenllbu* strucfas , 195<br />

Ceraere; quas vente! quom tempestâte coorta<br />

Compteront raagno Indignait lar murmure clusei<br />

Nubibus, la caieisque ferarum more minantur ;<br />

If une liioc, nunc illinc, fremitus pr nubila mittuiit;<br />

Quœrentesque ?iam circum?orsaatur, et ignis 200<br />

Semina cou?olf uni e nubibus , atqua itt eogunt<br />

Molli s rotaitque cafis Hammam foroacibus inlosf<br />

Dooec divolsa fulseruot nube cqruseei.<br />

Hac etiam it uti de causa mobifis 111a<br />

Devolel in terrain lôpîdi color aureus ignis; 205<br />

Beniioa quod oobels ipsag permulta necesse est<br />

Ignin habere ; eteaim, quom sont homore sine ullo9<br />

Flammeua est pterumque colos et gplendi<strong>du</strong>s olleis,<br />

Qoippe etenim solis de luoilne multa necesse esl<br />

Concipre, ut merito rubeani, Igoeisque profundant. 210<br />

Hasce igittir quom veotos agens conlrusil in nnum<br />

Coiïîpressilc|oe locnm eogens; eipressa profundant<br />

Semina f qo» faciunt flamma» fulgere colores.<br />

Fulgil itemf quom raresennt quoepe nubila codi.<br />

Kam t quom feulas eas (éviter di<strong>du</strong>cit eunteis 9<br />

Dissolfltque, cadanl ingrallis Illa necesse est<br />

Bemlna, quse fôctoni fulgorem : fnni sine tetro<br />

Terrore ai sonitis fulgit, nulloque lumulla.<br />

215<br />

là «<strong>du</strong> feu, et non pas <strong>du</strong> vent ou de feao.<br />

D'ailleurs, elle va souvent allumer le toit des<br />

maisons, et sa lamme agile rèna J 118 ^ 6 ^ mn<br />

nos demeures. Feu subtil entr^rous les feux,<br />

la Nature lui a donné pour substance les plus<br />

fins atomes aux. plus imperceptibles mouvements,<br />

ain que rien ne lui pût résister. Car la foudre<br />

puissante traverse les murs, comme le cri et la<br />

volxj elle traverse le rocf elle traverse f airain.<br />

Elle fond en un instant le cuivre et for. Elle<br />

force même le vin à se répandre sans que le<br />

vase se brise, parce que sa chaleur, intro<strong>du</strong>ite<br />

sans peine dans les pores, relâche le tissu et<br />

amaigrit les lancs <strong>du</strong> vase; puis elle se glisse<br />

jusque dani le vin, et en disperse les atomes<br />

par une dissolution rapide : ce que ne pourrait<br />

faire, dans l'espace d'un siècle, la vapeur <strong>du</strong><br />

soleil 9 elle qui darde si bien ses traits étlncelants.<br />

Tant la foudre a plus d v activité, plus d'énergie<br />

, et plus d'empire!<br />

Mais qui engendre la foudre, et d v où est-elle<br />

née avec un tel emportement, que, d f un coup,<br />

elle puisse fendre les tours, abattre les maisons,<br />

arracher les poutres et les charpentes, ébranler<br />

et détruire les monuments des hommes, anéantir<br />

les hommes eux-mêmes, étendre çà et là des<br />

troupeaux entiers, et se livrer à mille violences<br />

de ce genre! Je vais résoudre la question, et je<br />

cesse de t'arréter aux prémisses.<br />

11 faut croire que la foudre naît de ces masses<br />

de nuages' si épaisses et si hautes 9 puisque<br />

jamais un ciel serein ou de minces nuées ne la<br />

vomissent. Ce fait incontestable, l'évidence même<br />

Quod superest, quili nature praedlta eonstent<br />

Fulmina , déclarant ictnt et inusla vapore 220<br />

Signa noteque, gravais lialanfes sulforls auras.<br />

Ignisenimsait toc, non venti signay nei(ue imbris.<br />

Praeterea, sape accen<strong>du</strong>nt quoque tectadomoram,<br />

Et céleri lamraa dominantur in aedlbus ipsis.<br />

Hune tibi sobtilem euro prïrois Ignïbas ignem 225<br />

Constituit natora miqutis mo|Ibus atqoe<br />

Corporibus,quoinilomninoobsistere possit :<br />

Transit enim vali<strong>du</strong>ra fnlroen per sœpta domornmf<br />

Claroor uti ac toces; transit per saxay per œra;<br />

Et liquidant puncto fadt ses in tempore et anrom. "230<br />

Ci'rat item» vasi^integrls vina repente<br />

DifFugiant : quia nimirum facile aiiinïa circum<br />

Collaxat rareque facit lateramina ?asï<br />

Adveniens calor ejus; ni, insiiutatus in Ipsum,<br />

Mobilier sol?ens differt primordia fini : Tâh<br />

Quod solis f apor aetafem non posse videtnr<br />

Efficere » usque adeo cellens fervore corusco :<br />

Tanto mobilior fis et dominaiillor faœc est !<br />

Ntine, ea quo pacto gignantnrf et impete tanto<br />

Fiant, ut possint icta discludere turrels, 24|<br />

Disturbaredomos, a?ellere tîgna trabelsque»<br />

Et monlroenta virum demoliri atque eiere,<br />

Etaiimare faominès, pcodes prosternere passim


nous l'apprend. Car, au moment de forage,<br />

les opes amoncelées voilent la face entière <strong>du</strong><br />

ciel, et il sem||l que tous les noirs brouillards<br />

abandonnent mehéron, pour remplir les vastes<br />

cavernes de l'air : tant ces nuages amassent une<br />

nuit lugubre, où les sombres fantômes de la<br />

peur se dressent et planent sur nous, alors que<br />

les tempêtes commencent à préparer leurs foudres!<br />

Que de fois encore, au seîn de la mer, une<br />

nuée obscure, et semblable à un leuve de poix<br />

tombé <strong>du</strong> ciel,s'abat sur l'onde, marche enveloppée<br />

d ? une ombre immense, et traîne avec elle une<br />

noire tempête, grosse d'ouragans et de foudre, de<br />

vent et de feu, qui gonient la nue ; au point que,<br />

sur la terre même, les hommes s'épouvantent et<br />

gagnent l'abri de leurs toits. Elles ne doivent<br />

pas être moins profondes, ces tempêtes de nuages<br />

amassées sur nos têtes ; car elles n'engloutiraient<br />

point la terre dans de si épaisses ténèbres,<br />

s'il m'y avait alors mille nuées bâties sur<br />

mille autres qui interceptent ie soleil; car<br />

elles ne pourraient, en fondant ici-bas,'nous<br />

accabler de ces pluies abondantes qui déchaînent<br />

les fleuves au sein des campagnes inondées<br />

9 si elles n'entassaient point leurs hautes<br />

elmés dans les airs.<br />

Là, tout regorge de vent et dp lamme :<br />

aussi l'éclair et de sourds frémissements éclatent-ils<br />

de toutes parts. En effet\ comme je l'ai<br />

dit plus haut, les nuages recèlent dtps leurs ca-<br />

Cetera de génère hoc qoa fi facere onpia ponint f<br />

Expediam , mqm te in promissis plura morabor. 245<br />

Fulmina gîgnler e erassis aitëque , putan<strong>du</strong>m est f<br />

Bfibibus exstructis : nam cœlo nulla sereno,<br />

Kec le?iter densis miltuntur nubibus unquam.<br />

Main <strong>du</strong>bio proeul hoc fierl manifesta êomî res,<br />

Quai tune per totum concrescunt aéra aubes ~ 250<br />

Pudique» uti teuebras omneii àcherunta reamur<br />

Uqoisse, et magnas cœli complesse caternas :<br />

Usqne adeo9 tetra oimbomoi a oc te coorla,<br />

Impendeut alrae Formidims ©ra superne y<br />

Quom eommoliri tempestas fulmina cœptat. 255<br />

Praeterea» persaepe niger quoque per mare nimbus,<br />

Ul picis e cœlo deinissum lumen , in undas<br />

Sic cadll, et fertur tenebris proeul, et trahit atram<br />

Folminibos grafidam tempestatem atque proeellis;<br />

Igoîbus ae ventis cum primis ipse repletus : 260<br />

In tara quoque ut horrescant» ac tecta requirent.<br />

Sle igîtur sapera nostrum capui esse putan<strong>du</strong>m est<br />

Tempestatem altam : neque entra caligine tanta<br />

pbruerent terras, nisi kœdifîeata superne<br />

Mttita forent multis eiemto nubila sole : 2§5<br />

ffeetanto possent f ententes opprimera imbri,<br />

Fluoiina abundare ut facerent, camposque natare,<br />

SI non eiilructis foret alte nubibus œtber.<br />

Uk igitur ?enlis atque ignibus omnia plena ><br />

bunl : Mm passiin fremitus et fulgura fiant. 270<br />

DE .LA NàTOEE DES CHOSES, LIV. VI. 12s<br />

vîtes d'innombrables germes de feu, qu'ils empruntent<br />

nécessairement aux rayons <strong>du</strong> soleil et<br />

à son ardente vapeur. Alors, dés que ce -même<br />

vent qui les a ramassés dans un pint quelconque<br />

<strong>du</strong> ciel arrache de leur sein mille brûlants<br />

atomes, et va se mêler à ce feu; ses tourbillons,<br />

enfermés dans leurs entrailles, y roulent et ils<br />

aiguisent les traits de la foudre au sein de ces<br />

fournaises embrasées. Car il s'allume pour deux<br />

raisons : sa propre vitesse réchauffe, ainsi que<br />

le contact de la flammé. Puis, quand sa vive essence<br />

a pris feu d'elle-même, ou que la flamme y<br />

porte sadéforante impétuosité, la foudre est<br />

mûre en quelque sorte : elle crève soudain la<br />

nue, elle part, et l'emportement de ses feux<br />

enveloppe tout l'espace de lueurs étincelantes.<br />

Ensuite vient un si épouvantable retentisnement,<br />

que les dômes <strong>du</strong> ciel 9 tout à coup fen<strong>du</strong>s!<br />

semblent tomber en éclats sur nos têtes.<br />

Enfin la terre, violemment ébranlée, bondit, et<br />

de longs murmures parcourent fabtme. Car<br />

alors presque toutes les nuées orageuses tressaillent<br />

<strong>du</strong> même chocf et frémissent ensemble ;<br />

secousse qui engendre de si violentes, de si<br />

larges averses, que le ciel parait se fondre<br />

tout en eau, et par sa chute nous ramener au<br />

^déloge. Tant est vaste le fracas qui accompagne<br />

le déchirement de la nue f la tourmente <strong>du</strong> vent,<br />

et le jet éblouissant de la foudre!<br />

11 se peut même que le souffle furieux <strong>du</strong><br />

vent extérieur traverse, de haut en bas, ua<br />

Quippe etenim supra docui » permulta vaporis<br />

Seinina liabera citas nnbeis ; et mnita necesse est<br />

Concipere ex solis radlls ardoreque eoruiti.<br />

Hic, ubi ventus, easidem qui cogit in unum<br />

forte locum qnemvls, expressit multa vaporis 27â<br />

Sepiîfîa s seque simul cum m commiseult igni;<br />

Insinuatns îbî vortex vorsatur in alto,<br />

Et calidis jœuit fulmen fornacibus intus.<br />

Nam <strong>du</strong>plici ratione aecenditur : ipse sua cum<br />

Mobilitate caleseit, et e cofttagfbus Igiiis 280.<br />

Iode, ubi percaluit ils venti, vel gravis ignis<br />

Inipetus Incessit ; maturam tum quasi fulmen<br />

Perscindit subito aubem, ferturque, coruscîs<br />

Ûmiiiâ Itiminibtis lustrans loca , percitus ardor :<br />

Qoera gravis insequitur soiiios, displosa repente 285<br />

Opprimera ut eœli videantur templa superne.<br />

Inde tremor terras graviter pertenlat, et altum<br />

Murmura percurruit eœlum; nam tota fere tum<br />

Tempesfas eoncussa trerait, fremitusque movetitur :<br />

Quo de coicussu sequltur gravis imber et uber, 290<br />

Omnis uti videatur in îmbrem vortier a*ther,<br />

Atque ita pr«cipitans ad diluviem revocare :<br />

Tantns dlscidio nubis ventique procella<br />

Mllllliir ardenti sonilus quom provolat ieto.<br />

Est etiâfïi f quom vis extrinsecus incita venti %%<br />

fncidit in validam maturo a culmine nubem ;<br />

Qoam quom prscidît, extemplo cadit igneus lie


124 LUCRÈCE.<br />

nuage déjà fort et mûr. Ainsi percé, le nuage<br />

laisse tomber aussitôt ce tourbillon de feu à<br />

qui la langue de nos pères donne le nom de Fm»<br />

ère. Le même fait a lieu dans toutes les parties<br />

de la nue où le vent porte sa colère.<br />

Il arrive parfois aussi que son essence vivef<br />

quoique dardée sans flamme, prenne feu néanmoins,<br />

quand elle franchit un long espace pour<br />

venir à nous. Car elle perd dans sa course quelques<br />

atomes volumineux f moins propres à fendre<br />

l'air; et de l'air même elle détache, elle emporte<br />

des germes imperceptibles, qui engendrent<br />

le feu sous un vol rapide. De même, ou peu<br />

s'en faut, in long trajet rend la balle de plomb<br />

brûlante, prce qu f au sein de l'air elle jette mille<br />

de ses froids atomes, pour y recueillir mille<br />

atomes de feu.<br />

Souvent encore la force même <strong>du</strong> choc embrase<br />

la nue que bat un vent glacé, un vent parti<br />

sans lamine. Oui, parce que la violence de ses<br />

coups fait jaillir tous ies éléments de la vapeur<br />

chaude de ses propres flancs, aussi bien que des<br />

matières qui reçoivent le choc. Ainsi, <strong>du</strong> caillou<br />

heurté par le fer, volent les étincelles; et le fer,<br />

avec sa froide essence, n'empêche pas que les<br />

germes de ce brûlant éclats'amassent souslecoup.<br />

Voilà comme doivent s'embraser de la foudre<br />

tous les corps d'une nature complaisante et propre<br />

à la flamme. Au reste, il est difficile que le<br />

vent soit une matière tout à fait glacée, lui qui<br />

tombe si violemment de si haut ; crois plutôt que,<br />

si la course ne lui a pas fait prendre feu, il nous<br />

arrive <strong>du</strong> moins tiède et mêlé de chaleur.<br />

Vorlei, quem patrio vœitamus nomme fulmen.<br />

Hoc lit idem in parlais alias, qtioquomque tulll vis.<br />

Fit quoque f ut inter<strong>du</strong>m ?eoli vis , missa sine ipi » 300<br />

fgnlscat tamea in spatio loogoque meatu f<br />

I)nIïI venit; amitteos in cursu corpora quœdam<br />

Grandia , quae nequeunt pariter penetrare per auras :<br />

Atque alla ei ipso corradens aère portât<br />

Par?ola y quae faciunt ignem , comraiita » volando : 30S<br />

Mon alia longe ralione t ac plumbea ssepe<br />

Fer?ida fit glans in cursu, quom 9 multf rigoris<br />

Corpora dimittens, ignem coDcepit in auris.<br />

Fit quoque 9 ut ipsios plagae vis excitât ignem y<br />

Frigida quom veoti pepullt vis 9 missa sine igni ; 310<br />

Mimirum quia, quom fehementi perculit ictu9<br />

Confluere ei ipso possunt elementa vaporis ;<br />

Et siraai ex ollay quae tum res excipit 1 clora :<br />

Ut, lapidem ferro quom cœdimus, evolat ignis ;<br />

Nec » quod frigida vis ferri est, hoc secius olia 315<br />

Semina concurrent calidi fulgoris ad ictum.<br />

Sic ïgitur quoque res accendi fulmine débet,<br />

Opportune fuit si forte et idonea iammis.<br />

Nec temere oranino plane vis frigida f enti<br />

Esse potest, ex quo tanta fi missa supeme est; 320<br />

Qain prias f in cursu si non accenditur igni|,<br />

At tepefccta tamen ?eniat, commixta calore. )<br />

Le vif essor de la fondre, ses coup violents, et<br />

la chute rapide qui te l'apporte, viennent de ce que<br />

sa rage f d'abord emprisonnée dans la nie f s'y<br />

amoncelle, et tente de vastes efforts pour s'échapper.<br />

Puis, quand le nuage ne peut contenir ses<br />

emprtements qui débordent, le trait part :<br />

aussi vole-t-il merveilleusement vite, prompt<br />

comme les matières lancées par de robustes machines.<br />

Ajoute que la foudre se compose de germes<br />

1ns et lisses : avec une telle nature, il est difficile<br />

que rien lui fasse obstacle ; car elle fuit et<br />

se coule par les moindres vides des moindres<br />

issues. Elle trouve donc pu de résistances qui<br />

arrêtent ou embarrassent ses pas, et voilà ce qui<br />

accélère son élan, son vol rapide.<br />

Ensuite, la Nature veut que tous les corps<br />

pesants aspirent à descendre. Mais une fois que<br />

le choc se joint au poids, leur vitesse redouble,<br />

leur impétuosité augmente. C'est donc plus impétueusement<br />

et plus vite que la foudre dissipe<br />

tous les obstacles qui s'offrent à ses coups, et<br />

qu Y elle poursuit sa route.<br />

Enfin, quiconque fournit un long essor doit<br />

acquérir une vitesse toujours accrue par la marche,<br />

toujours enrichie de forces nouvelles qui<br />

ajoutent à la vigueur <strong>du</strong> choc. Car alors toute<br />

la masse des germes, obligée de tendre vers unbut<br />

unique, réunit pour une même course ses<br />

mille tourbillons épars.<br />

Peut-être même, dans son vol, la foudre tiret-elle<br />

de l'air quelques atomes dont les coups<br />

allument encore sa brûlante rapidité.<br />

Habilitas autero It fulminis, et gravis ictus,<br />

Ac céleri ferme pergunt tlbi fulmina lapsu»<br />

Nubibus Ipsa quod omnino prius incita se vis 32S<br />

Colligit, et magnum conamen garnit eundi.<br />

Inde9 ubi non potuit nubes capere impetis anctum f<br />

Exprimitiir vis; atque îdeo volât impete wiîro,<br />

Ut ?alidis quae de formentis missa ferantor.<br />

Adde» quod e parvis et lœvibus est démentis ; 330<br />

Mec facile est tali naturœ obsistere qtildqnam :<br />

Inter enim fugit ac pénétrât per rara viarum.<br />

Mon igitur m ni lis offeasibos in remorando<br />

Haesitat : banc ob rem céleri voSat Impete labens.<br />

Dcinde» quod omnino Nalera pondéra deorsum 335<br />

Omnia niluotur : quom plaga sit addita vero,<br />

Mobilitas <strong>du</strong>plicatur» et imptus iile gravescit :<br />

Ut vehementios et citius:, qnaequomque moraitur,<br />

Obvia discu liât plagîs» itinerque sequatnr.<br />

Denique» quod longo venit impete , sumere débet 340<br />

Mobilllatem, etiam atque etiam quae crescit eundo »<br />

Et validas auget vireis, et roborat ictum.<br />

Mam factt, ut, quaesint illius semina quomque9<br />

E regione locum quasi in unum cuncta ferantur,<br />

Omnia conjiciens in eum vol ventia cursnm. Mb<br />

Forsitan ex ipso veniens trâliat aère quœdam<br />

Corpora, qu» plagis incen<strong>du</strong>nt mobilitatem.


Elle traverse bien des corps sans leur faire de<br />

mal, sans tes endommager au passage, quand<br />

elle trouve des pores où coulent ses feux limpides.<br />

Mais un grand nombre se brisent, parce<br />

que les atomende la foudre heurtent les atonies<br />

mêmes qui en maintiennent le tissu.<br />

Elle dissout aisément l'airain, et fait tout à<br />

coup bouillonner for; parce que, subtil assemblage<br />

de germes Uns et lisses, elle n 9 a aucune<br />

peine à s f y glisser, et ne s'y glisse que pur détacher<br />

tous les nœuds et rompre tous les liens.<br />

Cest surtout à l'automne t et quand la saison<br />

fleurie <strong>du</strong> printemps éclotf que la foudre ébranle<br />

le vaste plais <strong>du</strong> ciel, semé ie brillantes étoiles,<br />

et le globe entier de la terre. Car l'hiver<br />

glacé manque de feu ; et les chaleurs amènent<br />

la défaillance des vents, qui épaississent moins le<br />

sombre corp des nues. 11 faut donc que la température<br />

demeure suspen<strong>du</strong>e entre ces deux extrêmes<br />

f pur que les raille causes <strong>du</strong> tonnerre<br />

se réunissent. Alors, en effet, l'orageuse incertitude<br />

de l'année mêle le froid et la chaleur, ces<br />

deux artisans nécessaires de la foudre, seuls capables<br />

de pro<strong>du</strong>ire la discorde <strong>du</strong> monde, et ces<br />

immenses bouleversements où l'air furieux bouillonne<br />

de vents et de lamines. Les premiers feux<br />

Joints aux dernières glaces, voilà ce que sont les<br />

jours de printemps : il est donc inévitable que ces<br />

deux natures opposées se combattent, et que des<br />

troubles en accompagnent le mélange. Le cercle<br />

des saisons unit encore les dernières chaleurs<br />

aux premiers froids f épque connue sous<br />

le nom d'automne; et là encore les hivers.<br />

Ineûlumeisqie venit per res, atque intégra transit<br />

Malta9 foraminlbus liquidas quia transviat ignb.<br />

Maltaqoe perfregil, quom corpora fulminis Ipsa 350<br />

Corporibos rerum inclderint, qua texte teneotur.<br />

Dissolfit prro facile es , aurumque repente<br />

Cooferwefacit; e partis quia facta minute<br />

Curporibos vis est et lœtibus ex elementîtf,<br />

Quae facile insinuantur ; et insinuata repente 355<br />

Dissolvant nodos ©mneis, et vincla retaxant.<br />

Âuctumiioque magis9 stellis fulpntibus aptaf<br />

Conculitur cœli doraus undique, totaque telles;<br />

Et quom tempera se veris florentia pan<strong>du</strong>nt :<br />

Frigore enim désuni ignés, fenteique calore 3§§<br />

Deiciuiil 9 iieque sunt tam denso eorpore nubes.<br />

lofer titrasque îfptar quom cceli tempera constant*<br />

Tam ¥âriae causa concurrent fulminis omnes<br />

Pam frétas ipse aani peroriseet frlgas et œstum ;<br />

Quorum ulrumque opus est fabrieanda ad fulmina noble ;<br />

Ub discordia slt rerum , magnoqne tumultti 366<br />

IgaltMia et faillis furibun<strong>du</strong>siiietoetaer.<br />

Prima «loris eoiœ pars, et postrema rigoris,<br />

Tempus id eut lernuro : quare puptare necesse est<br />

Hissimileis inter sesey turbareque mlitas. 370<br />

U calcir eïtreiBiis primo cum frigore miitus<br />

YoMtor, auctttmni qnod fertnr nomûie tempus ;<br />

DE LA MATU11 DES CHOSES f UV. VL 12S<br />

sont aux prises avec les étés dévorants.<br />

Aussi put-on appler ces temps les guerres de<br />

Tannée; et il n'est pas étonnant qu'alors la<br />

foudre éclate sans cesse, et que le déchaînement<br />

des orages bouleverse les cieux, puisque deux<br />

forces s'agitent en batailles incertaines, d'une<br />

part la iamme, de l'autre le veut, et l'eau des<br />

nues qui s'y mêle.<br />

C'est là vraiment apercevoir l'essence même<br />

de la foudre, et démêler la cause de ses ravages :<br />

on ne le fait point, quand on va relire les vaines<br />

prédictions des Étrusques, quand on y cherche<br />

la trace d'une volonté secrète des immortels»<br />

quand on s'inquiète


136 LUC1ËCE.<br />

des? Pourquoi, aussi, laissent-ils les traits <strong>du</strong><br />

père des cieux s f émousser sur la terre ? Pourquoi<br />

lui-même le souffre-t-ïl, au lieu de se ménager<br />

des armes contre ses ennemis?<br />

Pourquoi enfin Jupiter ne lance-t-il jamais la<br />

foudre , ne répand-il jamais sa menace retentissante,<br />

quand toute la face do ciel est pure?<br />

Attend-il qu'elle soit voilée de nuages, pour<br />

descendre au sein de la tempête, et y ajuster ses<br />

coups de plus près? Mais pourquoi les darder<br />

contre la mer? Qu f a-t41 à gourmander les ondes,<br />

ces masses liquides, ces campagnes flottantes?<br />

En outre f s'il veut que nous évitions le coup<br />

de la foudre, pourquoi faéstte-t-il à nous la faire<br />

voir, quand elle part? Veut-il, ai contraire,<br />

ious surprendre, nous accabler de ses feux :<br />

alors pourquoi ce tonnerre qui éclate <strong>du</strong> même<br />

côté, afin de nous prémunir contre la foudre?<br />

Pourquoi ces ténèbres, ces frémissements f ces<br />

murmures déchaînés avant elle?<br />

Et puls9 comment admettre que ses traits volent<br />

de toutes parts à la fois? Or, oseras-tu prétendre<br />

que jamais un seul instant ne voit naître<br />

plusieurs coups? Quoi de plus ordinaire, quoi de<br />

plus inévitable ? Comme les averses des nues<br />

tombent sur mille régions, ainsi la foudre doit<br />

jaillir de mille points en même temps.<br />

Pour acbever, d'où vient que sa iamme ennemie<br />

met en poudre les sanctuaires des dieux,<br />

et les brillantes demeures consacrées à lui-même?<br />

D Y où vient qu 9 il brise les belles statues des<br />

immortels, que la violence de ses coups ravit<br />

tous leurs .charmes à ses propres images? B f où<br />

In terraque Patris cpiir telum perpetiuntur<br />

Obtundi? quoi* ipse sliïi, meqm pareil in liosteîs?<br />

Denique, qaur nuoquam cœlo'jacit uniique puro 400<br />

Jupiter iii terras Ailmen, sonitusque profundit?<br />

An, simul ac ntibestuccessere, ipsus la sestitm<br />

Descendit, prop ul hlnc teli déterminât ictus"? *<br />

In mare qua porro imïllit raficwie? Qiiid undas<br />

Argoit et liquidait! molem camposque natanteis? 405<br />

Prœterea, si volt cateamus fulminis ictom »<br />

Quur <strong>du</strong>bitai facere, ut possimus cernere misstim?<br />

Si nec opinanfeîs autem volt opprimera Igai f<br />

Quur louai ex ©Ha parte, ut vitare queamus?<br />

Quur tenebras ante et fremitus et murmura concit? 410<br />

Et simul in ratifias parteis qui credere posais<br />

Mittere? An hoc ausis ntmquam contendere factum,<br />

Ut lièrent ictus uno sub tempore plnres ?<br />

At saepe est numéro facto m 9 ieriqtie oeeesso est 9<br />

Ul pluere in multis regionibus et cadere imbrels 9<br />

415<br />

Fulmina sic uno ierï sub tempore multa.<br />

Postremo, quur sancta JDeum delubrat suasque<br />

Discutât infesto praeclaras fulmine sedeîs ;<br />

Etbene facta Deum frangit simulacre, sueisque<br />

Démit imapnibus violente volnere honorera ? 420<br />

àltaque quur pleromqueptitlocal 1 plurima quo plus<br />

vient encore qtfil s^ttaque le plus souvent aux<br />

lieux élevés, et que la cime des <strong>mont</strong>agnes nous<br />

offre surtout la trace de ses feux?<br />

Ces explications renient désormais faciles à<br />

connaître les météores que les Gfees nomment<br />

prestères^ à cause de leurs suites, et la force<br />

qui les envoie tomber des hautes régions dans<br />

la mer. Car on les volt de temps à autre, semblables<br />

à une colonne détachée, fondre <strong>du</strong> ciel<br />

sur les ondes : autour d'eux la mer émue bouillonne*<br />

échauffée par un souffle impétueux; et<br />

les navires que surprend ce désordre courent<br />

Ué grand péril au sein de la tourmente, Yoilà<br />

ce qui arrive parfois, alors que la rage <strong>du</strong> vent,<br />

incapable de rompre le nuage dont elle s'empare,<br />

l'abaisse pourtant <strong>du</strong> haut des cieux vers les lots :<br />

espèce de colonne qui tombe peu à peu , masse<br />

que l'effort d'un bras robuste semble précipiter<br />

des airs pur l'étendre sur les eaux. Puis, quand<br />

il la crève, le vent rapide jaillit de ses Ëaoes, et<br />

gagne la mer9 où il excite dans les vagues un<br />

étrange bouillonnement Car, à force de rouler<br />

ses tourbillons, il descend, et entraîne dans si<br />

chute le nuage, corp obéissant et souple; à<br />

pine a-t-il enfoncé dans l 9 abtme la masse ora*<br />

geuse, qu'il se déchaîne tout entier au sein de<br />

fonde, qu'il soulève de toutes parts et fait bouiliir<br />

la mer retentissante.<br />

Quelquefois aussi une colonne de vent s'en*<br />

veloppe elle-même de ces nues, dont elle ramasse<br />

les germes en les détachant de l'air, et imite<br />

ces preslères que laisse tomber le ciel. Une fois<br />

que la trombe est venue Rabattre et se rompre<br />

Montibus in summls vestigia cenumus ignis ?<br />

Quod suprest» facile est et hiscognoscere rebut.<br />

npvKrrilpo; Graiei quos ab re lomîoitarunt,<br />

In mare qua missel ventant ratkme superne. 415<br />

Nam fit i ut inter<strong>du</strong>m » tanquam demissa columna,<br />

In mare de CCBIO descendant ; quam fréta clrcum<br />

Fer?escunt y graviter spirantibus incita Otbris :<br />

Et quaequomque In m tum su ni deprensa tumulto »<br />

Navlgia in summum veniunt f exata pericium. 430<br />

Hoc tit| ubi inter<strong>du</strong>m non qnit fis incita venti<br />

Eumpere, quam cepitf nubem; sed deprimit, utsit<br />

In mare de cœlo tatnquamdemifsa columna<br />

Paullatim ; quasi quld pugao brachiique soperie<br />

ConjeclQ trudatur9 et extendatur in undas : 435<br />

Qtfâiii quom discidit 9 bine prorumpiturin mare venti<br />

Vis, et fer vorem mirum concînnat in undïs.<br />

Torsabun<strong>du</strong>s enim turbo descendit, et oliam<br />

De<strong>du</strong>cit pariter lento cum corpore nubem :<br />

Quam simul ac grat idam detrudit ad aeqiiora pontif 44€<br />

Illein aquam subito totum se immittitf et omni<br />

Excitât ingentî sonitu mare, fer?ère cogens.<br />

Fit quoque9 ut involvat venti se nubibus ipp<br />

Vortex 9 corradens ex aère semina nubis ;<br />

Et quasi demissum cœlo prestara imitetur. M


lei-bas: elle vomit un horrible tourbillon, et se '<br />

livre à Forage. Mais elle est fort rare sur la<br />

terre , où les <strong>mont</strong>agnes lui font nécessairement<br />

obstacle; et le même phénomène éclate plus souvent<br />

au sein de la mer^ qui ouvre à l'horizon<br />

une vaste et libre éten<strong>du</strong>e.<br />

Les nuages se forment, lorsque ces innombrables<br />

germes à surface rude qui voltigent dans<br />

• les h<strong>auteurs</strong> <strong>du</strong> ciel s'amassent tout à coup,<br />

enlacés par de faibles nœuds 9 mais pourtant capables<br />

de maintenir leur assemblage- Ce premier<br />

tissu engendre de minces nuées, qui bientôt se<br />

prennent elles-mêmes, se lient et s f amoncelIent,<br />

et en s*amoncelant s'accroissent, et bondissent<br />

aux vents, si bien que la tempête finit par y soulever<br />

sa rage.<br />

Voici in autre fait encore. Plus la cime des^<br />

<strong>mont</strong>agnes est voisine <strong>du</strong> ciel, plus la fumée jaunâtre<br />

des nuages et leur épais brouillard couronnent<br />

fréquemment ces h<strong>auteurs</strong>. Sans doute.<br />

Car aussitôt que ta substance des nues se forme,<br />

quoique trop déliée pour être visible, les vents<br />

la portent et la rassemblent au faite des <strong>mont</strong>s.<br />

Là enfin ces nues, réunies en masses plus abondantes,<br />

plus compactes, plus serrées, nous apparaissent,<br />

et semblent <strong>mont</strong>er de ce faîte dans<br />

les airs. Que les h<strong>auteurs</strong> soient exposées aux<br />

vents, tout le déclare^ les faits eux-mêmes, et ce<br />

que nous ressentons à gravir de hautes <strong>mont</strong>agnes.<br />

En outre, la Nature dérobe aussi à toute reten<strong>du</strong>e<br />

des mers une foule d'atomes : les vête­<br />

Hic nbi se in terras demisit dissoluilqiia 9<br />

ïurblnis fminanera vim provomit, atque procellat.<br />

Sed9 quia il raro omoiiio , <strong>mont</strong>eisque necesse est<br />

Officere in terris; apprêt crebrius idem<br />

Prospect» maris m raagno eœloque patent!. 450<br />

Nobila ccmcrescunt, ubicorpora mufti volando<br />

Hoc super in eœli spatlo eoîere repente<br />

Asperiora; modis qu* possint In<strong>du</strong>pedlta<br />

Exiguistaroeo ioter se compressa tenerL<br />

Ha*c faciuai primum parlas consistera nubeis : 45 3<br />

Inde ea comprendont ioter se, conque gregaolur,<br />

El conjongwido crescuit, venfisque feruntur,<br />

Usque adeo9 dooec tempestas sœ?a coorta est.<br />

Fît quoqui», uti <strong>mont</strong>is vicina cacumina eœlo<br />

Qoam slul quoique magis, tanlo magis édita fument 4t>0<br />

assi<strong>du</strong>e fuit m nubis caligine crassa :<br />

Propterea quia, quom consistent nubila primum f<br />

Ante mi&e oculei quam possint tenuia, venteï<br />

Portantes cogunt ad gomma cacumina <strong>mont</strong>is.<br />

Hic démuni ût y uti 9 fart» majore coorla, i §5<br />

Et condensa atque arcta apparere9 et simul ipso<br />

Tortioe de <strong>mont</strong>is videalur surgerein aethram.<br />

Hun loca déclarât pgrsum ventosa patere<br />

les ipsa et sensum, mouteis quom ascendimus allos. .<br />

praetarea, prmulta mari quoque tollere toto 470<br />

Corpora naluram9 déclarant Utore testes<br />

DE Là NATU1E DES CHOSES, LIV. Vf. 12?<br />

ments suspen<strong>du</strong>s au bord <strong>du</strong> rivage le proclament,<br />

alors que l'humidité s'y attache. Tu vois<br />

donc que mille essences, capables d f accroftre les<br />

nues,* jaillissent aussi <strong>du</strong> bouillonnement des<br />

flots salés ; car, en ce point, tous les corps humides<br />

sont de la même famille.<br />

De tous les fleuves encore, ainsi que de la<br />

terre, on voit s*élever un brouillard et une écume<br />

qu'ils exhalent, qu'ils poussent en l'air commeune<br />

haleine, qui enveloppent le ciel de leurs soin*<br />

bres voiles, et qui, insensiblement amoncelés,<br />

fournissent d'épais nuages. Car ils sont aussi<br />

pressés d'en haut par la vague étincelante de l'éther<br />

qui les foule en quelque sorte, et qui étale<br />

sous le riant azur le noir tissu des orages.<br />

Il est possible même que des. germes extérieurs<br />

viennent s'ajouter à l'assemblage de ce<br />

monde, pour y engendrer ces nues et ces tempe*<br />

tes flottantes. Car je t'ai appris déjà l'innombrable<br />

nombre des atomes, et l'inflnie profondeur<br />

de la masse universelle, et le vol rapide des<br />

corps élémentaires, et leur promptitude habituelle<br />

à franchir d'incommensurables espaces.<br />

Est-il donc étrange que souvent la nuit et la<br />

tempête couvrent si vite de si grandes <strong>mont</strong>agnes,<br />

et pendent à la fois sur la terre et Tonde 9 puisque<br />

de toutes parts tous les pores <strong>du</strong> ciel, et<br />

en quelque sorte toutes les veines <strong>du</strong> monde<br />

immense offrent aux éléments mille entrées et<br />

mille issues toujours ouvertes?<br />

Sache maintenant de quelle façon la pluie se<br />

ramasse dans les entrailles des nues, et lâche<br />

Suspens», quom concipiunt hitmoris adhaesum.<br />

Quod magis ad nubeis augendas multa videntor<br />

Posse quoque e salso consurgere momine ponti :<br />

Naon ratio oonsanguîneaest liumoribus ornais. 475<br />

Prseterea t lu?lis ei omnibus, et simul ipsa<br />

Surgere de terra nebnks aestumque ?idemus;<br />

Quse , velut balitus » bine ita surnom empressa feruntur,<br />

Suflun<strong>du</strong>ntque sua eoelum caligine y et allas<br />

Sufiiciunt nubeis paullatîm conieniundo ; 480<br />

Urguet enim quoque sigoiferi super œtàeris œstus,<br />

Et f quasi densendOp subteiil cœrula nimbis.<br />

Fit quoque y ut hune ?eniant in cœtum eitriosecus iUi<br />

Corpora, quae faciuot nubeis nimbosque ?olanteis.<br />

Innnmerabrlem enim numerumf suramamqueprofandi 4iâr<br />

Esse infinitam docui ; quantaque ?olarent<br />

Corpora mobilitate, ostendi, quamque repente<br />

Immemorabile per spatium transira solerent :<br />

Haud igîtur mirum est f si par?o tempre sœpe<br />

Tarn magnos monieis tempestas atque tenebr» 49.0<br />

Cooprlanty maria ac terras» impensa superne:<br />

Undique quandoquidem , pr caulas aelheris omneis f<br />

Et quasi pr magni circum splracula mundi 9<br />

Eiitus ûitroitusque elementeis redditus exstat.<br />

Nunc agey quo pacte pldfius coacrescat in altis 4fS<br />

Mubibus humor, et in terras démisses ut imber<br />

Décidât9 eipediam. Primum,jam semina aquai


138 LUCRÈCE.<br />

ces averses qui tombent sur la terre : je vais te<br />

l'expliquer. Le point que j'emporterai d'abord,<br />

le voici : une foule ie semences liquides <strong>mont</strong>ent<br />

avec les nuages de tous les corps; et ces<br />

deux essences, la nue et l'eau que la nue renferme<br />

f croissent ensemble, de même que le<br />

sang, la sueur, et les autres fluides des membres,<br />

partagent les accroissements <strong>du</strong> corps humain.<br />

Les nuages gagnent encore beaucoup d'humidité<br />

sur la mer f alors que le vent les y porte<br />

comme des flocons de laine suspen<strong>du</strong>s. Tous les<br />

fleuves'leur envoient également de Peau. Puisf<br />

une fois les semences liquides réunies à milliers de<br />

mille façons, et accrues de toutes parts, les nues<br />

condensées aspirent à leur chute pour deux motifs<br />

: un vent impétueux les opprime* et l'abondance<br />

même de ces nuages, dont les cimes entassées<br />

se foulent, se pressent, en fait jaillir la<br />

pluie.<br />

In outre, dès que le vent amaigrit les nues,<br />

ou que, frappées de la chaleur <strong>du</strong> soleil, elles<br />

tombent en ruines, Peau des pluies s'échappe et<br />

ruisselle goutte à goutte, comme une cire qui fond<br />

et coule abondamment sous une flamme ardente.<br />

Mais il y a de violentes averses f quand les<br />

nues amoncelées cèdent à la double violence de<br />

leur poids et <strong>du</strong> vent qui les heurte.<br />

Les pluies continuent et demeurent longtemps<br />

inépuisables, lorsque des milliers de germes fluides,<br />

lorsque des monceaux de nuages qui crèvent<br />

les uns sur les autres, accourent de tous les<br />

points de l'horizon, et que la terre fumante<br />

Multa simul vincam consurgere nubihbs ipsîs<br />

Omnibus ex rébus ; parIlarqtie lia erescere utrnmque,<br />

Et nubeis et aquam» qaaaquomque in nubibus exslat, 500<br />

Ut pariter nobis corpus cum sanguine crescif,<br />

SudoriteniatquetiuniorquiquciniqueestdeiiiqiiemeiBhrei&<br />

Concipiunt etîam multum qnoque sœpe marloura<br />

Humorem', veluti pendentia fellera lanae,<br />

Quoi» supera magnum marefeniei oublia portant, 505<br />

Consimili ratione ex omnibus amnlbus bumor<br />

Toliitur in nubeis *.quo quom bene aemina'aquarum<br />

Mafia médis mollis convenere, indique adaucta 9<br />

Oonfert» nubes tum se dimittere écriant<br />

Dupliciler: nam fis venti contredît, el ipsa SI0<br />

Copia mmborum,, turba majore coacta,<br />

Urgiiess ex supero prenait , ac facit eflluere imbreis.<br />

Prœterea, quom rareseunt qnoque nubila ventls,<br />

Aut dissol?unlur mils super icta calore 9<br />

Miltunt humorem pluf iura; sliilante f quasi igoi 515<br />

Cera super ealîdo tabesceos multa liquescat.<br />

Sed f ehemens imber Ity ubi fetiementer «traque<br />

Nubila ?i cumulata premuntur et impie fenti.<br />

ât retinere diu plu?iae longumque morari<br />

Ccutsueruit, ubi multa liiealer semina aquaram, 520<br />

âtqne aliis dte nubes nimbeique rigantes<br />

Insuper, atque oinni folgode parte, ferunkir;<br />

exhale et renvoie partout d'humides vapeurs.<br />

Alors, quand les rayons <strong>du</strong> soleil brillent opposés<br />

à l'averse des nues, les couleurs de Tareen-ciel<br />

apparaissent au sein de la noire tempête.<br />

Quant aux autres choses qui ont leur naissance,<br />

qui ont leurs accroissements à part, et à toutes<br />

celles qui s'amassent dans les nues, oui, toutes,<br />

je le répète, la neige, les vents, la grêle, 1«<br />

<strong>du</strong>rs frimas, ces grandes et fortes gelées qui<br />

<strong>du</strong>rcissent les grandes eaux t ces freins, ces empêchements<br />

qui arrêtent de toutes parts les fleuves<br />

; ton esprit avide peut aisément décou?rir<br />

et envisager de quelle façon elles arrivent et<br />

quelle cause les engendre, <strong>du</strong> moment que ti<br />

connnais bien la vertu des atomes.<br />

Poursuis maintenant, et vois ce qui amène Ici<br />

bouleversements <strong>du</strong> sol. Avant tout, aie soin de<br />

te convaincre que les profondeurs comme le but<br />

de la terre sont remplis de cavernes où le vent<br />

habite; que mille lacs, mille gouffres chargeât<br />

ses flancs, ainsi que des rocs et des pierres déchirées<br />

: crois encore que, sous-la face <strong>du</strong> globe,<br />

roulent impétueusement bien des fleuves cachés,<br />

qui emportent des roches englouties. La force<br />

des choses exige que la terre soit prtout lu<br />

même.<br />

Ce principe fondamental une fois établi, les<br />

hautes régions <strong>du</strong> sol tremblent, alors que de<br />

vastes écroulements bouleversent ses entrailles,<br />

où la vieillesse abat d'immenses cavernes. Car<br />

alors des <strong>mont</strong>agnes entières tombent, et de<br />

grandes secousses répandent soudain de longs<br />

Terraque qnom fumans himorem tota redhalai<br />

Hic ubi sol radiis 9 tempestatem inter opacam 9<br />

Adforsa fulsit nimborum adspergine contra; 52S<br />

f uni color in nigris exsistit nubibus arqui.<br />

Cetera, quœ sursum crescunt, sursuroque creantur,<br />

£ty quœ concrescunt in nubibus omniay prorsum<br />

Omnla, nix, f entei, grando, gelldœque pruinae f<br />

Et vis magna geli f magnum <strong>du</strong>ramen aquaram, 630<br />

El rnora, quse fluvios passion refrénât; a f entais<br />

Perfacile est tamen haec reprîre animoque fidere,<br />

Omnia quo pacto fiant, qu§ reve creentur,<br />

Quom bene cognons, dementeis reddita quae sint.<br />

Nune âge, quœ ratio terrai motibus exslet » :*:»*><br />

Paroipe : et in primis terrani face ut esse rearis<br />

Subler item» ut supera, f entosis undique plenaro<br />

SpeiiiQcIs; multosque iacus muitasque laçants<br />

In gremio gerere t et rupis diruptaque saxa ;<br />

Multaque sub tergo terrai flumina tecta 510<br />

Tolfere fi Ëuctus, submersaque saxa putan<strong>du</strong>m est :<br />

Undique enim similem esse sui , res postulat ipsa.<br />

lis igitur rébus subjunctis suppositisque9<br />

Terra superne treuil! 9 magnîs concassa roials<br />

Subter, ubi ingenteis speluncas subruit «tas ; SIS<br />

Quippe cadont totd <strong>mont</strong>es, magnoque repente<br />

Concussu laie disëerpuot inde tremores :


,DE LA NATURE DIS CHOSES, LIV. VI. 139<br />

tressaillements. Il le faut bien, puisque \m chariots<br />

ébtanlent, au bord de la route, nos demeures<br />

émues de leur faible poids f et que les maisons<br />

bondissent encore là où des chars rapides<br />

font rouler leurs roues retentissantes.<br />

11 arrive aussi que, par f effet de grands éboulements<br />

de terre dans des mares profondes, le<br />

bouillonnement de Peau fait vaciller ie sol qui lui<br />

sert de lit; de même un vase ne peut rester<br />

immobile, tant que le iuide balance à Ultérieur<br />

sa vague incertaine.<br />

En outre, dès que le vent, amassé dans les cavités<br />

inférieures <strong>du</strong> sol f en assiège sur un point<br />

les profondes cavernes f la terre se penche <strong>du</strong><br />

rôié où la presse l'impétuosité <strong>du</strong> vent. Les demeures,<br />

bâties à la surface, cèdenUavec elle :<br />

plus elles <strong>mont</strong>aient vers le ciel 1 plus elles fléchissent<br />

et plus la même pente les entraîne.<br />

Les poutres*courent en avant, déjà suspen<strong>du</strong>es»<br />

déjà prêtes à la chute. Et Ton a peur de croire<br />

que la nature reserve nu vaste monde l'heure fatale,<br />

l'heure de sa perte, quand on voit de<br />

si énormes masses de terre s'abîmer 1 Ah! si<br />

les vents ne reprenaient parfois haleine, aucun<br />

frein ne pourrait empêcher les êtres de courir<br />

à la nwrt. Mais tour à tour ces vents languissent<br />

et redoublent ; ils se rallient en quelque sorte,<br />

et, revenus à la charge, ils battent en retraite :<br />

aussi voit-on la terre menacé! plus souvent que<br />

frappée de ruine, Elle se courbe un instant, se<br />

redresse ensuite, et ne perd son équilibre que pour<br />

rentrer dans son assiette. Voilà pourquoi nos de-<br />

Et mérite; qnoniam 9 plaustris concuasa, tremescunt<br />

Tecta flaiïi pmpter non magno pondère tota :<br />

Mec minus eisultant «des 9 ubiqufitnqiie equitum vis 550<br />

Ferratos utrimqoe rolarum succutil orheis.<br />

Fit quelque f ubi magnas in aipiae vastdsqiie tactinas<br />

Gleba vetuslale ex terra provolvilur ingetis,<br />

Ut jactettir aouae fliittu qooque terra vacillans;<br />

Ut vas in terra non quit cotistare , nisi liumor 555<br />

DestinI iti cliibio fluctu jactaiier inttis,<br />

Praterea, ventus quom, per loca subea?a terra<br />

Collectas, parte ei una procumbit, et urguet<br />

Obnlius magnis speluncas f îribtis allas;<br />

bKumbtt telltis, quti venti prona premit fis ; 5i0<br />

Tum, supra terrmm quas suut exstructa domoram,<br />

Ad «Bionique magis quanlo su ni édita quœqwe,<br />

In clioata minent in eaoidem, prodifa, partent ;<br />

Protractaeqna trabes inipeiident, ire paratœ.<br />

Et metuunt magni naturam credfere «lundi 565<br />

Eiitiale alîquod tempus ciademque manere ,<br />

Quom tideant tantara terrarum iacumbere molem?<br />

Qnoâ nisi respirent veutei, fis lulla refrenet<br />

Bes» ncque ab exitio posait repreliendere ennteis :<br />

Hune, quia respirent altérais, inque gratescunt, 570<br />

Et9 quasi collecte! f redeunt, ce<strong>du</strong>ntque repulsdf<br />

Sapins banc ob rein minitatur terra ruinas f<br />

Qaam ifcdt; ioclinatur enim f retrwpt noëUt;<br />

UJCUftCB»<br />

meures chancellent de haut en bas; mais le haut<br />

plus que le milieu, le milieu plus que le bast et<br />

le bas si peu que rien. De castes ébranlements<br />

sont occasionnés encore par la grande et forte<br />

haleine de quelque vent, soit extérieur, soit<br />

formé dans la terre dont II envahit les gouffres,<br />

C'est d f abord au sein de ces Immenses cavernes<br />

que ses frémissements éclatent, que roulent ses<br />

tourbillons; puis enfin, lorsque sa dévorante<br />

Impétuosité force le passage, Il ouvre les entrailles<br />

de la terre, et creuse de larges abîmes. Ce<br />

léau attaqua » près de la Syrie, la ville de SIdon ;<br />

et on le vit à Égine, dans le Péloponnèse : toutes<br />

deui furent abattues par ces éruptions <strong>du</strong><br />

vent et ces tempêtes <strong>du</strong> sol. De grandes secousses<br />

ont encore plongé sous la terre bien de hautes<br />

murailles, et une foule de villes ont péri, abîmées<br />

dans la mer avec leurs citoyens. Lors même<br />

que ce vent ne jaillit point au dehors, un souffle<br />

fougueux et plein de rage circule dans les aille<br />

pores de Ja terre, espèce de frisson qui excite le<br />

tressaillement. Ainsi, quand le froid pénètre et<br />

secoue les membresf II faut que, malgré eux, les<br />

membres tremblants grelottent. Une double terreur<br />

agite donc les habitants des villes : il? craignent<br />

la chute des toits sur leur tête ; ils craignent<br />

que sous leurs pieds lu Nature ne démolisse<br />

tout à coup les cavernes <strong>du</strong> sol, que ses<br />

déchirements n'ouvrent au loin un gouffre -im­<br />

mense, et que pour remplir elle ne veuille y<br />

confondre ses Immenses débris.<br />

Oui, on a beau croire que le ciel et la terre<br />

Et reeipit prolapsa suas in pondère sedeis»<br />

Hae igitur ratione vacillant omnia tecta 9<br />

ê7ê<br />

Somma magis medils, média Irais, ima pertiilmn.<br />

Est haec ejiiscleiïî qooque magni causa tremoris ;<br />

Ventus «liî atque anima subito fis mixtion qnaedam f<br />

âut extrinsecus atit ipsa tellure eoortaf<br />

In loca se ca?a terrai conjecit, Ibiqne &S§<br />

Speluncas inter magnas frémit ante ttimtiltti 9<br />

Vorsabundaque portatur; post, incita quom fit<br />

E\agitata foras ertimpitur; et simol , altam<br />

Diffindens terrain, magnum cooeinnat ttlatuoL<br />

In Sjria Sidone qnod aecidit, et fuit jEgil 5M<br />

In Pcloponneso : quas eiitns hic anîhiai<br />

Distnrbat tirbeîs t et terne motus obortus.<br />

Multaqae prœterea ceclderunt mœnia, magnis<br />

Motibus, in terris ; et niait* per mare pessum<br />

Subsedere suis pariter cum cif ibus orbes. &90<br />

Quod nisi prorumpit, tamen impetos ipse animai9<br />

Et fera fis venti per crebra foramlna terra<br />

Dlsperlitur» ut borror ; et Incutit Inde tremorem :<br />

Frigus uti, nostros penitus quom veoit fa artos#<br />

Concotit» invites cogens tremere atque motere. 595<br />

ândpifJ trépidant igitur terrore per urbelsi<br />

Tecta supenie timent 9 metotmt infeme cavernas<br />

Terrai ne dissoif at Natura repente ;<br />

Heu distracta lunm late dispandat hiatnm,<br />

/


130<br />

LUCRECE.<br />

demeurent Inviolables, eoniés à la garde di prineipeimmortel<br />

dévie; souvent encore,lorsqueces<br />

terribles dangers nous pressent, les aiguillons de<br />

la peur trouvent-accès dans nos âmes : il semble<br />

que la terre se dérobe sous nos pas f emportée<br />

vers l'abîme ; que la grande masse des êtres f partout<br />

défaillante, va suivre sa chute f et faire <strong>du</strong><br />

monde un amas confus de ruines.<br />

11 faut maintenant expliquer pourquoi la mer<br />

ignore tout accroissement. D f abord, on s'étonne<br />

que la nature n'en augmente jamais le volume,<br />

lorsque des eaux si abondantes y tombent, lorsque<br />

tous les leuves y accourent de toutes parts,<br />

ajoute les pluies errantes des nues, et ces tempêtes<br />

au vol rapide, qui arrosent et baignent les<br />

ondes comme les terres ; ajoute les sources propres<br />

à rOeéas : eh bien 1 pour accroître sa masse,<br />

ces torrents font à peine l'effet d'une seule goutte<br />

d'eau. Est-il donc étonnant que la mer n'ajoute<br />

point à son immensité!<br />

Et puis, l'ardente vapeur <strong>du</strong> soleil lui ôte<br />

beaucoup de substance; car nous voyons les<br />

étoffes, ou l'humidité ruisselle» sécher au feu<br />

de ses rayons. Or, mille océans déploient à nos<br />

yeux l'immense tapis des ondes. Ainsi, quoique<br />

le soleil n v enlève à chaque point qu v m atome<br />

d f <strong>du</strong>rcir la molle fange en une croate épaisse.<br />

Je te l'ai appris, en outre les nuages pgnenf<br />

beaucoup d<br />

humidi^p, dans un espace si vaste les pertes<br />

sont énormes*<br />

Les vents eux-mêmes, les vents peuvent<br />

appauvrir la matière lulde, quand ils balayent<br />

la plaine des eaux ; puisque souvent on les voit,<br />

dans l'intervalle d'une nuit, tâcher nos rues, et<br />

f humidité qu f lls pompent à la grande<br />

surface des mers f et qu'ils répandent sur toute<br />

reten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> globe , quand ta pluie tombe Ici-bas<br />

et que le vent apporte les orages.<br />

Enfin, la terre étant une substance poreust<br />

dont la masse, toutentîère unie, environne l'Océan<br />

d'une large ceinture, de même que ses veines<br />

portent à la mer une onde jaillissante , elle doit<br />

recevoir aussi l'écoulement des flots salés. Oui,<br />

le set emprisonné y passe comme dans un filtre :<br />

la matière humide re<strong>mont</strong>e sous terre jusqu'au<br />

berceau des fleuves, s f y amasse toute, et de là<br />

épanche sa douceur nouvelle au sein des campagnes,<br />

où la route, une fois tracée, guide le<br />

pas limpide des ondes.<br />

Maintenant, pour quelle raison les gorges <strong>du</strong><br />

<strong>mont</strong> Etna-exhalent-elles parfois de si épais tourbillons<br />

de flamme? Je vais le dire. Car ce ne<br />

fut point un fléau déchaîné par les immortels,<br />

eette tempête de feu qui régna jadis dans les<br />

ptainetde la Sicile, et qui attira les regards des<br />

peuples voisins, quand ils virent étinceler la<br />

voûte fumante <strong>du</strong> ciel, et que, le cœur plein<br />

d'effroi, Us 9e demandèrent avec angoisse quelle<br />

révolution préparait la Nature I<br />

Ici» Memniius, il feut que d'un coup d'ail<br />

profond et vaste tu enveloppes le monde dans<br />

toute son Immensité, pour te ressouvenir que la<br />

grande masse des choses est un gouffre Inépuisablef<br />

et pour t'aperceYoir qu'auprès d'elle les<br />

Idque suis eonfusi relit compter® ralals» §00<br />

Proloée | licet qutntvis cœliim terramque reantu?<br />

Incorrupta fora 9 œternae mandata Saluti ; '<br />

Et tamen inter<strong>du</strong>m- prœsens vis ipsa periclî<br />

Subditat hune stimulât» qwadam de parte Umoris;<br />

Me pdlbus raptim félins subtracta feralur<br />

la baralhrum , rerumque sequatur profita siunma<br />

Funditus, et iat mondi eonfusa riiiua.<br />

605<br />

pune ratio red<strong>du</strong>nda» augmen quur nesriat œquor.]<br />

Principlo, mare mirantur non reddere majus<br />

Pâturant f quo sit lantus clecursiis aquarum y<br />

Onuria qno ventant ex omni lumina prie,<br />

âdde ragos imbreis tempestatesqiie volantes,<br />

610<br />

Omnia quœ maria ac terras sparguntque ripitque ;<br />

âdde suos fonteis : tamen ad maris omnia swromam<br />

Guttai ?Ix instar erunt imita ad augmen ; SIS<br />

Qtio minus est mirum9 mare non angescere magnum.<br />

Prœterea 9 magnani sol partem'detrahit «stu :<br />

Quippe fidemus enim ?e$teisf faomore madenteist<br />

Cxsiccare suis radiis ardenlibii 9 solem.<br />

At plage molta , et late substrata, ¥idemus.<br />

Proinde, licet quam?«s ex nno quoque loco sol<br />

Humons par? ani dellbet ab aequore priera 9<br />

^ Largiter in tanto spatio tamen aaferet midis.<br />

Tum porro f f entei quoqne m^gnam tollerc part cm<br />

A20<br />

Humons possnnt 9 ferrantes œquora yentci ; §25<br />

Una nocte vlas quonian» persœpe vlcfemiis<br />

Siccari , mollisque loti concrescere erustai.<br />

Praetarea, docut multum qnoque tollere nnbeis<br />

Humorem y magno conceptum ex aequore ponti ;<br />

Et passim toto terrarum spargere In orbe f<br />

Quom plult in terris y et ? entei nubila portant.<br />

Postremo, quoniam raro cum corpore tellus<br />

Est, et eonjuncta est 9 oras maris undlqiie cingens;<br />

Débet y ut in mare de terris venit humor aquai9<br />

C30<br />

In terras itidem manare ex œquore sais© :<br />

Percolatur enfm viras, retroqueremanat<br />

Malerîes Itumoris, et ad capiit amnibus omnis.<br />

Conltiit; inde super terras redit agmine dolci »<br />

Qua via secla semel liquido pede detulit undas.<br />

63*<br />

Ntrac ralio qnae sit 9 -per fanceis <strong>mont</strong>is nt Mlnm<br />

Exspirent ignés interdirai turbine tanto »<br />

Eipediam : neque enim dia de dide coorta<br />

Flamtnœ tempestas 9 Siculum dominai» pr agros »<br />

Finitume» ad se convortil gentibus ora ;<br />

§4Cr<br />

Fumida qnom oœli seintillare omnia templa C44<br />

Cémentes y p?ida oomplebant pectora cura 9<br />

Quid moiiretnr rerum Nature no?arum.<br />

Hisce tibi in rébus late est alteque fidendnm ,<br />

Et longe cunetas in prteis despieiun<strong>du</strong>m.<br />

Ut reminiscaris » summam rerum esse profundam 9<br />

Et irideas9 eoeluiii sumiiiM toiut unum<br />

êhê


deux à part ne soit cpfm atome, qu'on point<br />

Imperceptible, et moindre par rapport à l'ensemble<br />

que l'homme par rapport à la terre. Si tu<br />

envisages clairement ce juste principe , si tu en<br />

vois la lumière toute manifeste, bien des prodiges<br />

cesseront de t f émerveiller*<br />

Déjà, qui de nous s'étonne» alors que les membres<br />

d'un homme s'ouvrent aux embrasements<br />

de la fièvre, ou que toute autre maladie ravage<br />

le corps? En effet, tout à coup le pied s'enfle,<br />

une douleur aiguë saisit les dents, se jette môme<br />

sur les jeux; lefeusacrés'allume, il se glisse dans<br />

le corps , il brûle toutes les parties qu'il gagne,<br />

et coule d'un membre à l'autre. Sans doute ; car<br />

11 existe des semences de toutes choses, et la,<br />

terre et le ciel répandent assex de germes vicieux,<br />

pour fournir à la violence <strong>du</strong> mal un<br />

Immense développement. 11 faut donc supposer,<br />

de même, que les abîmes de l'infini envolent<br />

au ciel et à la terre asseî d'atomes pour que des<br />

ébranlements soudains fassent bondir te sol,<br />

pour que de rapides tourbillons parcourent les<br />

terres, les ondes, pour que les feux de l'Etna<br />

débordent et embrasent le ciel. Oui, ce fait a lieu,<br />

et les dômes célestes s'enflamment. .Les averses<br />

de-la tempête jaillissent aussi à flots plus épais,<br />

quand la semence des eaux se porte plus abondamment<br />

au sein de Tair.<br />

Mais, dira-t-on, cet orageux Incendie de<br />

l'Etna est trop vaste! Oui : comme un fleuve est<br />

Immense aux yeux de quiconque n'a jamais<br />

rien aperçu de plus grand ; comme un homme,<br />

comme un arbre, comme tous les êtres de toutes<br />

Quarn sit parfois pars» etquam nmltesima constet ;<br />

liée tota pars » bctmo terrai quota loties nous,<br />

QVIMI bene proposUum si plane contueare,<br />

4c vîdeas plane, mirari milita relinquas. 065<br />

Num quis enim nostrum siirotor, si f quis In artus<br />

Àcceplt calido febrim ferrore coortaro,<br />

ait alium qaerufls morbi per membm ioloren ?<br />

Oblurgescit enim §ubiiir|ês , arripit acer<br />

S«pe dolor denteis y ocolos invadit II ipsos ; §60<br />

Eisistll sacer Igoisof et urit» corpore serpent9<br />

QiîâOîfponiqoe arripuit parlera-, repitque per artus ;<br />

fflmirum f quia sonl multarum semina rerum;<br />

Et salis ttœe tellus morbi eoelumque mai fort,<br />

Onde qoeat vis immensi proerescere morbi 665<br />

Sic igitor loti cœlo terrœque putao<strong>du</strong>m est<br />

Ei îninito satis omnia suppeditare »<br />

Onde repente queat telltis concassa moverl f<br />

Perqne mare ac terras rapidtis preurrere turbo,<br />

Ignis abundare iEtiueus y iammeseere oo<strong>du</strong>m ; 670<br />

Id quoque enim fit , et ardesennt cœlestia templa.<br />

CI tempestates pluviœ gra? iore coortu<br />

Snnt9 ubi forte ita se tetuleraot semïna aqnarum.<br />

At oîfiis est îngens incendii turbi<strong>du</strong>s ardor 1<br />

Sciiicet et fiovius, qui visas, maxuoiis ei est» §75<br />

Qw lin atte aliqncro majorent fidîf ; il ingens<br />

m LA NATURE DES CHOSES, LIV. Vf.<br />

lit<br />

sortes, quand Ils surpassent toit ce epe norts<br />

avons vu , nous paraissent le type de la grau»<br />

deur. It pourtant ces objets réunis, et avec eux<br />

le ciel, la terre, les ondes, ne sont rien auprès<br />

de la grande masse des masses tout entière 1<br />

Expliquons cepndant de quelle manière cette<br />

flamme, tout à coup irritée, s'exhale des grandes<br />

fournaises de l'Etna. D'abord, toute la substance<br />

intérieure de la <strong>mont</strong>agne est creuse, et<br />

ne s f appuie guère que sur des cavernes de rochers.<br />

Or, tous ces antres contiennent <strong>du</strong> vent»<br />

et par suite de l'air, puisque 1e vent n'est que<br />

l'agitation de l'air qui s'emporte. Quand cet air<br />

a pris feu, et que déchaîné autour des rochers<br />

il les échauffe de ses atteintes furieuses, ainsi<br />

que la terre, et arrache de leur sein un jet de<br />

lamme ardent et rapide, il <strong>mont</strong>e tout droit<br />

vers les gorges de la <strong>mont</strong>agne, il se répand<br />

à la cime, il fait tourbillonner au loin l'incendie,<br />

au loin il sème la cendre brûlante, il roule<br />

in épais et sombre torrent de fumée, et lance<br />

en même temps des rochers d'une pesanteur<br />

étrange. N'hésite point à reconnaître ici les violences<br />

d'un sou fie orageux,<br />

B^ailleurs, sur presque tout le pied de la <strong>mont</strong>agne,<br />

la mer brise ses ondes et llc|e sa vague<br />

bouillonnante. Bu bord de cette mer aux plus<br />

hautes gorges <strong>du</strong> volcan courent des antres souterrains.<br />

Oui, tu dois le reconnaître, la force<br />

même des choses exige que cet intervalle soit<br />

franchi par une ligne de cavernes, où la mer<br />

aflue sans obstacle pour se dégorger à l'autre<br />

bout : voilà ce qui fait jaillir la lamme, ce qui<br />

Arbor homoque videtur ; et omnia de gênera omni,<br />

M axuma qtiao vidit quiaque,' hœc kgsntia fingit :<br />

Qiiom tanten omnia cutti cœlo terraque mariqtie<br />

Mil sitil ad sommant stimraaî totius omnem. f$Bii<br />

Ntroc lames, olla modis qiiibus t irritait repente f<br />

Flamma foras vastis Mlmm fornacibus efllet,<br />

Expcdiam. Primum, lutins gubcafa tnontis<br />

Est natura y fere silicom suflulta cmveniis.<br />

Omnibus est porro in speluncis feulas eimr; c>Sh<br />

Ventus enim it , ubi est agilaiido pereitos aer.<br />

Hic ubi percaluil» calefecitque onnia cirr.um<br />

Saia furens , qua coningit » terramque ; ei ab allia<br />

Exeussit cali<strong>du</strong>m laramis veloeibus ignero ;<br />

Tollit se y ac reciis ita faocibos ejicit alte 9<br />

f4)0<br />

Vurtitque ardorem longe, longequc faviilam<br />

DifTert 9 et crassa volvit caligine ftimum ;<br />

Eilrudilque sîmul rairando pondère saxa.<br />

Ne <strong>du</strong>bites f qtiin hecc animai turbida sil vis.<br />

Pr»lerea, magna ex parte mare mentis ad ejui attô<br />

Radiées frangil Ouctust ipslumque resolfit.<br />

Ei liœ asque mare spelimcae <strong>mont</strong>isad altas<br />

Perieiiînnt siibter fauceis : bac ire, fatendnm est,<br />

Et penetrare mari f penitns res eoglt, aperto 9<br />

âtque efflare foras; iieoque eitollere Hammamf<br />

Saïaqne snbjeclarc, cl arena tôlière nîmbos,<br />

t.<br />

:o#


ISI LUCRÈCE.<br />

pu§§§ les rochers m r&irf ce qui soulève des<br />

nuages de sable. Car ils trouvent au faite des<br />

ouvertures que les habitants <strong>du</strong> lieu nomment<br />

cratères , et que nous appelons gorges ou bouches.<br />

11 est encore d'autres phénomènes, à l'explication<br />

desquels une cause unique ne suffit<br />

point : il leur en faut plusieurs, quoique entre<br />

toutes il n'y en ait qu'une de véritable. Si tu<br />

aperçois de loin le cadavre d'un homme éten<strong>du</strong><br />

sans vie f il est bon que tu énumères toutes les<br />

causes possibles de mort, afin de nommer Tunique<br />

cause de la sienne. À-Ml succombé au fer, au<br />

froid, à la maladie, au poison? Tu ne peux le décider<br />

au juste; mais tu sais bien qu'il a dû être<br />

victime de quelque léau de ce genre. De même,<br />

voilà tout ce que nous avons à dire pour expliquer<br />

mille choses.<br />

L'été voit grossir pu à pu et se répandre<br />

dans les campagnes un seul ieuve d f ici-basf le<br />

Nil, ce bienfaiteur de l'Egypte entière. Pourquoi<br />

la baigne-t-il ordinairement au milieu des chaleurs?<br />

Peut-être dans Pété les aquilons, qui<br />

prennent à cette époque le nom de vents étésiens<br />

f soufflent-ils contre ses embouchures; de<br />

manière que leur haleine, contrariant sa marche<br />

, lui mit obstacle, refoule ses ondes, comble<br />

son lit, et Poblige à s'arrêter. Il est incontestable<br />

que ces vents se précipitent à Pencontre<br />

<strong>du</strong> ieuve; car ils accourent <strong>du</strong> pôle aux étoiles<br />

glacées, tandis que le fleuve part, des ardentes<br />

régions de l'Àuster, où la chaleur noircit et brûle<br />

les races humaines, et que son berceau est au<br />

centre même <strong>du</strong> jour.<br />

In summo stint vcrtice enim cratères, ut ipsei<br />

Nominitant ; nos quod fauceis perliibemus et on.<br />

Sauf aliqoot qiioque ras f quartim imam dîeere cansam<br />

Mon salis est » yertim plwreis; inide una lumen sït 705<br />

Corpus ut exanimum si qi»otl procul ipse jaeere<br />

Conspicias hominis , fil ni omneis dicere causas<br />

Convenîat leti 9 dicatur ul illiiis tma.<br />

Nâm ueque eum ferro f nec frîgore vincere possis<br />

luteriis&e f neque a morbo, neque forte veneno; 710<br />

Verum aliquid génère esse ex hoc, qiiod contîgit ci,<br />

Scîmns : item in mollis hoc rébus dicere habemus.<br />

flilus in nsfatem crescil 9 campîsque re<strong>du</strong>ndat,<br />

Unicus in terris , jfigyptî lotins ainnis :<br />

1s ript jEgyptom médium per sœpe calorem ; 715<br />

âul quia sunl aestate Aquilonesos!la contra,<br />

Auni le m pore eo, qui Eteske esse feruntur;<br />

Et» contra flovium iantes, remorantur ; elf undas<br />

Cogentes stirsns, replenl 9 coguntqii© manere.<br />

Pam <strong>du</strong>bio procul iiœe aivorso Oabra feruntnr 720<br />

Flumine, qnae gelidis ah stellis axis aguntur :<br />

111e ex aestifeca parle veiiît amnis, ab Austro, •<br />

Inter nigra viram percocto secla etlore,<br />

Eioriens penitus média ab regione diei.<br />

Est quoque , uli possit magnas congeslas arena 725<br />

Il peut arriver encore qu'on vaste amas d§<br />

sabli forme à l'embouchure une digue contre les<br />

lots, alors que la mer, bouleversée par le vent,<br />

y roule des sables. De cetie manière, l'issue <strong>du</strong><br />

fleuve est moins libre, et il trouve un essor<br />

moins facile à la petite de ses eaux.<br />

Il est possible aussi que les pluies tombent<br />

plus abondamment a la source <strong>du</strong> Nil f quand le<br />

souffle des vents étésiens précipite de ce côté<br />

toutes les nues des airs. Chassées vers les régions<br />

<strong>du</strong> midi, elles s'amassent, s'épaississent enfui à<br />

la cime des <strong>mont</strong>s, et tombent accablées de leur<br />

propre poids.<br />

Peut-être enfin les hautes <strong>mont</strong>ages de l f Êthiopiefournissent-elles<br />

à ces débordements, alors<br />

que leurs blanches neiges roulent dans la plaine,<br />

fon<strong>du</strong>es aui rayons <strong>du</strong> soleil, cet œil immense<br />

<strong>du</strong> monde!<br />

Yois maintenant ce que sont ces endroits, ces<br />

lacs nommés Avernes : Je vais en expliquer l'essence<br />

et la base*<br />

D'abord, ce nom Cavernes qu'on leur donne<br />

s'appuie sur un fait; car ils sont funestes à tous<br />

les oiseaux. Ceux que leur vol amène directement<br />

au-dessus de ces lieux oublient d'agiter la<br />

rame, de tendre la voile de leur aile; leur tête<br />

flotte languissamment, et ils sont précipités à<br />

terre, si la nature <strong>du</strong> lieu le permet, ou dans<br />

Peau, si au dessous d'eux PAverne étend ses lac*.<br />

il y a près de Cumes un endroit de ce genre, ou<br />

des <strong>mont</strong>agnes, pleines de soufre et enrichies de<br />

sources chaudes, exhalent une acre fumée.<br />

On en voit un autre dans les murs d'Athènes,<br />

au sommet de la citadelle, près <strong>du</strong> temple de la<br />

Flucllbus ad?orsis oppilare ostia contra »<br />

Qnom mare, permotuwi ventis, mil ihtus arenam;<br />

Quo fit uti pacto lilier minus eistus amnîs,<br />

Et proclivus item fiât minus impetus unde : s.<br />

Fit quoqtie f uti plm'm forsan mugis ad capnt ejtns 730<br />

Tetnpctreeo fiant, quo Etesia flabra Aqnitonura<br />

Nultlla conjiciunl in eastnnc omniapaiteis.<br />

Scilicet ad mediam regionem éjecta diei<br />

Qnom conveneriwi 9 ibi ad altos denique monleis<br />

Centras* nubes cogtitiîtir, Tique preratmtur. 735<br />

Forsilan jEthiopum penîtnn de monlibiisaltîs<br />

Creseat» ubi în campos albas desrendere ningucîs<br />

Tabifieis suhigit radils mï t omtiia luslraiis.<br />

Nunc âge, Averna Ubi qu«e sinl loca qootnque lacusqne,<br />

Expediam ; qnaII nalnra pnpriîla cotistent. 740<br />

Prim;i(iiof quod Aimta vocaiitur nomiiie, M ab m<br />

Imposition est y quia sunt mibm contraria cuncteis,<br />

E regione m qnod loca quom venere volantes 9<br />

lemigiom oblilœ, pennarnm vêla remit lu ot,<br />

Praecipltesquera<strong>du</strong>nt» molli cervice prcifnsœ, 74i<br />

In terrain, si forte ila fert oatura locorum ;<br />

âut in aqnam9 si forte laeus substratua Aterni.<br />

1s locus est Oumas apud ; acri sulfure <strong>mont</strong>es<br />

> Oppletei calidis ubi fumant fontibut luetd.


DE Là NAT01E DES CHOSES, UV. VI. ISS<br />

bienfaisante Pallas. Jamais les corneilles à la vofx «<br />

rampe n'osent y aborder au vol, pas même<br />

quand les offrandes fument sur les autels : tant<br />

elles fuient avec effroi, non pas la terrible colère<br />

de Pallas allumée par leur vigilance, suivant<br />

les poètes de la ûrèc


134 LUCRECE-<br />

ians les ressorts des membres , et vont, ébranler<br />

rflme ai foid de ses retraites.<br />

Enfin, si on demeure longtemps au bain<br />

cbaud | et que plongé dans le ?ase on ruisselle<br />

d 9 une eau bouillante, quand on est plein de<br />

nourriture , avec quelle facilité la vie s*écroale<br />

, au milieu de Fonde I<br />

Avec quelle facilité aussi l v énergique et pernicieuse<br />

odeur <strong>du</strong> charbon se glisse dans le<br />

cerveau f si on ne boit de l'eau avant qu'elle n f y<br />

<strong>mont</strong>e 1<br />

Et quand elles ont envahi 9 échauffé toutes<br />

les pièces d'une maison, les fumées <strong>du</strong> vin<br />

portent aux nerft une sorte de ooup mortel.<br />

Ne vois-tu point aussi naître et s'amasser<br />

dans la terre le soufre, et le bitume à l'odeur<br />

fétide? Enfin, quand on poursuit les veines<br />

d f argent ou d f or, et que, le fer à la main, on fouille<br />

les profondeurs cachées <strong>du</strong> soi, quelles funestes<br />

vapeurs jaillissent des entrailles de la mine 1<br />

Que d'exhalaisons malfaisantes au séjour de ces<br />

riches métaux! et quel visage, quel teint ils<br />

donnent aux hommes 1 Ne vois-tu point, ou<br />

n f as4u pas enten<strong>du</strong> dire avec quelle promptitude<br />

ils y meurent d'ordinaire, et combien la vie<br />

manque nécessairement d f abondance pour ceux<br />

que la grande force des lois enchaîne à ce ter*<br />

rïble ouvrage? Il faut donc que le sol écumait<br />

jette toutes ces vapeurs, et les répande dans la<br />

vaste et libre éten<strong>du</strong>e de Pair.<br />

Voilà comment les Averaes doivent envoyer<br />

à l'oiseau une essence mortelle, qui s'élève de la<br />

terre aux cieux, et qui va empoisonner une certaine<br />

partie de l'atmosphère. A peine l'oiseau y<br />

est-il porté par ses aies, enlacé aussitôt etcom-<br />

Quam facile in oerebram, nîsi aqoam pneoepimiis ante?<br />

âtp qnom membre domus percepit fer?Ida, nerfeis 805<br />

Tarn it octor vin! plagie roaelabilis instar.<br />

Nonne vicies etiam terra quoque stjtfur in ipsa<br />

Gigaier, et tetro concrescere odore bituman?<br />

Denique, ubiargenti fenas aurïqtte sequuiitur,<br />

Terrai penitns scrutantes abdita ferro, S10<br />

Quâieis exspiret scaptensnla sobler oiores?<br />

Quidfe mali it9 ut exhalent aurata metalla?<br />

Quas liominutn red<strong>du</strong>nt faciès» qualeisque cokiree:<br />

Nonne ¥ides}audis?ey perire in tempore parvo<br />

Quam soleaot; et quam YÎtai copia desit, SIS<br />

Qnos'opere in talî cohjbet fis magna 9 necesteest?<br />

Hos igitur tdtns omneis exœstuat aestus;<br />

Exspiratque foras in aperta promptaquecœli.<br />

Sic et A¥erea loca alitibus subraittere debent<br />

Mortifierai» vira » de terra quœ surgit in auras» 830<br />

Ut spatiom cœli quadam de parte fenenet ;<br />

Qoo simul ac primum pennis delata sit aies ,<br />

Impediatur Ibi, œco correpla veneno »<br />

UI cadate regbne loci, qna diriglt «stus :<br />

Qno qnom corrnit, haec eadem vis illins aestus 825<br />

Rellquias tite membrls ei omnibus aufert.<br />

me saisi ie f illisible pisoi ,11 tombe en tlgu<br />

directe vers l'endroit d'où <strong>mont</strong>e l'infect bouillonnement<br />

; et, après m chute f la fatale énergie<br />

ie cette même écume loi ôte des membres tous<br />

les restes de la vie. Car la première attaque n'eicite<br />

en lui qu'une sorte ie vertige; pufef quand<br />

il est précipité dans la soirée même <strong>du</strong> venin f il<br />

faut encore qu'il y vomisse l'âme» parce que les<br />

exhalaisons meurtrières l'environnent en abon*<br />

dance.<br />

Il se peut aussi que, de temp à autre y cette<br />

énergie et ce bouillonnement de l'Averne dissipent<br />

tout l'air qui est entre l'oiseau et le sol, de<br />

manière que l'intervalle soit presque abandonné<br />

au vide. Alors, quand l'oiseau qui vole passe directement<br />

au-dessus de ces lieux, ses ailes fati*<br />

guées en vain lui manquent tout à coup, et cfaacune<br />

voit trahir son effort inutile. Ne pouvant<br />

trouver un appui que son aile lui refuse f il tom*<br />

be : son poids l'entraîne, la Nature le veut ; et une<br />

fois éten<strong>du</strong> av milieu <strong>du</strong> vide, il répand son âme<br />

par toutes les issues <strong>du</strong> corps.<br />

L f eau des puits gagne de la fraîcheur en été,<br />

parce que la chaleur appauvrit le sol , et que si<br />

la terre possède quelques atomes de feu, elle se<br />

hâte de les rejeter dans les airs. Ainsi donc, plus<br />

la chaleur frappe la terre, plus elle glace le fluide<br />

que la terre recèle, liais quand le froid à son<br />

tour la presse, ta ramasse, la <strong>du</strong>rcit, il arrive<br />

que cet épaississement refoule dans les puits toute<br />

la vapeur chaude que portent les flancs <strong>du</strong> sol.<br />

On dit que, près <strong>du</strong> temple d'Hammon, il y<br />

a une source froide tant que brille le jour, et<br />

chaude tant que règne la nuit. Les hommes s f émerveillent<br />

trop de cette fontaine. Us croieit<br />

Qnippe etenim , primo quasi qnemdam eonciet aestum;<br />

Posterias fit » utei, quom jam ©ecidere veaeni<br />

In foiîlels ipsos f ibi sit quoque vite vomunda,<br />

Profiterea quod mapa mai sit copia circom. §30<br />

Fit quoque, fit inter<strong>du</strong>m vis tiaee alque aestus à terni<br />

âera, qui inter mm quoonque est terramqiie iocatus,<br />

Discufiat, prope nll locus hiuc linquatur inaais.<br />

Qimjus ubi e reglone locïf cnere volailles »<br />

Claticlical eitemplo pennarum nîsus inanis t<br />

S3S<br />

Et conamen ulrimqtiealarum proditur oinne.<br />

Hic9 ubi nictarineqiiemit, iisistereque alis9<br />

Scilket in terrain delabi pondère cogit<br />

Natura; et, varjium propejam perinane jacenles,<br />

Dispergunt animas per caillas corporis omneis. 84tt<br />

Frigtdior porro in piiteis aestate fit faumor,<br />

Earescit qy ia terra calera , et semina si qua<br />

forte vaporis tiâbal 9 propre dimitlit in auras :<br />

Quo oiagis est Igitur telles effeia calore,<br />

Fitquoquefrlgidiorp qui in terra est abdilns» Immor. Mk<br />

Fiîgore quom premitiir porro omnis terra, coitque,<br />

£1 qiiast concreseit ; fit scilicet in cœundo f<br />

Exprimât in potées 9 si quem gerîl ipsa 9 calorem*<br />

Esse apnd Hammonii faiimo feus lace diurim


ifu^iiii soleil pénétrant l'échauffé sous terre d'un<br />

fei rapide, dès que la nuit enveloppe le monde<br />

de ses épouvantables voiles ; opinion qui s'écarte<br />

bien loin de la vérité. Quoil le soleil trafaille la<br />

surface nue des ondes, sans venir à bout de la<br />

rendre chaude quand sa lumière nous domine,<br />

quand elle possède de si vives ardeurs; et il<br />

pourrait au fond de la terre $ ce corps si épais,<br />

faire bouillir la matière humide 9 et lui communiquer<br />

son ardente vapeur I Lui surtout qui est<br />

à peine capable d'insinuer à travers les murs de<br />

nos maisons les traits brûlants de sa flamme.<br />

Mais où donc est la cause de ce phénomène?<br />

La voici. Une terre moins compacte que le reste<br />

<strong>du</strong> sol embrasse la fontaine, et mille germes de<br />

feu avoisinent la substance de fonde. Aussi,<br />

quand les ombres humides de la nuit engloutissent<br />

la terre» la terre aussitôt, glacée jusqu'au<br />

fond des entrailles, se contracte ; et alors, comme<br />

si on la pressait avec la main, elle vomit dans la<br />

source tout ce qu'elle peut avoir de brûlants atomes,<br />

et fait que Fean ardente au toucher écume<br />

de sapeur. Mais une fois que les rayons naîssatits<br />

<strong>du</strong> soleil ouvrent les pores* et amaigrissent* le<br />

flanc des campagnes, ou pénètrent de bouillantes<br />

fumées, les éléments <strong>du</strong> feu regagnent leurs anciennes<br />

demeures, et la terre recouvre toute la<br />

chaleur des eaax. Voilà pourquoi la source fraf*<br />

chità la lumière <strong>du</strong> jour.<br />

En outre, le soleil frappe les ondes de ses<br />

rayonsf et plus le jour augmente, plus un feu<br />

tremblant écarte les germes humides : il en ré*<br />

DE LÀ NATU1E DES CHOSES, LIT. VI. 1*5<br />

Frigi<strong>du</strong>s f et cali<strong>du</strong>s nocturno tempore f fertur. ILQ<br />

Hune hommes foulera oirais adroirantur, et acri<br />

Sole putant sobter terras fer?escere partfm 9<br />

If ox ubi têrribil terrain caîlgiie teiit :<br />

Quod nimis a ¥era est longe ratifie remotnm.<br />

Qolppe, ubi sol » nu<strong>du</strong>m contractant corpus aquai , 855<br />

Non qnferit call<strong>du</strong>m snpera de reddere prie,<br />

QtioHi sapemm lumen tanto femme fruatur ;<br />

Qaf qneat hic 9 subfer tant crasso corpore terram ,<br />

Percoquere himorem, el calido soclare vapore?<br />

Prmmrîim, qQom ?ii postit per saepta domoram 8§o<br />

tusintiare sutim radiis ardentibus œslum ?<br />

Qu* ratio est igitur? Nimirum y terra magisquod<br />

Raim tenet drcum font era t quam cetera tellus f<br />

Moltaque sont ignis prop semina corpus aquai.<br />

Hoc f ubi roriferis terram nox obrait umbris, Sôà<br />

Eitemplo subtus frigeseit terra 9 coitque :<br />

Mac ratioiie It, ut, tamquam compressa manu sit9<br />

Eiprimat in fonte» » quœ semina quomqne liabet ignis;<br />

Qnae cali<strong>du</strong>m facîunt laiids tactum atque vaporem*<br />

Inde, ubi sol radils terram dimovit obortls, PO<br />

Et rarefeeii , calido miscente vapore ;<br />

iorsus in antiquas redeunt primordia sedeis<br />

Ignis v et in terram ceditcalor omnis aquai :<br />

FrîgMas banc ob rem it fons in lace diurna.<br />

Piwterea » solis radiis jactatur aquai S7 5<br />

suite que tous les atomes de feu appartenant a<br />

ces 'eaux leur échappent. De môme sou?eut elles<br />

rejettent le froid contenu dans leur sein, et brlsent<br />

la glace dapt elles relâchent les nœuds*<br />

Il est encore jne source froide, au-dessus<br />

de laquelle fétoupe qu'on y met prend feu anssitôt,<br />

et vomit la iamme. Par un effet semblable<br />

une torche, allumée dans cette onde, y nage<br />

étïncelante au gré <strong>du</strong> vent qui la pousse. C'est<br />

que l'eau renferme d'Innombrables semences de<br />

vapeur chaqde, et qu'en outre la terre elle-même,<br />

où la source repose, doit y faire <strong>mont</strong>er prtout<br />

de brilants atomes, qui s'exhalent au-dehors<br />

et gagnent les airs, sans être toutefois<br />

asseï vifs pour échauffer la fontaine.<br />

De plus 9 une fois ces atomes répan<strong>du</strong>s hors<br />

<strong>du</strong> sol n une force cachée les oblige de franchir<br />

tout à coup les ondes, et de se rassembler à la<br />

surface. Ainsi, dans la mer Âradienne, on voit<br />

sourdre ira filet d'eau douce, qui écarte autour<br />

de lui les flots salés; mille autres plages de l'Océan<br />

fournissent une ressource utile à la soif des<br />

marins, en vomissant une onde pure au sein de<br />

fonde amère : de même ces éléments peuvent<br />

jaillir à travers la fontaine et s f élancer jusqu'à<br />

Fétoupe. Quand ils sont réunis et attachés au<br />

corps de la torche , ils slallument sans peine aussitôt,<br />

prce que les étoupes et les torches elles*<br />

mêmes tiennent emprisonnées une foule de semences<br />

ardentes.<br />

Ne vois-tu point aussi qu'une mèche de lin<br />

qu'on vient d'éteindre, approchée d'un flambeau<br />

Humor, et in lucem tremulo rarescit ab sestu :<br />

ProptereaËt, uti9 quœ semina quomque faabet Ignis ,<br />

Dimittat; quasisœpe gelum9 quod continet in se,<br />

Mlttît f et eisohrit gtaciem t nodosque relaxât.<br />

Frigi<strong>du</strong>s est etJam fous, supra quera sita saept SSO<br />

Stuppa jacit Ëammani, concepto prolinus ipi ;<br />

Tedaque consiniili ratlone , iccensa per undas,<br />

CoQucet, quoquomque natans ImpeMltur auris :<br />

Mimiram f quia sunt in aqua perniulta vaporis<br />

Semina ; de terraque necesse est fundilus ipsa §§§<br />

Ignis corpora per totum cossu f gère fontem,<br />

Et simul eispirare foras» exlreque in auras ;<br />

Non tam f if a tamen 9 eali<strong>du</strong>s queat ut fierî fons.<br />

Praeterea 9 dispersa foras, erumperecogit<br />

Vis per aquam subito y sursumque m coudllare : |§§<br />

Quod genus, in<strong>du</strong> mari Âradio fonsf <strong>du</strong>lcîs aquai,<br />

Qui scatit, et salsas circum se dimofet undas.<br />

£t multis aliis prœbetregionibus œquor<br />

Utilitatem opportunam sitientibu' nauteis *<br />

Quod <strong>du</strong>lceis» kter salsas, inter?omit undas. 895<br />

Sic IgïttJf per euin posiunt erumpre fontem,<br />

Et scatere olla foras in stuppam semina : qu» que m<br />

Confeniunt y aut in tedai corpore adliœrent,<br />

Ardescunt facile exlemplo; quod multa quoqua in m<br />

Semina habeni ignis stuppae tedaeque tenentes. 9d'3<br />

Nonns vides etiam, nocturna ad lumina linum


116 LUCBECE.<br />

nocturne, se rallume avait d'avoir touché la<br />

flamme? Et la torche de même. Et bien d'autres<br />

matières, frappées de la vapeur chaude, s'embrasent<br />

de loin, avant que le feu ne les pénètre<br />

sous un choc immédiat. Or, on peut croire que le<br />

même fait a lieu dans la source.<br />

Pouracb ver, maintenant je vais dire quelle<br />

loi de la Nature veut que le fer obéisse à l'attrait<br />

de cette pierre que les Grecs, dans leur langue,<br />

appellent mmgnêtique $ parce que c'est ai pays<br />

des Magnésiens qu'elle a pris naissance.<br />

Cette pierre fait l'admiration des hommes.<br />

Oui, car elle forme souvent une chaîne d'anneaux<br />

qui se tiennent eux-mêmes suspen<strong>du</strong>s. Tu<br />

peux quelquefois les voir, au nombre de cinq ou<br />

de plus encore, descendre en une série flottante<br />

an vent, qui l'agite d f uie légère haleine. L'un<br />

tient à l'autre, s'y attache en dessous; et ils ne<br />

connaissent entre eui d'autre appui, d'autre<br />

noeud que la pierre : tant elle propage au loin<br />

l'empire d'un attrait irrésistible 1<br />

Bans les phénomènes de ce genre, mille principes<br />

doivent être bien établis, avant que le fait<br />

même ne reçoive d'explication. C'est par d'interminables<br />

détours qu'il faut gagner le but.<br />

aussi j'implore de toi une oreille et une âme attentives.<br />

B f abord, tous les objets que nous apercevons<br />

sèment et répandent à flots intarissables des essences<br />

qui frappent l'œil, qui excitent la vue. Les<br />

odeurs jaillissent perpétuellement de certains<br />

assemblages; comme le froid émane des eaux<br />

vives, la chaleur <strong>du</strong> soleil, et <strong>du</strong> bouillonnement<br />

Nuper ubi exstinctum admoveas» accendier «île<br />

Quant tetigit Hammam ; tedamque pari ratione ?<br />

Hfultaque prêterai prios ipso tacta vapure<br />

Barrions ardescuut, qtiam commious imbuat ignis. 905<br />

Hoc igitur icri quoque in ollo fonte putan<strong>du</strong>ni est<br />

Qyod superest, agere Incipiani qoo ftedere lat<br />

Haturœ» lapis liic ut ferrum <strong>du</strong>cere possit,<br />

Quem Magneta vocant patrio denomine Graiei,<br />

ifagnetum quia sit patriis in finitiiis ortus. 910<br />

Hune homioes lapidera mîranlur; qoippe catenam<br />

Saepe ci annellis reddlt pendeatibos ex se :<br />

Quinque etenlm Ucet inter<strong>du</strong>m plureisque videre,<br />

Ordine demisso » levibus jactarier au ris,<br />

Unus ubi ex uno dependet, subler adliœreos; 915<br />

El alioque alius lapidis fini vinclaqne ooscit :<br />

Usque adeo permanauler fis per? alet ejus.<br />

Hocgentis in rébus firman<strong>du</strong>ra est multa prius9quam<br />

Ipsins rei rationem reddere possîs;<br />

Et uimium lougîs ambagibus est adeun<strong>du</strong>m : 920<br />

<strong>du</strong>o inagis attentas iiureiaanimunfqiie reposco.<br />

Principio » omnibus a rébus» quasqnomque ?Idemus,<br />

Perpeluo Ancre ac mltll spargîqiie necesse est<br />

Corpora» quae ferlant ocuictfi, fisumque lacessant;<br />

perpetuoque fluuot certis ab rébus odores : 925<br />

f rigus ut a fkfiis, calor a sole, aesius ab undis<br />

des vagues un sel qui ronge les murailles autour<br />

de la côte. Mille sons divers ne cessent de couler<br />

dans l'espace. Enfin, une vapeur an goût salé attaque<br />

souvent nos lèvres, quand nous sommes au<br />

bord de la mer; et l'absinthe qu'on broie, qu'on<br />

mélange devant nos yeux, nous blesse de son<br />

amertume. Tant il est vrai que tous les corps<br />

vomissent un flux de matière qui coule de toutes<br />

parts, en tous sens ! Cet écoulement a lieu sans<br />

trêve, ni repos, ni intervalle, puit»que nos sens<br />

demeurent toujours en éveil, et que toujours on<br />

peut tout voir, tout respirer, ou entendre mille<br />

retentissements.<br />

Ensuite, je te rappellerai à quel point la substance<br />

des corps est poreuse : vérité qui étincelle<br />

au début de mes vers; notion qui a trait à une<br />

foule de choses, mats qui touche surtout au phénomène<br />

dont j'attaque ici f explication. 11 faut<br />

donc établir qu'à la portée de l'homme il n f y a<br />

que des corps mêlés de vide.<br />

D'abord, il arrive dans les grottes que les<br />

pierres de la voûte épanchent, comme une sueur,<br />

de Teau qui ruisselle goutte à goutte. Des sueurs<br />

nous baignent ainsi le corps entier. La barbt» croît,<br />

et le poil jaillit des membres, des articulations.<br />

La nourriture circule éprpillée dans toutes nos<br />

veines : elle va entretenir et accroître les extrémités<br />

même <strong>du</strong> corps, et jusqu'au bout des ongles.<br />

Le froid à son tour et la vapeur chaude pénètrent<br />

l'airain ; nous le sentons ; nous sentons<br />

encore qu'ils nous gagnent à travers l'argent et<br />

for, quand nous tenons une coupe pleine. Nos<br />

murs enfin, nos murs de pierre, s'ouvrent à l'aile<br />

iEquoris, exesor mœroriim litora propler :<br />

Nec ?ariei cessant sonitus manare per auras.<br />

Denique in os saisi venit bumor suppe sapori$ »<br />

Quom mare Yorcamur propler ; dilutaque contra<br />

Quom tuimur mi^reri absintliia 9 taiigit amaror.<br />

Usque adeo omnibus ab rébus res qiiieqiie in enter<br />

Fertur, et in cuoclas dimittitur undique parteis.<br />

Nec mura, nec requies inter dalur ulfa flutindi ;<br />

930<br />

Perpeluo quoniano sentîmes 9 et oninia semper<br />

Cernera, odorari licét, et sentire sonare.<br />

' 93â<br />

Nune omnes repetam quam raro corpore sint res<br />

Commemorare, quod in primo quoqtie carminé clareL<br />

Quippe etenlm, qtiamquatïi multas hoc pertiuet ai res<br />

Noscere» cum primis liane ad rem prolînus ipsain,<br />

Qua de disserere aggredîor, firmare necesse est,<br />

Biil esse in promtnf nisi corpus mixtum in inani.<br />

Principio 9 fitf nt in speluncis saïasnperna<br />

Suieal liumora» etguttis raanatitibu* siillent :<br />

940<br />

Manal item nobis e toto corpore sudor; 944<br />

Crescit barba» pileique per omiria membra , per arias :<br />

Diditur in teaas cibns omnei*; augel » aiitque<br />

Corporis eilreaias quoque parteis nngtiicolosque.<br />

Frigus item translre per a>a, cali<strong>du</strong>mque Yaporem,<br />

Sentimns ; seittitnus ilein iransire per aurum y<br />

Atque pr argentum f quom pocula plana tenemus.<br />

940


DE Là NATUBE DES CHOSES, LIV. VI.<br />

rapide iu son; l'odeur y coule, le froid aussi f<br />

et Fardeur <strong>du</strong> feu. Que dis-je? Cette ardeur traverse<br />

même la <strong>du</strong>re essence <strong>du</strong> fer, a l'endroit<br />

où la cuirasse fait le tour <strong>du</strong> cou et l'emprisonne.<br />

Des influences malsaines nous envahissent également<br />

de l'extérieur; et la tempête échappée<br />

de la terre et <strong>du</strong> ciel, on dit avec raison qu'elle<br />

*a se perdre dans le ciel et la terre : car le monde<br />

De renferme que des corps au tissu poreux.<br />

Ajoute qu'il n'est pas donné a toutes les matières<br />

que jettent les assemblages, de pro<strong>du</strong>ire les<br />

mêmes impressions, ni de former avec toutes choseî><br />

les mêmes alliances.<br />

Le soleil cuit et dessèche la terre, mm il résout<br />

la glace; mai'? les hautes neiges amoncelées<br />

sur les hautes <strong>mont</strong>agnes, ses rayons les obligent<br />

de fondre; et la tire, exposée à son ardente va<br />

peur, devient liquide. Le feu est prompt im%4 à<br />

faire couler l'airain, à dissoudre for; mais il<br />

contracte la peau, la chairf et les rainasse. Lis<br />

eaux fluides <strong>du</strong>rcissent à leur tour le fer qui sort<br />

de la fournaise; maïs la chair et la peau, que<br />

<strong>du</strong>rcit la chaleur, y sont amollies. Les chèvres<br />

à la barbe longue aiment tant l'olivier, qu'il<br />

semble ruisseler pour elles de nectar et d'ambroisie<br />

: or, il n'est pas d'arbre qoï pousse une feuille<br />

plus amere au goût des hommes. Enfin, le pourceau<br />

fuit la marjolaine, et craint tous les parfums;<br />

car les porcs hérissés de soies trouvent un<br />

venin énergique dansées odeurs, qui opèrent<br />

quelquefois en nous une sorte de retour à la vie,<br />

La fange, au contraire, la fange, qui est poureous<br />

Denique, par dissœpta domorum saxea voce»<br />

Porfolitani, permanat odos, frigusqtie, vaposque<br />

Igois : qui ferri quoqtie vint penetrare suent<br />

Deuiqne, qua circum eolli lonca coercet. 955<br />

Morbida risque simili f quoin extrinsecus iusiuuatur :<br />

El tempestalem f terra cœloque coortam,<br />

la cœlum terrainque remole jure facessuiit :<br />

Qaandoquidem niliil est, uisi raro corpore nexura.<br />

Hue accedit , uti non omnia, qua? jaeiiintnr 9G0<br />

Corpora qtiomque ab rébus, codera pr&dita sensu<br />

âtque codent pacto rébus sinl omnibus apta.<br />

Prlneipio, terram sol excoquii, et facil are ;<br />

ât glaciem dissolvit, et altis <strong>mont</strong>ibus allas<br />

Extradas ningiieis radlis tabescere cugît : PC5<br />

Denique, cera liqueiit in ejus posta vapore.<br />

Igiiis item lîqui<strong>du</strong>m facit aes 9 aiiruinque resolvit :<br />

ât corîa et caméra trahit, et eon<strong>du</strong>cit in unum.<br />

Hiimor aqu» porro ferrum con<strong>du</strong>rat ab igui ;<br />

âl coria et carnem mollit , <strong>du</strong>rata calore. 970<br />

BArbigeras oleaster eo juvat usque capellaa,<br />

Ellual ambrosia quasi vero et neelare tinctus :<br />

Qiia niliil est homini qnod amariu* frondeat eslu.<br />

Denique f amaracinum fugitat sus, et Uuiet otnne<br />

Utiguentum ; nam setigereis subus acre venentim est, 975<br />

Quod nos inter<strong>du</strong>m lamqiiam recréant videtur.<br />

ât contra nobis cœiium teterrima qnom sit<br />

lif<br />

si affreuse, leur paraît si charmante, qu'ils s'y<br />

roulent et s'y engloutissent avec une ardeur insatiable.<br />

avant d'aborder le point en question, il me<br />

reste encore, je pense, une cho*e à dire. Les<br />

corps divers ayant de nombreux interstices, il<br />

faut que ces interstices soient diversement orgânîsés<br />

: il faut que chacun ait une nature et offre<br />

une voie particulière. Oui, car les animaux possèdent<br />

des s'*ns distincts, et chaque organe ne<br />

reçoit que l'objet qui lui est propre. Ne vois-tu<br />

point, ^n effet, que le son a d'autres routes que<br />

le goût des sues nourrissants, que l'haleine embaumée<br />

des odeurs? De plus, autres sont les<br />

corps répan<strong>du</strong>s à travers l'airain f autres ceux<br />

qui pénètrent le bois, autres ceux qui fendent<br />

for : ne le vo*s-tu point aussi f Et par l'argent<br />

il s'écoule autre chose que par le verre, puisque<br />

le verre s'ouvre a l f image, et f argent à la chaleur.<br />

Et puis, les émanations franchissent plus ou<br />

moins vite les mêmes pures. Ainsi le veut la nature<br />

de ces routes variées de mille façons, comme je<br />

viens d«- le <strong>mont</strong>rer plus haut,,par la différence<br />

de l'organisation et <strong>du</strong> tissu dans les êtres.<br />

Une fois que ces idées fondamentales reposent<br />

affermies sur leur base, et nous préparent le terrain<br />

d'avance, le reste e*t facile : tout s'éclaircit,<br />

et fou voit apparaître la cause qui attire 1 essence<br />

<strong>du</strong> fer.<br />

D'abord il faut que de l'aimant jaillissent une<br />

foule d'atomes, sorte de vapeur écornante qui<br />

bat et dissipe tout l'air interposé entre la pierre<br />

SpurciUes, eadem stiibus haec rounda videtur,<br />

(nsatiabiliter totei ut îolfantur ibidem.<br />

Hoc eliani superest» ipsa qiiam dicere de re 980<br />

Aggrecliorf qnod dicundiim prius esse videtur,<br />

Mnlta foramina qnom varieis sint reddita rébus,<br />

Dissimili inler se natnra prœdlia debent<br />

Esse , et dabere *uam natiirain qiueque fiasque*<br />

Qnippe etenim tarit*! nensus animautibua instinl, 98§<br />

Quiimni qnisqne stiatn proprie .rem percipit in st.<br />

Nam penetrare aiio sonilua 9 alioqne saporem<br />

Certitnius e sticis 9 allô nidoris odores.<br />

Praeterea, nianare aliud per saxa videtur,<br />

Atqne alind lignîs y aliud transire per aurum | 99i<br />

Argenloque foras alind f vitroque meare;<br />

Nam flnere hac speeies t iilac calor ire ? idetur ;<br />

Atque nliss alind ci tin s transmittere eadem.<br />

SciliceL ici lieri cngit natura viariiw t<br />

Multimndis varians f nt panlio ostendimus ante, 99S<br />

Propter disaimilem naturam textaqne rerum.<br />

Qtiapropler, bene nbi hœc, eonfirmata atque locata,<br />

Omniacouittiterint, noltîs prapposta, parafa;<br />

Qnod superent9 facile liinc ratio reddetur9 etomnis<br />

Causa pateflet f qnm ferri pelliceat vim. 1008<br />

Principio f lu ère e lapide lioc permulta necesse est<br />

Semina y site aestum 9 qui diacutit aéra plagia s<br />

Inter qui lapidem femunque est quomqtie locttut.


1S8 LUCEECE.<br />

et le métal. Dès qu f ils ont balayé cet espace,<br />

et qu'an grand vide se fait dans l'Intervalle,<br />

aussitôt les éléments <strong>du</strong> fer y glissent f y tombent<br />

encore réunis; de telle sorte que l'anneau même<br />

suit l'impulsion, et se précipite en masse. Car<br />

il n f y a point de corps que ses germes embarrassent<br />

davantage par un enchaînement plus étroit, plus<br />

solide, que le fer robuste, essence glaciale qui<br />

eicite le frisson. Il n f y a donc rien d'étrange à<br />

dire que cette foule de corps élémentaires ne peuvent<br />

se répandre <strong>du</strong> fer et gagner le vide, sans<br />

que l'anneau tout entier les suive. Il les suit, en<br />

effet» jusqu'à ce qu'il rencontre la pierre ellemême,<br />

et que d'invisibles nœuds l'y attachent.<br />

Ce phénomène s f accompIit en tous sens : à quelque<br />

endroit que se forme le vide, soit de côté,<br />

soit en haut, les atomes voisins se portent à l'Instant<br />

vers l'espace libre. Songe que des chocs<br />

ultérieurs les y poussent; car ils ne peuvent<br />

spontanément et à eux seuls <strong>mont</strong>er dans les<br />

airs,<br />

II est un autre motif qui leur rend cet essor<br />

plus facile. Dès que l'appauvrissement de l'air<br />

placé en tête de l'anneau y débarrasse, y vide<br />

l'intervalle, il arrive soudain que Pair opposé<br />

chasse, en quelque sorte, et roule Panneau par<br />

derrière. L'air, en effet f ne cesse de battre les<br />

corps qu'il environne. Mais alors s'il ébranle le<br />

fer, c est qu'il a un point de l'éten<strong>du</strong>e qui est<br />

vide, et qui ouvre ses lancs au métal. Cet air<br />

dont je parle, luide subtil qui coule parles mille<br />

pores <strong>du</strong> fer jusque dans ses moindres atomes,<br />

Hoc util inatiilttr spitium 9 multosque varefit<br />

in medio locus ; extemplo primordii Terri 1005<br />

In tacutim prolapsa ca<strong>du</strong>nt eonjuncta, It utque<br />

Annulus ipse aeqoatiir» eatqiie iii corpore toto.<br />

Mec mê ulla magis 9 primoribas et démentis<br />

In<strong>du</strong>pedita suis 9 arête conneii cohaeret »<br />

Qtiaïîi ? allai ferri nature frigl<strong>du</strong>s licirror ; 1010<br />

Qiio minus est rairutn t quod dieîtur, ei démentis<br />

Corpora si nequeuot f de ferro plura coorta t<br />

In facuiîfiî ferri t quln annulus ipse sequatur :<br />

Quod focll ; et sequitur, donec pervenit ad ipsum<br />

Jam lapidem f cacisque in m compagibus liœsit, 1015<br />

Hoc lit idem cunctas in parteis ; oncle vaceiit<br />

Quomquè lœus» site ei twisforso f site superne,<br />

Corpora continuo in vaeuani ilcioa feruntur :<br />

Qulppe agitantor enim plagis aliunde » sec Ipse<br />

S peu le sua sursum possnnl consurgere m auras. 1020<br />

Hue aecedît item y qoare queat id magis esse :<br />

Quod siiBiii a f roule est annelli rarior aer<br />

Faetus» inaMtusqui locus magis ac vacuatus,<br />

Continuo lt9 uti» qui post est quontqne locatus<br />

Aer, a tefgo quasi provehat atque propellat. 1025<br />

Semper enim circum positos res verberat aer ;<br />

Sec! tali fit uti propellat tempore ferrera y<br />

Parte quod m una spatlum vacat» et capit i» se.<br />

pic tibi» qmm memoro, per crebra feramtna ferri<br />

le ment et le précipite : comme le vent qui enit<br />

la voile des navires 9 il aide et favorise l'élan d'un<br />

corps inerte.<br />

Enfin, tons les êtres doivent avoir de fair dans<br />

leur substance, puisque leur substance est poreuse,<br />

et que Fair les envelopp, les baigne de<br />

toutes parts. Or, celui que les entrailles <strong>du</strong> fer<br />

recèlent, y iotte tourmenté d'une agitation perpétuelle;<br />

et en s'agitait, il est incontestable qu'il<br />

frappe Panneau, qu'il en soulève l'intérieur, et<br />

qn f enfin il se jette avec lui <strong>du</strong> côté où le fer s'emporte<br />

déjà, et s'empare <strong>du</strong> vide ouverte ses efforts.<br />

11 arrive quelquefois aussi que la nature écarte<br />

le métal de cette pierre f et l'accoutume tantôt à<br />

la fuir, tantôt à la suivre.<br />

J'ai vu même des anneaux de Samothrace reculer<br />

en bondissant 9 et des parcelles de fer tressaillir<br />

avec fureur dans un vase d'airain, sous<br />

lequel on avait mis une pierre magnétique : tant<br />

il semble que le fer brûle d'échapper à l'aimant,<br />

dès que l'airain s'interpose entre eux, et tant la<br />

discorde éclate aussitôt! Voici pourquoi sans<br />

doute. La vapeur émanée de l'airain a pris les<br />

devants, et occupe toutes les ouvertures <strong>du</strong> fer;<br />

celle de l'aimant, qui vient ensuite, trouve les<br />

voies remplies, et ses canaux ordinaires lui<br />

manquent. Elle est donc ré<strong>du</strong>ite à heurter, à battre<br />

d'une vague orageuse l'impénétrable tissu :<br />

c'est ainsi qu f elle repousse et agite à travers l'airain<br />

un corps qui, sans l'airain, court d'habitude<br />

s'engloutir en elle.<br />

Ne va point t f émerveiller, à ce propos ? si Fex-<br />

Parvas ad pirteis subiliter insinuâtes t<br />

1030<br />

Tradit et impeilit : quasi naves velaque tentls»<br />

Hœc qU(Mpe fm adjimiafito motuque ju?atur.<br />

Oenique res omnes debeof in corpore liabere<br />

Aéra» qiandoquidera raro sont corpore» et aer<br />

Omnibus est rébus circunidatus appositusque. 1035<br />

Hic igitnr, penibis qui in ferro est abditus 9 ter<br />

Sollicite motu sempr jactaturt coque<br />

Verberat annellum 9 <strong>du</strong>bio procul ; et cfet Infos<br />

Sellieel : atque codent ferbir, quo prsecipita?it<br />

Jam semel 9 et vacuam partent in conamina sumsit. loto<br />

Fit quoque, ut a lapide hoc ferri natura recédât<br />

Interdirai» iogere atque sequi consueta vicissim*<br />

Exsoilare efîaro Sa mot h racla ferrea vidl ;<br />

âc rainent» simul ferri furere lotes alienis<br />

In scaphiis» lapis lue Magnes quom subdilus esset : iota<br />

Usqne adeo fngere a saio gestire videtur<br />

Mm întarposito ; discordia tanta ereatur !<br />

Propterea » quia nimirum prius œstus ubi aeris<br />

Prœcepit, ferrique lias possedit apertas;<br />

Posterior lapidis venil testas* et omnia plena f 051<br />

Invenit in ferro; neque habet qua tranet9 ut ante :<br />

Cogitur offeisare igîtor» pulsareque fluctu<br />

Ferrea texte suo : quo peto respoif ab se»<br />

Âtqtie per ses agitât 9 sjne m quod sfepe resorbet.<br />

Illad in bis rébus «tirtri initie» quod aestos iû-il


DE LA NATURE DES CHOSES, LLV. VI. 139<br />

hilaison de la pierre n'a pas la vertu d'imprimer<br />

à toutes choses le même élan. Quelques-unes demeurent<br />

inébranlables sous leur poids , eomme<br />

for. Dautres, matières si lâches que cette vapeur<br />

y passe sans obstacle f n'offrent aucune<br />

prise à l'impulsion : la substance <strong>du</strong> bois est évidemment<br />

de ce genre. Mais le fer9 essence qui<br />

tient le milieufentre ces deux natures, à peine<br />

absorbe-t-it quelques parcelles d'airain, qu'il se<br />

voit ébranler au choc <strong>du</strong> torrent magnétique.<br />

Encore ces phénomènes ne sont-ils pas si<br />

étrangers au reste des corps, que mille faits analogues<br />

ne me fournissent de quoi citer mille liaisons<br />

extraordinaires.<br />

Tu vois d'abord que la chaux seule joint un<br />

amas de pierres, que la seule colle de taureau<br />

enchaîne ta matière des planches; et un défaut<br />

<strong>du</strong> bois ouvre leurs veines plus souvent que la<br />

colle ne relâche ses nœuds.<br />

La vigne ose mêler sa liqueur jaillissante à feau<br />

des fontaines; ce que ne peuvent ni la poix trop<br />

lourde, ni l'huile trop légère.<br />

L'éclat <strong>du</strong> coquillage de pourpre se marie et<br />

t'incorpore à la laine f ai point d'en être à jamais<br />

inséparable : oui, dût-on employer les<br />

lots de Neptune à déteindre l'étoffe; oui, toute<br />

h mer dût-elle la baigner de toutes ses ondes !<br />

Enfin f un corps unique soude for à for, et le<br />

cuivre se voit unir au cuivre par rétain.<br />

Que d'alliances pareilles je puis trouver encore<br />

1 mais à quoi bon? To n'as aucun besoin de<br />

ces longs détours ; et moi, il ne convient pas que<br />

j'y dépense tant d'efforts inutiles. Mieux vaut<br />

Non vakt e lapide hoc alias impellere liera res.<br />

Pondère eoim fretse partim stant; quod gentil, auruin :<br />

Ac partira » rare quia seul eura corpore, ut aestus<br />

Penrolet inlactus , nequeunt impellier usquam :<br />

Lignca maleries in qno génère esse videtur. f QGQ<br />

liiter utrasque igilor ferrî natura locata 9<br />

Mm utoi accepit quœdam corpiiscula, trnu fit,<br />

Impelbiit ot eara Magnesia flumina saxi.<br />

ffee tamen îiaec lia sauf aliaram rerum aliéna ,<br />

Ht nihi milita paru m génère ex hoc suppeditetitur, 1065<br />

Quae memorare qoeam înler se aing'lariter apta.<br />

Saia fiées primuin sola coolescere calée :<br />

Glutine maleries taurioo jungilur tmaf<br />

Ut vîlio fenae tabularum saepins hiseaot ,<br />

Qaam laiare qoeant compages taurea fincla. iu"*o<br />

Vitigenei latices in aquai fontibus audent<br />

Miscerif quom pix nequeat gratis» el levé olifom.<br />

Purpureusque colos conctiylii jungitnr uno<br />

Corpore euro lanae, dirimi qui non queat usquam ;<br />

Non si Heptuni iuctu renof are operam des ; 107 -i<br />

Son» mare si totum velil eluere omnibus andis.<br />

Oenique res auro aurum concopuiat ima »<br />

JErlque es plombo it uti jonptur ab albo.<br />

Cetera jam quant milita licet reperire ? Quid ergo?<br />

Mm tiM lam long» opus esl apbagibus usquam f i Ofiû<br />

embrasser mille choses en quelques mots. Loi»*<br />

que des corp, des tissus 9 se rencontrent avec<br />

de si harmonieuses oppositions que les saillies<br />

des uns répondent aux cavités des autres, leur<br />

union est parfaite. Il peut arriver aussi que des<br />

espèces d'anneaux ou de crochets les enlaçant,<br />

les tiennent mutuellement enchaînés; et voilà<br />

quel doit être surtout le lien de l'aimant et <strong>du</strong><br />

fer.<br />

Maintenant expliquons la cause êm maladies,<br />

et de quelle source peuvent naître tout à<br />

coup ces influences malsaines, qui répandent<br />

au loin la mortalité sur la race des hommes et<br />

sur les troupeaux de bétail. Wabord, je te l'ai<br />

enseigné plus haut: s'il y a mille espèces de semences<br />

favorables à notre vie, mille autres au<br />

contraire f qui engendrent la maladie et la mort,<br />

volent nécessairement ici-bas* Quand le hasard<br />

les amasse, quand elles troublent la pureté <strong>du</strong><br />

ciel, les airs deviennent malsains. Ces tempêtes<br />

de maladies, ces pestes, un climat lointain<br />

nous les envoie, comme les nuages et les brouillards<br />

, à travers la haute voûte des cieux ; ou<br />

bien elles jaillissent et <strong>mont</strong>ent de la terre même<br />

dont les entrailles humides se gâtent , une fois<br />

battues de pluies et de chaleurs intempestives.<br />

Ne vois-tu pas, aussi, que le changement d'air<br />

et d'eau porte atteinte à ceux qui voyagent loin<br />

de leur patrie et de leurs foyers? Il faut l'imputer<br />

aux vives oppositions de la température.<br />

Quelle différence, en effet, nous offre le ciel des<br />

Bretons et celui de l'Egypte, où penche Taxe<br />

<strong>du</strong> monde 1 quelle différence dans l'air, <strong>du</strong> Pont<br />

Nec me tam multam liia operam consumera par est ;<br />

Sed breviter paocis praestal comprendere milita.<br />

Quorum lia texturte ceciderunt mutua contra,<br />

Ut cava con?eniant pleneis tec illius, cilla<br />

Hujusque ; inter se juncitira liaec optuma constat. 1085<br />

Esl etiam , quasi ut annellis liamisque plieata,<br />

Intâr se quaedam possint coplala teneri :<br />

Quod tnagls in lapide hoc ieri ferroque vldettir<br />

Nanc, ratio qtue slt morbeis, aut unde repente<br />

Mortiferara possil cladem canflare coorta 1001<br />

Morbida fis hominum geaerl pecu<strong>du</strong>mque caterveis,<br />

Expediam. Primum» multaram seoiiaa reniai<br />

Esse supra docui, quae sint vitâlia nobis ;<br />

Et contra , quae stut morbo mortique, necesse est<br />

Bf tilta f olare ; ea quom casu simt forte eoorta y<br />

f OU j<br />

Et pertorbarunt eoalum f il morbi<strong>du</strong>s aer.<br />

Atque ea fis omnis morborum pestilitasque<br />

Aut exlriiisecus, ut nubes nebuiseque siiprne<br />

Per ccaloni ventant ; aut ipsa sœpe eoortâ<br />

De terra surgunt, ubi putorem <strong>du</strong>mida nacta esl, f JOU<br />

Intempestif is plumsque et mïibm icta.<br />

Koime vides etiam cœli no?itata et aquarum<br />

Tentari » procul a palria queîquomque domoque<br />

Adveniunt ? ideo quia longe discrepitant res.<br />

Kam quid Iritamiêis ci<strong>du</strong>m differre pulamus p 1105


140 LUC1ÈCE.<br />

i Gadès, et jusque chez les iaM*s humaines<br />

noircies par de brûlantes chaleurs? Outre les<br />

quatre vents et les quatre zones qui «distinguent<br />

â nos yeux cm quatre régions, d - langes abîmes<br />

séparent évidemment la couleur, le visage d» # s<br />

peuptes, et les espèces de maux qui envahissent<br />

chacune.<br />

Il est une maladie, l'éléphantiasis, qui s'engendre<br />

sur les bords <strong>du</strong> Nil, au coeur de l'Egypte,<br />

et nulle part ailleurs.<br />

Bans l'Attique, les jambes sont attaquées; et<br />

l'œil, au pays des Acheens. D'autres lieux sont funestes<br />

à d autres parties, à d'autres membres :<br />

cette disposition tient aux variétés de Pair.<br />

Ainsi, quand un ci»-l lointain, qui se trouve<br />

être un poison pour nous, se déplace; quand un<br />

air ennemi nous pagne de sa vague ondoyante,<br />

il se traîne .peu à peu, comme le brouillard ou<br />

les nues; et tonte l'atmosphère ou il passe, il la<br />

trouble, et Toblige a changer de nature. C'est ce<br />

qu'il fait encore, lorsqu'eufln il arrive dans la<br />

nôtre : il la gâte, il la rend pareille à lui-même<br />

et contraire à nous.<br />

Engendié soudain, ce mal nouveau, cette<br />

pe*te va fondre sur leseaux ,ou pénètre les moissons<br />

et les autres aliments des hommes, et la<br />

pâture des bétes; ou même sa fatale énergie demeure<br />

suspen<strong>du</strong>e dans les airs; et quand notre<br />

haleine aspire leur souffle ainsi mélangé, il faut<br />

bien que no* corps engloutissent aussi le venin.<br />

Souvent lu contagion atteint jusqu'aux bœufs,<br />

Jusqu'aux t/oupeaux bêlants que le mal appesantit.<br />

Feu importe donc que nous allions nous-<br />

Et qnod in j€g?pfo eatt qua mnndi claiidicat anis?<br />

Qmdve qttod In Ponlo est f diflerre f et Giitlibus, alqae<br />

Usqtie ad tiîgra virum percocto «ecla calore?<br />

Qua» quom quatuor, ioter se divorsa, vidomus<br />

Quatuor a venlis el avl\ parlihus e^c ; f t f o<br />

Tum color et faciès hominiim distare videulnr<br />

Largiter, et morhei générât im secla leoere.<br />

Eat elephas morbtis, qui propler fltimitia Nili<br />

Gignitur iEgypto in média, neque piielerea iisquam.<br />

Atl'iide teiitantiir gressos, oculeique in Acliaeîs 1115<br />

Finihus : inde allais alius locus est inimirus<br />

Pailibus ac. membre!*; varius ront-innat id aer.<br />

Proiode» ubi se cœlum, quod nobis forte venenum»<br />

CommoTeS » atque aer inimicus serpere cueplt;<br />

Ut nebula ac nubes » paullatim répit t et omne , 1120<br />

Qtia graditur, conflit bat, et iminutare roactat.<br />

Fit quoque, ut in nostrtim quom venil denique cœlum,<br />

Corrtimpat, reddatque gui simiie, atque aiienum.<br />

Haec igittir subito clades nova pestilitasqtie<br />

Aut in aquas cadit , an! frtiges persidit in ipsas, f 125<br />

Aul alios iiomiiium paatus, peaidtimqit^ cibalus;<br />

Aut eliam siispensa manel vis aère in ipso ;<br />

Et, quom spirantes miitus Iiinc <strong>du</strong>eîmus auras,<br />

Olla quoque in corpus irriter sorbere nercsse est.<br />

CkMisiffiili ratSoDC venil bub'is quoqut s«pe 1 ( 30<br />

mêmei en des climats fiinertra, et que nous ehaiiginiis<br />

le manteau des airs qui nou^ enveloppe j<br />

ou bien que la iNature nous amène soit un air<br />

corrompu, soit quelque autre dont l'usage ne nous<br />

e*t point habituel, et dont l'irruption soudaine<br />

peut nous porter atteinte.<br />

Un fléau de ce genre, de mortelles vapeurs désolèrent<br />

jadis les campâtes où régna Cécrops :<br />

les chemins furent dépeuplés, et la ville épuisée<br />

d'habitants. Car une pe*te née au loin f et venue<br />

des confins de l'Egypte, aprè« avoir franchi de<br />

vastes cïeux et lu plaine flottante des mersf s'abattit<br />

enfin sur le peuple de Pandion ; et tous<br />

aussitôt devenaient en foule la proie de la maladie<br />

et de la mort<br />

D'abord un feu dévorant se portait à la tête,<br />

les deui yeux étiiuMaient d'ardentes rougeurs,<br />

La gorge elle-même, noire a l'intérieur, suait <strong>du</strong><br />

sang; des ulcères resserraient en l'obstruant le<br />

chemin de la voix, et le sang ruisselait aussi<br />

de la langue, cette interprète de l'âme, affaiblie<br />

de ses blessures 9 lourde, paresseuse, et rude<br />

au toucher.<br />

Puis, quand le torrent <strong>du</strong> mal, descen<strong>du</strong> par<br />

la gorg#% inondait la poitrine et se répandait au<br />

cœur attriste des malades, alors toutes les barrières<br />

de la vie s'ébranlaient à la fois.<br />

De la bouche roulaient, avec l'haleine, ces<br />

odeurs fétides qu'exhalent en se gâtant les cadavres<br />

abandonnés. L'âme entière dépouillée de<br />

sa force, et tout le corps, languissaient, touchant<br />

déjà au seuil de la mort Ces insupportables douleurs<br />

avaient pour compagnes assi<strong>du</strong>es les in-<br />

Pestilitas; etiam pigreis balantibus aRgros.<br />

Ner refert, iitrum nm in loca de?enîamtis<br />

Nohis advorsa, et aeli mutemos amictom;<br />

Au rcrluni nnhis «illro natura coniptum<br />

Déferai, aut ftliquid » quod non cnnsuevimus uti, i 135<br />

Quoi! ISOS advenlii posait lentare recenti.<br />

H.TC ratio quondam morborum et mortifër aestus<br />

Finihu' Ceeropiis fmieslos retldidit agros,<br />

Vaslavitqtie %ias ; exliausil cîvibus urbem.<br />

Nam peuittis» veniens «Cgypti fhiibus, ortus, 1140<br />

Aéra peruieii&us miillnm, famposque natawteis ,<br />

Inriibuit tandem populo Pandioois; omnes<br />

Indecatcrvalim morho mort que dabantur.<br />

Prîticîpîo, cap ut incensum fervore gerebant;<br />

Kl <strong>du</strong>pliceis onilos sulfura tuée rubenteis. 1145<br />

Sudabant etïam fauces, inlriiisecuft atrae,<br />

Sanguine; et ulcerîbus vocia via sappta coibat :<br />

Atque, animi înterpres, manabat llngua cmore,<br />

Debilitata malts, mot» gra?ist aspe.ra tactu.<br />

Inde f ubi per fonces pectus compterait et ipsum f ISO<br />

Morbida vis in cor mtBstum confluierataegreis;<br />

Omnia tum vero vitai claustra (ababanl<br />

Spiriius ore foras telrum tolvebat odorem,<br />

lancida quo perolent projecta cadatera ritu ;<br />

Atque animi pronom vires totius, et omne Uiè


quiétudes « les ansots«e«, IPS p'aintesorts d* jà fatigués.<br />

Cependant tu n'aurais vu, à fleur de eorp%<br />

aucune extrémité trop brûlante; la mi4n y ren»<br />

contrait plutôt une impression de tiédeur, quoiqu<br />

f en même temps le corps entier fût mugi et<br />

marqué <strong>du</strong> feu des ulcères, pareil au feu sacré<br />

qui se répand sur nos membres. Mais la partie<br />

intérieure de l'homme s'embrasait jusqu'à la<br />

moelle des os; et la iamme bouillonnait dans l'estomac,<br />

comme dans une fournaise. Pas un des<br />

malades n'eût en<strong>du</strong>ré l'u>age de la plus mince,<br />

de la plus légère étoffe : tons abandonnaient<br />

leurs membres, brûlés par la fièvre <strong>du</strong> mal, an<br />

veut, au froid; une partie même à Tonde glacée<br />

des fleuves, où ils précipitaient leurs corps nus<br />

Beaucoup s'élancèrent jusqu'au fond des puitâ,<br />

et y tinrent tomber la bouche béante. Une soif<br />

dévorante, insatiable, les y plongeait; et pour<br />

die les torrents étaient comme des gouttes d eau.<br />

Le mal n'avait point de relâche : les corps gisaient<br />

épuisés de fatigua; la médecine bégayait<br />

à peine dans une muette épouvante, tant elle<br />

voyait de malades rouler un œil ardent, au sein<br />

de longues et pénibles insomnies! Bien d autres<br />

signes annonçaient la mort : l'âme bouleversée<br />

pria tristesse et l'effroi ; le sourcil <strong>du</strong>r et froncé ;<br />

l'air hagard et farouche; les oreilles inquiètes et<br />

toujours pleines d'un sinistre tintement ; l'haleine<br />

Lmguebit corpus 9 leti jam limioe in ipso ;<br />

Intolerabilibtisqiic malts erat mxïm augor<br />

Assi<strong>du</strong>e cornes, et gemitu commixta qiierela;<br />

Singultusque frequens noctem persappe diemque,<br />

Compère assi<strong>du</strong>e nertoset niembra eoacians»<br />

Bissolvebat eosf défenses aille fatigant.<br />

Mec nimio quoiquam posses ardtire tueri<br />

Corporls in summo summam fervescere parlera ;<br />

Sed pot lu s tepi<strong>du</strong>m mantbtis proponere factura t<br />

Etsimul, aleeribas quani inustis, omne rubere<br />

DE LÀ NATU1E DES CHOSES, UV. VI. 141<br />

fico<br />

1165<br />

Corpus, ut est» per raembra sacer quom diclif.ur ignis.<br />

Intima pars hominum vero flagrabal ad ossa ;<br />

Flagrabat stomactio lamma , ut fornacibus, intus :<br />

KO adeo posses quoiquam lete lenueque membreîs<br />

Y«tere in utilitatem : ai fenlum et frïgora semper, i 170<br />

lu flottas partim gelidos, ardent la morbo<br />

Metnbra dâbaot y nadnm jacienle* corpus in undas.<br />

Militai précipites lyropheis pntealibiis atte<br />

Indderunt, ipso venientes ore patente :<br />

fnsedabliiler iitis arida 9 corpora œersaas f<br />

fqaabat muKam parfais bumoribus imbrem.<br />

Mec requies erat ulla mail : defessa jacebant<br />

Corpora; mussabat tadto Medicina timoré;<br />

Qoippe patentia qiom totiens» ardeniia morbis,<br />

Lomiiii forsarent octriorain, expertia sorooo :<br />

Mnltofiia pncteret nortis tam ligni dÉbantar.<br />

1175<br />

1180<br />

tantôt précipitée, tantôt ïente et forte ; ne sueur<br />

qui ruisselait à flots brillants <strong>du</strong> cou ; une salive<br />

claire, appau vrie,teinte d f une couleur de safran,<br />

chargée de sel, et qu'une toux rauque chassait<br />

avec peine de la gorg^.Les nerfs se contractaient<br />

aux mains, les membres tressaillaient; <strong>du</strong> bout<br />

des pieds, enlln, le froid étendait à pas lents et<br />

sûrs ses envahissements. A rapproche <strong>du</strong> moment<br />

suprême, ils avaient encore les narines<br />

serrées, la pointe <strong>du</strong> nez aiguë et mince, les yeux<br />

caves, les tempes creuses, la peau froide et rude,<br />

la bottehe convulsivement ouverte, le front ten<strong>du</strong><br />

et saillant. Bientôt aprè*, lamortroidissait leurs<br />

membre?» immobiles; et quand le soleil avait huit<br />

fois blanchi les deux de sa lumière, ou neuf fois<br />

allumé son flambeau, ils ren taNit l'âme.<br />

Si quelques-uns, comme, le fait arriva,échappaient<br />

à cette mort, parce que les plaies hid< uses<br />

de leurs entrailles vomissaient un torrent de matières<br />

noires, cependant le poison et le trépas<br />

les attendaient encore. Que de fois, au milieu de<br />

vives douleurs à la tête, un sang corrompu remplissant<br />

les narines jaillissait à grands flots 1 et<br />

par cette voie s'écoulait toute 1a vigueur, toute<br />

la substance d**s hommes.<br />

Évitaient-ilscefltix impétueux de sang empoisonné,<br />

la maladie se |etai* alors sur les nerfs, les<br />

articulations, et jusque sur les org-mes générateurs<br />

<strong>du</strong> corps. Aussi les uns, craignant le terrible<br />

seuil delà mort, vivaient-ils en abandonnant<br />

au fer la dépouille de leur virilité. D'autres, sans<br />

pieds ni mains, tenaient encore à la vie; une foule<br />

Pertiirbata animi mens in mœrore metuque;<br />

Triste siipercilinm; furiosus roltus, etacer;<br />

Sollicite porro plemeque aonoribiis aures;<br />

Creber spîrittis t aut ingens f raroque coorlus; i!8i<br />

Sudorisque madens per collum splendidtis husnos :<br />

Temiia sputa9 minuta, croc! contacta colore,<br />

Salsaque, per faoceis ratic-as ?ii édita tnssi.<br />

In maitibus vero nervei trahere, et tremere artos;<br />

A pedibusque minutalim succedere frigns 1190<br />

Ion diibïtabat : item, ad siipremum denique tempos»<br />

Compressée tiares f nasi primons acumen<br />

Tenue ; cavalei oculei; ca?a tempora ; frigida pellis<br />

Diiraque; in ore jacens rietam; fruits tenta minebat :<br />

Bœ nimio rigida post artns morte jacebant ; 1195<br />

ûctatoque 1ère candenti lumine solis,<br />

Aut eliam nona reddebant lampade vitam.<br />

Quorum ai qui*, ut est, vîtarat fnnera leti,<br />

Viseeribiii tctris f et nigra prolnvîe alvi ;<br />

Pnsteritts lamen liunc tabès letumque manebat : 1200<br />

Aut etïam multus capitis cum s»pe <strong>du</strong>lort *<br />

Corrtiptus sangnis expletis naribus ibat;<br />

Hue iiominis tut» f ires corpusque AuebaL<br />

Proiutium porro qni letri sanguinïs acre<br />

Eiierat, tamen in nervos buic morbus et artus llif<br />

lbat9 et in parteis genitaleis corporis îpsn ;<br />

£t graviter partira metueitet UmiBtlêli


142 LUCRÈCE.<br />

se prît aient de leurs yeux : tant était vive cette<br />

peur de mourir Imprimée dans leur âmel Quelques<br />

malheureux enin se prirent à oublier toutes<br />

choses 9 au point de ne plus se reconnaître euxmêmes.<br />

Quoique la terre fût jonchée de cadavres entas*<br />

ses sur cadavres et manquant de sépulture, la race<br />

des oiseaux et les bêtes sauvages s'en écartaient<br />

d'une fuite rapide f pur éviter d'infectes odeurs :<br />

ou bien elles goûtaient à peine ces restes, que<br />

déjà elles languissaient aux approches de la<br />

mort.<br />

Et même, en ces tristes jours, on ne voyait<br />

guère d'oiseaux apparaître, ni d'animaux nuisibles<br />

sortir des forêts : la plupart, frappés de la<br />

maladie, expiraient languissamraent. Les chiens -<br />

surtout, les chiens fidèles, éten<strong>du</strong>s dans toutes<br />

les rues, y vomissaient avec effort leur âme, sous<br />

les assauts <strong>du</strong> mal qui arrachait la vie de leurs<br />

membres.<br />

On menait à la hftte d'innombrables funérailles<br />

que nul n'accompagnait Bien ne fournissait un<br />

remède général et sûr ; car ce qui avait permis à<br />

l'un d f Oul9 car l'avide contagion <strong>du</strong> mal ne ctssiti<br />

point un seul instant de gagner les mis après lit<br />

autres, comme des troupeaux chargés de laine<br />

ou des boeufs mugissants* Yoilà surtout ce qui<br />

entassait funérailles sur funérailles. En effet, tous<br />

ceux qui fuyaient la couche des malades 9 trop<br />

attachés à la vie, trop effrayés de la mort, étaient<br />

bientôt punis par une mort aussi triste que honteuse!<br />

délaissés eux-mêmes, manquant de secoiir%<br />

et à leur tour victimes de l'abandon, Geux au con*<br />

traire qui assistaient les autres, succombaient et à<br />

la contagion, et â la fatigue que les obligeaient de<br />

subir une noble pudeurt et la prière caressante,<br />

la voix plaintive des mourants. Aussi étaient-ct<br />

les meilleurs des hommes qui essuyaient ce beau<br />

trépas.<br />

Luttant d'efforts pour ensevelir sans relâche<br />

tout un peuple des siens, on revenait enin brisé<br />

par les larmes et le deuil Alors la plupart tombaient<br />

au lit sous le poids <strong>du</strong> chagrin; et il était<br />

impossible de trouver un homme que ni la maladie<br />

f ni la mort, ni le deuil, n'eût frappé à cette<br />

cruelle époque.<br />

aspirer encore le souffle vivifiant des airs, Le pitre, le bouvier, et le guide robuste de la<br />

d'apercevoir encore la voûte des deux, perdait charrue, sentaient aussi de mortelles langueurs,<br />

l'autre et amenait sa mine.<br />

au fond des chaumières se pressaient des corps<br />

Mais de toutes ces calamités voici la plus af­ éten<strong>du</strong>s, victimes <strong>du</strong> léau et de la misère. Ici<br />

freuse, la plus lamentable : à peine saisi <strong>du</strong> fléau* tu aurais vu des parents jetés sans vie sur les<br />

on se voyait déjà condamné à mourir; et, dans restes sans vie de leurs enfants ; là des Ils<br />

le triste abattement d'une âme défaillante, on expirant sur le cadavre de leur père et de leur<br />

gisait immobile, n'envisageant plus que la mort, mèrel<br />

et l'on expirait sur la place.<br />

Cette désolation fut en grande partie répan-<br />

Vivebant, ferro privafei parte vlrili ;<br />

Et manibos sine nonnullei pedibusqne maaebant<br />

IQ vite tamen; cl perdebant Itimina partira :<br />

Usque aie© morlis metus hels incusseral tcer !<br />

Alque etiam quosdam cepere oblifia rerom<br />

Ciiiiciariiiîi, neqoe sepossent cognoscere utipsef.<br />

1210<br />

Miiitaque Itumi quom inhumata jacerent corpora supra<br />

Corpribus , tamen alituum genus atque feraruni 1215<br />

Aiit procul absiliebat, ut acrem exiret odorem ;<br />

Aut, ubi gustarat, languebat morte propinqiia.<br />

Mec tamen omnino temere ollis solihus ulla<br />

Comparebat avis, née noxia secla ferarum<br />

Exibant sylvis ; languebanl pieraque morbo,<br />

Et moriebaitur : cum primis fida canum fis<br />

Slrata ?iis animam ponebat in omnibus œgr© :<br />

Extorquebat enim vitam fis morfcida membre»<br />

Ineomitata rapi certabantfunera fasta.<br />

Nec ratio remedii communia certa dabatur :<br />

Nani , quod ait dederat f italeis aeris auras<br />

Volfere in orelicere,etcœli templa lueri,<br />

Hœ alieSs erat exitio t letumque parabat<br />

Hiud in bis rébus miseran<strong>du</strong>m et magnopre nnnm<br />

1220<br />

«225<br />

JSrumnabile erat, quod, ubi se qnisqne fidebat 1230<br />

Implicitam mort», morli damnatua nt essetf<br />

Deiciens animo, mœsto cum corde jaeebat,<br />

Fmiera respectant» animam et mittebat ibidem.<br />

Quippe etenim nullo cessabaettempore aplsci<br />

Ex allis alios a?idi contagia morbi > 1Î3S<br />

Lanigères tamquam pecûdes 9 et bucera seda :<br />

Idque iel in primis eumulabat fancre fuiras.<br />

ffâiïî f queiquomque sues fngitabant fisere ad ttfros,<br />

Vital nimium eupidos mortisque timentels<br />

Pcenibat paulio post turpi morte malaqne y<br />

1MO<br />

Désertes f ©pis experteis, Ineurit macUns.<br />

Quel fuerant aiilein praesto 9 coafagïbas ibant<br />

âtque kbore» pudor quem tum cogebat obire»<br />

Blandaque lassorum fox», miïla toce qtierelœ :<br />

Optumus hoc leli genns ergo quisqiie subibat. 12IS<br />

Inqae aîiis alium y populum sepelire suoruii<br />

Certantes, lacrumis lassei luctuqne redibanL<br />

Inde, bonam partem, in lectum mcerore dabanter :<br />

Nec polerat quîsquam reperirî, quem neque morbnsf<br />

Nec mors f née Inclus tentaret tempore tali. 1**<br />

Praterea jam pastor et armeotaritift omnis,<br />

Et robustes item curvinmderator aratrl,<br />

Languebat; penitusque casa contrusa jacebant<br />

Corpora, pauprtate et morbo dedila morû.<br />

Eianîmls pueris super eianlmala parentum Wâ<br />

Corpora fionnuiîqiiâiîî posses retroqae tiieie<br />

Matribus et patribus natos iupir edere f item.<br />

Hec minumim partent ex igrig mœros ii in iitai<br />

Conflnxil; laopois quem cootulit agp€oliriiiii


SÛMMAI1ES DU POEME DE LA NATtJlE DES CHOSES.<br />

<strong>du</strong>e des campagnes iais la ville* et apportée par<br />

ane foule de laboureurs qui, aux premières<br />

atteintes <strong>du</strong> mal, y affluèrent de tous côtés. Les<br />

maisons, les places disparaissaient toutes sous<br />

leurs flots épais, et la mort y amoncela facilement<br />

les cadavres.<br />

Un grand nombre tombaient de soif au milieu<br />

des rues, et leurs corps, roulant au pied<br />

des fontaines jaillissantes, y demeuraient éten<strong>du</strong>s,<br />

et suffoqués par une onde trop douce à leur<br />

gorge avide. Dans tous les endroits publics, sur<br />

tous les chemins, on voyait aussi des corps à demi<br />

éteints, aux membres languissants, horribles<br />

de saleté, couverts de lambeaux, aux chairs<br />

gâtées et en ruines, aux os revêtus à peine d'une<br />

peau livide, que les plaies hideuses des entrailles<br />

et la corruption avaient déjà presque engloutie!<br />

Enfin la mort, amoncelant ces dépouilles iiia-<br />

Copii, conveniens ex orani morbida parte. IMO<br />

Omnia condebant loca toctaque; quo magisiestus<br />

Conferlos ita aeervatim Mors aeeumulabat<br />

Moite siti prostrata viam per» proque volute<br />

Corpora, silanos ad aquarum strala» jacebant,<br />

Inter<strong>du</strong>ia anima nimia ab <strong>du</strong>lcedtne aquarum : 1205<br />

Mnltaque per populi passlm loca promta vtaqiie<br />

Languidasemianimo cum corpore membra vIderes,<br />

Homda pœdore, et parais cooperta 9 perire<br />

Corporîs illovie : peiis super ossibiisuna»<br />

Vîtceribus letris prope jam sordique sepulta. J270<br />

Oninia denique sancta Deum delubra repterai<br />

Corporibus Mors exanimis, onerateque passim<br />

143<br />

nimées jusque dans le sanctuaire des immortels,<br />

chargeait incessamment de cadavres tous les<br />

édifices sacrés, que les gardiens des temples remplissaient<br />

de leurs hôtes. Car alors la religion et<br />

les divinités saintes étaient peu considérées : la<br />

douleur <strong>du</strong> moment avait plus de force.<br />

On ne conservait plus, dans la ville, ces solennelles<br />

habitudes dont la pieuse cité accompagna<br />

toujours les funérailles. Le pu pie courait<br />

çàet là tout bouleversé; et chacun, livré à set<br />

propres ressources, ensevelissait tristement son<br />

ami.<br />

Un mal si imprévu, et la <strong>du</strong>re misère, leur<br />

inspiraient même bien des violences. Us piaf aient<br />

à grands cris leurs parents sur des bûchers construits<br />

pur d'autres, ils y mettaient le feu; et<br />

souvent ils engageaient des luttes sanglantes,<br />

plutôt que d'abandonner leurs cadavres.<br />

Cuneta eadaveribus cœlestura templa marchant;<br />

Hospf Ubus loca qu« comparant ©diluantes.<br />

Nec jam religio Dlvom» nique namina, magiti<br />

Fendebaitur ; enim prœsens dolor exsuperabat.<br />

Née mos ille sepultur» remanebat in urbe 9<br />

Quo plus hic ppulus sempr eonsuerat huraati :<br />

Perlurbatus eoim lotus repedabat, et unus<br />

Quisque suum pro re eoosortem mœstus humabat.<br />

Multeque res subite et panprtes horrida suasit;<br />

Namque sues consanguineos aliéna rogorum<br />

Insopr eistruete îngenti clamore locabant,<br />

Subdebantque faceis; multo cum sanguine s»pe<br />

Rixantes potius t quam corpra desererenlwr.<br />

% + ^ 9 & + ^ 9 & 9 ^ * ^ 9 ^ 9 i & 9 a 9 ^ 9 & 9 ^ 9 & 9 &<br />

SOMMAIRES<br />

OU TOËME DE LA NATU1E DES CHOSES.<br />

LiVll L<br />

inerte© commence par in?oquer Vénus, qui puple la nature.<br />

— Il dédie ensuite son poème à Memmius. — Il<br />

loue et défend Épicure. — Exposition <strong>du</strong> système,<br />

axiome fondamental : Mien ne sm*t <strong>du</strong> néant f et rien<br />

n'y reimrne. — Il eiiste dès corps trop déliés pur<br />

être sensibles f mais que l'esprit conçoit. — Ces atomes<br />

forment » avec le vide, la base unique <strong>du</strong> monde. Toute'<br />

chose étrangère à ces deux principes est une propriété<br />

m m accident de l'un ou de l'autre. — Les atomes<br />

doivent être parfaitement soldes, infiniment petits » indivisibles<br />

et éternels. — C'est à tort qu'Heraclite donne<br />

pour élément au monde le feu; d'autres philosophes»<br />

rairf la terre ou l'eau ; et Empédocle ces quatre substances.<br />

— Anaiagore ne réussit pas mieux a?ec son komnamérïe.<br />

— Les atomes sont innombrables, le vide<br />

tans bornes» le Grand Tout infini : il est donc ridicule<br />

1175<br />

1280<br />

!2§§<br />

^S»#«g»#^»S<br />

de croire que runivers ait mu centre, où tombent fea<br />

corps pesants.<br />

LIVRE II.<br />

Après un brillant éloge de sa philosophie»Lucrèce mien!<br />

aux atomes, et traite de leurs qualités. ~ i^Le mou*<br />

wement, attesté pr la formation des êtres. — Les atomes,<br />

que la pesanteur entraîne dans le vide, tombent<br />

avec une rapidité incroyable; mais,{pour expliquer la<br />

naissance des corps et surtout des corps libres» il faut<br />

soumettre leur chute i une légère dématmm qui amène<br />

des rencontres, des chocs» des alliances. — Raillerie»<br />

contre les ignorants qui évoquent une providence divine,<br />

comme si un mouvement éternel ne suffisait point à la<br />

nature. — 2 e Forme des atomes. Tous ne sont pas construits<br />

de même» puisque les corps qui en proviennent<br />

affectent diversement nos organes. — Il j a des iM«


141<br />

SOMMâllES DU POEME DE Là NâfUtE DES ClOSES.<br />

menti rouis , carrés, anguleux » rades f poli» f crochus... '<br />

etc. Le nombre de ces formes est borné; niaises atomes<br />

eun-mêmessoitt innombrables — Quant aux antres finalités,<br />

comme le goût » la couleur, le froid ou le chaud,<br />

ils n'en possèdent aucune; et ÏU ne sont qu'une matière<br />

insensible, quoique* engendrent le sentiment et la<br />

^ie- — Avec le mon veinent et la forme seule, ces atomes,<br />

dont la masse infinie vole éternellement au sein de l'immensité,<br />

y sèment une foulede mondes que de nouveaux<br />

tourbillons alimentent, que des fiertés appauvrissent<br />

ensuite, et qui oit, comme les animaux et les plantes,<br />

leur croissance, leur maturité» leur dépérissement et<br />

leur ruine.<br />

LIVRE III.<br />

Invocation à Épicure» — Si la crainte de la mort empoisonne<br />

la fie humaine, c'est qu'on ignore la nature de<br />

rame. — Or Pâme est une partie réelle <strong>du</strong> corps, et non<br />

pas une harmonie, comme Pont avancé quelques philosophes<br />

grecs. — De Vesprit. C'est la plus vive, la<br />

plus énergique essence de Pâme. Il réside au ccetir»<br />

tandis que Pâme proprement dite est répan<strong>du</strong>e dans<br />

les membres. — L'âme et l'esprit sont de nature corpo*<br />

re/te. — Ils ont pour base le plus mince tissu des atonies<br />

les plus déliés, les plus lisses, et se composent de quatre<br />

substances : Pair, le souffle, la chole.ur, et une autre<br />

qui par sa délicatesse échappe même au langage, et<br />

qui est comme Pdme des âmes. — Ces quatre principes<br />

se combinent et agissent ensemble, niais de telle sorte<br />

que l'un ou l'autre prédominent influe sui lecaractère. —<br />

L'esprit et Pâme sont inséparables. — Démorrite croît<br />

que les éléments de Pâme et <strong>du</strong> corps s'entrelacent un<br />

pr un ; il se trompe; Pâme anime le cwps, sans y être<br />

mêlée. — Au reste, elle uatt et succombe avec lui. La<br />

mèîempsycase est une fable ridicule. — Pourquoi donc<br />

craindre la mort, quî ne laisse rien après elle? — Les<br />

supplice» de Y enfer ne sont qu'une image allégorique<br />

des tourments que l'homme se crée dans la fie. — Reproches<br />

de k Nature à ceux qui se plaignent de mourir.<br />

LlViE IV.<br />

Exorde renouvelé tfu premier chant. — Le poète veut<br />

expliquer ici tout le mécanisme des sensations et des<br />

Idées par les images, formes pures, apparences légères,<br />

dont les unes émanent des corps, dont les autres s'engendrent<br />

elles-mêmes dans l'espace, et qui arrivent aux<br />

intelligences par le canal des****.—Il faut d'abord que<br />

les sens nous inspirent la plus haute confiance. Ils sont<br />

infalMbtes : le jugement seul nous trompe. — Le con­<br />

:*:«-* X-<br />

tact des simulacres ou Images que ces organes non*<br />

transmettent excite diversement les impressions — de<br />

la util» — de fouie —• <strong>du</strong> goût — de, l'o<strong>du</strong>raL — Quant<br />

aux idées, elles viennent de ces images encore plus frêles,<br />

plus imperceptibles, qui ne cessent d'éciore dans les<br />

airs f et qui s'iusiouent à travers nos membres jusqti<br />

f ati fond de nos âmes. — Les organes de l'homme<br />

ne furent point créés en vue de ses besoins. —• Origine<br />

<strong>du</strong> sommeil. Explication 'des songe*.


NOTES<br />

StJE LE POÈME DE Là NATURE.DES CHOSES.<br />

Llf RE P1EMIE1.<br />

•. I. Mmeadmm gemtrix » Aomintcni Dlvomque roftiptmsf<br />

Âlmm Venus, Quelques critiques n'ont vu qu'une<br />

fçrave Inconséquence dans cette magnifique Invocation. Ils<br />

la reprochent au poêle f comme un hommage intolontaire<br />

qif il rend à li Divinité. Ce reproche n'est pas sérieui : Litrrèce<br />

eiplique clairement son idée par ces fers <strong>du</strong> premier<br />

livre:<br />

Çmsmdû aim ex alfa wqfldi N&ium 9 meque ulimm<br />

S.em fffnt pmiiimr$ nui mûrie ë^jmîmm mîkMm*<br />

Ténus et Mars prsonnilaient, en mythologie » Il force<br />

i|iiî tue et la' forcé qui engendre : f oilà pourquoi Lntrèce<br />

implori l v mie |èoar tempérer l'autre. Au reste, il faut reconnaître<br />

en lui un double caractère. Comme poêlé , il sem-<br />

Me adopter quelquefois les idées ihêoltifpqtiês de sèn temps ;<br />

comme philosophe, au contraire» il s'arme contre elles» et<br />

les combat de toute sa force. Sans cette distinction, plusieurs<br />

endroits de spo poime detferaient inintelligibles.<br />

C<strong>du</strong>M 9 par éïemple :<br />

i/êqm mdm fti kmmmm %4$ mbëiîm qwmium<br />

Obier H 9 Si pulchrm fmmes f mwmqmê $œmrt$<br />

Pmcmieëm ac lui Orne êîHImbem wMeimr!<br />

Quelle est donc cette irrésistible et mystérieuse puissance?<br />

On est tenté de croire qu'il y a sous ce mot ?ague un<br />

pressentiiûent <strong>du</strong> Dieu unique, <strong>du</strong> Dieu chrétien.<br />

v. 57. Omnis enim per se Bimm naturu » mcmeesL<br />

Lucrèce parle ici dm.iniermmde$f intermondia, où<br />

Épkure avait relégué les, dieux. II voulut ainsi^les soustraire<br />

au péril d^être enveloppés dans ]es ruinés <strong>du</strong> monde,<br />

disent Cicéron et Séhéqae; liais ils n'ont pas tu .que, d'après<br />

le système de F&ofe*, ces espaces intermédiaires n'étaient<br />

point un abri sûr, puisque c # était là justement que<br />

devaient se répandre les débris dé Fufbivers.<br />

Ne voiècri fiimflmmmmrmmt mmm'm marnai<br />

IMffU§mMi mbito , magnum pet imame mlmim*<br />

Le "véritable but d'Épicure était d f éter I ces dîeufi le gouvernement<br />

de notre monde, en les plaçant hors de la sphère<br />

des événements humains*<br />

&gwmtm mb mmins rebm$ sœmimqm longe.<br />

m T. §7- Primum Grains howm mmrtaMs totfere contra<br />

Bit oemhs ammts. Ce Grec fameux était Épïcpre. 11 naquit,<br />

suivant les uni, I Gaigetfe, bourg de l'Altiqne;<br />

suivant les* autres f à' SânAÉf Fan 341 avant Fère chrétienne*<br />

Sa famille est inconnue. Il ^adonna jeune encore à<br />

Fétade-de la sagesse» qu'il puisa' dans lai écrits cfÀïiaxapre,<br />

de Démoerilé, d v Archéliûi'9 le mattre de Socrate,<br />

et qu'il enseigna d'abord à HftyMie, puii I Lampaaqne.<br />

Il vint ensuite ouvrir une école dans Athènes. La pureté<br />

de ses mœurs» la hauteur de ses enseignements , et le<br />

dwme de sa philosophie douce eti naturelle § lui attirèrent<br />

bieQtêCdenoiiiiiiwixdisciples|iiriaisil «cita en même temps<br />

bfaaûie jalouse des stoïciens 9 qui ne reculèrent devant aucun<br />

moyen pour le perdre. Il fut accusé comme Socrate.<br />

Plus heureux que cet illustre sage, il triompha de l'envie<br />

comme <strong>du</strong> fonkistne9 et sa gloire en devint plus éclatante.<br />

*<br />

¥irre selon la nature, jouir dans la mesure de ses for*<br />

LUCRÈCE.<br />

ces, rechercher avant Utat ce eaWe, ce bien-être que<br />

prttewre la paix <strong>du</strong> cœur, unie aux lumières' de l'intelligence<br />

, telle était en substance la doctrine tTÉfiIcure. On sait<br />

conlbien sa morale a été depuis indignement méconnue et<br />

honteusement défigurée.<br />

11 mourut à Fige dé 72 1ns» des atteintes d'une lente<br />

et douloureuse maladie qu 9 M avait contractée dans sa jeunesse.<br />

v. i 18. Bnnius ut nmier cèdnlt. Énnius fut le premier<br />

qui éleva la poésie latine jusqu'à Fépopée. If composa en<br />

outre dcb annalesf des satires, des comédie*, des tragédies,<br />

etc. ; mais il nous restée peine quelques fragments<br />

de ses ouvrages. Le style en est barbare et rude comme<br />

Fépoqtie oh il vécut : il a pourtant de la hauteur, et il s'illumine<br />

ci et là d 9 un éclair de génie. Ovide Fa peint en<br />

èès termes :<br />

Manias f imgmw wimwnês, arieraik,<br />

Stace le caractérise plus éiïergîquenifent encore :<br />

Musa rmiiê fomcM Eétii.<br />

t. toi. (fua$ ob resf ubi widerimm Mil pbssecreari<br />

De.nihtlo. On regarde cet axiome fondamental, MM miMlo<br />

MiM, comme un principe amvtrseUenient idopté pr les<br />

anciens. Cicéron écrit, dans son livre'sof la Divination :<br />

Brit aliquid qmd ex ttihila oriatmr, $utim nihilum<br />

subito mcidatP Quh hoc physicus, dimii mnquamP<br />

âristote reconnaît aussi que tous les' physiciens sont unanimes<br />

sur 6B point : * ê^fim^mmm T^C 8éf*K inavrtc ©t<br />

nipl fudmç. » Voici enfin les paroles de Bornet : Créa*<br />

UoetannihUaUo, kodiermommu, mnt vocesjlçtittœ;<br />

mqmemîm mcmrrit apud Qrœoos, Mqbrœës et Latines<br />

mm ullm simgwlaris, qum wim istam otim hébueHU On<br />

ajoute même que saint Jérôme regarde comme synonymes<br />

les mots çreare, condere, formate. Cependant, si quelqpes<br />

philosophes d 9 autrefois n'eusfent point' admis Fidée<br />

d'une création absolue, teûeqip Fentendent les modernes^<br />

purquoi Lucrèce se seraïi-il cru obligé d f étabMr le<br />

prinCip contraire sur tant dé preuves F Pourquoi tout cet<br />

appareil, pour dé<strong>mont</strong>rer une vérité unifersellementcousentif<br />

? D f ailleurs, que veut dire Sénèque f lorsqu'il met eii<br />

problème si Dieu a fait lui-même la matière, ou s'il a travaillé<br />

sur une matière préexistante? Materiem ipse ilfri<br />

f omet, an data utatmrP Nat. Qtœst., lib I, in prof.<br />

•. 251. Pmtremmpermnt itnbres9 ubi mspater Mther.<br />

Les anciensf dans leur vite et brillante imagination, donnaient<br />

une forme et un rôle à toutes les parties de la nature.<br />

Suivant eux» Fak était le père commun de tous les<br />

êtres ; de là celte et pression de pater Mther.<br />

v. 27î. Primpïo, venti vUverbêrat incita pontum.<br />

Cette ma^tiifjtue description des ravages <strong>du</strong> vent a servi<br />

de modèle à Virgile» Géorg. lit. i, v. 3IS sqq.<br />

T. 316. Strataquejam wotgi pedihus detrita vlarum<br />

Sasea mmpicimm* Ici le poète nous fait enlcndre<br />

qu'aux pries de lome étaient placées les statues des dimis<br />

tmtélaires, dont ta foule baisait en passant la main droite.<br />

Cicéron, dans un de ses plaidoyers contre Verres, rapporta<br />

aussi que, sur une place d f âgrigentef la statue d'Hercule


146<br />

NOTES<br />

â?ait le menton usé pr les nombreux hommages de ce<br />

genre qu'elle recelait à chaque instant.<br />

v. 460, Tempus item per se non est. Le temps a été<br />

la première divinité de la théologie païenne , à cause <strong>du</strong><br />

caractère d'infinité qu'il semble porter avec lui. Saturne»<br />

le ciel ou le temps, étaient un seul et même dieuf un<br />

vieillard terrible, sous la faux <strong>du</strong>quel tombaient indistinctement<br />

tous les êtres. Le temps fut donc personnifié.<br />

On lui donna un corps et des parties qui étaient le passé 9<br />

le présent et Famnir. On le regarda comme un être réel,<br />

distinct , mais dépendant <strong>du</strong> monde qui était né afec<br />

lui » et qui devait avoir la même fin ; en sorte que 9 ce<br />

monde détruit» il faudrait qu'un autre temps prit naissance<br />

et tint présider I un autre univers. C'est contre cette opinion<br />

extravapnte que s'arme ici Lucrèce, persuadé que<br />

le temps est une idée purement abstraite f une forme imaginaire<br />

sous laquelle l'esprit envisage la suite des événements.<br />

..... Tmnsmcium qtiid sil in mvo9<br />

Tmm qmm rm imieî, quid porm dtinde sequatur.<br />

T. 562. Denique, si nullam finem natura parasset<br />

Ftangnndeis rébus. La divisibilité de la matière est une<br />

question importante et vivement débattue. Thaïes» Pythagore,<br />

Aristote, Cbrysippe, Descartes » soutiennent qu'elle<br />

m partagea l'infini ; Leucippe, IMmocrite, Épicure, Lucrèce<br />

» Gassendi t adoptent l'idée contraire. Entre tant et de<br />

si hautes autorités, la. décision n'est pas facile. Toutefois<br />

les objections de Lucrèce-nous ont paru d'autant pins fortes<br />

» que de nos jours la science leur prête un appui incon*<br />

testable Si » comme on le voit brade <strong>du</strong> microscope, la<br />

nature ne développe les êtres qu'en travaillant sur des<br />

germes, il faut bien que les divisions actuelles de la matière<br />

soient bornées*<br />

•• 039. HeraeUtus mil quorum <strong>du</strong>s prœlia prlmus.<br />

Heraclite t qui enseignait la philosophie de Pythagore dépouillée<br />

de ses voiles 9 exerça d'abord la première ma<br />

gistratured'Éplièse, sa pairie. Dégoûté <strong>du</strong> gouvernement<br />

par la méchanceté-des hommes, il s'ensevelit dans la retraite,<br />

pour y verser d'intarissables larmes sur leurs maux<br />

et leurs vices, après avoir reiisé l'invitation de Darius<br />

qnî Fappelait i sa cour, il mourut I 0(>


SUE LE POEME BE LA NATURE BES CIOSES. H7<br />

nto? Ce n'est point pour se prêter à l'opinion populaire que<br />

Lucrèce fut tomber les étoiles : il ne parle pas ici en<br />

poêle, mais en physicien. Comme Épicure était persuadé que<br />

te soldl, la lune, les astres, ne sont pas plus gros qu'ils ne<br />

nous le paraissent » il en concluait que ces vapeurs enflammées<br />

, que nous voyons tomber pendant la nuit» sont de<br />

véritables étoiles. 11 ne faudrait donc pas tra<strong>du</strong>ire ici le mot<br />

êtdlm ysxfeux nocturnes.<br />

T. 257, Unie mi hœc, inqmmmt<br />

faitsamlsamlunim.<br />

Il est impossible de m figurer comment la liberté humaine<br />

repose sur k déclinaison des atomes. Cette déclinaison<br />

est-elle nécessaire ou accidentelle ? Si elle est nécessaire,<br />

comment la liberté peut-elle en être le résultat; si elle est<br />

accidentelle, par quoi est-elle déterminée?' Qu'est-ce d'ailleurs<br />

que ce mouvement oblique que' Lucrèce établît f par<br />

la seule raison qu'il lui est indispensable pour expliqué* la<br />

formation des êtres? Oo voit que c'est là un- côté faible»<br />

QO point fuluérable <strong>du</strong> système d'Épicure; et les<br />

attaques ne lui ont pas manqué* Mous n'essayerons pas de<br />

résoudre le problème. Remarquons seulement avec quel<br />

art Lucrèce noue le il Imperceptible de ces raisonnenteitts,<br />

et avec quels merteitleux efforts de poésie il cliercfee<br />

à éblouir, à entraîner la conviction qui hésite.<br />

T. 430. Fmmlajam §uo de génère est§ inulœque sa*<br />

pores. Il s'agit ici de deux, assaisonnements. La fécule<br />

(fœx) était d'un- goût pipant9 et faite» comme son nom<br />

rindique » avec la lie aefeie <strong>du</strong> fin* L f aulnée était une<br />

nmrnm titraite des racines à la fois douces et amères d'une<br />

plante ainsi nommée*<br />

•. 474. Mmwu&r <strong>du</strong>lds, ubi per iefrmcrebffmidêm<br />

Permlatmr» Les anciens croyaient que les eaui de la<br />

mer9 iltrécs à travers te sot, alimentaient les sources<br />

des fleuves.<br />

T. 599. Quare magna Bettm Materq ne fer arum. La<br />

plupart des philosophes croyaient que les espèces ? if aiim9<br />

ainsi que les dieux, devaient Peilistence à la terre;<br />

et les peuples de l'antiquité' ont presque tous divinisé<br />

cette mère commune. Là manière dont Lucrèce interprète<br />

les allégories de ce cuite est Ingénieuse y et pleine de la<br />

plus noble philosophie , de la pttts haute morale f quoique<br />

souvent un peu forcée.<br />

v. il5. Gallos altrUnwnt. Les Galles étaient des prêtres<br />

de Cybèle, dont la Phrygie inondait l'empire romain,<br />

f «es anciens nous les ont représentés comme des vagabonds,<br />

des fanatiques et des misérables, dont on avait<br />

souvent à craindre la fureur. Ils portaient l'image de la<br />

mère des dieux. ; ils allaient quêter pour elle ; on dit<br />

même qu'ils connaissaient tontes les ressources de la nécromancie,<br />

qu'ils jouaient des gobelets, et qu'ils prédisaient<br />

l'avenir.<br />

•. §21. M Pkrygio stimulai numéro cava tibia memtels.<br />

Le mode phrygien est mi des quatre priocipaui molles<br />

de la musique grecque; c'est aussi Ton des plus<br />

antiques. Le caractère en était vif, impétueux, fier,<br />

ardent et terrible. Aussi était-ce, suivant athénée, sur<br />

M ton ou mode phrygien qu'on sonnait de la trompette ,<br />

et qu'on jouait des autres instruments militaires. Ce mode,<br />

intenté, dit-on, par le Phrygien Marsyas, tient le milieu<br />

entre le lydien et le dorien f sa finale étant à un ton de<br />

distance de l'un et de l'autre.<br />

•. §30* ffic armaiamanm, Curetas nomine Grmcei<br />

Çuos memorani Phrggias. On regarde les Curetés comme<br />

les plut anciens ministres de la religion païenne. Livrés<br />

à la contemplation f ces prêtres étaient en Crète ce<br />

que les Mages furent en Perse » les Druides dans la Gaule 9<br />

«t les Saieus I Kotne. Oo leur attribue l'invention de<br />

quelques arts. Dans leurs cérémonies, ils dansaient tout<br />

armés au bruit des cris tumultueux des tambours* im<br />

flûtes f des sonnettes. Ils frappaient avec des épées sur<br />

des boucliers, et semblaient s'animer d'une fureur ditine,<br />

qui épouvantait un peuple cré<strong>du</strong>le. 11 y en avait en Crète f<br />

en Phénicie, en Phrygie f à Ehodes, et par toute la Grèce.<br />

Ils se lieraient à une douleur effrénée, et se mutilaient<br />

même en l'honneur de Cybèle, désespérée de la mort<br />

d'Atys. Ils observaienl enfin des jeûnes si rigoureux 9<br />

quils s'interdisaient jusqu'à l'usage <strong>du</strong> pain.<br />

v. 810. Et qmniamplagœ quoddam genus exeipii i»<br />

$e Pmpmla* Ce vers est remarquable ai ce qu'il <strong>mont</strong>re<br />

qu'Épicure ne regardait 1a vue que comme un tact d'une<br />

certaine espèce. Les autres sensations sont également<br />

rapportées au tact dans le' quatrième livre. Le tact est<br />

donc, pour cette école, le sens par excellence, le plus<br />

général de tous. En effet, parmi les êtres qui ont ou<br />

auxquels nous attribuons la sensibilité, il y en a qui pa*<br />

rataient privés de la vue, d'autres qui semblent dépourvus<br />

d'ouïe ou d'odorat; mais il m f j m pas un seul à qui<br />

k nature ait refusé le tact. Yollà sans doute pourquoi Lucrèce<br />

s'écrie plus haut avec tant d'enthousiasme :<br />

Tseim enimt tœtmf pmk Mvom mmmînm$an€tal<br />

Corporis mi §msm*<br />

v. 1105. Muliaqm past mnÊàdl tempms génitale.<br />

Les commentateurs de Lucrèce, et Gassendi lui-même,<br />

n'ont point remarqué' ce passage autant qu'il méritait de<br />

l'être;il sert à expliquer plusieurs endroits de la philosophie<br />

corpusculaire. Epicure croyait que non-seulement notre<br />

monde, mais encore tous les autres,• dont il supposait le<br />

nombre infini*, étaient environnés d'éléments eitérieurst<br />

comme notre globe est environné par l'air. Ces éléments,<br />

placés dans les intervalles des mondes, les alimentaient<br />

en s'incorporent à leur substance, et en réparaient les<br />

pertes. Ils empêchaient aussi, à Faide d'une pression<br />

extérieure, les atomes constitutif de chaque monde de<br />

rompre leur assemblage, et de se disperser dans le vide»<br />

v. tf45. Sic igiiur magni quoque efreum mœnm<br />

mundi Expugnata dabunl lahem. Presque toutes les<br />

écoles de philosophie reconnaissaient, non-seulement<br />

que le monde courait à sa perte, mais encore qu'il approchait<br />

de son terme. Platon* annonçait le dépérissement de<br />

ses forces; Sénèque se plaisait dans cette lugubre contemplation-<br />

, et le christianisme saisit avidement ce dogme<br />

terrible. Saint* Cyprien a dit comme Lucrèce : Jam scire<br />

debcs mun<strong>du</strong>m mon Mis mribm stare qmibm unie ste<br />

ferai, mec eo robore ornière f no otite prœvalebaL De<br />

là ces calculs, ces prédictions qui épouvantèrent succès*<br />

sivement tous fbs âges ; prédictions sans cesse démenties f<br />

sans cesse renaissantes, et que les générations humaines<br />

se transmettaient comme une sorte de terreur périodique !<br />

v. 1155. Aurea de cœlo demlslt funis in arpa. Ce<br />

vers fait allusion à une fable racontée par Homère dans<br />

le huitième livre de l'Iliade. Cette fable, d'après Platon,<br />

n'est qii f une belle et ingénieuse allégorie <strong>du</strong> soleil f dont<br />

les rayons t semblables à une chaîne d'or, font descendra<br />

la vie et la fécondité sur l'univers.<br />

• v. i 16a. Nœ mare 9 nrcjluetus9 plangemies $asat<br />

crearunt. Lucrèce réfute ici l'opinion, longtemps accré.<br />

dilée, que les hommes étaient nés de l'Océan. Platon regardait<br />

cette doctrine comme très-ancienne ; c'était celle<br />

de Thaïes. De là toutes ces fables adoptées par les poètes.<br />

Homère fait naître tous les dieux de l'Océan :<br />

9 Qmmm TC , Stlâv jêmm% iml (lYiripa TqOuv*<br />

Voilà l'origine de la fable de Vénus sortait de l'écume<br />

des ondes y et Fétymologie <strong>du</strong> nom de Ihéa ((dm) » cette<br />

déesse de l'âge d'or; c'est encore par là qu'on peut expliquer<br />

le culte que presque tous les peuples de a terre oui<br />

ren<strong>du</strong> à l'eau,<br />

io.


148 ROTES<br />

L1¥EE III.<br />

•. IS. Apparet Divom numcn, sedesqm quietœ. Cette<br />

peinture <strong>du</strong> séjour des dieux rappelle un morceau de<br />

rodyssée, ch. vi : « Lorsque Minerve « dit Homère, eut<br />

« cessé de parler à la jeune Mausicaa 9 elle disparut et re-<br />

« <strong>mont</strong>a au séjour immuable des dieux f où régnent Ja<br />

« pix et la sécurité , que ne troublent jamais les venist<br />

* que jamais l'altère la pluie» que jamais n'attristent la<br />

« neige et les frimas. »<br />

v. 13. Et se scire animm naiuram, sanguinis et.fi.<br />

Lucrèce fait allusion au système d'Empélocle, qui regardait<br />

nos âmes comme le plus pur de notre sang. Empedo<br />

des amtem cmsei animum essê cordé mffmum san~<br />

gttimem. Cic, Tuscul.» qnaest. i. C'est put-être dans le<br />

même sens que Virgile dit, En. liv. IX : Purpuream womit<br />

Me animam. C'était encore l'opinion de Critias, au rapport<br />

d'Aristote ; et cette opinion se retrouve jusque dans<br />

la Bible. — « Gardez-vous9 dit Moïse aux Juifs, de<br />

manger <strong>du</strong> sang, car le sang des bêles leur tient lieu<br />

d'âme. C'est pourquoi vous m mangerei pas leur âme<br />

avec leur chair. » Hoc solum cave, me sanguinem<br />

mmedas ; sanguis emim mrmm pro anima mi : et id*<br />

cirm non debes animam mmedere mm carnibm.<br />

Dent, cap. xii , Y. 13.<br />

v. 59. Denïqim awarities ci konormm cmca cupido.<br />

Ce morceau de morale est magnifique; maison l'a souvent<br />

admiré sans l'entendre; et l'application, i est vrai,<br />

en est difficile à saisir. On a peine à concevoir comment<br />

la crainte de ta mort fait naître l'avarice y l'ambition f l'envie,<br />

tous les vices enln 9 et subjugue les cœurs au plut<br />

d'inspirer à quelques hommes le dégoût de 1» vie et la<br />

résolution de se tuer. Pour comprendre ces Idéesf il faut se<br />

.pénétrer des fables de l'ancienne mythologie ; et ce pas*<br />

sage 9 bien loin d'être regardé comme une vaine déclamalion<br />

f prallra plein de sens et de philosophie. Le mépris »<br />

la pauvreté et l'ignominie formaient , d'après un axiome<br />

fondamental <strong>du</strong> paganisme, le cortège de la mort. Ce furent<br />

donc ces fausses in<strong>du</strong>ctions, tirées de la religion<br />

païenne, qui engendrèrent tous les crimes si éloquemnient<br />

décrits par Lucrèce. Voilà pourquoi Virgile y à la<br />

porte des enfers, avec le Deuil, les Soucis, la Vieillesse,<br />

la Maladie, place la Faim et la Pauvreté.<br />

Fmtièmtwm amie ip9vmf primisque tu faucibm Orei<br />

MsUetus ttultriees posuem ntbilia Cmrm;<br />

Pmïlentesqm habitant Morbi9 trMisque Semeingf<br />

Et Metuip H makiuada Famés, m turpis Egesias<br />

Terribilcê vmmfmmm!<br />

T. 101. 'à^mim Graiei quam dicunt* Quelques philosophes<br />

grecs regardaient le corps de l'homme comme<br />

un assemblage harmonieux d'organes, comme'un vaste<br />

instrument dont le jeu enfantait la pensée ou l'taie. Voilà<br />

ce qu'ils appelaient Harmonie. 11 est singulier que Lucrèce<br />

attaque avec tant de violence ce système, qfûi n'est,<br />

à tout prendre, qu'une conséquence fort naturelle de l'épicuréisme.<br />

Car enfin, puisque Épicure, pour pro<strong>du</strong>ire les<br />

couleurs, les sons, les odeurs... etc., n'admettait pas'une<br />

espèce de corp particuliers, une substance exclusive-*<br />

ment consacrée à cet usage, mais croyait au contraire que<br />

les mêmes atomes diversement arrangés pro<strong>du</strong>isaient les<br />

couleurs, les sons, les odeurs.*, etc., i ne devait pas,<br />

pour expliquer la pensée, admettre une essence à part,<br />

une matière sensible et pensante : il- défait faire résulter<br />

«les atomes mêmes <strong>du</strong> corps la pensée, qu'il regardait'<br />

comme une simple fnodificatlon if un tout matériel. Au<br />

moins, sous cette forme, Terreur efit été logique.<br />

c 731. Née tamen fmc simples nobis maimmpu*<br />

iunda est. II est impossible d'admettre cette bigarre et<br />

inintelligible théorie de l'âme humaine. QuV.:t-ee, en effet,<br />

qW le soufflé, sinon Fah- nrfs en agitation? Et


SBl LE POEME DE Là KA1CBB CES CiOSES. 149<br />

•. 951. Qvur n&m , mi ptemm vitœ mmim9 rmedîs ?<br />

On connaît 11 belle et touchante imitation que notre poète<br />

Gilbert nous a laissée de cet te Image.<br />

àti banquet de la fie 9 Infortuné confite,<br />

l f âpptrns an jour y et Je meurs ;<br />

le meurs ! etf sur la tombe où lentement j'arrlte,<br />

Nul ne tiendra verser des pleurs.<br />

•. 1038. Lamina sis mmlu efiam bênm Ancu % rellqnit.<br />

.4«cas Marias 9 quatrième roi de Rome, (ils d $ une fille de<br />

!f uma. Son caractère , dit Tito-Lite, était un mélange de<br />

cariai ie Huma et de celui ie^lomulus. Il mourut Tan de<br />

Home 13S y après un règne de tingbquatre ans.<br />

•. 1041. llleguogve ipse, viamqmï quondam per<br />

maremagmm. Xenès l tr » cinquième roi de Perse, et<br />

second ils de Darius»<br />

v. I0.SO. Âwt eiiam properans urbem petit .atque retiiiil.<br />

Horace a imité ce passage dans ta satire YIJ :<br />

Nom kmmm îeeum esm potes ; non otia recie<br />

Ponem » etc.<br />

Boiieau f à son tour f reprend ridée d'Horace » et se l'approprie<br />

par les détttls qu'il y ajoute :<br />

Un fou rempli d'erreurs, que le trouble accompagne ,<br />

Et naïade à la tille lins! qu'à la campagne,<br />

fin tain <strong>mont</strong>e à cheval, pour .tromper son ennui ;<br />

Le chagrin <strong>mont</strong>e en croupe » et galope atec lui.<br />

LIVRE IV.<br />

t. 73- Mi votgo faetunt id lutem rm$aqme vêla.<br />

Les théâtres dm iomains étaient ten<strong>du</strong>s de rideaux y de<br />

tapisseries» de toiles, dont les uns sortaient à orner la<br />

scène 9 d'autres à la spécifier , d'autres à la commodité des<br />

spoliateurs. Cent qui servaient d'ornement étaient les<br />

plus riches 9 et ceux qui spécifiaient la scène représentaient<br />

toujours quelque chose de la pièce qu'on jouait. Les toiles<br />

tenaient lieu de cooterture, et l'on s'en sertait pour la<br />

seule commodité des spectateurs , afin de les garantir des<br />

ardeurs #u soleil. Catulus, le premier, imagina de revêtir<br />

tout Fespace <strong>du</strong> théâtre et de l 9 ampliithéâtre de toiles<br />

éten<strong>du</strong>s sur des cordages qui étaient attachés à des mâts<br />

de natire, ou à des troncs d'arbres fichés dans les murs.<br />

Ces mêmes toiles détinrent dans la suite un objet de luxe.<br />

Lentulos Spinther en fit faire de lin d'une finesse jusqu'alors<br />

inconnue. Néron non-seulement les fit teindre en<br />

pourpre , mais j ajouta des étoiles d f or» au milieu desquelles<br />

il était pept <strong>mont</strong>é sur un char ; le tout trataillé atec<br />

tant d'adresse et d'intelligence , qu'il paraissait comme<br />

un Phébus qui, modérant ses rayons, ne laissait se glisser<br />

§tf un demi-jour agréable.<br />

t. loi. Perpetm fluere ni mmeas e mrpùre mwmm<br />

Hésiterai remm tenuies. On aurait droit de demander à<br />

Lucrèce comment les émanations'abondantes et continues<br />

s'épuisent pas promptement les corps; mais Épicure répond<br />

qo 9 i se lait un échange continuel d'émanations réciproques,<br />

et qu'au moyen de ces compensations alterna-<br />

Êtes, l'épuisement se fait moins sentir; il y a d'ailleurs<br />

un autre eiemple plus fatorable à ce système ; ce sont<br />

les corps odorants, auxquels l'émanation de leurs parfums<br />

pendant des siècles ne fait point épronter d'altératlon<br />

sensible.<br />

t. IfS Quœ ferlant oculo*9visumqu6lacessant.<br />

11 bat remarquer combien la théorie des anciens, sur la<br />

tision, était ingénieuse; Lucrèce nous la dételoppe atec<br />

beaucoup de clarté et d'élégance. Les détais minutieui<br />

sont reletés par les charmes d'une poésie pittoresque et<br />

gracieuse ; il est impossible le rassembler plus de difficultés,<br />

et ie les tainere plus heureusement.<br />

Il est curieux de comparer le mécanisme que les anciens<br />

supposaient pour opérer l'action de la tue, au sys*<br />

tème supposé pr les modernes. Les stoïciens pensaient<br />

que de l'intérieur de Fœil s'élancent à sa surface des<br />

rayons tisuels, qui poussent l'air, le compriment et l'appliquent<br />

contre les objets extérieurs. De sorte que f dans<br />

leur système , il se bit une espèce de cène y dont le sont»<br />

met est à la surface de Fœil, et la base posée sur l'objet<br />

aperçu. Or» disent-ils, de même qu'en tenant à la<br />

main un bâton, on est instruit, par l'espèce de résistance<br />

qu'on éproute f de la nature <strong>du</strong> corps touché, s'il est<br />

<strong>du</strong>r ou mou , poli ou raboteux, si c'est de la boue ou <strong>du</strong><br />

bois, de la pierre ou une étoffe; de môme la tue, au<br />

moyen de cet air ainsi comprimé, est instruite de toutes<br />

les qualités de l'objet qui sont relatites à la tue, sll est<br />

Mme on noir , beau ou difforme, etc.<br />

Selon Aristote, la chose se passait tout différemment :<br />

c'était la couleur même des objets extérieurs qui excitait,<br />

et, pour employer ses propres termes, qui ré<strong>du</strong>isait à<br />

l'oela la faculté d'être éclairé 9 qui appartient à l'air, per$*<br />

piemumt, acte; et à Faided'une propagation non interrompue<br />

dans l'air interposé entre l'objet et l'oeil, forgane<br />

était mis en tibration par son moyen 9 le mnsmiwn intérieur<br />

étant ébranlé t #oè s'ensaitait la perception èm<br />

objets, ainsi, dans les principes ie ce philosophe, l'air<br />

fait (a fonction <strong>du</strong> bâton, comoie chez les stoïciens ; mais<br />

c'est l'objet extérieur qui est la main, et l'œil qui est le<br />

corps touché. Chaque explication est donc ici finterse de<br />

l'autre. Bans la première, ie mécanisme de la tision commence<br />

par I'CRB , et se termine aux objets extérieurs, par<br />

le téhieule de fair; dans la seconde, il commence par<br />

les objets extérieurs 9 et se termine à l'œil, aussi par h<br />

téhieule ie Fair.<br />

Les pythagoriciens réunissaient dans leur explication<br />

ces deux mécanismes si opposés. Ils croyaient que les<br />

rayons tisuels, élancés de Fœil, allaient frapper les objets<br />

extérieurs, et qu'Ms étaient de là réfléchis ters Forgane.<br />

C'étaient des espèces de messagers députés pr<br />

Fœil ters les objets extérieurs, et qui, à leur retour,<br />

faisaient leur rapport i Forgane.<br />

Dans les principes d f Épicure 9 tout se passait pr des<br />

, simulacres, des images, des effigies substantielles, qui,<br />

en tenant frappe? l'œil, y excitaient la tision. C'était<br />

là que se bornait tout le mécanisme. 11 n'était pa$ nécessaire<br />

que les simulacres tratersassent les différentes humeurs<br />

des yeux 9 qu'ils ébranlassent la rétine » qu'ils affectassent<br />

le sensorium, puisque l'Ame, selon ts doctrine<br />

d'Épieure, était dans les yeux comme dans le $m*<br />

AWftff».<br />

Dieere porm oculot mmiimm mm cemereptst..,.<br />

Les modernes expliquent ainsi le mécanisme de la tision.<br />

lis contiennent tous qu'elle se bit pr des rayons de lumière,<br />

réfléchis des différents points des objets reçus dans la<br />

prunelle, réfractés et réunis dans leur passage à Ira?ers tes<br />

tuniques et les humeurs qui con<strong>du</strong>isent jusqu'à la rétine ;<br />

et qu'en frappnt ainsi, ou en faisant une impression sur<br />

les points de cette membrane, l'impression se propage<br />

jusqu'au certeau, pr le moyen des filets correspondants<br />

<strong>du</strong> nerf optique.<br />

•. §19. Princlplo » smeum smtimm lu ère» effami<br />

f nom Mandmnd® esprifmmm. L'explication que le poite<br />

bit ici de la sensation <strong>du</strong> goit est exactement conforma<br />

à celle qu'en donnent les physiologistes modernes; Ma<br />

partent <strong>du</strong> même principe que Lucrèce; mais ils-ont<br />

pusse plus loin les détails anatomiques, et les procédés<br />

chimiques sur la décomposition des corp satoureux.<br />

t. 673. Utraqm enim $unt in méllii mmmîsta sm<br />

pore. Ce ters n'est que la répétition de ce que h poét*<br />

a dit ailleurs


NOTES<br />

ISO<br />

•. 711. Qt** ^nmm gmllum.... Che* les Perses, les |<br />

Guftbres, et depuis chet les chrétiens 9 le coq a toujours f<br />

oublié toutes ses fonctions, pour ne s'ocepper que de celles<br />

qu'elle doit remplir dans l'acte important de la fécal*<br />

pué un rôle dans las fables sacrées : delà sans doute s'est dation.<br />

transmise l'opinion populaire que l'aspect d'un coq fait fuir * après une sensation aussi vive, et cetteespèce de convul­<br />

les lions. Pline a dit : * Galli.... terrori sunt ctiam leosion générale, accompagnée de jouissances portées à leur<br />

pibus f feraruni geaerosissi»i8. » ( Hist. NaL » Mb. i, comble, les forces vitales paraissent nous avoir abandonné.<br />

Un profond accablement, un sentiment de tristesse et<br />

CM.) é . de lassitude physique, suivi d'une douce mébncoic qui est<br />

•. 724. QUOP moveant anlmum rrn » melpe; et mm, loin d'être sans charme, semblent nous annoncer que tou­<br />

Qum wmitmi» mniani in mentent, percïpe paud$. Le tes les parties de notre être se sont épuisées dans un si<br />

nouveau genre de simulacres adopté par Lucrèce, pour grand effort, et qu'une porta» denous-mêmess'estéchap­<br />

expliquer la génération des idées, ne présente rien de sapée, pour aller vivifier un autre indivi<strong>du</strong>.<br />

tisfaisant; c'est la suite <strong>du</strong> système général des émana­ « Cette opinion de Lucrèce et des philosophes de l'antitions<br />

d'Épiteure. Toute cette tliéorie est bien faible! aussi quité, que le luide séminal était sécrété en même temps<br />

tat-ce surtout de ce côté que les détracteurs d'Epicure par tous les membres, ne peut plus être admise aujour­<br />

îont attaqué. Au surplus, cette matière fut toujours l'é- d'hui , qu'on a prouvé, pr un grand nombre d'investiga*<br />

•«cil de presque tous les raisonneurs; les idées innées de tions anatomiques et d'expériences aussi concluantes que<br />

Descarles, lliarmonïe préétablie de Leibnitz, et les idées multipliées, que les humeurs sécrétées n'existaient pas<br />

divines de Malebrancbe, ne prêtent pas moins au ridicule toutes formées préalablement dans le sang, mais qu'elles<br />

que les simulacres d'Épicure.<br />

se font dans les glandes pendant l'acte de la sécrétion.<br />

¥ 7St. Qm^ritur inprimis quare, quod qtwiqm li­ « Descartes 9 et fa secte nombreuse des médecins mécabido<br />

Venerit...** Voici le raisonnement <strong>du</strong> poète, dont niciens, considéraient les organes sécréteurs comme des es­<br />

la .marche est un peu brusque et difficile à suivre. On lui pèces de cribles chargés de séparer <strong>du</strong> sang une humeur<br />

demande comment il se peut que les simulacres destinés à quelconque, qui n'était que les molécules constituantes <strong>du</strong><br />

" la pensée tiennent, aussitôt que nous le voulons» présen­ sang, diversementséprées.Les physiologistes vitaliates,<br />

ter à notre esprit les images des objets de toute espèce. U parmi lesquels il faut ranger en première ligne iordeu » K-<br />

répond qu'il y a une foule innombrable de ces simulacliat» et la plupart des modernes, ont depuis longtemps bit<br />

cres :


SU LE fOEME DE Là NATUIE DES CHOSES. lit<br />

Llf 1E V.<br />

t. 156. Qnm iiW pmiertm lurgê sermone prokatm*<br />

0i M T oit pas que » dans le reste <strong>du</strong> poème, Lucrèce ait<br />

rempli cette promesse; il parie en effet des dieux ,de leurs<br />

attributs, de leur puissance, mais Si ne donne pas sur ce<br />

noble sujet une dissertation complète. Ce passage a fait<br />

paner à plusieurs commentateurs que son ouvrage<br />

était resté incomplet. Mais je et ois qu'il fout s'en rapporter<br />

à l'opinion de Gassendi t l'ensemble <strong>du</strong> poème<br />


§8? WOTES<br />

Attaii/tiène attribttfit m dispritioip , mm à » course pin*<br />

longée fers nos antipodes, mais aui li<strong>auteurs</strong> de la terre<br />

qui nous le cachent , et à Féloignement immense où il est<br />

de nous. Aiaxagore ne voyait en lui qu'un rocher embrasé ;<br />

d'autres ont dit une masse de fer ardent; d f autres » un globe<br />

de feu plus gros que le Péloponnèse. Xénocrate le composait<br />

, ainsi que |cs étoiles f de feu, el d'une prtie terrestre<br />

trè§-raréiée." Les stoïciens ep faisaient un dieu dont le<br />

cerps, infinimeftt plus gros que la terre, puisqu'il l'éclairé<br />

tout entière, est tout de feu. PbiloIaOs, disciple de Pythagore<br />

, se l'était peint comme un vaste miroir qui nous envoie<br />

par réflexion l'éclat des feux répn<strong>du</strong>s dans l'atmosphère;<br />

Xénopliane, comme une collection d'étincelles rassemblées<br />

pr l'humidité, un'nuage de feu renaissant tons<br />

les matins sous chaque climat, un simple météore; Démocrite,<br />

comme un résultat d'atomes très-polis, mus en<br />

tourbillon; Épkure enfin, comme une espèce de pierre<br />

ponce, «ne éponge traversée pr une infinité de pores,<br />

d'oti s'éebapp à grands flots le feu qu'il renferme.<br />

•. 803. tum tibï terra dédît primummortalia sœela*<br />

L'origine de l'homme et des animaux a fort occupé les anriens.<br />

Plutarque rapporte que quelques philosophes enseignaient<br />

quilrétaiênl nés iPaboïti dans le sein'de la terre<br />

humide, dont la surface f despéehée parla chaleur de l'atmosphère,<br />

a?ait formé une croûte, laquelle, s'étant enfin<br />

crevassée, leur avait ouvert les passages libres. Selon Dio»<br />

dore de Sicile et Céiius Itiodiginus", c'était l'opinion des<br />

Égyptiens, Cette orgueilleuse nation prétendait é'tre la première<br />

<strong>du</strong> monde, el croyait le prouver pr ces rats'et ces<br />

grenouilles qu'on voit, dit-on,' sortir de la terre dans la<br />

Thébaïde, lorsque le Nil s'est retiré, et qui ne paraissent<br />

d'abord qu'à demi organisés. C'est ainsi,'disait-elle, que<br />

les premiers hommes sont sortis <strong>du</strong> même terrain. L f opInïou,<br />

renouvelée de nos jours, que le genre humain'vient<br />

des poissons, est une des plus anciennes hypothèses. Plutarque<br />

et £usèbe nous ont transmis à ce sujet l'opinion<br />

ff'AnaxImandre.<br />

LIVRE VI.<br />

1.1. Primm fmgiparm fœtus mortaltinu mgreis<br />

didkerunt qtmâdamprmcMronomim Âihenœ.<br />

On croyait que les habitants d'Athènes- avaient découvert<br />

fart de l'agriculture. Diodore de Sicile nous apprend<br />

que ces puples se vantaient d'avoir, les premiers,<br />

formé une société 'régie pr des loif : telle était <strong>du</strong> moins<br />

l'opinion commune; mais, à l'époque de'la fondation d'Athènes,<br />

plusieurs puples orientaux étaient civilisés dès<br />

longtemp, et put-être les Athéniens faisaient-ils prtie<br />

d'une «Monie envoyée d f Asie pur s'établir dans les plus<br />

riantes contrées de l'Europ. è "<br />

v. Bê. Ne trépides cmli divMspmrtiens amem. Lucrèce<br />

parle ici de la division que les prêtres devins, applés<br />

fulguratoree, assignaient à la voûte céleste, afin de déterminer<br />

les différents effets <strong>du</strong> tonnefte» d'après lesquels ils<br />

pendaient leurs oracles.<br />

v. 34i. Forsitan ipso mniem trafmi aère qmœdam<br />

Corpora9 qmœplagis irwemdwmt mobilitatem.<br />

Pu ne put asset admirer le discernement de Lucrèce,<br />

qui pressentit'nie prtie des propriétés de l'air. L'expérietice<br />

a confirmé plusieurs de ses hyptttèses sur Faction<br />

de ce fluide, dont les effets restèrent îporés jusqu'au<br />

moment où Pascal, TorriceUi, Boy le, Otto et autres dé<strong>mont</strong>rèrent<br />

sa pesanteur, sa compressibilité et ses ressorts;<br />

mais on ne savait pas encore qm l'atmosphère est<br />

un mélange de deux fluides qui, pris séprément, sont<br />

transpitnte, compressibles, pesants, élastiques i pu près<br />

comme l*air atmosphérique, et qui néanmoins ont im<br />

qualités physiques très-différentes.<br />

f. 424. npiptfjpoçGraM qwmabmnmmimitamBLÏM*<br />

créée croit devoir rapporter l'origine <strong>du</strong> mot prester, qui ,<br />

en effet, a pur racine le verbe «pnOts» brûler, «uta*nier,<br />

gonfler, souffler. Le dangereux phénomène que<br />

les Grecs applaient npnrofc était nommé par les LatÎM<br />

tgpfw et scypho ; les Français lai donnent le nom de tram*<br />

be. Les anciens et )es modernes ne sont pas absolumeot<br />

d $ accord pjr les causes des tmmbes; les uns et les antres<br />

l'expliquent d'une manière vraisemblable; la description<br />

donnée par Lucrèce est trèwngénieuse, et foit connaître l'idée<br />

qu'en avaient conçue les physiciens de son temps.<br />

v. 524. HicuU$olradUs9 têmpestatemimter opmam,<br />

Advorsa fulsU nimbormm adspergine contra;<br />

Tuf» color in nigris exista mmbibus arqui.<br />

Cette définition de l'orc-en-cief est asses heureuse; la<br />

véritable cause de ce phénomène fut pour les anciens un<br />

problème insoluble. Les modernes ne Font deviné qu'a*<br />

près de longues et minntieusiss recherches.<br />

m L'iris ou Farp-en-ciel ne parait que dans on air chargé<br />

d'un nuage fondant en p)uie. Il e#t occasionné par la lumière<br />

<strong>du</strong> soleil # réfléchie une OU pilleurs fois dans lis<br />

ptites gouttes dont le puage es| formé. Suivant la posi*<br />

tion de ces gouttes, les unes envoient à l'œil de l'observateur<br />

les rfyops rouges de la lumière décomposée ; d'autres,<br />

les rayons oranges, ou jaunes, ou violets, etc.; de sorte<br />

que chaque goutte qui concourt à former Fïris parait de la<br />

couleur de la lumière qu'elle envoie à l'œil.<br />

« Le météore, pris dans toute son éten<strong>du</strong>e,est un cercle<br />

entier, dont il n'y a de visible que la prtie qui est audessus<br />

de l'horizon. 11 se dérobe absolument à notre me<br />

lorsque le soleil dépsse une certaine hauteur ; ainsi,<br />

dans les lonp jours d'été, on ne voit pas d'arc-en-ciel entre<br />

neuf heures <strong>du</strong> matin et trois heures <strong>du</strong> soir ; dans<br />

Fhiver, on put en voir à toutes les heures, lorsque te<br />

soleil est sur l'horixon, et que les autres circonstance!<br />

sont favorables.<br />

« La lumière de la lune pro<strong>du</strong>it aussi 4m iris plus fa}bles<br />

que celles <strong>du</strong> soleil f subordonnées aux mêmes lois. »<br />

v. S35. Nunc âge, qmœ ratio terrai ffiotibms exsiet9<br />

Percipe. Lucrèce donne pur cause des tremblements<br />

de terre, Feau, Fair et la terre elle-même f et n'y fait pobit<br />

participr le feu, qui, dans les causes d'un pareil phénomène,<br />

semble devoir se présenter le premier; le poète se<br />

rapproche, en quelque sorte, de Fopinion de plusieurs<br />

physiciens modernes. Au surplus, tous lis moyens supposés<br />

pr Lucrèce sont ingénieui, et sans cesse revêtus de*<br />

ornements d'une poésie aussi pittoresque qu'harmonieuse.<br />

Voici quelles sont les eon|ecf près des savants moderne^<br />

fur ce phénoaijfcjtyB :<br />

La terre est, ep une infinité d'endroits, rrroppe #<br />

matières combustibles; presque partout s'étendent des<br />

couches immenses de charbon de terre, des amas debi*<br />

tume, de tourbe, de soufre, d'alun, de pyrites, etc., qui<br />

se trouvent enfouis dans l'intérieur de notre globe* Toutes<br />

ces matières pu vent s'enflammer de mille manières,<br />

mais surtout par Faction de Fair, qui est répp<strong>du</strong> f comme<br />

on n'en put douter, dans tout l'intérieur de la terre, et<br />

qui, dilaté tout à coup pr ms embrasements, fait effort<br />

en tons sens pur s'ouvrir un passage^ Personne n'ignore<br />

les effets qu'il peut pro<strong>du</strong>ire quand il est dans cet état<br />

L'eau contenue dans les profondeurs de la terre contribue<br />

aussi de plusieurs manières à ces tremblements, parce<br />

que Faction <strong>du</strong> feu ré<strong>du</strong>it Feau en vapurs; et l'on sait<br />

que rien n'approche de la force de ces vapurs. Il faut<br />

observer aussi que Feau, en tombant tout à coup dait*t<br />

les amas de matière embrasée-, doit encore pro<strong>du</strong>ire ê^


SUE LE. POEME DE LA KATUBE DES ClOSES. ISS<br />

eiplosimM terribles; elle anime les fait souterrains 9<br />

parte que 9 dans sa chu le 9 elle agite l'air, et fait la fouettantes<br />

soufflets de forge. Enfin elle peut concourir mx<br />

ébranlements de la terre, par les excavations qu'elle fait<br />

dans si» ultérieur, par les coitcbes qu'elle entraîne après<br />

les avoir détrempées 9 et par les chutes et les écroulements<br />

qu'elle occasionne,<br />

?. 849 Esse apnd ffamimnisfanmmf&m Inee diurna<br />

Frigldm, et calidm noctumo tempéré fertmr.<br />

Qninte-Ciircc décrit ainsi cette fontaine 9 !!•» if , eh. 7 :<br />

« Au miHeu de la forêt d'Araraon se f oit une fontaine<br />

qu'on appelé l'Eau <strong>du</strong> soleil Au le?er de cet astre 9 elle est<br />

tiède ; I midi , lorsque la chaleur est au plus haut degré 9<br />

elle détient très-fraîche; à mesure que le jour décline,<br />

elle s'échauffe t de manière qu'à minuit elle est presque<br />

touillante; et plusFanrore s'approche, plusTeau prd de<br />

sa chaleur jusqu'à ce qu'au matin elle retrouve sa tiédeur<br />

•cosutaoïée. »<br />

v. ISO. Frtgiêm mt ettom/ms Cette fontfine est<br />

celle de Jupiter Dodonien , et Pline la décrit en ces<br />

termes, Htst. Mme. , liv. nf ch. 103 :<br />

« La fontaine de Jupiter, à Dodone, quoique assex<br />

poime, il faudrait souhaiter que Lucrèct fit ' irrité plut<br />

promptement I l'admirable épisode qui tennuitce dernier<br />

chant<br />

« Épicure, dit Creech, eipliquait la force magnétique<br />

de deui manières. 11 est étonnant que Lucrèce n'en donne<br />

qu'une. 11 se peut pourtant qu'il les ait données toutes<br />

les deui 9 et qu'il s'en soit per<strong>du</strong> une par la négligence dos<br />

copistes. *<br />

Voici un passage oi Gassendi développ ridée de Lu*<br />

crèce sur le magnétisme :<br />

« Ipsum Galenus ita refart,a lapide quidem Herenleo,<br />

ferrum; a succino veto pleasattrabi 9 etc-Quipp effluentes<br />

atomos ex lapide illo ita iguris congraere comillis»<br />

qnœ ex ferro efluunt, ut in amplexus facile venlantQuam^<br />

obrem impetas utrinque (oemp in ipsa tam lapidls,<br />

quam ferri corpora concreta) ac résiliantes deinde in me*<br />

dium circumplicari in?icem v et ferrum simpl pertnhi.<br />

Sic Epicurus apud illum. Haud abs re veip insiouavi pnemissaillaa<br />

Lucretio fîderi buic modo ptisêimum aceoœmodata.<br />

Imprimis enïm, juita ipsum, constatant, tam<br />

magnes, quam ferrum t ex corpusculis consiu|ilibusf con»<br />

simiiiaque etiam inania sptiola habebunt ; et maxime qui*<br />

dem quum, ut Alexander subolfecit, et ipi alibi dicimus,<br />

froide pour éteindre les lambeaui allumés qu'on y plonge, magnes et ferrum ex etdem sint ?ena. Quare et effluentes<br />

a pourtant la propriété de les rallumer quand on les en ex magnete atomi,quumta ferrum incurrent, ita subi-<br />

approche. *<br />

buntejussubstanliam, ut eonsirailibns h«f «ites<br />

T. 908. ....£nj>tf hk mtfermm<strong>du</strong>eerê pmMtf<br />

QmemMmgmtm wmmni pmirio d$ nomine firoiei.<br />

L'aimant fut et <strong>du</strong>t être longtemps une mer?eille pour<br />

les hommes. Les anciens n'avaient trouvé cependant<br />

p'ofte partie de ses propriétés; elles sont si connues,<br />

qu'il est iuatile d'en offrir l'explication : je remarquerai<br />

seulement qu'a» teipps de Lucrèce, une parie de Fenthoasitsine<br />

pour cette pierre existait encore; c'est à cette rai^<br />

MM qu'on doit attribua* la peine qu'il se donne d'en expliquer<br />

si longuement la nature et les effets. Cependant les<br />

comnientateurs reconnaissent qu'une partie de ce passage<br />

a été supprima ; et en effet Lucrèce» après avoir accumulé<br />

tant de notions ppÉiminaîres, semble atteindre la conclurioii<br />

un peu brusquement. I* I^anc de Guillet, ^appuyant<br />

mr la réflexions de Gassendi, a imaginé de suppléer à la<br />

lacune qu'il croyait remarquer dans Lucrèce pr des fers<br />

btiis de sa façon, qu'il f interpolés dans le texte publié en<br />

1-788. L'entreprise était biiarre et hardie ; malheureusement<br />

âpoUon ne faforispt pas plus ce poëte en latin qu'en franpis.<br />

Loin da chercher à ajouter dei vp§ | cette pfrtie <strong>du</strong><br />

s f parfint<br />

résiliant, cohœreotesque ab<strong>du</strong>cant; prtim ime alias exsUi*<br />

tura ipsas compilant, et censequantur : adeont9quum<br />

reciproee atomi9ex ferro incurrentes in magnetem simUe'quid<br />

pnestent9necease sit atomos utrimqie partim<br />

regrettantes, sed implicitas tamen y in médium confluera t<br />

et pKtptprcobsesionem utrarumque cum iis exquibus ipsa<br />

magnetis et ferri in médium coire. Et dicitar tamen, aut<br />

censetur ferrum ad magnetem ptius/quam magnes ad<br />

ferrum accedere, ex commun! usu9 vnlgaribusque exp*<br />

rimentis 9 quibcis lapidi niap» mois 9 aut manu detento,<br />

ferri frustula apponuntur : ita nimiram iiecesse est, ut9<br />

quia wd major ex magnete quam ex ferro émanât vis,<br />

vel lapis CQhibetijr vi nt ad ferrum properet, iddrco ferrum<br />

non in médium solum 9 sed in maneteii) etiam inuno*<br />

tum feratur; neqtiicquam certe Alexander yequirit ef<br />

antiquis illis, cur9 siefluxus mutui verisujit, ion tam<br />

magnes ad ferram, quam ferrum ad magnetem tendat?<br />

quipp si ipse rem explorasset, sese M absurde qo»<br />

rere novlsiet. »<br />

(GASSBOM, Op., t. H, p. tlf.)


<strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong> <strong>Royal</strong><br />

www.notes<strong>du</strong><strong>mont</strong>royal.com<br />

Une ou plusieurs pages sont<br />

omises ici volontairement.


AwmssnfiffT DIS éDITEURS.<br />

TABLE DES MATIÈRES<br />

LUCRECE.<br />

Tra<strong>du</strong>ction de M. CBAWIOT.<br />

Motice sur Lucrèce......... ..<br />

BB Là KATORB DES CHOSES, livre I*.. .........<br />

Livre II ...........<br />

Livre III..<br />

Livre IV..<br />

livre V....<br />

Livre VI..........<br />

: DU POEME DE Là BàTUlE DES CHOSES.<br />

Sommaire <strong>du</strong> ivre I er ...<br />

— <strong>du</strong> livre II..<br />

— <strong>du</strong> livre III<br />

— <strong>du</strong> livre IV.........<br />

— <strong>du</strong> livre V.<br />

— <strong>du</strong> livre VI<br />

HOUs SIM LE POEME DE Là NATUME DES CHOSES.<br />

Hôtes <strong>du</strong> livre l tp .<br />

— <strong>du</strong> livreII......<br />

— <strong>du</strong> livre III.<br />

— <strong>du</strong> livre IV............ #......<br />

— <strong>du</strong> livre V<br />

— <strong>du</strong> livre VI<br />

flRGILE.<br />

Tra<strong>du</strong>ction ie M. auguste MtMm*.<br />

CONTENUES<br />

DANS CE VOLUME.<br />

piiei<br />

1<br />

22<br />

44<br />

65<br />

89<br />

118<br />

143<br />

ib.<br />

144<br />

16.<br />

16.<br />

m.<br />

145<br />

14ê<br />

148<br />

149<br />

151<br />

152<br />

Notice sur Virgile.. 157<br />

LES BUCOLIQUES...<br />

«gJcigue F*. Tltyre...............[[ iai<br />

— H. Alexis.. 103<br />

— m. Pâlaemoi , ## 145<br />

— IV. Pollion ie§<br />

—• V, Daphnis..... i§§<br />

— VI. Silène 171<br />

— VIL Mélibée. * * 173<br />

— VIII. Les Enchantements...... 175<br />

— a. Mérfa.. 177<br />

— ï. GaUm 17g<br />

611<br />

Pifi§#<br />

LIS CÉÛRCIQOTS<br />

Livre I«. . 182<br />

Livre II....... 192<br />

Livre m......... *mmm 2Q|<br />

Livre IV..................'..****** 216<br />

L'ENÉIDE mm<br />

Livre r*.. 22f<br />

Livre IL............/.. 245<br />

Livre III ..# 262<br />

Livre IV................../....!..] 277<br />

Livre V. 291<br />

Livre VI.. 310<br />

Livre VII. 32§<br />

Livre VIII !*...". 346<br />

Livre IX 361<br />

Liwe X 378<br />

Livre XI........................... 397<br />

Livre XII 4i§<br />

POéSIES DIVERSES<br />

Le Moucheron.. 437<br />

L'Aigrette 445<br />

CâTALECTTES.<br />

Catalecte F r , i Tucca.......... 456<br />

Catalecte II, sur le rhéteur C.<br />

Annius Cimber 456<br />

Catalecte III, contre Hoctuin... 457<br />

Catalecte IV, contre le même... 16,<br />

Catalecte V, contre Lucius..... 16.<br />

Catalecte VI, I Vénus 458<br />

Catalecte Vil, Virgile dit adieu à<br />

tous ses travaui littéraires pour<br />

embrasser la philosophie Épicu»<br />

rîenne.. |§.<br />

Catalecte Vin, sur Sabinus. Parodie<br />

de Catulle.. 16.<br />

Catalecte IX, à Varias. 4§§<br />

Catalecte X, à la villa de Syron... 16.<br />

Catalecte XI, à Valérius Messala.. i6.<br />

Catalecte XII, sur Pompée le<br />

Grand, ou sur Mithridate...... 4i§<br />

Catalecte Xlll, à Antonius Musa* 4êf<br />

y


C12 TABLE DES MATIÈRES.<br />

Pages.<br />

Citalecte XIV, sir la mort d'Octave.<br />

16.<br />

Catalecte XV, fragment d'une lettre<br />

de Virgile à Auguste sur son<br />

Enéide... ..• 16.<br />

La Caharetière................. 16.<br />

Le Petit Jardin. 462<br />

Moretum.. 463<br />

loris SUR VIBGILE<br />

Botes des Églogues.<br />

Égloguer r ................... 465<br />

IL.<br />

— III.......<br />

— IV.<br />

— V..................<br />

. VI.<br />

_ VII<br />

VIII...<br />

16.<br />

466<br />

...... 16.<br />

467<br />

IX .••••••:........<br />

X........ • •••••••••<br />

<strong>Notes</strong> des Géorgiques.<br />

yfre |er# , 0 ,# , .<br />

,— H..<br />

m.<br />

—• iv<br />

lotes de l'Enéide.<br />

Mutes <strong>du</strong> Litre I* 1 ...... 16.<br />

...... 468<br />

...... 16.<br />

...... ib.<br />

...... 469<br />

449<br />

......<br />

......<br />

470<br />

472<br />

.473<br />

*. ••••••• ...... 474<br />

_ H.. .. ...... 465<br />

— 111 ...... 16.<br />

V....<br />

VI...<br />

vu..<br />

VIII.<br />

x....<br />

XI...<br />

XII..<br />

VALERIUS FLACCUS.<br />

Tra<strong>du</strong>ction de M. Charles RISAB».<br />

476<br />

477<br />

ib.<br />

, ib.<br />

, 478<br />

. ib.<br />

. iè.<br />

notice sur Valérios Flaceus.......... 481<br />

LES âftGONâOTjQtjES. Livre I er 4S3<br />

Livre il .. m<br />

Livre III..... 513<br />

Livre IV...... mm 52s<br />

Livre V...... 543<br />

Livre VI......... .. 157<br />

Livre VIL 57î<br />

Livre VIII............... 5SS<br />

NOTES SUR VALéIUïS FLAGCUS.<br />

Motes <strong>du</strong> livre 1 er ......... 595<br />

— <strong>du</strong> livre II 197<br />

— <strong>du</strong> livre III.. 600<br />

— do livre IV... Ml<br />

— <strong>du</strong> livre v .. §§3<br />

— <strong>du</strong> livre VI.. §0§<br />

— <strong>du</strong> livre VIL. §m<br />

— <strong>du</strong> livre V11I............. ... §i§

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