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03.07.2013 Views

Et durant tout ce temps, la vieille pendule au-dessus de la cheminée n’avait pas arrêté de tictaquer, de lui débiter des secondes de vie. Elles lui avaient paru tellement nombreuses, il n’y avait pas si longtemps… On frappa doucement à la porte de la grange, sous le fenil. Il entendit qu’on l’ouvrait. « Vous êtes visible, Pierre Porte ? » demanda la voix de mademoiselle Trottemenu dans le noir. Pierre Porte analysa la phrase, en chercha le sens d’après le contexte. « OUI ? hasarda-t-il. — J’vous apporte un verre de lait chaud. — OUI ? — Allez, dépêchez-vous. Sinon ça va refroidir. » Pierre Porte descendit prudemment l’échelle de bois. Mademoiselle Trottemenu tenait une lanterne, un châle autour des épaules. « J’y ai mis de la cannelle. Mon Rufus, il aimait ça, la cannelle. » Elle soupira. Pierre Porte avait conscience des inflexions et des intonations d’une voix de la même façon qu’un astronaute a conscience de la carte météo sous lui ; c’est là, bien visible, offert à l’étude et sans aucun lien avec ce qu’on vit. « MERCI », dit-il. Mademoiselle Trottemenu regarda autour d’elle. « Vous vous êtes rudement bien installé, fit-elle joyeusement. — OUI. » Elle resserra le châle autour de ses épaules. « Je m’en retourne à la maison, alors, dit-elle. Vous me rapporterez la chope demain matin. » Elle fila dans la nuit. Pierre Porte monta sa chope au fenil. Il la posa sur une poutre basse, s’assit et la regarda. Il la regardait encore alors que le lait était devenu froid depuis longtemps et que la bougie s’était éteinte. Au bout d’un moment, il prit conscience d’un chuintement persistant. Il sortit le sablier doré et le fourra sous un tas de foin à l’autre bout du fenil. - 96 -

Ça n’y changea rien. Les yeux plissés, Vindelle Pounze lisait avec effort les numéros des maisons – une centaine de pins comptables avaient péri rien que pour cette seule rue –, puis il se rendit compte qu’il n’était pas obligé de se fatiguer. Il était myope par habitude. Il améliora donc sa vue. Il mit un certain temps à dénicher le 668 qui se trouvait en fait au premier étage au-dessus d’une boutique de tailleur. On y entrait par une ruelle. Il y avait une porte de bois au bout de la ruelle. Sur la peinture écaillée on avait punaisé une affichette qui disait, en caractères exubérants : Entrez Entrez !! Le club du Nouveau Départ. La mort n’est que le commencement !!! La porte s’ouvrait sur une volée de marches qui sentaient la vieille peinture et les mouches crevées. Elles craquaient même davantage que les genoux de Vindelle. Des graffitis ornaient les murs. La phraséologie était exotique mais le ton général plutôt familier : Debout, les revenants de la terre, Vous n’avez rien d’autre à perdre que vos chaînes, La majorité silencieuse réclame les droits des morts et Assez de ségrégation vitale !!! L’escalier débouchait sur un palier où se dressait une autre porte. On avait jadis accroché une lampe à huile au plafond, mais elle donnait l’impression de ne pas avoir été allumée depuis des millénaires. Une vieille araignée qui vivait sans doute des résidus d’huile suivit Vindelle d’un regard fatigué depuis son aire. Vindelle regarda encore la carte, prit une profonde inspiration par habitude et frappa au battant. - 97 -

Ça n’y changea rien.<br />

Les yeux plissés, Vindelle Pounze lisait avec effort les<br />

numéros des maisons – une centaine de pins comptables avaient<br />

péri rien que pour cette seule rue –, puis il se rendit compte qu’il<br />

n’était pas obligé de se fatiguer. Il était myope par habitude. Il<br />

améliora donc sa vue.<br />

Il mit un certain temps à dénicher le 668 qui se trouvait en fait<br />

au premier étage au-dessus d’une boutique de tailleur. On y<br />

entrait par une ruelle. Il y avait une porte de bois au bout de la<br />

ruelle. Sur la peinture écaillée on avait punaisé une affichette qui<br />

disait, en caractères exubérants :<br />

Entrez Entrez !! Le club du Nouveau Départ.<br />

La mort n’est que le commencement !!!<br />

La porte s’ouvrait sur une volée de marches qui sentaient la<br />

vieille peinture et les mouches crevées. Elles craquaient même<br />

davantage que les genoux de Vindelle.<br />

Des graffitis ornaient les murs. La phraséologie était exotique<br />

mais le ton général plutôt familier : Debout, les revenants de la<br />

terre, Vous n’avez rien d’autre à perdre que vos chaînes, La<br />

majorité silencieuse réclame les droits des morts et Assez de<br />

ségrégation vitale !!!<br />

L’escalier débouchait sur un palier où se dressait une autre<br />

porte. On avait jadis accroché une lampe à huile au plafond,<br />

mais elle donnait l’impression de ne pas avoir été allumée depuis<br />

des millénaires. Une vieille araignée qui vivait sans doute des<br />

résidus d’huile suivit Vindelle d’un regard fatigué depuis son<br />

aire.<br />

Vindelle regarda encore la carte, prit une profonde inspiration<br />

par habitude et frappa au battant.<br />

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