Pratchett,Terry-[Dis..

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03.07.2013 Views

étrange, la vie. On y voit des vis qui se dévissent toutes seules, de petits messages rédigés à l’intention des morts. Il résolut de découvrir ce qui se passait. Puis… si la Mort ne voulait pas venir à lui, c’est lui qui irait à la Mort. Il avait des droits, tout de même. Ouais. Il lancerait la plus grande recherche de disparu de tous les temps. Vindelle sourit dans l’obscurité. Disparu présumé Mort. Aujourd’hui, c’était le premier jour du temps qui lui restait à vivre. Et Ankh-Morpork était à ses pieds. Enfin, métaphoriquement. Il ne pouvait que remonter la pente. Il leva les mains, sentit la carte dans le noir et la décrocha. Il se la colla entre les dents. Vindelle Pounze prit appui des talons contre le bout de la caisse, se passa les mains au-dessus de la tête et poussa. Le terreau détrempé d’Ankh-Morpork bougea légèrement. Vindelle marqua un temps, habitué à reprendre son souffle, et s’aperçut que ça ne servait à rien. Il poussa encore. L’extrémité du cercueil se fendit. Il ramena vers lui les morceaux de pin qu’il déchira comme du vulgaire papier. Il se retrouva avec un bout de planche qui aurait fait une pelle parfaitement inutile pour quiconque ne jouissait pas de la force d’un zombi. Il se retourna sur le ventre puis, déblayant autour de lui à l’aide de sa pelle improvisée la terre qu’il tassait ensuite avec les pieds, Vindelle Pounze se creusa un tunnel vers un nouveau départ. Imaginez un paysage, une plaine ondoyante. C’est l’été finissant au pays de l’herbe octarine que surplombent les pics vertigineux des montagnes du Bélier, et les couleurs dominantes sont la terre d’ombre et l’or. La canicule dessèche la contrée. Les sauterelles grésillent comme dans une poêle à frire. Même l’atmosphère a trop chaud pour bouger. - 60 -

C’est l’été le plus torride de mémoire d’homme, et dans ces régions ça fait très, très long. Imaginez une silhouette à cheval qui suit lentement une route couverte d’une couche épaisse de poussière entre des champs de blé déjà prometteurs d’une moisson exceptionnellement abondante. Imaginez une clôture de bois mort tout sec. Un écriteau y est accroché. Le soleil en a décoloré le texte, mais il reste lisible. Imaginez une ombre qui s’étend sur l’écriteau. On l’entend presque lire les mots. Un sentier s’écarte de la route pour se diriger vers un petit groupe de bâtiments blanchis au soleil. Imaginez des pas traînants. Imaginez une porte, ouverte. Imaginez une pièce sombre et fraîche entrevue par l’entrée. Il ne s’agit pas d’une pièce où l’on vit beaucoup. Plutôt d’une pièce pour ceux qui vivent dehors mais doivent s’abriter de temps en temps, quand la nuit tombe. Une pièce pour les harnais et les chiens, une pièce où l’on tend les toiles cirées à sécher. À l’intérieur, un tonneau de bière près de la porte. Du carrelage par terre et, le long des poutres du plafond, des crochets pour suspendre des jambons. Une table soigneusement récurée où pourraient s’asseoir trente hommes affamés. Mais il n’y a pas d’hommes. Ni de chiens. Ni de bière. Ni de jambons. Un silence suivit les coups frappés à la porte, que rompit le claquement de pantoufles sur le carrelage. Enfin, une vieille femme maigre dont la figure avait la couleur et la texture d’une noix passa un œil par la porte. « Oui ? fit-elle. — L’ÉCRITEAU DIT “ON DEMANDE UN AIDE”. — Ah bon ? Ah bon ? Il est là-bas depuis avant l’hiver ! — EXCUSEZ-MOI. VOUS N’AVEZ PAS BESOIN D’AIDE ? » La figure ridée regarda l’inconnu d’un air songeur. - 61 -

C’est l’été le plus torride de mémoire d’homme, et dans ces<br />

régions ça fait très, très long.<br />

Imaginez une silhouette à cheval qui suit lentement une route<br />

couverte d’une couche épaisse de poussière entre des champs de<br />

blé déjà prometteurs d’une moisson exceptionnellement<br />

abondante.<br />

Imaginez une clôture de bois mort tout sec. Un écriteau y est<br />

accroché. Le soleil en a décoloré le texte, mais il reste lisible.<br />

Imaginez une ombre qui s’étend sur l’écriteau. On l’entend<br />

presque lire les mots.<br />

Un sentier s’écarte de la route pour se diriger vers un petit<br />

groupe de bâtiments blanchis au soleil.<br />

Imaginez des pas traînants.<br />

Imaginez une porte, ouverte.<br />

Imaginez une pièce sombre et fraîche entrevue par l’entrée. Il<br />

ne s’agit pas d’une pièce où l’on vit beaucoup. Plutôt d’une pièce<br />

pour ceux qui vivent dehors mais doivent s’abriter de temps en<br />

temps, quand la nuit tombe. Une pièce pour les harnais et les<br />

chiens, une pièce où l’on tend les toiles cirées à sécher. À<br />

l’intérieur, un tonneau de bière près de la porte. Du carrelage<br />

par terre et, le long des poutres du plafond, des crochets pour<br />

suspendre des jambons. Une table soigneusement récurée où<br />

pourraient s’asseoir trente hommes affamés.<br />

Mais il n’y a pas d’hommes. Ni de chiens. Ni de bière. Ni de<br />

jambons.<br />

Un silence suivit les coups frappés à la porte, que rompit le<br />

claquement de pantoufles sur le carrelage. Enfin, une vieille<br />

femme maigre dont la figure avait la couleur et la texture d’une<br />

noix passa un œil par la porte.<br />

« Oui ? fit-elle.<br />

— L’ÉCRITEAU DIT “ON DEMANDE UN AIDE”.<br />

— Ah bon ? Ah bon ? Il est là-bas depuis avant l’hiver !<br />

— EXCUSEZ-MOI. VOUS N’AVEZ PAS BESOIN D’AIDE ? »<br />

La figure ridée regarda l’inconnu d’un air songeur.<br />

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