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03.07.2013 Views

— ÇA NE PRESSE PAS. — Je vous croyais toujours à l’heure. — DANS LE CAS PRÉSENT, QUELQUES MINUTES DE PLUS NE FERONT PAS UNE GROSSE DIFFÉRENCE. » Vindelle hocha la tête. Ils restèrent ainsi côte à côte en silence, tandis que leur parvenait le grondement assourdi de la ville tout autour. « Vous savez, fit Vindelle, la vie d’après est belle. Vous étiez où ? — J’ÉTAIS OCCUPÉ. » Vindelle n’écoutait pas vraiment. « J’ai rencontré des gens dont je ne soupçonnais même pas l’existence. J’ai fait toutes sortes de choses. J’ai vraiment découvert qui est Vindelle Pounze. — QUI EST-CE, ALORS ? — Vindelle Pounze. — Ç’A DÛ VOUS FAIRE UN CHOC, J’IMAGINE. — Ben, oui. — TOUTES CES ANNÉES, ET VOUS NE VOUS DOUTIEZ DE RIEN. » Vindelle Pounze, lui, savait exactement ce que voulait dire persiflage, et il savait aussi reconnaître le sarcasme. « Pour vous, c’est facile à dire, marmonna-t-il. — PEUT-ÊTRE. » Vindelle regarda encore le fleuve en dessous. « C’était bien, dit-il. Après tout ce temps. Servir à quelque chose, c’est important. — OUI. MAIS POURQUOI ? » Vindelle parut surpris. « Je ne sais pas. Comment je saurais ? Parce qu’on est tous dans le même bain, je suppose. Parce qu’on n’abandonne pas les copains dans le pétrin. Parce qu’on est mort depuis longtemps. Parce que tout vaut mieux que rester seul. Parce que les hommes sont des hommes. — ET SIX SOUS, C’EST SIX SOUS. MAIS LE BLÉ N’EST PAS QUE LE BLÉ. — Ah bon ? — NON. » Vindelle Pounze s’adossa au parapet. La pierre était encore tiède de la chaleur de la journée. - 288 -

À sa grande surprise, la Mort l’imita. « PARCE QUE VOUS N’AVEZ RIEN D’AUTRE QUE VOUS, dit la Mort. — Quoi ? Oh. Oui. Ça aussi. C’est un grand univers tout froid là-bas. — VOUS N’EN REVIENDRIEZ PAS. — Une seule vie, ce n’est pas assez. — OH, JE NE SAIS PAS. — Hmm ? — VINDELLE POUNZE ? — Oui ? — C’ÉTAIT VOTRE VIE. » Alors, avec un grand soulagement, un certain optimisme et le sentiment que dans l’ensemble tout aurait pu être pire, Vindelle Pounze mourut. Quelque part dans la nuit, Raymond Soulier lança un coup d’oeil à droite et à gauche, dégaina furtivement un pinceau et un petit pot de peinture de sous sa veste puis écrivit sur un mur à portée de main : Dans tout vivant il y a un mort qui sommeille… Puis tout fut terminé. Fin. La Mort, debout à la fenêtre de son cabinet obscur, contemplait son jardin dehors. Rien ne bougeait dans son domaine silencieux. Des lys sombres fleurissaient près du bassin à truites où péchaient de petits squelettes de gnomes en plâtre. Au loin se dressaient des montagnes. C’était son monde à lui. Il n’apparaissait sur aucune carte. Mais aujourd’hui, d’une certaine façon, il y manquait quelque chose. La Mort choisit une faux au râtelier du grand vestibule. Il passa à grandes enjambées devant l’immense horloge sans aiguilles et sortit. Il traversa avec raideur le potager noir où Albert s’affairait sur les ruches puis escalada plus loin un petit - 289 -

À sa grande surprise, la Mort l’imita. « PARCE QUE VOUS N’AVEZ<br />

RIEN D’AUTRE QUE VOUS, dit la Mort.<br />

— Quoi ? Oh. Oui. Ça aussi. C’est un grand univers tout froid<br />

là-bas.<br />

— VOUS N’EN REVIENDRIEZ PAS.<br />

— Une seule vie, ce n’est pas assez.<br />

— OH, JE NE SAIS PAS.<br />

— Hmm ?<br />

— VINDELLE POUNZE ?<br />

— Oui ?<br />

— C’ÉTAIT VOTRE VIE. »<br />

Alors, avec un grand soulagement, un certain optimisme et le<br />

sentiment que dans l’ensemble tout aurait pu être pire, Vindelle<br />

Pounze mourut.<br />

Quelque part dans la nuit, Raymond Soulier lança un coup<br />

d’oeil à droite et à gauche, dégaina furtivement un pinceau et un<br />

petit pot de peinture de sous sa veste puis écrivit sur un mur à<br />

portée de main : Dans tout vivant il y a un mort qui sommeille…<br />

Puis tout fut terminé. Fin.<br />

La Mort, debout à la fenêtre de son cabinet obscur,<br />

contemplait son jardin dehors. Rien ne bougeait dans son<br />

domaine silencieux. Des lys sombres fleurissaient près du bassin<br />

à truites où péchaient de petits squelettes de gnomes en plâtre.<br />

Au loin se dressaient des montagnes.<br />

C’était son monde à lui. Il n’apparaissait sur aucune carte.<br />

Mais aujourd’hui, d’une certaine façon, il y manquait quelque<br />

chose.<br />

La Mort choisit une faux au râtelier du grand vestibule. Il<br />

passa à grandes enjambées devant l’immense horloge sans<br />

aiguilles et sortit. Il traversa avec raideur le potager noir où<br />

Albert s’affairait sur les ruches puis escalada plus loin un petit<br />

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