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03.07.2013 Views

« Coco-l’haricot ! » Mademoiselle Trottemenu était assise dans sa cuisine. Du dehors lui parvenaient des chocs métalliques déprimés : Edouard Bottereau et son apprenti récupéraient les débris enchevêtrés de la moissonneuse battante. Une poignée d’autres villageois leur donnaient soi-disant un coup de main, mais profitaient de l’occasion pour donner en réalité un coup d’œil à la ronde. Elle leur avait préparé un plateau de thé et les avait laissés. À présent, assise, le menton dans les mains, elle fixait le vide. On frappa à la porte ouverte. Fausset passa la tête. « Dites, mademoiselle Trottemenu… — Hmm ? — Dites, mademoiselle Trottemenu, y a un squelette de ch’val qui s’balade dans la grange ! Il mange du foin ! — Comment ça ? — Et ça lui passe au travers ! — Ah bon ? On va le garder, alors. Au moins, il coûtera pas cher à nourrir. » Fausset s’attardait en tripotant son chapeau dans ses mains. « Z’allez bien, mademoiselle Trottemenu ? » « Z’allez bien, monsieur Pounze ? » Vindelle fixait le vide. « Vindelle ? fit Raymond Soulier. — Hmm ? — L’archichancelier vous demande si vous voulez boire quelque chose. — Il aimerait un verre d’eau déminéralisée, dit madame Cake. prennent au piège, leur brisent le caractère, les apprivoisent et les conduisent vers une vie d’esclavage. Peut-être bien. - 258 -

— Quoi ? Rien que de l’eau ? s’étonna Ridculle. — C’est c’qu’il veut, dit madame Cake. — J’aimerais un verre d’eau déminéralisée, s’il vous plaît », répondit Vindelle. Madame Cake affichait un air suffisant. Du moins, le peu qu’on voyait d’elle affichait un air suffisant, à savoir la partie comprise entre le chapeau et son sac à main, un sac du même acabit que le chapeau, si grand que lorsqu’elle était assise et qu’elle le tenait serré sur ses genoux, elle devait lever les mains pour en attraper les poignées. Quand elle avait su qu’on invitait sa fille à l’Université, elle était venue aussi. Madame Cake présumait toujours qu’une invitation pour Ludmilla valait aussi pour sa mère. Des mères de ce genre, il en existe partout, et on ne peut rien y faire, semble-t-il. Les mages recevaient les Nouveaux Partants, lesquels s’efforçaient de paraître y prendre plaisir. Il s’agissait d’une de ces mondanités délicates où se succèdent de longs silences, des toux sporadiques et de temps en temps des banalités du genre : « Ah, on est bien. » « Pendant un moment, vous aviez l’air ailleurs, Vindelle, dit Ridculle. — Je suis un peu fatigué, c’est tout, archichancelier. — J’croyais que vous dormiez jamais, vous autres les zombis. — Je suis pourtant fatigué, fit Vindelle. — Vous êtes sûr de pas vouloir qu’on recommence l’enterrement et tout ? On pourrait faire ça comme il faut cette fois. — Non, mais merci tout de même. Je ne suis pas fait pour la vie de mort-vivant, je crois. » Vindelle se tourna vers Raymond Soulier. « Je regrette. Je ne sais pas comment vous y arrivez. » Il fit un sourire d’excuse. « Vous avez parfaitement le droit d’être vivant ou mort, c’est vous qui voyez, répliqua durement Raymond. — D’après Un-homme-seau, les gens se remettent à mourir normalement, dit madame Cake. Alors, vous pourriez sûrement prendre rendez-vous. » Vindelle regarda autour de lui. - 259 -

— Quoi ? Rien que de l’eau ? s’étonna Ridculle.<br />

— C’est c’qu’il veut, dit madame Cake.<br />

— J’aimerais un verre d’eau déminéralisée, s’il vous plaît »,<br />

répondit Vindelle.<br />

Madame Cake affichait un air suffisant. Du moins, le peu<br />

qu’on voyait d’elle affichait un air suffisant, à savoir la partie<br />

comprise entre le chapeau et son sac à main, un sac du même<br />

acabit que le chapeau, si grand que lorsqu’elle était assise et<br />

qu’elle le tenait serré sur ses genoux, elle devait lever les mains<br />

pour en attraper les poignées.<br />

Quand elle avait su qu’on invitait sa fille à l’Université, elle<br />

était venue aussi. Madame Cake présumait toujours qu’une<br />

invitation pour Ludmilla valait aussi pour sa mère. Des mères de<br />

ce genre, il en existe partout, et on ne peut rien y faire,<br />

semble-t-il.<br />

Les mages recevaient les Nouveaux Partants, lesquels<br />

s’efforçaient de paraître y prendre plaisir. Il s’agissait d’une de<br />

ces mondanités délicates où se succèdent de longs silences, des<br />

toux sporadiques et de temps en temps des banalités du genre :<br />

« Ah, on est bien. »<br />

« Pendant un moment, vous aviez l’air ailleurs, Vindelle, dit<br />

Ridculle.<br />

— Je suis un peu fatigué, c’est tout, archichancelier.<br />

— J’croyais que vous dormiez jamais, vous autres les zombis.<br />

— Je suis pourtant fatigué, fit Vindelle.<br />

— Vous êtes sûr de pas vouloir qu’on recommence<br />

l’enterrement et tout ? On pourrait faire ça comme il faut cette<br />

fois.<br />

— Non, mais merci tout de même. Je ne suis pas fait pour la<br />

vie de mort-vivant, je crois. » Vindelle se tourna vers Raymond<br />

Soulier. « Je regrette. Je ne sais pas comment vous y arrivez. » Il<br />

fit un sourire d’excuse.<br />

« Vous avez parfaitement le droit d’être vivant ou mort, c’est<br />

vous qui voyez, répliqua durement Raymond.<br />

— D’après Un-homme-seau, les gens se remettent à mourir<br />

normalement, dit madame Cake. Alors, vous pourriez sûrement<br />

prendre rendez-vous. »<br />

Vindelle regarda autour de lui.<br />

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