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03.07.2013 Views

La Mort tourna la pierre dans sa main afin de trouver une surface fraîche et en frotta lentement la lame sur toute sa longueur. L’un dit : Nous en informerons Azraël. L’un dit : Tu n’es, après tout, qu’une petite Mort. La Mort leva la lame au clair de lune, la tourna d’un côté puis de l’autre, s’attacha au jeu de la lumière sur les infimes particules de métal de son fil. Puis il se leva d’un seul mouvement vif. Les serviteurs reculèrent en hâte. Il projeta la main avec la vitesse d’un serpent, saisit une robe et ramena le capuchon vide à hauteur de ses orbites. « SAIS-TU POURQUOI LE PRISONNIER DANS SA TOUR OBSERVE LE VOL DES OISEAUX ? » demanda-t-il. Le captif dit : Enlève tes pattes… oups… Une flamme bleue brilla un instant. La Mort baissa la main et tourna la tête vers les deux autres. L’un dit : Tu n’as pas fini d’en entendre parler. Ils disparurent. La Mort brossa un grain de poussière de sa robe, se planta solidement les pieds sur le faîte de la montagne. Il leva à deux mains la faux au-dessus de sa tête et appela toutes les Morts inférieures apparues durant son absence. Au bout d’un moment, ils s’élevèrent à flanc de montagne comme une vague noire délavée. Ils fusionnèrent comme du mercure sombre. L’opération dura longtemps, puis s’arrêta. La Mort rabaissa la faux et s’examina. Oui, tout était là. Une fois de plus, il était la Mort, celle qui contenait toutes les autres du monde. Sauf… L’espace d’un instant, il hésita. Il subsistait un tout petit vide quelque part, une parcelle de son âme, un manque… Il ne savait pas très bien de quoi il s’agissait. Il haussa les épaules. Il finirait bien par trouver. En attendant, il avait du pain sur la planche… Il s’en repartit à cheval. Loin de là, dans son repaire sous la grange, la Mort aux Rats relâcha sa prise résolue sur une poutre. - 250 -

Vindelle Pounze sauta lourdement à pieds joints sur un tentacule qui sortait en serpentant de sous les carreaux, et s’éloigna d’une démarche titubante à travers la vapeur. Une dalle de marbre se fracassa et l’arrosa de débris. Il donna un coup de pied sauvage au mur. Plus aucun moyen de sortir, désormais, comprit-il, et même s’il en restait un, il n’arriverait pas à le trouver. De toute façon, il était déjà à l’intérieur de la chose. Elle secouait ses murs et les faisait tomber dans son souci d’atteindre l’intrus. Au moins, il pourrait lui causer une indigestion carabinée. Il se dirigea vers une ouverture, autrefois l’entrée d’un grand couloir, et plongea maladroitement dedans juste avant qu’elle se referme d’un claquement sec. Du feu argenté crépita sur les parois. Il y avait là tellement de vie qu’on ne pouvait la contenir. Il restait quelques chariots qui dérapaient follement sur le sol agité, aussi perdus que Vindelle. Il suivit un autre couloir engageant, même si la plupart des couloirs qu’il avait empruntés au cours des derniers cent trente ans n’avaient jamais palpité ni suinté à ce point. Un autre tentacule jaillit à travers le mur et le fit trébucher. Évidemment, on ne pouvait pas le tuer. Mais on pouvait le priver de corps. Comme Un-homme-seau. Un sort pire que la mort, sûrement. Il se ressaisit. Le plafond s’abattit sur lui et le plaqua au sol. Il compta à voix basse et repartit en trottinant. De la vapeur le balaya. Il glissa encore et jeta les mains en avant. Il sentait son corps échapper à sa volonté. Trop d’organes à gérer. Tant pis pour la rate, faire fonctionner le cœur et les poumons demandait déjà trop d’énergie… « Taille d’arbres ! — Qu’est-ce que vous voulez dire, bon sang ? — Taille d’arbres ! Vous saisissez ? Yo ! — Oook ! » Vindelle leva des yeux embrumés. - 251 -

Vindelle Pounze sauta lourdement à pieds joints sur un<br />

tentacule qui sortait en serpentant de sous les carreaux, et<br />

s’éloigna d’une démarche titubante à travers la vapeur. Une<br />

dalle de marbre se fracassa et l’arrosa de débris. Il donna un<br />

coup de pied sauvage au mur.<br />

Plus aucun moyen de sortir, désormais, comprit-il, et même<br />

s’il en restait un, il n’arriverait pas à le trouver. De toute façon, il<br />

était déjà à l’intérieur de la chose. Elle secouait ses murs et les<br />

faisait tomber dans son souci d’atteindre l’intrus. Au moins, il<br />

pourrait lui causer une indigestion carabinée.<br />

Il se dirigea vers une ouverture, autrefois l’entrée d’un grand<br />

couloir, et plongea maladroitement dedans juste avant qu’elle se<br />

referme d’un claquement sec. Du feu argenté crépita sur les<br />

parois. Il y avait là tellement de vie qu’on ne pouvait la contenir.<br />

Il restait quelques chariots qui dérapaient follement sur le sol<br />

agité, aussi perdus que Vindelle.<br />

Il suivit un autre couloir engageant, même si la plupart des<br />

couloirs qu’il avait empruntés au cours des derniers cent trente<br />

ans n’avaient jamais palpité ni suinté à ce point.<br />

Un autre tentacule jaillit à travers le mur et le fit trébucher.<br />

Évidemment, on ne pouvait pas le tuer. Mais on pouvait le<br />

priver de corps.<br />

Comme Un-homme-seau. Un sort pire que la mort, sûrement.<br />

Il se ressaisit. Le plafond s’abattit sur lui et le plaqua au sol.<br />

Il compta à voix basse et repartit en trottinant. De la vapeur le<br />

balaya.<br />

Il glissa encore et jeta les mains en avant.<br />

Il sentait son corps échapper à sa volonté. Trop d’organes à<br />

gérer. Tant pis pour la rate, faire fonctionner le cœur et les<br />

poumons demandait déjà trop d’énergie…<br />

« Taille d’arbres !<br />

— Qu’est-ce que vous voulez dire, bon sang ?<br />

— Taille d’arbres ! Vous saisissez ? Yo !<br />

— Oook ! »<br />

Vindelle leva des yeux embrumés.<br />

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