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03.07.2013 Views

L’économe consulta sa montre en douce. Il était à présent neuf heures vingt. Vindelle Pounze fit un discours. Un discours long, haché, décousu sur le bon vieux temps. Il avait l’air de prendre la plupart des gens qui l’entouraient pour des collègues morts en réalité depuis une cinquantaine d’années, mais ça n’avait aucune importance parce qu’on avait pour habitude de ne jamais écouter le vieux Vindelle. L’économe n’arrivait pas à détacher les yeux de sa montre. De l’intérieur provenait un couinement de pédales tandis que le démon tricotait patiemment des jambes vers l’infini. Neuf heures vingt-cinq. L’économe se demanda comment l’opération était censée se dérouler. Est-ce qu’on entendait – Je crois qu’on va recevoir une visite pas ordinaire du tout – des bruits de sabots dehors ? Est-ce que la porte s’ouvrait réellement ou est-ce qu’il passait au travers ? Une question idiote. Il avait la réputation de pouvoir pénétrer dans le moindre local clos – surtout dans un local clos, à bien y réfléchir. Enfermez-vous n’importe où, et ce n’est plus qu’une affaire de temps. L’économe espéra qu’il se servirait de la porte normalement. Ses nerfs étaient déjà tendus à se rompre. Le niveau des conversations baissait. Pas mal d’autres mages, remarqua l’économe, jetaient des coups d’œil vers la porte. Vindelle se retrouva au centre d’un cercle qui s’élargissait avec beaucoup de tact. Personne ne l’évitait vraiment, mais un mouvement brownien apparemment fortuit éloignait doucement tout le monde. Les mages ont la faculté de voir la Mort. Et quand un mage meurt, la Mort vient en personne pour le conduire dans l’au-delà. L’économe se demandait pourquoi on tenait ça pour un privilège… « Sais pas ce que vous regardez tous », dit Vindelle d’un ton joyeux. L’économe ouvrit sa montre. Le panneau sous le 12 se releva sèchement. « Pourriez pas y aller mollo avec toutes ces secousses ? glapit le démon. Je m’y r’trouve plus, dans mes comptes. - 22 -

— Pardon », souffla l’économe. Il était neuf heures vingt-neuf. L’archichancelier s’avança. « Alors, au revoir, Vindelle, dit-il en serrant la main parcheminée du vieillard. L’Université, sans vous, ça sera plus pareil. — Sais pas comment on va faire, ajouta l’économe avec reconnaissance. — Bonne chance dans l’autre vie, dit le doyen. Passez donc nous voir si jamais vous revenez dans le coin et que vous vous rappelez, vous savez, qui vous étiez. — Faut pas vous gêner, vous entendez ? » fit l’archichancelier. Vindelle Pounze hocha la tête de bonne grâce. Il n’avait rien entendu de ce qu’on lui avait dit. Il hochait la tête par principe. Les mages, comme un seul homme, firent face à la porte. Le panneau sous le 12 se releva encore brusquement. « Ding ding dong ding, annonça le démon. Dingueli-dingueli dong ding ding. — Quoi ? fit l’économe en sursautant. — Neuf heures et demie », traduisit le démon. Les mages se tournèrent vers Vindelle Pounze, la mine vaguement accusatrice. « Qu’est-ce que vous regardez comme ça ? » demanda-t-il. L’aiguille des secondes de la montre poursuivait sa course grinçante. « Comment vous vous sentez ? brailla le doyen. — Me suis jamais senti aussi bien, répondit Vindelle. Est-ce qu’il reste un peu… hmm… de rhum ? » Les mages réunis le regardèrent se verser une dose généreuse dans son gobelet. « Allez-y doucement, avec ce truc, fit nerveusement le doyen. — À votre santé ! » s’exclama Vindelle Pounze. L’archichancelier tambourina des doigts sur la table. « Monsieur Pounze, dit-il, vous êtes vraiment sûr ? » Vindelle était parti dans une digression. « Il reste des torturerillas ? Remarquez, je n’appelle pas ça manger, moi, fit-il, tremper des bouts de biscuits durs comme du bois dans un machin bourbeux, qu’est-ce qu’on trouve d’intéressant - 23 -

— Pardon », souffla l’économe. Il était neuf heures vingt-neuf.<br />

L’archichancelier s’avança.<br />

« Alors, au revoir, Vindelle, dit-il en serrant la main<br />

parcheminée du vieillard. L’Université, sans vous, ça sera plus<br />

pareil.<br />

— Sais pas comment on va faire, ajouta l’économe avec<br />

reconnaissance.<br />

— Bonne chance dans l’autre vie, dit le doyen. Passez donc<br />

nous voir si jamais vous revenez dans le coin et que vous vous<br />

rappelez, vous savez, qui vous étiez.<br />

— Faut pas vous gêner, vous entendez ? » fit l’archichancelier.<br />

Vindelle Pounze hocha la tête de bonne grâce. Il n’avait rien<br />

entendu de ce qu’on lui avait dit. Il hochait la tête par principe.<br />

Les mages, comme un seul homme, firent face à la porte.<br />

Le panneau sous le 12 se releva encore brusquement.<br />

« Ding ding dong ding, annonça le démon. Dingueli-dingueli<br />

dong ding ding.<br />

— Quoi ? fit l’économe en sursautant.<br />

— Neuf heures et demie », traduisit le démon.<br />

Les mages se tournèrent vers Vindelle Pounze, la mine<br />

vaguement accusatrice.<br />

« Qu’est-ce que vous regardez comme ça ? » demanda-t-il.<br />

L’aiguille des secondes de la montre poursuivait sa course<br />

grinçante.<br />

« Comment vous vous sentez ? brailla le doyen.<br />

— Me suis jamais senti aussi bien, répondit Vindelle. Est-ce<br />

qu’il reste un peu… hmm… de rhum ? »<br />

Les mages réunis le regardèrent se verser une dose généreuse<br />

dans son gobelet. « Allez-y doucement, avec ce truc, fit<br />

nerveusement le doyen.<br />

— À votre santé ! » s’exclama Vindelle Pounze.<br />

L’archichancelier tambourina des doigts sur la table.<br />

« Monsieur Pounze, dit-il, vous êtes vraiment sûr ? »<br />

Vindelle était parti dans une digression. « Il reste des<br />

torturerillas ? Remarquez, je n’appelle pas ça manger, moi, fit-il,<br />

tremper des bouts de biscuits durs comme du bois dans un<br />

machin bourbeux, qu’est-ce qu’on trouve d’intéressant<br />

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