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03.07.2013 Views

Le vent souffla les herbes sèches du cimetière. Le seul être à prêter apparemment quelque attention à Raymond, c’était un corbeau solitaire. Raymond Soulier haussa les épaules et baissa la voix. « Vous pourriez au moins faire un petit effort, dit-il à l’autre monde dans son ensemble. Je suis là, à me décarcasser jusqu’à l’os… (il ouvrit et ferma les mains pour le prouver) et je n’entends pas le moindre remerciement. » Il marqua un temps, au cas où. Le corbeau, un des spécimens gros et gras à l’excès qui infestaient les toits de l’Université, pencha la tête de côté et posa sur Raymond Soulier un regard songeur. « Vous savez, fit l’orateur, des fois, j’ai envie de tout laisser tomber… » Le corbeau se racla la gorge. Raymond Soulier se retourna aussitôt. « Toi, tu dis un seul mot, fit-il, un seul putain de mot… » C’est alors qu’il entendit la musique. Ludmilla se risqua à décoller les mains de ses oreilles. « C’est horrible ! Qu’est-ce que c’est, monsieur Pounze ? » Vindelle s’efforçait d’enfoncer ce qu’il restait de son chapeau sur les siennes, d’oreilles. « Aucune idée, répondit-il. Ça pourrait être de la musique. Pour celui qui n’en a jamais entendu. » Il n’y avait pas de notes. Seulement des bruits qui voulaient peut-être passer pour des notes et qu’on avait enfilés comme on dessinerait la carte d’un pays qu’on n’a jamais vu. Hnyip. Ynyip. Hwyomp. « Ça vient d’en dehors de la ville, dit Ludmilla. Là où… tout le monde… se rend… Ils ne peuvent pas aimer ça, tout de même ? — Je vois mal pourquoi ils devraient aimer ça, fit Vindelle. — C’est que… Vous vous rappelez les ennuis qu’on a eus avec les rats, l’année dernière ? L’homme qui prétendait jouer d’une flûte dont uniquement les rats entendaient la musique ? — Oui, mais ça n’était pas tout à fait vrai, c’était un imposteur, le Fabuleux Maurice et ses Rongeurs Savants… — Mais imaginez que ce soit vrai quand même ? » - 220 -

Vindelle secoua la tête. « De la musique pour attirer les gens ? C’est là que vous voulez en venir ? Mais c’est faux. Nous, ça ne nous attire pas. Ce serait plutôt l’inverse, moi je vous le dis. — Oui, mais vous n’êtes pas exactement… humain, fit observer Ludmilla. Et… » Elle s’arrêta et rougit. Vindelle lui tapota l’épaule. « Très juste. Très juste. » Ce fut tout ce qu’il trouva à dire. « Vous savez, n’est-ce pas ? demanda-t-elle les yeux baissés. — Oui. À mon avis, il n’y a pas de quoi avoir honte, si ça peut vous aider. — Maman dit que ce serait affreux si on l’apprenait ! — Tout dépend de qui l’apprend, sûrement, fit Vindelle en lançant un coup d’œil à Lupin. — Pourquoi est-ce que votre chien me regarde comme ça ? demanda Ludmilla. — Il est très intelligent », répondit Vindelle. Il fouilla dans sa poche, en déversa deux poignées de terre et dénicha son agenda. Vingt jours avant la prochaine pleine lune. Ça valait quand même le coup d’attendre. Les débris métalliques commencèrent à s’effondrer du monceau. Des chariots vrombissaient tout autour, et une foule de Morporkiens debout en cercle s’efforçaient de percer du regard l’intérieur de l’enchevêtrement. La musique peu mélodieuse emplissait l’espace. « Voilà monsieur Planteur, dit Ludmilla tandis qu’ils se frayaient un chemin dans la cohue docile. — Il vend quoi, cette fois ? — Je ne crois pas qu’il cherche à vendre quoi que ce soit, monsieur Pounze. — Ça va si mal que ça ? Alors, la situation est sûrement grave. » De la lumière bleue s’échappait d’un des trous dans le tas. Des bouts de chariot brisé tombèrent par terre en tintant comme des feuilles de métal. - 221 -

Le vent souffla les herbes sèches du cimetière. Le seul être à<br />

prêter apparemment quelque attention à Raymond, c’était un<br />

corbeau solitaire.<br />

Raymond Soulier haussa les épaules et baissa la voix. « Vous<br />

pourriez au moins faire un petit effort, dit-il à l’autre monde<br />

dans son ensemble. Je suis là, à me décarcasser jusqu’à l’os… (il<br />

ouvrit et ferma les mains pour le prouver) et je n’entends pas le<br />

moindre remerciement. » Il marqua un temps, au cas où.<br />

Le corbeau, un des spécimens gros et gras à l’excès qui<br />

infestaient les toits de l’Université, pencha la tête de côté et posa<br />

sur Raymond Soulier un regard songeur.<br />

« Vous savez, fit l’orateur, des fois, j’ai envie de tout laisser<br />

tomber… »<br />

Le corbeau se racla la gorge. Raymond Soulier se retourna<br />

aussitôt. « Toi, tu dis un seul mot, fit-il, un seul putain de<br />

mot… » C’est alors qu’il entendit la musique.<br />

Ludmilla se risqua à décoller les mains de ses oreilles.<br />

« C’est horrible ! Qu’est-ce que c’est, monsieur Pounze ? »<br />

Vindelle s’efforçait d’enfoncer ce qu’il restait de son chapeau<br />

sur les siennes, d’oreilles.<br />

« Aucune idée, répondit-il. Ça pourrait être de la musique.<br />

Pour celui qui n’en a jamais entendu. »<br />

Il n’y avait pas de notes. Seulement des bruits qui voulaient<br />

peut-être passer pour des notes et qu’on avait enfilés comme on<br />

dessinerait la carte d’un pays qu’on n’a jamais vu.<br />

Hnyip. Ynyip. Hwyomp.<br />

« Ça vient d’en dehors de la ville, dit Ludmilla. Là où… tout le<br />

monde… se rend… Ils ne peuvent pas aimer ça, tout de même ?<br />

— Je vois mal pourquoi ils devraient aimer ça, fit Vindelle.<br />

— C’est que… Vous vous rappelez les ennuis qu’on a eus avec<br />

les rats, l’année dernière ? L’homme qui prétendait jouer d’une<br />

flûte dont uniquement les rats entendaient la musique ?<br />

— Oui, mais ça n’était pas tout à fait vrai, c’était un imposteur,<br />

le Fabuleux Maurice et ses Rongeurs Savants…<br />

— Mais imaginez que ce soit vrai quand même ? »<br />

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