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03.07.2013 Views

Le sifflement du sable s’enfla jusqu’à envahir la place. « Vous avez un dernier mot à dire ? — OUI. JE NE VEUX PAS M’EN ALLER. — Bon. C’est bref, en tout cas. » Pierre Porte fut surpris de voir qu’elle cherchait à lui prendre la main. Au-dessus de sa tête, les aiguilles de minuit se chevauchèrent. L’horloge émit un bourdonnement. La porte s’ouvrit. Les automates sortirent au pas. Ils s’arrêtèrent dans un cliquetis de chaque côté de la cloche des heures, se saluèrent et levèrent leurs marteaux. Dong. On entendit alors un cheval s’approcher au trot. Mademoiselle Trottemenu aperçut des taches bleues et violettes à la limite de son champ de vision, comme des éclairs d’images résiduelles sans images préalables. En tournant brusquement la tête et en regardant du coin de l’œil, elle distinguait de petites formes vêtues de gris qui voltigeaient autour des murs. Les revenueurs, se dit-elle. Ils viennent vérifier que tout se passe comme il faut. « Pierre ? » fit-elle. Il referma le poing sur le sablier doré. « C’EST PARTI. » Le bruit des sabots s’enfla et rebondit en écho sur les bâtiments derrière eux. « SOUVENEZ-VOUS : VOUS NE COUREZ AUCUN DANGER. » Pierre Porte recula dans l’obscurité. Puis il réapparut un bref instant. « EN PRINCIPE », ajouta-t-il avant de réintégrer les ténèbres. Mademoiselle Trottemenu s’assit sur les marches du beffroi et berça le corps de la fillette étendu en travers de ses genoux. « Pierre ? » hasarda-t-elle. Une silhouette à cheval pénétra sur la place. C’était bel et bien un squelette de cheval. Des flammes bleues crépitèrent sur ses os lorsqu’il s’avança au trot ; mademoiselle Trottemenu se surprit à se demander s’il s’agissait d’un vrai squelette, animé d’une façon ou d’une autre, l’ancienne structure - 214 -

interne d’un cheval, ou d’une créature qui se présentait naturellement sous forme de squelette. Des réflexions ridicules à se faire, mais elle préférait ça plutôt que s’attarder sur l’horrible réalité qui s’approchait. On le bouchonnait ou on l’astiquait ? Le cavalier mit pied à terre. Il était beaucoup plus grand que Pierre Porte, mais les ténèbres de sa robe dissimulaient le moindre détail. Il tenait un objet qui n’était pas exactement une faux mais qui en avait sans doute compté une parmi ses ancêtres, de la même manière qu’un instrument chirurgical, même le plus astucieusement conçu, compte un bout de bois quelque part dans son arbre généalogique. Ça n’avait qu’un lointain rapport avec le moindre outil ayant jamais tâté de la paille. La silhouette vint à grands pas vers mademoiselle Trottemenu, la faux sur l’épaule, et s’arrêta. « Où est-il ? — Vois pas de qui vous parlez, répondit mademoiselle Trottemenu. Et à votre place, jeune homme, je donnerais à manger à mon cheval. » La silhouette eut visiblement du mal à digérer l’information, mais finit par arriver à une conclusion, sembla-t-il. Elle se retira la faux de l’épaule et baissa le regard sur la fillette. « Je le trouverai. Mais d’abord… » Elle se raidit. Une voix dans son dos ordonna : « LÂCHE TA FAUX ET RETOURNE-TOI LENTEMENT. » Quelque chose à l’intérieur de la ville, songeait Vindelle. Les villes se développent, pleines de monde, mais elles sont aussi pleines de commerces, de boutiques, de religions et… C’est idiot, se dit-il. Ce ne sont que des choses. Ça ne vit pas. Peut-être que la vie, ça s’acquiert. Des parasites et des prédateurs, mais différents de ceux qui s’attaquent aux animaux et aux végétaux. Comme une forme de vie, grosse, lente, métaphorique, tirant sa subsistance des villes. - 215 -

Le sifflement du sable s’enfla jusqu’à envahir la place.<br />

« Vous avez un dernier mot à dire ?<br />

— OUI. JE NE VEUX PAS M’EN ALLER.<br />

— Bon. C’est bref, en tout cas. »<br />

Pierre Porte fut surpris de voir qu’elle cherchait à lui prendre<br />

la main.<br />

Au-dessus de sa tête, les aiguilles de minuit se chevauchèrent.<br />

L’horloge émit un bourdonnement. La porte s’ouvrit. Les<br />

automates sortirent au pas. Ils s’arrêtèrent dans un cliquetis de<br />

chaque côté de la cloche des heures, se saluèrent et levèrent<br />

leurs marteaux.<br />

Dong.<br />

On entendit alors un cheval s’approcher au trot.<br />

Mademoiselle Trottemenu aperçut des taches bleues et<br />

violettes à la limite de son champ de vision, comme des éclairs<br />

d’images résiduelles sans images préalables.<br />

En tournant brusquement la tête et en regardant du coin de<br />

l’œil, elle distinguait de petites formes vêtues de gris qui<br />

voltigeaient autour des murs.<br />

Les revenueurs, se dit-elle. Ils viennent vérifier que tout se<br />

passe comme il faut.<br />

« Pierre ? » fit-elle.<br />

Il referma le poing sur le sablier doré.<br />

« C’EST PARTI. »<br />

Le bruit des sabots s’enfla et rebondit en écho sur les<br />

bâtiments derrière eux.<br />

« SOUVENEZ-VOUS : VOUS NE COUREZ AUCUN DANGER. »<br />

Pierre Porte recula dans l’obscurité.<br />

Puis il réapparut un bref instant.<br />

« EN PRINCIPE », ajouta-t-il avant de réintégrer les ténèbres.<br />

Mademoiselle Trottemenu s’assit sur les marches du beffroi et<br />

berça le corps de la fillette étendu en travers de ses genoux.<br />

« Pierre ? » hasarda-t-elle.<br />

Une silhouette à cheval pénétra sur la place.<br />

C’était bel et bien un squelette de cheval. Des flammes bleues<br />

crépitèrent sur ses os lorsqu’il s’avança au trot ; mademoiselle<br />

Trottemenu se surprit à se demander s’il s’agissait d’un vrai<br />

squelette, animé d’une façon ou d’une autre, l’ancienne structure<br />

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