Pratchett,Terry-[Dis..
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Le fantôme hocha tristement la tête. La vie était douce à la forge. Edouard connaissait à peine le sens du mot ménage, et il était le champion du monde des distraits qui oublient leurs casse-croûte entamés. Le rat haussa les épaules et emboîta le pas à la petite silhouette en robe. Il n’avait guère le choix. Des flots de gens sillonnaient les rues. La plupart pourchassaient des chariots. Des chariots essentiellement remplis de ce qu’on les avait jugés aptes à transporter : du bois de chauffage, des enfants, des provisions. Et ils ne zigzaguaient plus, ils fonçaient à l’aveuglette, tous dans la même direction. On peut arrêter un chariot en le renversant ; ses roues tournent alors follement, inutiles. Les mages virent quelques enragés essayer de les réduire en miettes, mais les engins étaient pratiquement indestructibles – ils pliaient mais ne rompaient pas, et une seule roulette valide leur suffisait pour tenter vaillamment de reprendre leur course. « Regardez-moi celui-là ! fit l’archichancelier. Y a mon linge dedans ! Mon linge à moi ! Mince, c’est pas drôle ! » Il se fraya un chemin dans la cohue, plongea son bourdon dans les roues du chariot et le culbuta. « Difficile de faire un carton avec tous ces civils autour, se plaignit le doyen. — Il y a des centaines de chariots ! s’écriait l’assistant des runes modernes. De la vraie vhermine 15. Va-t’en, toi, espèce de fils de… espèce de fils de fer ! » 15 La vhermine est un petit rongeur noir et blanc des montagnes du Bélier. C’est l’ancêtre du lemming, lequel, comme on le sait, se jette systématiquement du haut de falaises et se noie dans les lacs. La vhermine faisait autrefois de même. L’ennui, c’est qu’un animal mort ne se reproduit pas, aussi au fil des millénaires a-t-on rencontré de plus en plus de vhermines issues d’ancêtres qui, au bord du précipice, avaient couiné l’équivalent chez les rongeurs de « C’est pas du boulot, ça ». La vhermine descend désormais les falaises en rappel et se construit de petits bateaux pour traverser les lacs. Quand sa migration la conduit au - 200 -
Il moulina de son bourdon vers un chariot importun. Le flot de paniers à roulettes s’écoulait hors de la ville. Les civils qui s’accrochaient encore abandonnèrent peu à peu ou tombèrent sous les roues bringuebalantes. Ne restèrent plus dans la marée métallique que les mages qui se lançaient des cris ou attaquaient l’essaim argenté à coups de bourdon. N’allez pas croire que la magie ne marchait pas. Elle marchait même plutôt bien. Une bonne décharge pouvait transformer un chariot en un millier de petits puzzles tarabiscotés en fil de fer. Mais à quoi bon ? La seconde d’après, deux autres engins roulaient dans un bruit d’enfer par-dessus leur semblable abattu. Autour du doyen, les chariots giclaient en gouttelettes argentées. « Il attrape bien le coup, hein ? constata le major de promo tandis qu’il aidait l’économe à basculer un panier de plus sur le dos en faisant levier, chacun avec son bourdon. — Ce qui est sûr, c’est qu’on entend beaucoup de “yo” », répliqua l’économe. Le doyen lui-même ne savait pas à quand remontait pareil bonheur. Soixante ans durant il avait obéi aux règles autorégulatrices de la magie, et soudain il s’amusait comme un fou. Il n’avait jamais compris que son désir profond, c’était de tout faire gicler autour de lui. Un jet de feu bondit de l’extrémité de son bourdon. Des guidons, des bouts de fil de fer et des roulettes qui continuaient de tourner pitoyablement plurent en tintinnabulant autour de lui. Le plus beau de l’histoire : les cibles étaient inépuisables. Une deuxième vague de chariots comprimés dans un espace plus étroit essayait d’escalader ceux qui gardaient encore le contact avec la terre ferme. Ils n’y arrivaient pas, mais ils essayaient quand même. Et fiévreusement, parce qu’une troisième vague les écrasait et les broyait déjà pour leur passer par-dessus. Sauf que le verbe « essayer » ne convenait pas. Il suppose une espèce d’effort conscient, il implique une décision dans un sens ou dans bord de la mer, elle reste assise sans rien faire en évitant de croiser les regards de ses congénères et s’en retourne de bonne heure afin d’éviter les bouchons. - 201 -
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C’est l’ancêtre du lemming, lequel, comme on le sait, se jette<br />
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se reproduit pas, aussi au fil des millénaires a-t-on rencontré de plus en<br />
plus de vhermines issues d’ancêtres qui, au bord du précipice, avaient<br />
couiné l’équivalent chez les rongeurs de « C’est pas du boulot, ça ». La<br />
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