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03.07.2013 Views

Mademoiselle Trottemenu entrebâilla la porte d’un poil. « Oui ? fit-elle avec méfiance. — C’est Pierre Porte, mam’zelle Trottemenu. On l’ramène. » Elle ouvrit davantage le battant. « Qu’est-ce qui lui est arrivé ? » Les deux hommes entrèrent maladroitement dans un frottement de semelles en essayant de soutenir une silhouette de trente bons centimètres plus grande qu’eux. La silhouette redressa la tête et loucha d’un air hébété vers la demoiselle. « J’sais pas ce qui lui prend, fit Duc Fondelet. — Une sacrée bête de travail, dit Guillaume Fausset. Avec lui, dame, vous en avez pour votre argent, mam’zelle Trottemenu. — Ça sera bien la première fois dans l’pays, répliqua-t-elle aigrement. — D’un bout à l’autre du champ, un vrai malade, l’essayait d’aller plus vite que l’bidule d’Edouard Bottereau. On était quatre à lier, fallait ça. Et il a failli gagner. — Posez-le sur le canapé. — On y a pourtant dit qu’il en faisait trop par un soleil pareil… » Duc tendit le cou pour inspecter la cuisine, des fois que des joyaux et des trésors déborderaient des tiroirs du buffet. Mademoiselle Trottemenu s’interposa. « J’en suis sûre. Merci. Maintenant, j’pense que vous avez envie de vous en retourner chez vous. — Si y a quèque chose qu’on peut faire… — Je sais où vous habitez. Même que ça fait cinq ans que vous avez pas payé d’loyer. Au revoir, monsieur Fausset. » Elle les poussa jusqu’à la porte qu’elle leur claqua au nez. Puis elle se retourna. « Qu’est-ce que vous m’avez fichu, monsieur soi-disant Pierre Porte ? — JE SUIS FATIGUÉ ET ÇA NE S’ARRANGE PAS. » Pierre Porte se prit le crâne dans les mains. « EN PLUS, FAUSSET M’A DONNÉ UNE BOISSON FERMENTÉE RIGOLOTE À BASE DE JUS DE POMME À CAUSE DE LA CHALEUR, ET MAINTENANT JE ME SENS MALADE. — Ça m’surprend pas. Il distille ça dans les bois. Les pommes, c’est pas la moitié de ce qu’il y a dedans. - 194 -

— JE NE ME SUIS ENCORE JAMAIS SENTI MALADE. NI FATIGUÉ. — Ça fait partie de la vie. — COMMENT LES HUMAINS ENDURENT-ILS ÇA ? — Ben, le jus d’pomme fermenté, des fois ça aide. » Pierre Porte, assis sur le canapé, fixait le carrelage d’un air sombre. « MAIS ON A FINI LE CHAMP, dit-il avec un léger accent de triomphe. TOUT EMMEULÉ EN TAS, OU PEUT-ÊTRE L’INVERSE. » Il se reprit à nouveau le crâne dans les mains. « AARGH. » Mademoiselle Trottemenu disparut dans l’arrière-cuisine. On entendit grincer une pompe. Elle revint avec un linge humide et un verre d’eau. « IL Y A UN TRITON DEDANS ! — Ça prouve qu’elle est fraîche 14 », répliqua mademoiselle Trottemenu qui repêcha l’amphibien avant de le relâcher sur le carrelage où il détala dans une fissure. Pierre Porte voulut se mettre debout. « MAINTENANT JE CROIS SAVOIR POURQUOI CERTAINES PERSONNES ONT ENVIE DE MOURIR, fit-il. J’AVAIS ENTENDU PARLER DE LA TRISTESSE ET DE LA SOUFFRANCE MAIS JE N’AVAIS PAS VRAIMENT COMPRIS JUSQU’ICI CE QUE ÇA VOULAIT DIRE. » Mademoiselle Trottemenu jeta un coup d’œil par la fenêtre poussiéreuse. Les nuages qui s’étaient amoncelés tout l’après-midi planaient au-dessus des collines, gris, teintés d’un soupçon de jaune menaçant. La chaleur oppressait comme un étau. « Un gros orage se prépare. — ÇA VA ABÎMER MA MOISSON ? — Non. Elle séchera après. — COMMENT VA L’ENFANT ? » Pierre Porte ouvrit la main. Mademoiselle Trottemenu haussa les sourcils. Le sablier d’or était là, l’ampoule supérieure presque vide. Mais il chatoyait, tantôt visible, tantôt invisible. 14 Pendant des siècles on a cru que des tritons dans un puits signalaient une eau fraîche et potable, et durant tout ce temps on ne s’est jamais demandé s’il arrivait aux tritons de sortir pour aller aux toilettes. - 195 -

Mademoiselle Trottemenu entrebâilla la porte d’un poil.<br />

« Oui ? fit-elle avec méfiance.<br />

— C’est Pierre Porte, mam’zelle Trottemenu. On l’ramène. »<br />

Elle ouvrit davantage le battant.<br />

« Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »<br />

Les deux hommes entrèrent maladroitement dans un<br />

frottement de semelles en essayant de soutenir une silhouette de<br />

trente bons centimètres plus grande qu’eux. La silhouette<br />

redressa la tête et loucha d’un air hébété vers la demoiselle.<br />

« J’sais pas ce qui lui prend, fit Duc Fondelet.<br />

— Une sacrée bête de travail, dit Guillaume Fausset. Avec lui,<br />

dame, vous en avez pour votre argent, mam’zelle Trottemenu.<br />

— Ça sera bien la première fois dans l’pays, répliqua-t-elle<br />

aigrement.<br />

— D’un bout à l’autre du champ, un vrai malade, l’essayait<br />

d’aller plus vite que l’bidule d’Edouard Bottereau. On était<br />

quatre à lier, fallait ça. Et il a failli gagner.<br />

— Posez-le sur le canapé.<br />

— On y a pourtant dit qu’il en faisait trop par un soleil<br />

pareil… » Duc tendit le cou pour inspecter la cuisine, des fois<br />

que des joyaux et des trésors déborderaient des tiroirs du buffet.<br />

Mademoiselle Trottemenu s’interposa.<br />

« J’en suis sûre. Merci. Maintenant, j’pense que vous avez<br />

envie de vous en retourner chez vous.<br />

— Si y a quèque chose qu’on peut faire…<br />

— Je sais où vous habitez. Même que ça fait cinq ans que vous<br />

avez pas payé d’loyer. Au revoir, monsieur Fausset. »<br />

Elle les poussa jusqu’à la porte qu’elle leur claqua au nez. Puis<br />

elle se retourna.<br />

« Qu’est-ce que vous m’avez fichu, monsieur soi-disant Pierre<br />

Porte ?<br />

— JE SUIS FATIGUÉ ET ÇA NE S’ARRANGE PAS. »<br />

Pierre Porte se prit le crâne dans les mains.<br />

« EN PLUS, FAUSSET M’A DONNÉ UNE BOISSON FERMENTÉE RIGOLOTE À<br />

BASE DE JUS DE POMME À CAUSE DE LA CHALEUR, ET MAINTENANT JE ME<br />

SENS MALADE.<br />

— Ça m’surprend pas. Il distille ça dans les bois. Les pommes,<br />

c’est pas la moitié de ce qu’il y a dedans.<br />

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