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03.07.2013 Views

orang-outan de cent cinquante kilos perturbe sensiblement la marche d’un individu, mais Vindelle le portait aussi facilement qu’une collerette. « Je crois qu’il nous faut l’Histoire ancienne, fit-il. Dites, vous ne pourriez pas arrêter de vouloir m’arracher la tête ? » Le bibliothécaire regarda autour de lui d’un air affolé. Normalement, sa technique ne ratait jamais. Puis ses narines s’évasèrent. Le bibliothécaire n’avait pas toujours été un anthropoïde. Une bibliothèque est un lieu de travail à haut risque, et une explosion magique l’avait transformé en primate. Humain, il s’était montré plutôt inoffensif, même si on s’était depuis tellement bien habitué à son nouveau physique que peu de gens s’en souvenaient. Mais la métamorphose avait ouvert la porte à tout un éventail de sens et de souvenirs d’espèce. Et l’un des plus profonds de ces sens, des plus essentiels, des mieux inscrits dans les gènes se rapportait aux formes. Il remontait à l’aube de la sapience. Des formes dotées de museaux, de crocs et de quatre pattes se rangeaient, dans l’esprit simien évolué, sous la rubrique « mauvaises nouvelles ». Un très gros loup était entré à pas feutrés par la brèche dans le mur, suivi par une jeune femme séduisante. Les plombs du bibliothécaire sautèrent momentanément. « Et je pourrais parfaitement, reprit Vindelle, vous nouer les bras dans le dos. — Eeek ! — Ce n’est pas un loup ordinaire. Vous avez intérêt à le croire. — Oook ? » Vindelle baissa la voix. « Et elle n’est peut-être pas techniquement une femme », ajouta-t-il. Le bibliothécaire regarda Ludmilla. Ses narines s’évasèrent encore. Son front se plissa. « Oook ? — D’accord, j’ai peut-être parlé un peu vite. Lâchez-moi, soyez gentil. » Le bibliothécaire relâcha son étreinte tout doucement et retomba par terre en laissant Vindelle entre Lupin et lui. - 186 -

L’ex-mage épousseta des éclats de mortier des restes de sa robe. « Il nous faut des renseignements sur la vie des villes, dit-il. En particulier, il faut que je sache… » Il entendit un petit bruit métallique. Un panier en fil de fer roulait nonchalamment autour du pâté des rayonnages les plus proches. Il était plein de livres. Il s’arrêta dès qu’il comprit qu’on l’avait vu, et s’arrangea pour donner l’impression de n’avoir jamais bougé. « Le stade mobile », souffla Vindelle Pounze. Le panier de fil de fer s’efforça de reculer petit à petit sans avoir l’air de se déplacer. Lupin gronda. « C’est de ça que parlait Un-homme-seau ? » demanda Ludmilla. Le chariot disparut. Le bibliothécaire grogna et partit à sa recherche. « Oh, oui. Quelque chose qui se rend utile, dit un Vindelle soudain en proie à une joie presque maniaque. C’est comme ça que ça marche. D’abord quelque chose qu’on veut garder et ranger dans un coin. Ils ne sont pas des milliers à trouver les conditions requises pour la métamorphose, mais ça n’a pas d’importance, vu qu’ils sont des milliers, alors sur le nombre… Puis, le stade suivant, c’est quelque chose de pratique, qui passe partout, que jamais personne n’imaginerait capable de se déplacer tout seul. Mais tout ça arrive au mauvais moment ! — Comment une ville peut-elle être vivante ? C’est uniquement composé d’éléments morts ! dit Ludmilla. — Comme les gens. Croyez-moi. J’en sais quelque chose. Mais vous avez raison, je trouve. Cette histoire-là n’aurait pas dû arriver. C’est toute cette force vitale en surplus. Ça… ça fausse l’équilibre. Ça donne une réalité à ce qui n’est pas véritablement réel. Et ça se produit trop tôt, et trop vite… » Le bibliothécaire poussa un cri perçant. Le chariot jaillit d’une autre rangée de rayonnages, les roulettes à peine visibles sous l’effet de la vitesse, et fonça vers le trou dans le mur tandis que l’orang-outan, accroché d’une main résolue, flottait dans son sillage comme un drapeau pansu. Le loup bondit. « Lupin ! » brailla Vindelle. - 187 -

L’ex-mage épousseta des éclats de mortier des restes de sa<br />

robe.<br />

« Il nous faut des renseignements sur la vie des villes, dit-il.<br />

En particulier, il faut que je sache… »<br />

Il entendit un petit bruit métallique.<br />

Un panier en fil de fer roulait nonchalamment autour du pâté<br />

des rayonnages les plus proches. Il était plein de livres. Il<br />

s’arrêta dès qu’il comprit qu’on l’avait vu, et s’arrangea pour<br />

donner l’impression de n’avoir jamais bougé.<br />

« Le stade mobile », souffla Vindelle Pounze.<br />

Le panier de fil de fer s’efforça de reculer petit à petit sans<br />

avoir l’air de se déplacer. Lupin gronda.<br />

« C’est de ça que parlait Un-homme-seau ? » demanda<br />

Ludmilla. Le chariot disparut. Le bibliothécaire grogna et partit<br />

à sa recherche.<br />

« Oh, oui. Quelque chose qui se rend utile, dit un Vindelle<br />

soudain en proie à une joie presque maniaque. C’est comme ça<br />

que ça marche. D’abord quelque chose qu’on veut garder et<br />

ranger dans un coin. Ils ne sont pas des milliers à trouver les<br />

conditions requises pour la métamorphose, mais ça n’a pas<br />

d’importance, vu qu’ils sont des milliers, alors sur le nombre…<br />

Puis, le stade suivant, c’est quelque chose de pratique, qui passe<br />

partout, que jamais personne n’imaginerait capable de se<br />

déplacer tout seul. Mais tout ça arrive au mauvais moment !<br />

— Comment une ville peut-elle être vivante ? C’est<br />

uniquement composé d’éléments morts ! dit Ludmilla.<br />

— Comme les gens. Croyez-moi. J’en sais quelque chose. Mais<br />

vous avez raison, je trouve. Cette histoire-là n’aurait pas dû<br />

arriver. C’est toute cette force vitale en surplus. Ça… ça fausse<br />

l’équilibre. Ça donne une réalité à ce qui n’est pas véritablement<br />

réel. Et ça se produit trop tôt, et trop vite… »<br />

Le bibliothécaire poussa un cri perçant. Le chariot jaillit d’une<br />

autre rangée de rayonnages, les roulettes à peine visibles sous<br />

l’effet de la vitesse, et fonça vers le trou dans le mur tandis que<br />

l’orang-outan, accroché d’une main résolue, flottait dans son<br />

sillage comme un drapeau pansu.<br />

Le loup bondit.<br />

« Lupin ! » brailla Vindelle.<br />

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