Pratchett,Terry-[Dis..

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03.07.2013 Views

Autre haussement d’épaules qui rendait presque audible la pensée : Pourquoi pas ? Qu’est-ce que j’ai d’autre à faire ? Si on m’avait dit il y a un mois, songea Vindelle, que quelques jours après ma mort je marcherais dans la rue, suivi par un croque-mitaine timide caché derrière une porte et en compagnie d’une espèce de version en négatif d’un loup-garou… ben, ça m’aurait sans doute drôlement fait rigoler. Après qu’on me l’aurait répété plusieurs fois, évidemment. Et fort. La Mort aux Rats rassembla ses derniers clients, parmi lesquels beaucoup s’étaient trouvés dans le chaume, et les conduisit au milieu des flammes vers la destination où se rendaient les bons rats. Il eut la surprise de croiser une silhouette en feu qui se frayait un passage à travers un fatras incandescent de poutres abattues et de planchers effondrés. Alors qu’elle gravissait l’escalier embrasé, la silhouette sortit quelque chose des restes calcinés de son vêtement et le tint soigneusement entre les dents. La Mort aux Rats n’attendit pas de voir la suite. Bien que par certains côtés aussi ancien que le premier proto-rat, il était également âgé de moins d’un jour et tâtonnait en tant que Mort, et il avait peut-être conscience que les battements sourds qui faisaient trembler la bâtisse provenaient de l’eau-de-vie se mettant à bouillir dans ses tonneaux. La spécificité de l’eau-de-vie qui bout, c’est qu’elle ne bout pas longtemps. La boule de feu dispersa des morceaux d’auberge sur près d’un kilomètre. Des flammes chauffées à blanc jaillirent des trous laissés par les portes et les fenêtres. Les murs explosèrent. Des chevrons en feu volèrent en ronflant au-dessus des têtes. Certains se plantèrent dans des toits voisins et allumèrent d’autres incendies. - 142 -

Ne resta plus de l’établissement qu’un rougeoiement pénible pour les yeux. Puis de petites taches opaques apparurent dans le rougeoiement. Elles se déplacèrent et se regroupèrent rapidement pour dessiner une haute silhouette qui s’avançait à grands pas en portant un fardeau devant elle. Elle traversa la foule couverte de cloques et remonta péniblement la route obscure et fraîche qui conduisait à la ferme. Les badauds se ressaisirent et la suivirent dans le crépuscule comme la queue d’une comète sombre. Pierre Porte gravit l’escalier donnant sur la chambre de mademoiselle Trottemenu et déposa la fillette sur le lit. « ELLE A DIT QU’IL Y AVAIT UN APOTHICAIRE PAS TRÈS LOIN D’ICI. » Mademoiselle Trottemenu s’ouvrit un chemin dans la cohue en haut des marches. « Y en a un à Chamblis, dit-elle. Mais y a une sorcière du côté de Lancre. — PAS DE SORCIÈRE. PAS DE MAGIE. ENVOYEZ-LE CHERCHER. ET TOUS LES AUTRES, VOUS PARTEZ. » Ce n’était pas un conseil. Ni même un ordre. Seulement une affirmation irréfutable. Mademoiselle Trottemenu agita ses bras maigres en direction des gens. « Allez, c’est fini ! Ouste ! C’est ma chambre, ici ! Allez, sortez ! — Comment qu’il a fait ? lança quelqu’un à l’arrière de l’attroupement. Personne aurait pu sortir de là-dedans vivant ! On a bien vu, tout a explosé ! » Pierre Porte se retourna lentement. « ON S’EST CACHÉS, dit-il. DANS LA CAVE. — Là ! Vous voyez ? fit mademoiselle Trottemenu. Dans la cave. C’est logique. — Mais l’auberge, elle a pas de… » objecta l’incrédule avant de s’arrêter net. Pierre Porte lui lançait un regard noir. « Dans la cave, se reprit-il. Ouais, ’videmment. Malin. — Très malin, conclut mademoiselle Trottemenu. Maintenant, allez-vous-en tous. » - 143 -

Autre haussement d’épaules qui rendait presque audible la<br />

pensée : Pourquoi pas ? Qu’est-ce que j’ai d’autre à faire ?<br />

Si on m’avait dit il y a un mois, songea Vindelle, que quelques<br />

jours après ma mort je marcherais dans la rue, suivi par un<br />

croque-mitaine timide caché derrière une porte et en compagnie<br />

d’une espèce de version en négatif d’un loup-garou… ben, ça<br />

m’aurait sans doute drôlement fait rigoler. Après qu’on me<br />

l’aurait répété plusieurs fois, évidemment. Et fort.<br />

La Mort aux Rats rassembla ses derniers clients, parmi<br />

lesquels beaucoup s’étaient trouvés dans le chaume, et les<br />

conduisit au milieu des flammes vers la destination où se<br />

rendaient les bons rats.<br />

Il eut la surprise de croiser une silhouette en feu qui se frayait<br />

un passage à travers un fatras incandescent de poutres abattues<br />

et de planchers effondrés. Alors qu’elle gravissait l’escalier<br />

embrasé, la silhouette sortit quelque chose des restes calcinés de<br />

son vêtement et le tint soigneusement entre les dents.<br />

La Mort aux Rats n’attendit pas de voir la suite. Bien que par<br />

certains côtés aussi ancien que le premier proto-rat, il était<br />

également âgé de moins d’un jour et tâtonnait en tant que Mort,<br />

et il avait peut-être conscience que les battements sourds qui<br />

faisaient trembler la bâtisse provenaient de l’eau-de-vie se<br />

mettant à bouillir dans ses tonneaux.<br />

La spécificité de l’eau-de-vie qui bout, c’est qu’elle ne bout pas<br />

longtemps.<br />

La boule de feu dispersa des morceaux d’auberge sur près<br />

d’un kilomètre. Des flammes chauffées à blanc jaillirent des<br />

trous laissés par les portes et les fenêtres. Les murs explosèrent.<br />

Des chevrons en feu volèrent en ronflant au-dessus des têtes.<br />

Certains se plantèrent dans des toits voisins et allumèrent<br />

d’autres incendies.<br />

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