Pratchett,Terry-[Dis..

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03.07.2013 Views

— Je ne pense pas qu’elle s’intéresse à la magie… En tout cas, d’après Raymond Soulier, il ne faut pas lui parler. Elle exploite les morts, qu’il dit. — Comment ça ? — Elle est médium. Enfin, plutôt petite taille. — Vraiment ? D’accord, on va la voir. Et… Crapahut ? — Oui ? — Ça fiche les chocottes, de vous sentir tout le temps derrière moi. — Je suis très embêté si je ne suis pas derrière quelque chose, monsieur Pounze. — Vous ne pouvez pas vous cacher derrière autre chose ? — Qu’est-ce que vous proposez, monsieur Pounze ? » Vindelle réfléchit. « Oui, ça pourrait marcher, fit-il doucement, mais faut pour ça que je trouve un tournevis. » Modo le jardinier, à genoux, paillait les dahlias lorsqu’il entendit dans son dos des raclements et des coups sourds réguliers, comme si on essayait de déplacer un objet lourd. Il tourna la tête. « Bonsoir, m’sieur Pounze. Toujours mort, à ce que j’vois ? — Bonsoir, Modo. Vous avez très bien arrangé le jardin. — Y a quelqu’un qui traîne une porte derrière vous, m’sieur Pounze. — Oui, je sais. » La porte glissa prudemment le long de l’allée. En passant devant Modo, elle pivota maladroitement, comme si celui qui la portait s’efforçait de rester le plus possible derrière. « C’est une sorte de porte de secours », expliqua Vindelle. Il marqua un temps. Quelque chose clochait. Il ne savait pas trop quoi, mais soudain ça clochait beaucoup dans le coin, comme lorsqu’on entend une fausse note dans un orchestre. Il passa en revue ce qu’il avait sous les yeux. « C’est quoi, cet engin où vous mettez les mauvaises herbes ? » demanda-t-il. Modo regarda l’engin en question près de lui. - 140 -

« Pas mal, hein ? fit-il. Je l’ai trouvé à côté des tas de compost. Ma brouette était cassée, j’ai levé les yeux, et là… — Je n’ai encore jamais rien vu de pareil, dit Vindelle. Drôle d’idée de faire un grand panier en fil de fer, non ? Et ces roues, elles n’ont pas l’air assez grandes. — Mais on arrive bien à le pousser avec le guidon, dit Modo. Ça m’étonne qu’on ait voulu le jeter. Pourquoi jeter un truc pareil, monsieur Pounze ? » Vindelle contempla le chariot. Il ne pouvait se départir du sentiment que l’engin l’observait. Il s’entendit dire : « Peut-être qu’il est venu ici tout seul ! — C’est ça, monsieur Pounze ! Il voulait un peu de tranquillité, sûrement ! railla Modo. Vous êtes un sacré numéro ! — Oui, fit Vindelle d’un air malheureux. On le dirait bien. » Il sortit dans la ville, conscient des raclements et des coups sourds de la porte derrière lui. Si on m’avait dit il y a un mois, songea-t-il, que quelques jours après ma mort je marcherais dans la rue, suivi par un croque-mitaine timide caché derrière une porte… ben, ça m’aurait drôlement fait rigoler. Non, ça ne m’aurait pas fait rigoler. J’aurais dit : « Hein ? Quoi ? Parlez plus fort ! » Et de toute façon je n’aurais rien compris. À côté de lui, on aboya. Un chien l’observait. Un très gros chien. En fait, la seule raison qui poussait à le qualifier de chien plutôt que de loup, c’est qu’on ne trouve pas de loups dans les villes, tout le monde sait ça. L’animal cligna de l’œil. Vindelle se dit : pas de pleine lune hier soir. « Lupin ? » hasarda-t-il. Le chien répondit oui de la tête. « Vous ne pouvez pas parler ? » Le chien répondit non de la tête. « Vous faites quoi, là, maintenant ? » Lupin haussa les épaules. « Voulez venir avec moi ? » - 141 -

« Pas mal, hein ? fit-il. Je l’ai trouvé à côté des tas de compost.<br />

Ma brouette était cassée, j’ai levé les yeux, et là…<br />

— Je n’ai encore jamais rien vu de pareil, dit Vindelle. Drôle<br />

d’idée de faire un grand panier en fil de fer, non ? Et ces roues,<br />

elles n’ont pas l’air assez grandes.<br />

— Mais on arrive bien à le pousser avec le guidon, dit Modo.<br />

Ça m’étonne qu’on ait voulu le jeter. Pourquoi jeter un truc<br />

pareil, monsieur Pounze ? »<br />

Vindelle contempla le chariot. Il ne pouvait se départir du<br />

sentiment que l’engin l’observait.<br />

Il s’entendit dire : « Peut-être qu’il est venu ici tout seul !<br />

— C’est ça, monsieur Pounze ! Il voulait un peu de tranquillité,<br />

sûrement ! railla Modo. Vous êtes un sacré numéro !<br />

— Oui, fit Vindelle d’un air malheureux. On le dirait bien. »<br />

Il sortit dans la ville, conscient des raclements et des coups<br />

sourds de la porte derrière lui.<br />

Si on m’avait dit il y a un mois, songea-t-il, que quelques jours<br />

après ma mort je marcherais dans la rue, suivi par un<br />

croque-mitaine timide caché derrière une porte… ben, ça<br />

m’aurait drôlement fait rigoler.<br />

Non, ça ne m’aurait pas fait rigoler. J’aurais dit : « Hein ?<br />

Quoi ? Parlez plus fort ! » Et de toute façon je n’aurais rien<br />

compris.<br />

À côté de lui, on aboya.<br />

Un chien l’observait. Un très gros chien. En fait, la seule<br />

raison qui poussait à le qualifier de chien plutôt que de loup,<br />

c’est qu’on ne trouve pas de loups dans les villes, tout le monde<br />

sait ça.<br />

L’animal cligna de l’œil. Vindelle se dit : pas de pleine lune<br />

hier soir.<br />

« Lupin ? » hasarda-t-il.<br />

Le chien répondit oui de la tête.<br />

« Vous ne pouvez pas parler ? »<br />

Le chien répondit non de la tête.<br />

« Vous faites quoi, là, maintenant ? »<br />

Lupin haussa les épaules.<br />

« Voulez venir avec moi ? »<br />

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