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03.07.2013 Views

c’est pas un passe-temps, gémit Arthur. Vampire, c’est pas aussi formidable qu’on le dit, vous savez. On peut pas sortir le jour, on peut pas manger d’ail, on peut pas se raser comme il faut… — Pourquoi vous ne pouvez pas vous… commença Vin-delle. — On peut pas se servir de miroir, le coupa Arthur. Et puis le coup de se changer en chauve-souris, je croyais que ce serait marrant, mais les chouettes du coin… pas chouettes du tout, des tueuses. Et pour ce qui est de… vous savez… avec le sang… ben… » Sa voix mourut. « Artoure n’a chamais eu le gontact facile avec les gens, précisa Dorine. — Et le pire, c’est d’être obligé de rester tout le temps en tenue de soirée. » Arthur jeta un regard en coin à son épouse. « Je suis sûr que c’est pas vraiment obligatoire. — Z’est drès imbortant de berbétuer la dradition », rétorqua Dorine. La comtesse, outre son accent un-coup-je-le-prends-un-coup-je-l’enlève, avait décidé de s’aligner sur la tenue de soirée d’Arthur avec ce qu’elle estimait de bon ton pour une femme vampire : une robe noire boudinante, de longs cheveux bruns coupés en V sur le front et un maquillage d’une pâleur extrême. Dame Nature l’avait conçue boulotte, les cheveux crépus et le caractère jovial. Les signes de conflit sautaient aux yeux. « J’aurais dû rester dans ce cercueil, dit Arthur. — Oh, non, fit monsieur Soulier. Ça, c’est la solution de facilité. Le mouvement a besoin de gens comme vous, Arthur. Il fallait donner l’exemple. Souvenez-vous de notre slogan. — Lequel, Raymond ? demanda Lupin d’un air las. On en a tellement. — “Inhumés, oui. Inhumains, non !” répondit Raymond. — Vous voyez, il est plein de bonnes intentions », dit Lupin, une fois la réunion terminée. Vindelle et lui rentraient à pied dans la lumière grise de l’aube. Les Nosferoutard avaient quitté la séance plus tôt afin de regagner leurs pénates avant que le lever du jour n’ajoute aux ennuis déjà nombreux d’Arthur, et monsieur Soulier était parti prononcer un discours, avait-il dit. - 112 -

« Il descend au cimetière derrière le temple des Petits-Dieux et il pousse des cris, expliqua Lupin. Il appelle ça réveiller les consciences, mais à mon avis, il se fait des illusions. — Qui c’était, sous la chaise ? demanda Vindelle. — Crapahut, répondit Lupin. Un croque-mitaine, à notre avis. — Les croque-mitaines sont des morts-vivants ? — Il ne se prononce pas. — Vous ne l’avez jamais vu ? Je croyais que les croque-mitaines, ça se cachait sous des trucs et… enfin, derrière des trucs et ça sautait sur les gens, quoi. — Pour se cacher, ça, il sait faire. Je suis moins sûr qu’il aime sauter sur les gens », dit Lupin. Vindelle réfléchit. Un croque-mitaine agoraphobe, ça complétait le lot. « Tiens donc, fit-il distraitement. — On continue d’aller au club uniquement pour faire plaisir à Raymond, reprit Lupin. D’après Dorine, ça lui briserait le cœur si on arrêtait. Vous savez ce que c’est, le pire ? — Dites toujours. — Des fois, il apporte une guitare et nous fait chanter des chansons comme Sous les ponts d’Ankh-Morpork et l’Internationale 12. L’horreur. — Sait pas chanter, c’est ça ? — Chanter ? Ce n’est pas ça le problème. Est-ce que vous avez déjà vu un zombi essayer de jouer de la guitare ? Le plus embêtant, c’est de l’aider à retrouver ses doigts après. » Lupin soupira. « Au fait, sœur Drulle est une goule. Si elle vous propose un pâté à la viande, refusez. » Vindelle se souvint vaguement d’une vieille dame réservée en robe grise informe. « Oh, mince, fit-il. Vous voulez dire qu’elle les farcit avec de la chair humaine ? — Quoi ? Oh. Non. Elle ne cuisine pas très bien, c’est tout. — Oh. 12 Une chanson qui, en diverses langues, est commune à tous les mondes connus du multivers. Ce sont toujours les mêmes gens qui la chantent, c’est-à-dire ceux auxquels, plus tard, la génération suivante la chantera. - 113 -

c’est pas un passe-temps, gémit Arthur. Vampire, c’est pas aussi<br />

formidable qu’on le dit, vous savez. On peut pas sortir le jour, on<br />

peut pas manger d’ail, on peut pas se raser comme il faut…<br />

— Pourquoi vous ne pouvez pas vous… commença Vin-delle.<br />

— On peut pas se servir de miroir, le coupa Arthur. Et puis le<br />

coup de se changer en chauve-souris, je croyais que ce serait<br />

marrant, mais les chouettes du coin… pas chouettes du tout, des<br />

tueuses. Et pour ce qui est de… vous savez… avec le sang…<br />

ben… » Sa voix mourut.<br />

« Artoure n’a chamais eu le gontact facile avec les gens,<br />

précisa Dorine.<br />

— Et le pire, c’est d’être obligé de rester tout le temps en tenue<br />

de soirée. » Arthur jeta un regard en coin à son épouse. « Je suis<br />

sûr que c’est pas vraiment obligatoire.<br />

— Z’est drès imbortant de berbétuer la dradition », rétorqua<br />

Dorine. La comtesse, outre son accent<br />

un-coup-je-le-prends-un-coup-je-l’enlève, avait décidé de<br />

s’aligner sur la tenue de soirée d’Arthur avec ce qu’elle estimait<br />

de bon ton pour une femme vampire : une robe noire<br />

boudinante, de longs cheveux bruns coupés en V sur le front et<br />

un maquillage d’une pâleur extrême.<br />

Dame Nature l’avait conçue boulotte, les cheveux crépus et le<br />

caractère jovial. Les signes de conflit sautaient aux yeux.<br />

« J’aurais dû rester dans ce cercueil, dit Arthur.<br />

— Oh, non, fit monsieur Soulier. Ça, c’est la solution de<br />

facilité. Le mouvement a besoin de gens comme vous, Arthur. Il<br />

fallait donner l’exemple. Souvenez-vous de notre slogan.<br />

— Lequel, Raymond ? demanda Lupin d’un air las. On en a<br />

tellement.<br />

— “Inhumés, oui. Inhumains, non !” répondit Raymond.<br />

— Vous voyez, il est plein de bonnes intentions », dit Lupin,<br />

une fois la réunion terminée.<br />

Vindelle et lui rentraient à pied dans la lumière grise de<br />

l’aube. Les Nosferoutard avaient quitté la séance plus tôt afin de<br />

regagner leurs pénates avant que le lever du jour n’ajoute aux<br />

ennuis déjà nombreux d’Arthur, et monsieur Soulier était parti<br />

prononcer un discours, avait-il dit.<br />

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