03.07.2013 Views

texte - Le Porche

texte - Le Porche

texte - Le Porche

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Compte rendu<br />

Tarmo KUNNAS, Heureux comme un Finlandais en France, traduit du finnois par Léa DE CHALVRON,<br />

Paul PARENT et Anne PAPART, Michel de Maule éditeur, « Territoires du Septentrion », 2006,<br />

368 pages, 24 €, ISBN 2-87623-163-8<br />

Présenté comme le regard sur la France d’un Finlandais bon connaisseur de ce pays, ce livre a fait<br />

pour l’heure, et à notre connaissance, l’objet d’une seule recension, due à la plume d’Adrien Jahier dans<br />

la revue spécialisée Nordiques 303 . Tarmo Kunnas, qui fut professeur à l’université Paris-III et le premier<br />

directeur du Centre culturel finlandais à Paris, arpente régulièrement la France à bicyclette, tout en<br />

étudiant son mode de vie et sa gastronomie. Il a même ses mois avignonnais, où j’ai le plaisir de le<br />

côtoyer ; je puis témoigner qu’il se sent heureux dans notre pays, comme les Juifs d’Europe de l’Est<br />

utilisaient le vieux proverbe yiddish « Heureux comme Dieu en France » (« Men ist azoy wie Gott in<br />

Frankreich »).<br />

L’auteur découvre que notre tradition méridionale cache des profondeurs sous des apparences de<br />

légèreté. Il est rassurant de penser que nous puissions donner une leçon de joie de vivre aux Nordiques.<br />

Nos deux traditions, toujours pensées comme complémentaires au sein de notre Association, ont même<br />

des affinités secrètes : défiance de l’artifice, courage face aux vicissitudes de l’existence. Et Tartarin de<br />

Tarascon peut être aussi tenace et discipliné qu’un luthérien du grand Nord.<br />

Une telle confession d’amour, non dénuée d’esprit critique, nous aide à dépasser les idées reçues.<br />

C’est un réel bonheur, pour nous, de constater une telle bienveillance sur notre pays et sur nous. <strong>Le</strong> jeu<br />

du miroir assure l’intérêt de cette lecture : un Finlandais nous découvre, ou plutôt se souvient de la<br />

façon dont il se familiarisa peu à peu à ce que nous sommes, ou plutôt à ce que nous étions. Quant à<br />

nous, lecteurs, nous découvrons autant la Finlande en ce Finlandais que la France par son regard acéré.<br />

Double, triple intérêt même du fonds de ce livre, que desservent, hélas, certains passages mal traduits.<br />

Ce livre mérite assurément d’être lu. En voici un extrait, généreusement autorisé par Tarmo<br />

Kunnas en personne, pour achever de vous en convaincre (pp. 117-119) :<br />

Au Moyen-Âge, la Finlande et la France appartenaient à la même Europe qui était unie par la culture<br />

latine et catholique. Avant la couronne de Suède, la Finlande était gouvernée par l’Église catholique, que ce<br />

soit d’un point de vue religieux, politique ou culturel.<br />

C’est dans ce con<strong>texte</strong> que les moines dominicains en mission, basés à Paris, fondèrent en Finlande le<br />

premier couvent de dominicains en 1249. Selon l’interprétation historique la plus répandue, au Moyen-Âge, les<br />

bacheliers qui allaient étudier à Paris au départ de la Finlande étaient en nombre plus important que dans les<br />

autres pays nordiques.<br />

La France était nommée dans les <strong>texte</strong>s finlandais médiévaux « Kaalimaa », c’est-à-dire « Gallia », la<br />

Gaule ; mais les missions catholiques étaient-elles finalement originaires de la Gaule et non des îles<br />

britanniques ? Difficile d’y répondre. Quoi qu’il en soit, les liaisons entre France et Finlande s’interrompirent<br />

avec la Réforme, au moment où les thèses de Luther déchirèrent « l’Union européenne du XVI e siècle ».<br />

Quelques voyageurs lettrés, comme l’écrivain Jean-François Régnard, se rendirent aussi en Finlande pendant<br />

les siècles qui suivirent. Mais dans leurs récits de voyage, ils mirent régulièrement l’accent sur ce qui leur<br />

semblait singulier et exotique dans le Nord, dans un pays peu peuplé. La Laponie ou les Sâmes étaient<br />

particulièrement au cœur de leur description.<br />

<strong>Le</strong> plus connu de ces voyageurs était le géographe et mathématicien Maupertuis, qui séjourna pendant<br />

un an dans la région de Tornionjokilaakso en 1737 pour savoir si la Terre était sphérique ou si elle avait plutôt<br />

la forme d’une mandarine ou d’un citron. Il parvint d’ailleurs à convaincre tout le monde que la terre avait la<br />

forme d’une mandarine, c’est-à-dire qu’elle était aplatie aux pôles. Dans son conte Micromégas, Voltaire luimême<br />

décrit le retour du groupe de Finlande dans le golfe de Bothnie. Maupertuis décrivit sous des couleurs<br />

exotiques les Sâmes païens et les Finlandais du Nord vivant au milieu de l’immense nature et des moustiques.<br />

Après la Révolution française, le futur roi de France Louis-Philippe, déguisé en commerçant allemand,<br />

s’aventura en Finlande du Nord et dans le presbytère d’Enontekiö. Il n’est pas complètement impossible qu’il<br />

y ait encore aujourd’hui trace des gènes royaux de la famille d’Orléans au-delà du Cercle polaire. <strong>Le</strong> jeune<br />

303 Adrien Jahier, compte rendu de « Tarmo Kunnas, Heureux comme un Finlandais en France », Nordiques, « <strong>Le</strong>ctures », n°<br />

14, été-automne 2007, p. 122.<br />

- 77 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!