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texte - Le Porche

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En parlant de l’engagement de Péguy à l’époque, il est impossible de ne pas mentionner l’affaire<br />

qui enflamme alors toute la France, en suscitant une sorte de guerre de religion. C’est en 1894 que le<br />

capitaine juif, Alfred Dreyfus est accusé d’espionnage. Sa condamnation et sa dégradation publiques,<br />

accompagnées des commentaires antisémites, attirent de vives protestations et notamment celle d’Émile<br />

Zola. L’orage se déclenche. Charles Péguy, ayant « dévoré » toute la presse concernant le procès,<br />

devient, dès le début de l’affaire, dreyfusard ardent. L’atteinte portée à la vérité et à la justice est à ses<br />

yeux abominable. Et cependant plusieurs militants socialistes refusent de prendre position dans cette<br />

querelle, considérée comme une affaire à l’intérieur de la bourgeoisie. La rupture prochaine commence<br />

à s’annoncer.<br />

En octobre 1897 Péguy épouse Charlotte Françoise Baudouin, socialiste elle aussi, et d’une<br />

famille athée, la sœur de son meilleur ami Marcel, mort prématurément. L’année suivante il fonde la<br />

librairie Georges Bellais, à deux pas de la Sorbonne. L’entreprise finit par échouer et Péguy y perd une<br />

bonne partie de la dot de sa femme.<br />

Suite à son activité trop dispersée, dès 1895 il renonce à son agrégation de philosophie, mais,<br />

sur l’insistance de ses maîtres, il reprend ses études et se présente au concours, où il échoue. Il quitte<br />

définitivement l’École. Cette rupture avec la carrière à l’université entraîne une autre, beaucoup plus<br />

douloureuse : celle avec sa mère qui a toujours voulu voir son fils professeur et le scandale provoqué<br />

par son adhésion au socialisme ne lui plaît guère. <strong>Le</strong> mariage avec mademoiselle Baudouin ne peut<br />

qu’approfondir sa rancune. Son fils souffre réellement de cette situation, car il a beaucoup d’admiration<br />

pour sa mère et il cherche à expliquer son attitude qui le heurte. « <strong>Le</strong>s contes que ma mère a imaginés<br />

sur ma nouvelle famille... Elle est moralement très malade... [...] Elle est venue rue de l’Estrapade faire<br />

une scène très bruyante. » 257<br />

Après Jeanne d’Arc Péguy se consacre essentiellement au journalisme. Il multiplie ses articles<br />

dans la Revue Blanche jusqu’au moment où il se décide à fonder la revue intitulée <strong>Le</strong>s Cahiers de la<br />

Quinzaine. <strong>Le</strong> contenu des Cahiers relève des genres les plus divers et le seul devoir que Péguy impose à<br />

ses collaborateurs est formulé en ces termes : « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire<br />

bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste [...] » 258 . Il faut<br />

rappeler que, dès Sainte-Barbe, le chef de la Cour Rose se passionnait pour le projet de créer un Journal<br />

Vrai. Jacques Viard, qui apprécie l’importance de l’entreprise, écrit :<br />

C’est une symphonie avec un soliste et des chœurs ou des demi-chœurs. Péguy dialogue avec<br />

l’orchestre de ses collaborateurs, romanciers, poètes, chroniqueurs, historiens, philosophes, géographes,<br />

germanistes, dramaturges, journalistes, voyageurs, observateurs politiques, mémorialistes etc., qui, en accord<br />

avec lui, ont écrits leurs Cahiers, (sur la Finlande ou sur l’armée, l’école, les juifs de Roumanie, Madagascar, la<br />

Pologne ou le Congo) et il dialogue aussi avec le chœur d’abonnés. Et il ne se contente pas d’écrire sa<br />

partition et de jouer sa partie-interrompue parfois pendant des mois, voire des années, il est le chef<br />

d’orchestre et il gouverne, comme il aimait dire, cette harmonie souvent concertante et souvent dissonante. 259<br />

<strong>Le</strong> premier cahier, qui voit le jour en 1900, porte le titre décidément optimiste <strong>Le</strong> Triomphe de la<br />

République. En octobre 1901 Péguy loue une boutique, rue de la Sorbonne, qui sera désormais connue<br />

comme celle des Cahiers. <strong>Le</strong> fondateur de la revue y passera désormais de longues heures, « allant et<br />

venant, le front noble, la flamme d’espoir aux yeux, mais les traits ravagés par la lutte, Péguy le chef de<br />

guerre à son poste de commandement. » 260<br />

257 Ch. Péguy, lettre du 16 septembre 1898 à son ancien professeur Paul Bondois, FACP, n° 10, mars 1950, p. 26.<br />

258 Ch. Péguy, <strong>Le</strong>ttre du Provincial [1900], A 291.<br />

259 Y. Rey-Herme, Péguy, op. cit., p. 70.<br />

260 L. Perche, Charles Péguy, op. cit., p. 47.<br />

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