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texte - Le Porche

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surnom du « Petit Caporal ». Un peu plus tard, il manifeste son ardeur combative en participant aux<br />

bagarres estudiantines qui animent le quartier et notamment les couloirs de la Sorbonne. Péguy incite<br />

« ses hommes » à l’attaque, en fredonnant : « Ah ça ira, ça ira ». Il se demande dans ses manuscrits<br />

comment devrait être l’attitude du grand capitaine envers la fortune changeante sur le front. La<br />

conclusion est toujours celle qu’il faut se battre sans se décourager de rien. En 1894, reçu à l’École<br />

normale supérieure, il adhère aussitôt au parti socialiste. Plusieurs biographes soulignent l’aspect<br />

« religieux » du socialisme de Péguy. Il en parle lui-même comme d’une religion du « salut temporel » ou<br />

bien de la « pauvreté temporelle » 254 .<br />

Dès 1895 Péguy demande au directeur de l’École un congé d’un an et il se rend à Orléans pour<br />

composer une pièce intitulé Jeanne d’Arc. Son projet initial est de créer un œuvre purement historique,<br />

mais il l’abandonne pour le drame en vers, capable d’exprimer beaucoup mieux l’histoire d’une vie<br />

intérieure. Jeanne tient à la fois de l’histoire et de la méditation personnelle. L’auteur s’inspire de l’image<br />

de la sainte présentée par Michelet au dixième tome de son histoire de France. Jeanne représente le<br />

peuple avec son expérience de la misère; elle incarne aussi la pitié fervente pour les pauvres. Au même<br />

temps c’est Péguy lui-même qui prête à l’héroïne ses propres sentiments et son désir ardent de<br />

combattre le mal. La dédicace du drame que nous voulons citer intégralement témoigne de sa foi en<br />

combat socialiste :<br />

À toutes celles et à tous ceux qui auront vécu<br />

À toutes celles et à tous ceux qui seront morts pour tâcher de porter le remède au mal universel ;<br />

En particulier,<br />

À toutes celles et à tous ceux qui auront vécu leur vie humaine,<br />

À toutes celles et à tous ceux qui seront morts de leur mort humaine pour tâcher de porter le remède au<br />

mal universel humain ;<br />

Parmi eux,<br />

À toutes celles et à tous ceux qui auront connu le remède, c’est-à-dire :<br />

À toutes celles qui auront vécu leur vie humaine,<br />

À toutes celles et à tous ceux qui seront morts de leur mort humaine pour l’établissement de la<br />

République socialiste universelle,<br />

Ce poème est dédié. 255<br />

Voilà comme la pensée de Péguy se développe progressivement, pour nous apporter enfin, de façon le<br />

plus implicite, la recette du salut. <strong>Le</strong> jeune socialiste, bouleversé par le spectacle du mal et en même<br />

temps enthousiaste de l’action, s’attache aux projets les plus ambitieux. Il en discute déjà avec ses amis<br />

de la Cour Rose. « Comment sauver ? »,se demande sa Jeanne. Car c’est le « salut temporel » (par<br />

opposition avec celui auquel croient les chrétiens) qui préoccupe l’auteur.<br />

Est-ce une bataille à gagner ? Jeanne d’Arc, drame en trois pièces (Domremy, <strong>Le</strong>s Batailles, Rouen)<br />

est publié en 1897. <strong>Le</strong>s exemplaires sont entreposés dans une librairie socialiste ou ils ne jouissent<br />

d’aucun succès. En 1897 sort des presses Marcel, le premier dialogue de la cité harmonieuse, qui<br />

présente le tableau de la cité utopique, habitée par des citoyens parfaits.<br />

Pendant un temps Péguy participe activement à l’œuvre charitable de saint Vincent de Paul et il<br />

devient même président de la conférence. Se déclarant athée, il se refuse seulement à prononcer la<br />

prière initiale. Il visite régulièrement une pauvre brodeuse qui se souvient de lui comme d’un jeune<br />

homme « si serviable, si complaisant... » Elle raconte : « Il avait pourtant beaucoup d’occupations, des<br />

examens, et bien, quand même il me tenait compagnie, jouait aux cartes avec moi et m’apportait des<br />

légumes , et même une fois, comme j’aime beaucoup les fleurs de la campagne, un bouquet. » 256<br />

(L’événement touche la vieille femme à ce point que, comme nous rapporte Louis Perche, elle ne se<br />

défait jamais de ces fleurs fanées et veut qu’elles soient déposées à sa mort dans son cercueil.)<br />

254 Ibidem, C 85.<br />

255 Ch. Péguy, Jeanne d’Arc [1897], P 27.<br />

256 L. Perche, Charles Péguy, op. cit., p. 99.<br />

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