texte - Le Porche

la poussière, car il est jeune encore, trente cinq a quarante ans tout au plus. L’expression du visage est d’un
calme infini [...]. Je me penche sur la plaque d’identité : Péguy. 246
Enfant modèle
[...] ils nous disaient que un homme qui travaille bien
et qui a de la conduite est toujours sûr de ne manquer de rien. 247
Charles Péguy est né le 7 janvier 1873 à Orléans, faubourg de la Bourgogne, la ville qui rendit
célèbre Jeanne d’Arc. Il est élevé par sa mère et sa grand-mère qui s’emploient au rempaillage de
chaises. Son père, vigneron, revenu malade de la Guerre de 1870, est mort quelques mois avant sa
naissance. Avec d’autres enfants le jeune Péguy suit les leçons de catéchisme et sa mère avec la grandmère
le renvoient a l’église, elles mêmes s’excusant par le manque de temps. Rappelons-nous à ce
moment ce que le jeune Péguy affirmera un jour : « Les treize ou quatorze siècles de christianisme
introduit chez mes aïeux, les onze ou douze ans d’instruction et parfois d’éducation catholique
sincèrement et fidèlement reçue ont passé sur moi sans laisser de traces. » 248
Et pourtant le souvenir restera dans sa mémoire de ce petit garçon « sérieux », croyant
« entièrement, et également, et de la même créance, à tout ce qu’il y avait dans la grammaire et à tout ce
qu’il y avait dans le catéchisme. » 249 Bien de fois encore le poète évoquera l’enfant qu’il était alors. Il est
signifiant que dans les biographies de Péguy, un des premiers chapitres porte souvent un titre de sorte :
« Une enfance exemplaire. » ou bien : « Un élève exceptionnel. » En tant que garçon très doué et
extrêmement appliqué Charles obtient une bourse d’État qui lui permet d’entrer en sixième au lycée
d’Orléans, ce qui n’est point commun dans sa couche sociale.
Premier en classe il l’est également en sport et il se prépare aux compétitions sportives avec
une application pareille. C’est a l’occasion d’un concours de jeux, organisé pour les lycées de la région,
que Charles écrit avec fierté dans la lettre a un de ses amis : « Je livre des batailles et je les gagne. » Cette
simple affirmation exprime bien le caractère intransigeant de Péguy et son attitude combative devant la
vie qui se manifestent dès son enfance.
Dans la même lettre il écrit : « Rien ne vaut faire son ouvrage soi-même. » 250 Il aime travailler.
Louis Perche nous en raconte un fait intéressant-lorsque sa mère l’appelle une fois à la fenêtre pour voir
le défilé du carnaval, petit Charles refuse avec fermeté : « Je n’irai pas, je n’ai pas trop de temps pour
achever ma carte de France. » 251 Le travail bien fait mérite tout son estime. Dans son autobiographie
Pierre. Commencement d’une vie bourgeoise, Péguy rappelle un certain culte du travail qui faisait partie de la
morale enseignée à ses contemporains par leurs maîtres d’école ainsi que par les parents et les prêtres. Il
évoque cette formation sans la condamner entièrement et cependant, bien plus tard, il ne pourra pas
s’empêcher de prononcer ce soupir désabusé : « Cette stupide morale, à laquelle nous avons tant
cru. » 252
Le petit caporal et ses rêves de jeunesse
Nous ne cherchions pas moins que le salut temporel de l’humanité [...] 253
En vue de la préparation à l’E.N.S, après l’échec au premier concours, Péguy passe une année à
Paris au Collège Sainte-Barbe. C’est une période importante pour le développement de sa personnalité.
Il se lie d’amitié avec Jérôme Tharaud, Joseph Lotte et Marcel Baudouin, en formant autour de lui le
groupe des Amis de la Cour Rose. L’ancien président de l’association scolaire d’exercices physiques est
toujours prêt à jouer le rôle du chef. Son attitude autoritaire ainsi que sa courte taille lui valent le
246 Le Figaro, 8 novembre 1932.
247 Ch. Péguy, L’Argent [1913], C 811.
248 Ch. Péguy, Toujours de la grippe [1900], A 453.
249 Ch. Péguy, L’Argent, C 805.
250 FACP 117, septembre 1965, p. 85.
251 Louis Perche, Charles Péguy, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1957, p. 12.
252 Ch. Péguy, L’Argent, C 811.
253 Ch. Péguy, Notre Jeunesse [1910], C 97.
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