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texte - Le Porche

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Sabachnikov, le poète a reconnu en elle les traits de la reine d’Égypte Tanakh, dont il avait vu la<br />

représentation sculpturale à Paris au musée Guimet.<br />

Il est significatif que Péguy décrive le passé comme un présent, tandis que Volochine voit dans<br />

le présent des échos du passé. Aussi toutes ses œuvres à titre « biblique » sont-elles consacrées à des<br />

événements dont il a été le témoin, mais qu’il a perçus à travers le prisme des thèmes bibliques. Seules<br />

les poésies consacrées à des saints concrets ont une base factuelle, pourtant ce qui intéresse de plus en<br />

plus le poète ce sont le testament spirituel qu’ils lèguent aux hommes et à tous les êtres vivants :<br />

Oiselets-oisillons, petits frères chéris,<br />

C’est pour vous aussi que le Christ descendit sur la terre.<br />

Ô bêtes mes sœurs, soyez fermes dans la foi :<br />

<strong>Le</strong> Roi du Ciel de la créature muette<br />

Aux bergers a donné faim, peur et froid.<br />

Il leur a appris l’humilité, les souffrances et la patience. 177<br />

Comment ne pas se souvenir à ce propos des versets qui inaugurent le dialogue utopique de<br />

Péguy Marcel. Premier dialogue de la cité harmonieuse :<br />

La cité harmonieuse a pour citoyens tous les vivants qui sont des âmes, tous les vivants animés,<br />

parce qu’il n’est pas harmonieux, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des âmes qui soient des étrangères<br />

[...].<br />

Ainsi tous les hommes de toutes les familles, tous les hommes de toutes les terres [...] sont devenus<br />

les citoyens de la cité harmonieuse, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des hommes qui soient des<br />

étrangers.<br />

Et ainsi tous les animaux sont devenus citoyens de la cité harmonieuse, parce qu’il ne convient pas<br />

qu’il y ait des animaux qui soient des étrangers.<br />

Aucun vivant animé n’est banni de la cité harmonieuse. 178<br />

La quatrième partie du « Saint Séraphin » de Volochine (1919, 1929) est aussi consacrée aux<br />

animaux :<br />

<strong>Le</strong> silence et l’austérité sont aimés des bêtes,<br />

Dans leur cœur ils honorent la prière et le silence ;<br />

[...]<br />

Non pour la bête mais pour l’homme<br />

Dieu descendit sur terre. La bête pourtant avant<br />

L’homme en Lui avait reconnu le Christ.<br />

<strong>Le</strong> bœuf et l’âne à la crèche de Bethléem<br />

Avant les mages honora l’Enfançon.<br />

Non esclave mais frère pour l’homme<br />

fut créé l’animal.<br />

Ainsi, pour Volochine comme pour Péguy l’harmonie la plus parfaite et la fraternité<br />

authentique, ce n’est pas seulement la fraternité des saints, c’est l’harmonie et la fraternité de tous les<br />

êtres vivants sur la terre : des saints et des pécheurs, et des chrétiens et des païens, et des hommes et<br />

des animaux : personne ne doit être chassé de la Cité harmonieuse – de la Cité céleste. C’est justement<br />

cet amour universel, cette science de compatir avec les saints, les pécheurs et la créature muette qui<br />

apparente les deux poètes et leur ouvre le chemin vers le Christ, en leur permettant de lever le voile sur<br />

le mystère de la vie.<br />

177 M. Volochine, « Saint François », 1919.<br />

178 Ch. Péguy, Marcel. Premier dialogue de la cité harmonieuse [1898], A 55-56.<br />

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