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texte - Le Porche

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Maximilien Volochine ne sentait pas moins vivement la beauté de cette vie de tous les jours,<br />

« cachée », dont parle Péguy :<br />

Dans la pluie Paris s’épanouit<br />

Vraie rose grise... 174<br />

Comme Péguy, le poète s’efforce de<br />

Tout voir, tout saisir, tout connaître, tout éprouver,<br />

Toutes les formes, toutes les couleurs les absorber par les yeux,<br />

Parcourir toute la terre à pas ardents,<br />

Tout percevoir, tout réincarner. 175<br />

Mais chez lui cet effort pour « tout éprouver » s’appuie au premier chef sur une perception<br />

visuelle, car il est aussi peintre. Bien qu’en lisant Péguy, on « voie » aussi comme avec les yeux du corps,<br />

jusqu’aux rides sur la face de Marie.<br />

Volochine tente de pénétrer jusqu’au profond du phénomène, d’en partager l’intimité, tout en<br />

restant malgré tout lui-même. L’histoire se présente à lui comme un ruban de Möbius, qui n’a ni<br />

commencement ni fin. À sa surface court une vague dont les hommes prennent le mouvement pour la<br />

marche de l’histoire. Si bien que l’éternité et l’instant vécu sont pour Volochine deux aspects de ce qui<br />

existait de toute éternité et existera à jamais. Comme Péguy, il perçoit le présent à travers le passé, à<br />

travers l’Antiquité :<br />

Ici était le bois sacré. <strong>Le</strong> messager divin<br />

Aux pieds ailés effleurait ces clairières<br />

Au lieu des villes ni pierres ni ruines.<br />

Sur les versants de bronze sautent les troupeaux de brebis.<br />

Dénudés sont les pentes des montagnes. <strong>Le</strong>ur cime dentelée<br />

Dans le vert crépuscule est mystérieusement triste.<br />

Pourquoi la nostalgie antique afflige-t-elle mon esprit prophétique ?<br />

Qui sait la voie des dieux – le début et la fin ? 176<br />

Et l’avenir est à travers le présent. En 1905, Volochine se trouvait à Saint-Pétersbourg quand éclata la<br />

première révolution russe. Dans son « Ange de la vengeance », il prédit et le futur soulèvement et la<br />

guerre civile :<br />

Au peuple russe : Je suis l’Ange triste de la vengeance !<br />

Et dans les blessures noires – dans la jachère labourée<br />

Je jette les semences. Ils sont passés les âges de patience.<br />

Et ma voix est tocsin. Mon gonfalon –comme sang<br />

Dans le cœur de la vierge je mettrai l’ivresse du meurtre<br />

Et dans l’âme des enfants – des rêves sanglants.<br />

O, pierres des pavés qu’une seule fois<br />

A touchées le sang ! Je connais votre compte.<br />

Et je maudirai les pierres d’une malédiction de soif éternelle,<br />

Et sang sur sang sans répit coulera.<br />

<strong>Le</strong> lexique de cette poésie comme dans beaucoup d’autres écrits de Volochine (« Ange de la<br />

Vengeance », « gonfalon », « sainte pitié », « signes du Poisson », « glaive de la justice », « semeur », « qui<br />

prend le glaive périra par le glaive ») nous renvoie constamment aux signes et aux symboles bibliques.<br />

Mais, comme on l’a dit, Volochine n’est pas seulement poète mais peintre. Voici pour pourquoi<br />

il distingue l’éternité dans le temps à travers ses objets extérieurs, visibles. Ainsi, épris de Margarita<br />

174 Maximilien Volochine, « Pluie », 1914.<br />

175 M. Volochine, « À travers un réseau de diamants a verdi l’horizon… », 1904.<br />

176 M. Volochine, « Ici était le bois sacré... »,1907.<br />

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