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texte - Le Porche

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II. Charles Péguy<br />

<strong>Le</strong>s conceptions religieuses de Péguy et son regard sur la Bible<br />

Tatiana Taïmanova & Élizavéta Léguenkova<br />

Université d’État & Université des Sciences sociales et humaines<br />

de Saint-Pétersbourg, Russie<br />

Charles Péguy est l’un de ces écrivains dont l’Écriture sainte est devenue non seulement le livre<br />

de chevet et la source d’inspiration mais aussi une instance authentique et ultime. Grâce au catéchisme<br />

de son enfance il assimila très tôt l’Histoire sainte. Ces premiers contacts avec la Bible déterminèrent<br />

pour toujours son rapport à celle-ci comme à un document humain, centre de la mémoire d’un peuple,<br />

fruit de l’activité de témoins et de chroniqueurs, légende, reflet de la réalité, vivante histoire de<br />

l’humanité, gravée dans le <strong>texte</strong>.<br />

L’œuvre de Péguy regorge de rappels et d’interprétations des personnages et des événements de<br />

l’Ancien Testament. Il parle des prophètes bibliques et de leur langue et sa lecture du Booz endormi de<br />

Hugo dans Victor-Marie, comte Hugo est demeurée célèbre (1911). Pourtant l’attention de l’écrivain se<br />

concentre au premier chef sur les Évangiles comme monument historique, réalisant un lien entre<br />

l’ancienne et la nouvelle histoire, le paganisme et le christianisme.<br />

Réfléchissant sur l’histoire de son temps, Péguy s’appuie le plus souvent sur les <strong>texte</strong>s du<br />

Nouveau Testament, utilisant les trois Évangiles synoptiques (Mathieu, Marc et Luc) et appelant leurs<br />

auteurs « les notaires de Jésus » 124 . Cette circonstance nous autorise à nous demander pourquoi c’est<br />

justement l’Évangile et non, par exemple, les prophètes de l’Ancien Testament qui séduit à ce point<br />

l’écrivain. Péguy lui-même a donné à cette question une réponse suffisamment claire.<br />

Dans la Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne on trouve des jugements sur le rôle<br />

de Jésus dans l’histoire universelle et sur la signification historique des Évangiles. Pour Péguy, Jésus est<br />

la figure clef de l’histoire universelle, « le plus grand saint, et le prince et le premier des saints » 125 .<br />

L’écrivain n’a aucun doute de la réalité de la figure de Jésus, et à la suite de Renan il voit dans les<br />

Évangiles un témoignage historique, le visage imprimé du Sauveur. Il écrit que Jésus est « une personne,<br />

vivante, il a une figure fort caractérisée, et dont les Évangiles nous donnent précisément le portrait » 126 .<br />

Parlant de la nature double, divine et humaine, de Jésus, Péguy souligne que les Évangiles le<br />

présentent surtout dans son hypostase humaine. Si l’être de Dieu est un absolu, rassemblant infiniment<br />

en Lui toutes les perfections métaphysiques, Jésus présente toutes les perfections inhérentes à l’homme.<br />

« Quand nous disons qu’un homme est saint, cet homme fût-il Jésus-Christ, nous n’entendons pas par<br />

là qu’il est sans aucune réserve et sans aucune limitation le siège de toutes les perfections, si on peut les<br />

nommer ainsi, le siège de toutes les vertus qui sont de l’homme même. Car la réserve et la limitation<br />

sont de l’homme même. Notamment la limitation dans le temps et le lieu. » 127 . Développant sa pensée,<br />

il en arrive à la conclusion que, « si Jésus homme et saint avait été un summum, un maximum<br />

mathématique et pour ainsi dire physique des vertus de l’homme, nous n’aurions pas besoin des<br />

Évangiles. Car nous n’aurions pas besoin d’un portrait. Et nous n’aurions pas besoin d’une histoire. Un<br />

summum, un maximum ne se peint pas, ne se conte pas. Il ne se représente pas. Il se calcule. Il se fixe en<br />

un point d’absolu et de perfection. Non evenit neque devenit. Cœli enarrant GLORIAM Dei. Mais ils ne racontent<br />

pas Dieu lui-même » 128 . Ainsi, les Évangiles se présentent dans la pensée de Péguy comme le portrait, la<br />

peinture du Christ et, par conséquent, l’écrivain les considère comme un <strong>texte</strong> littéraire, portant en lui<br />

un savoir historique sur Dieu dans son hypostase humaine.<br />

124 Charles Péguy, Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, C 1394. – Toutes les citations de cet article<br />

proviennent de cette œuvre, sauf mention contraire.<br />

125 C 1397.<br />

126 Ibid.<br />

127 Ibid.<br />

128 C 1398.<br />

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