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texte - Le Porche

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De là la possibilité d’une « action » de l’art : dans une variante du Cantique des Cantiques, Claudel<br />

rappelle : en pleine Angleterre, en plein XVIII e siècle, c’est Haendel et <strong>Le</strong> Messie ! À la rencontre du<br />

XIX e siècle et de son offensive, c’est la sublime prédication, c’est la poignante nostalgie de Ludwig van<br />

Beethoven » 22<br />

L’art : nous n’avons pas évoqué les églises (tant d’églises dans le <strong>texte</strong> de Claudel !) pour<br />

lesquelles les problèmes de la création artistique se posent autrement.<br />

Littérature<br />

Et peut-on, parlant de l’art, oublier l’écriture, la « littérature », et en plein XX e siècle<br />

« décadent », Paul Claudel ? Dans le chapitre IV de Seigneur, apprenez-nous à prier, qui s’intitule la<br />

séquestrée, on lit :<br />

[...] l’homme s’est fait sortir de dessous le cœur cette déléguée à la volupté, cette image de Dieu en<br />

lui qui préside obscurément à sa substance ! Rien de mortel désormais, aucune chair ne saura désormais<br />

remédier à cette énorme déchirure à son flanc que pour apparaître elle lui a faite ! La voici entre tes bras,<br />

Adam, cette promesse qu’à jamais – tu le sais et elle le sait ! elle est incapable de tenir ! tel est le sens<br />

poignant des plus fameuses figures de la Poésie : Béatrice, Dulcinée, Bérénice, la Sylphide de<br />

Chateaubriand, et celle qui sous des noms divers apparaît dans mes propres œuvres.<br />

Revoici le moi Claudel, l’écrivain – et l’homme aussi, n’en doutons pas. Ces formules montrent<br />

la symbiose qui s’est établie pour Claudel entre la lecture de la Bible, sa propre personne et la richesse<br />

du monde qui l’entoure : ici particulièrement féconde puisqu’il s’agit du type de création qui est celui-là<br />

même qui est le sien. Impossible de mieux montrer le rapport entre la lecture et l’analyse de la Bible,<br />

d’une part, et de l’autre la référence aux œuvres de fiction et sa propre personne, la vie et l’écriture de<br />

Claudel Paul. C’est toute la création claudélienne qui apparaît : l’amour du théâtre, c’est-à-dire le rapport<br />

parlé du moi et d’un Autre. Quel Autre ? sa fille, les êtres qu’il a connus, et Dieu lui-même : toute<br />

l’œuvre de Claudel est dialogue et pour lui la Bible aussi est Dialogue.<br />

À noter que les exemples littéraires sont liés entre eux, et liés ici à un mythe fondateur, celui de<br />

la femme et de son rapport avec le pouvoir d’amour de l’homme, une fois de plus toucher la vérité<br />

universelle de l’œuvre de Dieu. <strong>Le</strong> jeu avec les mythes, ceux de la création, ceux de la Bible, ceux des<br />

œuvres artistiques, on le retrouve à chaque pas dans ces commentaires de la Bible 23 .<br />

La substance de son récit, le Mythe : de là l’évocation si fréquente de ce qui est sa culture propre,<br />

son « matériau », tous les mythes de l’Antiquité. Et dans <strong>Le</strong> Cantique des Cantiques, un immense<br />

développement sur le feu, image récurrente dans la Bible ; Claudel le rappelle : « Il ne s’agit pas là de<br />

rêveries mystiques. L’amour, la passion est [...] l’aliment de toute notre littérature occidentale, dont elle<br />

est le principal pivot émotionnel » 24 . Et de citer Phèdre, Hélène, Cassandre : « Hélène, c’est la beauté<br />

que le Désir essaie de s’approprier pour en tirer jouissance. [...] Phèdre, Didon, c’est l’étreinte qui essaie<br />

de se faire préférer à une vocation plus haute et plus lointaine. Cassandre... là, comme il convient à la<br />

grandeur d’une âme comme Eschyle, nous touchons sous le masque à des mystères plus profonds : il<br />

s’agit d’un dieu jaloux et de cette vierge prophétique qui l’a trahi [...]. Et pourquoi n’ajouterais-je pas à<br />

ces figures [...] celles de Samson et Dalila ? (Jg 16) » 25 . <strong>Le</strong> mythe trouve sa place dans les œuvres<br />

païennes, mais l’Écriture lui donne aussi sa place et son sens. Et l’expérience, les lectures du moi Claudel<br />

font le lien. Tout peut servir à comprendre le <strong>texte</strong> sacré, qui en revanche aide à comprendre le sens des<br />

mythes.<br />

<strong>Le</strong> moi Claudel<br />

On voit comment l’autobiographique n’est pas seulement le retour poétique aux souvenirs de<br />

l’homme, il est aussi la manifestation de la totalité d’une culture, et c’est elle qui contribue à servir de<br />

22 P. Claudel, <strong>Le</strong> Cantique des Cantiques, en PB 2, p. 1583. Sic ! [NdA]<br />

23 p. 760.<br />

24 P. Claudel, <strong>Le</strong> Cantique des Cantiques, en PB 2, p. 196.<br />

25 P. Claudel, <strong>Le</strong> Cantique des Cantiques, en PB 2, p. 120.<br />

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